mardi 12 septembre 2023

2077 - Les toits

Les toits de nos maisons sont les derniers refuges isolés de nos cités, les horizons ultimes de notre monde urbain.
 
Plus proches du sol que du ciel et pourtant hors de notre portée, ces hauteurs à dimensions humaines ne sont paradoxalement accessibles qu'aux volatiles et aux félins. C'est même là leur céleste asile pour les premiers, leur terrain de jeu pour les seconds.
 
Rares sont les humains s'aventurant sur ces îlots verticaux.
 
Seuls les charpentiers, les ramoneurs et quelques étranges bipèdes voltigeurs y posent leurs pieds. Les autres n'y font que poser leurs regards ou bien laisser courir leurs rêves...
 
Ces endroits inhabitables situés loin du plancher des vaches sont les demeures privilégiées des êtres pleins de légèreté : ceux faits de plume et d'esprit essentiellement.
 
Les amoureux qui se cachent sous les lucarnes pour y laisser déborder leur folie romantique, ou leurs larmes, aiment à se retrouver à la même altitude que ces sanctuaires de chaume ou de roc où nul ne les voit, temples exposés à tous les vents, à toutes les clartés, à toutes les ondes. Là juste au-dessus de leurs têtes.
 
Quant aux poètes, ils s'attardent des nuits entières à imaginer que des histoires à dormir dans l'azur se passent secrètement là-haut... Jusqu'à ce que la Lune vienne les sortir de leur féconde torpeur en éclairant tuiles et ardoises de sa flamme morte, pendant que les sceptiques dorment.
 
Les saisons tantôt arrosent, tantôt assèchent ces lieux aussi pointus que pentus dans les fracas des jours tourmentés ou bien dans les silences des nuits gelées, tandis que plus bas la vie ordinaire coule paisiblement, indifférente aux brumes, aux feuilles échouées, aux égratignures des ans comme aux brûlures du Soleil, en ces points culminants...
 
Et c'est là, tout près des cheminées, au bord des gouttières, entre la caresse d'Éole et le vertige du vide que je me projette tel un oiseau ou bien un chat, perché sur les toitures de la ville, ainsi qu'un Quasimodo des sommets communs.

Et je me figure sur ces cimes, observant les hommes depuis ma tour d'ivoire faite de pierre et de zinc, roi des espaces aériens, ami des pluies, des tempêtes et des girouettes, comme si j'habitais désormais non plus sur Terre mais dans les nuages.

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