Elle était laide, veule, riche, aimable, cruelle et rusée. Un jour je la frappais de bois vert, le lendemain je goûtais l'absinthe en sa compagnie. J'aimais sa laideur, sa lâcheté qui me la rendaient à la fois proche et détestable, franche et insidieuse. Toutefois, soucieux de préserver ma réputation de collectionneur de papillons, j'évitais de m'afficher en public avec ce cafard.
Femelle elle était, sans finesse ni artifices. Laideron à l'état brut. Riche, elle pouvait théoriquement se permettre maintes dentelles et autres fanfreluches. Avaricieuse, elle s'interdisait cependant ces dépenses futiles... En outre elle avait conscience que l'excès d'apparats n'embellirait pas davantage ses traits ingrats ni ne redresserait son dos difforme, et que cela risquerait au contraire de la ridiculiser.
Je la détestais le lundi, l'adorais le mardi, la reniais le mercredi, la suppliais le jeudi, l'ignorais le vendredi, lui crachais au visage le samedi, allais à la messe avec elle le dimanche, à bonne distance de ses omoplates tordues. Question de pudeur.
Un jour au sortir de la messe je tentai de la soudoyer, à l'abri des regards : l'agrément de ma plume contre l'argent de la quête (précisons qu'elle était responsable de la corbeille sacerdotale...). N'étant point insensible à l'honneur littéraire, elle céda.
C'est la raison pour laquelle sous l'effet de mon art je fis de ce laideron corrompu l'héroïne de cette histoire.
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