jeudi 30 novembre 2023

2106 - Je ne suis pas amoureux de Paris !

Pour moi Paris, c'est l'enfer de la France.
 
Notre capitale représente le sommet du "vertical de travers". Je veux parler, évidemment, de la zélée mais déplumée Tour Eiffel érigée en mémoire de la tranchante année 1789. Un monument de bonne ferraille et de mauvais esprit.
 
Dans les rues de Paname, les bouches de métro ont mauvaise haleine avec leurs gueules ouvertes à tous les matins de la déprime.
 
La Seine quant à elle, pue de ses égouts et vomit ses idées noires autant sur la rive gauche que sur la rive droite. Chez elle la grisaille est universelle. Et puis ses quais sont fréquentés par tous les pigeons de passage, c'est-à-dire les touristes idiots venus de l'autre bout du monde pour faire glisser leurs semelles sur les déjections de nos cabots inciviques !
 
Les boulevards de Lutèce débordent d'impolitesses couvertes de parfums artificiels. La saleté parisienne se vêt à la mode : sous le vernis de la civilité et le raffinement des apparences, se cachent des âmes en sabots qui parlent de gros sous et d'autres futilités avec de bien vulgaires manières !
 
Bref, ses trottoirs ne sont que des cloaques pleins de rats qui se croient à l'Opéra !
 
Ces rongeurs des beaux quartiers veulent chanter leurs salades en vogue au reste de notre pays, imposer leur faux-cols et répandre leurs airs de Pigalle jusqu'à faire taire les cigales de Marseille, mais, Dieu merci, en province nul péquenaud sensé ne croit à leurs sornettes guindées !
 
La pyramide du Louvre est un chapeau pointu qui fait turlututu à l'Histoire ! Vrai pied de nez aux conventions nationales, elle fait le clown dans son cirque sévère.
 
Avec l'Arc de Triomphe, c'est le pompon ! Ce haut-de-forme plein de prétention se prend pour le coeur d'une étoile. Sinistre héritage d'un régime régicide, je voue cette baudruche de pierre aux flammes de mon royaliste mépris !
 
La première cité des veaux français a décidément tous les défauts !
 
Le Panthéon ne vaut pas un rond à mes yeux ! C'est le temple pompeux des doctes menteurs, l'asile mortuaire des fous de la République, le tombeau des raclures de la Gueuse, le toit hautain des athées hantés par les ténèbres. Même Hugo a les pieds trop grands pour entrer dans ce truc trop étriqué. Son orgueil dépasse notre siècle d'au moins deux mètres ! Qu'importe ! Les lettrés éclairés l'ont garé là où elles ont estimé que la place était ajustée pour lui. Quelle mesquinerie !
 
Manifestement, la métropole a le chic pour réduire les géants à des moins que rien !
 
Et vous osez nommer cette Babel de notre hexagone la "Ville-Lumière" ?

Moi je préfère l'appeler la "vile ampoulée" !

VOIR LA VIDEO :

mercredi 29 novembre 2023

2105 - Un jour d'hiver à Warloy-Baillon

Je me revois, enfant, à Warloy-Baillon, dans la clarté radieuse d'un jour d'hiver, sous un soleil de cristal, la tête dans les nues, les pieds dans la neige, le coeur limpide...
 
J'ai douze ou treize ans, et je me trouve dans le fond d'un jardin en friche. Il fait froid, sec, la lumière est tranchante. J'erre en ce lieu improbable, entre mélancolie légère et sourde euphorie, le pas ralenti, le regard fouineur. Je marche, attentif aux moindres choses, pensif. Et même, assez méditatif. Curieux, je m'attarde sur des détails, des insignifiances, des vieilleries jonchant le sol, mais aussi sur le ciel, les arbres, le lointain.
 
L'instant n'est plus qu'un marbre taillé dans le silence.
 
Autour de moi, des broussailles, de la ferraille, divers matériels usagés. Au bout de ce terrain à l'abandon se dresse le hangard d'une entreprise d'installateur-chauffagiste.
 
Je sais pertinemment que je n'appartiens pas à ce monde de plomb, de réalisme brutal qui m'entoure. Et pourtant ces lourdeurs sous mes semelles ne m'indiffèrent pas. Plongé dans le siècle, traînant au milieu des ordures d'un quotidien pragmatique éclairé par un azur de glace, des fenêtres s'ouvrent en mon âme. Je m'étonne d'éprouver soudainement de l'amour pour la Création entière.
 
Je me sens emporté dans un bonheur vague et immense...
 
Aussi loin dans le temps que se situe cette scène, c'est comme si les années n'avaient jamais passé depuis ce moment figé dans l'éternité. Le souvenir de cette heure immortelle est toujours là, intense, lumineux, intact. Je le touche du bout des doigts.
 
Bref, nous sommes vers 1978, je suis un gosse vagabondant en un endroit incertain, un peu triste, un peu délabré, terne et désolé, et là sous l'éclat de janvier, je me mets à percevoir le Beau partout.
 
