Réussite professionnelle, assise sociale, respectabilité et reconnaissance par le mérite et le travail, lauriers, prestige et éclat par la fortune : les pires leurres du siècle passé éblouissent encore les membres les plus faibles, les moins évolués de notre société. Le profit matériel avant toute chose, la performance dans l'entreprise, la quête inlassable de la croissance économique à l'échelle nationale, la prospérité matérielle sur le plan individuel, la tentative d'épanouissement par les satisfactions les plus primaires, toutes ces aspirations futiles, immatures, irresponsables restent l'idéal de vie pour beaucoup de nos semblables encore englués dans leurs rêves de confort matériel.
Comme l'a si bien dénoncé le professeur Albert Jacquard, la poursuite d'une croissance économique sans fin est une pure aberration, une parfaite ineptie vouée au néant. Comme si un système économique pouvait indéfiniment courir après sa propre expansion, sans autre but que de s'étendre pour s'étendre... La recherche et l'entretien d'un équilibre économique au service de l'homme a plus de sens que la quête insatiable de croissance toujours plus effrénée, plus stérile au service de l'économie. L'évidence de cette sagesse pourtant élémentaire n'effleure même pas les esprits pollués par le conditionnement ambiant.
Sous nos molles latitudes les agences pour l'emploi, agences de travail intérimaire et autres sanctuaires dédiés à la cause socio-économique sont plus vénérés que les flèches de nos cathédrales désignant de célestes conquêtes. Une tête bien faite est avant tout une tête pour l'emploi. Le système ne reconnaît le salut que par l'effort dans le travail rémunéré, le sacrifice pour l'entreprise, le mérite professionnel. Celui qui s'écarte du chemin de l'emploi est un paria, un paresseux, un parasite, un rêveur improductif.
Subvenir à ses besoins superflus et à ceux de sa famille, partir au bord de la mer, offrir une cuisine équipée à sa femme, acheter une voiture neuve : le summum de la gloire. De nos jours le statut d'honnête homme s'obtient par les huit heures quotidiennes de travail rémunéré. Rien de moins, rien de plus.
Espoir des indigents, les agences pour l'emploi sont des boîtes à mirages qui font rêver le chômeur moyen persuadé que son salut est dans l'accès à l'automobile, à la propriété, aux loisirs... Vanité, insanités, misère de l'âme ! Ces promesses de bonheur sont aussi trompeuses que les images de nos écrans plasma qui, pour flatteuses qu'elles soient, ne changent en rien la qualité des programmes télévisés. Les bienheureux (les élus du système définitivement satisfaits de leur sort car sauvés de "l'enfer Chômage") auront beau posséder les écrans les plus chers, les plus plats, les plus vastes, les plus performants, invariablement ils applaudiront de sotte béatitude devant l'inanité de leurs émissions favorites... Peu importe, leur but sera atteint : faire partie des travailleurs. Un privilège. Une grâce. Un idéal.
Que l'on me permette de ne boire définitivement pas à cette fontaine de mensonges.
3 commentaires:
D'accord sur le fond.
Le travail salarié est une forme d'aliénation qui ne sert qu'à assouvir des envies matérielles résultant du mimétisme dont fait preuve l'homme.
Mais avouez que dans la société dans laquelle nous vivons, il y a des cas ou on est bien obligé de travailler.
Lorsqu'on a des enfants, non seulement il faut les nourrir mais les études ne sont pas gratuites !
Et certaines professions sont d'intérêt public.
Santé, transmission du savoir...
Le travail salarié, c'est comme le nucléaire, une réaction en chaine.
C' est un fait que cela pourrait être reconsidéré.
On pourrait briser la chaine.
Les missions d'intérêt public assurées à travers un bénévolat qui ne serait plus travail salarié mais don de soi.
C'est malheureusement utopique.
Non seulement il faudrait changer les mentalités mais ce qu'il faudrait, c'est supprimer l'argent. Le monnayable.
Et les exploiteurs donc, il n'y aurait plus d'exploités.
Et supprimer l'égoïsme aussi.
Un retour à la vie originelle.
Je n'ai, lors des différentes élections, vus aucun candidat qui proposait ce type de programme.
A cause ce la mondialisation peut-être?
Parce que cela devrait être mondial pour bien fonctionner.
Ou alors il faudrait s'enfermer en nos frontières, ce qui serait une atteinte à la liberté de circuler.
C'est tout le système qu'il faudrait changer.
C'est beau de résister à votre échelle individuelle.
Mais je crains que ce monde paradisiaque,cet Eden perdu, ce ne soit pas sur terre que nous le reverrons.
filledemnemosyne,
Je ne critique nullement le travail à travers ce texte. J'aime le travail et le défends comme un bien précieux permettant le progrès de l'homme, tant sur le plan individuel que collectif. Ce que je dénonce n'est pas le travail en lui-même mais le rapport dévoyé de l'homme, bêtement matérialiste, au travail. Sacraliser le travail parce qu'il permet de s'offrir un beau canapé, cela revient à sacraliser son canapé. Cette société frileuse et de plus en plus matérialiste a fait du travail une véritable religion à but égoïste et c'est bien ce que je lui reproche...
Raphaël Zacharie de IZARRA
C'est bien ce que j'avais compris.
Et quand je parle de "résistance" à votre échelle, je ne dis pas que vous vous vautrez dans la paresse. Bien au contraire.
Je vous trouve même très besogneux et je trouve admirable votre désintéressement.
L'homme a un rapport au travail bêtement matérialiste parce qu'il n'aime pas son travail.
Il faudrait peut être commencer par améliorer les conditions de travail, considérer ce qui est considérable, ne pas créer de clivage dans les entreprises.
Quand on a un président qui prône le "travailler plus pour gagner plus" comment voulez vous que ça aille.
Moi, je suis pour le travailler mieux pour être heureux !
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