Mademoiselle,
Soyez heureuse, car demain vous serez gratifiée d'un hyménée de choix. En effet, nous avons trouvé pour vous un excellent parti. Les noces auront lieu au manoir de votre futur époux, j'ai nommé Monsieur de la Roche-Maillard. Un élément de la meilleure noblesse.
Ce digne et sage homme n'a plus d'âge, et il s'appuie sur sa canne avec aristocratique prestance. Il vous donnera je l'espère, malgré ses rides, quelques aimables héritiers. Vous serez séduite, je crois, par une anodine singularité, un petit rien, quelque chose qui précisément apporte un certain charme à sa personne : c'est la bosse qu'il arbore sur le dos. Son panache en quelque sorte. Il en est particulièrement flatté. Et vous tâcherez d'être digne de cet objet de gloire.
Certes vous trouverez sans doute quelque reproche à faire à son aspect physique. Car enfin je présage que ses traits vous déplairont, vous êtes jeune encore et votre jugement est si léger, si vain...
Vous me rétorquerez que ce prétendant n'a pas un seul des agréments de votre ami Pierre, celui que vous semblez aimer en secret (oubliez-le plutôt, vous ferez mieux, je vous assure !). Il n'a point ces attraits juvéniles qui trouvent grâce à vos yeux, c'est bien vrai.
Et pour être franc avec vous Mademoiselle, je dirais même que ce galant est laid.
Fort laid.
Mais il faut vous dire, et vous me trouverez encore honnête avec vous ici, que votre soupirant est riche.
Fort riche.
De plus Monsieur de la Roche-Maillard est un noble vieillard plein d'expérience : son or n'a nullement été dilapidé sans fruit dans des fêtes et des ripailles comme le font les écervelés, tel votre stupide Pierre (lequel n'a pas même un début d'aisance).
Malgré son immense fortune Monsieur de la Roche-Maillard est sobre, voire avaricieux. Et c'est là une grande qualité. De fait vous n'aurez point souvent l'occasion de danser en sa compagnie. Votre toilette demeurera sobre et austère, par souci d'économie. Vous serez à la fois sa servante et la maîtresse de maison. Vous vous occuperez des chevaux vous-même, étant donné sa santé fragile. Votre admirateur est dans une vieillesse avancée, je vous le rappelle.
Bref, en tout lieu et toute circonstance vous porterez avec fierté, sévérité et reconnaissance son nom.
Demain l'on vous appellera Madame de la Roche-Maillard. J'attends vos mercis en retour à cette bonne nouvelle.
Au revoir, Mademoiselle.
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