Monsieur,
Vous êtes à la tête d’une entreprise bien vile. La vocation populaire, généraliste de votre émetteur est l’aveu de la réussite du label «mauvaise qualité». Les couleurs de l'insignifiance sont portées très haut. Chez le troupeau de veaux qui tend quotidiennement l’oreille vers votre station, l’ineptie a acquis ses lettres de noblesse. Et sur une mer de vaguelettes un vent modéré mais certain vous pousse vers votre île rêvée, qui est également le rêve commun des auditeurs avides de «trucs géniaux», de «salut, comment ça va ?», de «gens sympas» de «chouettes musiques», et autres pollutions verbeuses de la même espèce.
Vous aliénez les foules. Vous vous faites le complice d’un terrorisme culturel, insidieux et criminellement sucré. Comme une coupe de poison à effet progressif, bordée de miel. Sous les apparences de la légèreté, de la «bonne humeur», véritable argument-arme qui vous assure l’adhésion populacière, vous blessez le bon goût, appauvrissez les cerveaux, tuez l’élégance. A travers les ondes vous semez au vent de la mode, dans l’air du temps, tout autour de vous et à des centaines de kilomètres à la ronde des germes qui provoquent la dégénérescence des esprits, comme le ferait une méchante radio-activité sur des cellules exposées.
L’activité de votre radio est hautement dangereuse, Monsieur.
Publicités au ton outrancier, politique de la moyenne, émissions bas de gamme, apologie de la «bonne humeur» bêtifiante, abrutissement sur tous les registres, promotion des arts mineurs, du cinéma commercial : derrière l’étendard sanctifié de la liberté d’expression tout est fait pour générer une implacable régression intellectuelle. Ce qui forme une agression mentale, un attentat psychologique permanents, le tout dilués dans la médiocrité culturelle générale déjà présente chez le peuple français qui somnole. Et tout passe, les meuglants boivent le lait distillé par les voies hertziennes et beuglent avec les animateurs.
Cet odieux conditionnement des gens du commun, ce nivellement des êtres vers le bas n’honorent pas vos fonctions, Monsieur. Je sais bien, vos diffusions n’ont pas pour vocation d’apporter la culture. Et c’est bien là qu’est le noeud de l’affaire. Sous prétexte de faire dans le divertissement, dans le "plaire au grand nombre", vous faites dans le mauvais, la stupidité, la sensibilité moyenne -qui est la plus grossière-, la pensée au rabais (standardisée selon les critères du monde du show-business, généralement).
Bref, vous faites dans la nullité totale. Et le malheur, c’est que vous avez l’assentiment de ceux qui vous écoutent, incapables de juger, de critiquer : ils sont à vous, ils ont même leur carte de fidélité greffée sur leurs neurones avachis. Ils engrangent scrupuleusement l’ineptie débitée et achètent la babiole proposée : grosse voiture ou bien contenu d'une gamelle pour chiens.
La vulgarité triomphe sous votre règne, le verbiage étant la loi de votre maison.
Pour être directeur d’une si importante maison (sur le plan des responsabilités humaines et économiques), il faut être largement au-dessus d’une certaine culture de masse. Ici vous êtes le serviteur de votre porte-monnaie et de la cause commune, c’est votre métier.
L’univers du baratin et du superficiel ne parvient pas, Monsieur, à me contaminer. Malheureusement, je sais que jamais vous n'oseriez tenir un discours à l’opposé de l’éloquence radiophonique ordinaire, sotte, vaine, niaise...
Je vous laisse à la bassesse de votre fonction et me félicite de ne point ressembler à la population bovine qui tète à votre antenne.
Vous avez mon mépris.
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