mardi 13 octobre 2020

1611 - Terre plate

Maurice MACHIN est un homme rangé, moyen, honnête. Ni trop à droite, ni trop à gauche dans les idées, modéré en tout, à vrai dire il n’a pas vraiment d’opinions politiques.

Non, son dada à lui n’est pas idéologique mais utilitariste. C’est le combat brut et vrai pour la survie. Une lutte pragmatique assez apolitique en fait...
 
Enfin pour être plus exact, ce qu’il nomme “survie” consisterait plutôt, aux yeux de certains critiques acerbes, en toujours plus de confort matériel.
 
Sauf que ces détracteurs jugeraient bien hâtivement les aspirations sociales terre à terre de Monsieur MACHIN : s’il poursuit ce but réaliste, concret, efficace, c’est qu’il eut une enfance indigente.
 
De ce fait, toute sa vie d’adulte n’est plus qu’une revanche enragée et insatiable pour accéder aux biens indispensables à l’existence terrestre. Ne manquer de rien, ne pas craindre le lendemain, rechercher inlassablement le plus, le mieux, le meilleur quand il jouit du bon, du bien, du beau, tels sont ses idéaux d’homme du XXième siècle.
 
A sa manière il contribue à perfectionner la société en s’engageant dans des associations de défense du consommateur afin de noblement faire valoir les droits des uns et des autres en proie aux petits tracas du quotidien. Ainsi il traque sans faillir les garagistes aux notes trop salées, fait traduire devant les tribunaux les gros industriels dont les produits électroménagers cachent des petits disfonctionnements, défend âprement les victimes de la hausse des prix, soutient sans compter les infortunés vacanciers retenus injustement dans les aéroports  pour causes de remous sociaux, etc.
 
Cet infatigable redresseur de tôles froissées milite pour toutes les causes à sa portée, susceptibles d’améliorer le sort de ses compatriotes. Il faut dire que Maurice MACHIN a une compréhension parfaitement pratique de la vie : avec lui on est certain qu’il n’y aura pas de baratin et que l’acheteur de canapé ou de camping-car ne sera jamais lésé, que le loueur d’appartement ne paiera pas plus à son propriétaire que ce qu’il lui doit, que l’usager de la poste se fera dûment rembourser en cas de non distribution de son colis...
 
Peu importent les moqueries que les railleurs, du haut de leur supériorité socio-culturelles et intellectuelles ne manqueront pas d’adresser à notre héros des casseroles percées et des carottes mal cuites, l’essentiel n’est-il pas, pour chaque homme, de ressentir cette satisfaction si valorisante d’oeuvrer dans le bon sens  et avec coeur ?
 
Il n’y a pas de petits gestes, il n’y a que de grands effets : c’est là la philosophie de Monsieur MACHIN.
 
Il a vécu en faisant beaucoup de vagues mais il est mort sans faire de bruit.
 
Nul ne retiendra son nom, pour le monde Monsieur MACHIN deviendra Monsieur Rien du tout.
 
Injuste, penserez-vous ?
 
Parfaitement normal au contraire car Monsieur MACHIN n’aura vécu que pour l’horizontalité, non pour la verticalité.
 
Dans les hauteurs de l’esprit, on ne retient que les noms d’oiseaux, pas les noms d’enclumes.

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