Le ciel était vaste, sombre et glacial.
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Et étrangement entrecoupé d’éclaircies, ce qui en cette fin d’après
midi donnait à la nue agitée un aspect irréel, une atmosphère
onirique.
Au crépuscule, le soleil éclaira la plaine toute entière. Avec le
vent froid et les nuées bouillonnantes, le couchant fut interminable, grandiose,
plein de tristesse.
Mais pas seulement.
Vingt ans après je m’en souviens toujours. C’était en septembre 1992,
j’étais sur une route nationale reliant Chaumont-sur-Marne à
Paris.
Qu’y avait-il de si remarquable dans ce soir enflammé de septembre ?
Tout en contemplant le spectacle de la saison derrière la vitre, je sommeillais
sur le siège passager du véhicule m’emmenant vers la capitale... Mais je ne
rêvais point.
Le mystère -car c’en était un- semblait se dérouler à
l’horizon, en réalité tout se passait en moi. A travers un tableau aux
dimensions cosmiques, les éléments mettaient en scène les étendues terrestres et
célestes autour de moi, autant dire l’Univers, mais l’essentiel consistait en
cet automne intérieur. Un septembre aux allures de mars. Le dégel de la pensée,
l’éveil de la sensibilité, les germes de la vie, entre lumières et giboulées,
pluies et bourrasques, ombres et lueurs, onde et feu.
J’avais la tête dans les nuages.
Joyeuses et glacées, tranchantes et mélancoliques, ténébreuses et
légères, telles m’apparaissaient les vagues de cet océan aérien de plus en plus
rouge, déjà obscurci par la fuite d’Hélios.
Si bien qu’à travers ces flammes crépusculaires à la densité
amplifiée, ma vision devenue nocturne se prolongea à l’infini. Et ma vision
intérieure s’élargissait, elle aussi, à l’infini.
Mes yeux accédaient bientôt aux étoiles entre deux trous de nuages,
mon âme à des astres immatériels.
Le monde palpable venait de s’entrechoquer avec la poésie dans
un fracas hautement spirituel. A partir de ce jour tout me parut beau dans la
Création : boue et diamant, gel et fonte, froid et sécheresse, clartés et
brouillards. Plus rien ne m’offensait entre sol et zénith. Loin sous mes pieds
jusque très haut au-dessus de ma tête, du vermisseau aux constellations en
passant par le sable, l’or et l’excrément, pour moi tout brillait
d’une égale gloire, tout procédait d’un même miracle sous mon regard
transformé.
Tard dans la nuit Paris fut à portée de vue, annoncé par ses.éclats
d’usage et de luxe. Je ne me souciais plus de la raison de ma venue dans la
ville lumière, cela n’avait plus d’importance.
Le ciel était vaste, glacial, encore plus sombre. Je ne savais plus
si nous étions en mars ou en septembre, noyé dans les brumes de
l’indéfinissable, hanté par ce crépuscule énigmatique que je n’oublierai
jamais.
Je décidai de descendre avant d’arriver à Paris et de poursuivre ma
route ailleurs, à la verticale, nulle part, au hasard...
Plus précisément, à l’ouest.
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