Vous voilà donc mort Monsieur X.
La cigarette tue. A petit feu certes, mais elle assassine. Vous avez fini par le comprendre et finalement réussi à cesser de fumer. Mieux vaut tard que jamais... Vous avez pris de bonnes résolutions, c'est le moment de vous expliquer certaines vérités.
Vous ne m'appréciiez guère. Moi non plus. Je vous saluais avec condescendance, avec une authentique moue de supériorité. J'avais pitié de cet éternel abruti que vous étiez, incapable de la moindre profondeur de vue, de grandeur de sentiments, de noblesse d'âme. De la peine pour votre infirmité spirituelle, vos manières grossières, vos poumons enfumés. J'avais de l'indulgence, c'est pour cette raison que je ne vous haïssais point. Vous étiez un brave type. Un travailleur honnête, ponctuel. Moutonnier, apolitique. Enfin un peu à droite surtout. Comme moi. Raciste aussi, mais même ça je vous l'excuse.
Et puis vous étiez un fin épicurien aussi. Enfin ivrogne pour nous comprendre... A présent que vous êtes décédé, il ne faut pas dire "ivrogne". Ce n'est guère décent. On restera donc sur "épicurien".
Jusqu'au bout, vous aurez incarné la médiocrité. Vous n'aspiriez qu'à de modestes choses en ce bas monde : confort et biens matériels. Des valeurs à votre portée. Pas exigeant... Aujourd'hui vous êtes servi, vous avez le Ciel devant vous. Ca va vous changer de vos petits meubles et de votre télévision. Finalement je crois que je vous aimais bien Monsieur X.
En fait non, je ne vous aimais pas.
Ne m'en veuillez pas Monsieur X, c'est juste pour rire. Vous comprenez, badiner ? Le sens de la dérision, vous connaissez ? Non pas le vôtre, pas votre humour à vous. Je veux parler des gens qui savent se moquer sans montrer les dents. En finesse, subtilité, délicatesse. Ce qu'on appelle l'esprit.
Votre plus belle réussite fut involontaire : votre fille. Vous savez, votre progéniture que j'ai rencontrée un jour, que j'ai sortie de son milieu... Cette personne qui ne vous ressemble décidément pas. Intelligente, fine, cultivée, pleine d'éclat, diplômée. Tout le contraire de vous. A se demander si vous êtes bien son père...
Vous êtes trépassé, et je me devais d'attendre ce jour pour vous dire tout ça. Vous comprenez, vous m'auriez interrompu si j'étais venu vous raconter ça sur votre lit d'hôpital. Mais maintenant que vous êtes froid, c'est le moment idéal ! Au moins vous m'écoutez sans broncher. Et ça me soulage tellement de pouvoir vous dire ces mots bien en face...
Allez, cette fois je vous laisse Monsieur X. Je vous souhaite tout de même un bon voyage vers l'infini. Adieu donc. Adieu et sans rancune. Je vous laisse à votre destin, voguez donc en paix vers votre éternité. Je vous pardonne. Absolvez-moi, vous aussi. Je vous donne ma lumière.
2 commentaires:
beaucoup appris
Bonjour Anonyme,
Qui êtes-vous ?
Pouvez-vous me donner une explication sur votre bref commentaire ?
Merci.
Raphaël Zacharie de IZARRA
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