Des brumes de l'horizon, de l'atmosphère pétrifiée, mais également des murs de briques, des gouttières gelées, des buissons épars, de chaque objet que je vois par terre, oui jusque là, émanent des ondes d'indicible joie !
 
Une allégresse universelle monte en moi.
 
Entre l'authenticité des éléments naturels et les rebus de l'industrie humaine, étrangement il n'y a pas de rupture à mes yeux. Tout brille. Tout vibre. Tout est mystérieux. Même la laideur rayonne. 

Je suis tout jeune encore et je découvre l'essentiel. Je ne connais rien de la vie et je viens d'entrevoir l'absolu.

En 2023, je couche ces mots. Les décennies n'ont pas effacé mon expérience juvénile.
 
Certes, aujourd'hui j’ai parcouru bien du chemin... 
 
Mais c'est à partir de ce lopin désaffecté que pour la première fois de mon existence j'ai décollé jusqu'aux étoiles.

J'avais l'âge des grandes vérités, je crois.

VOIR LA VIDEO :

dimanche 26 novembre 2023

2104 - La femme soumise brille comme une casserole

Tandis que ce siècle glorifie la femme insoumise, émancipée, indépendante, je revendique ma préférence innée pour la ménagère soumise, l'épouse docile, l'amante rampante.
 
Moi, c'est la boniche naturellement sous mes pieds que j'encense. Et non la hyène rebelle et hystérique placée sur un trône mensonger par des caniches émasculés et pervers, soucieux de parité. L'égalité des genres est contre-nature : elle viole éhontément les principes de la Création et attente gravement à la fierté masculine.
 
Le couillu ne consent nullement au nivellement entre l'utérus et le phallus.
 
Contrairement à l'idéologue épilé, castré et muselé qui culpabilise d'être né avec une épée entre les jambes et souhaite instaurer chez les conjoints un "équilibre" chimérique parfaitement artificiel, (autrement dit qui souhaite céder son autorité à la suffragette), le taureau fort et intègre, demeuré entier, ne réclame aucune "justice" dans le couple car la seule équité qui vaille à ses yeux, c'est celle de la phallocratie triomphante !
 
L'Éve éternelle, je ne la conçois, selon mes critères, qu'affairée derrière ses casseroles, heureuse d'être enchaînée à son mâle, toute au service du seul bien-être de son mari,  admirative de sa virilité, pleine d'abnégation, de flamme et de respect pour celui qui, d'une poigne de fer, lui désigne sa véritable place.
 
Lui le maître, elle son ombre. Lui le Soleil, elle le sillon. Lui le lion, elle l'oiselle.
 
L'homme au-dessus, son gibier au-dessous. A hauteur de ses bottes, pour être précis.
 
Telle est la véritable loi de l'amour, chez moi.
 
Nul besoin pour le conquérant du sexe faible d'élever sa proie d'alcôve plus haut que nécessaire. Afin de préserver le bonheur de son esclave, l'époux attentionné doit charitablement rappeler à cette dernière de ne jamais tenter de dépasser ses limites génétiques, physiques, intellectuelles car la félicité de l'amoureuse n'est pas ailleurs qu'aux fourneaux et sur la paillasse.
 
Le tablier de la cuisinière et les dentelles de la séductrice : ces deux tenues sont suffisantes pour habiller avec décence, honneur et pragmatisme celle que son officiel ensemenceur aura élue  "reine du foyer".

C'est précisément là, que la femelle étincelle.

VOIR LA VIDEO :

samedi 25 novembre 2023

2103 - Les chouettes de Clinchamp

L'on pourrait aisément deviner que les chouettes de Clinchamp chuchotent à la Lune de champêtres chants effarouchants et, aux hommes qui daignent les écouter, des histoires sans fin à dormir avec le loup... Ce qui est exactement le cas !
 
Pour l'opportune raison que là-bas tout est manifestement différent que dans le reste du monde.
 
En effet, dans les obscurités de ce territoire isolé, séparé de tout, coupé de la civilisation, la réalité prend des allures de rêves et la moindre insignifiance est embaumée de mystère, que ce soit sous le ciel paisible, dans les fourrés plein d'épines, au fond des fossés bordés de fleurs ou bien sur l'herbe tranchante. Tout en ce lieu considérable se colore de folle poésie, s'allège de flammes ou de brumes, s'illumine de songes et s'enrichit de légendes.
 
Dès que la brise emporte une feuille, l'aventure commence ! A l'apparition d'une ombre, le vertige !  Au passage d'un papillon, l'ébranlement ! Sous la première bouse de vache, le grand voyage !
 
Dans cette ambiance onirique, les volatiles de la nuit ressemblent fatalement à des spectres d'opéra volant de chênes en clocher et s'exprimant tantôt à la lyre des airs, tantôt à la trompette des champs. Et lorsque le visiteur passe sous ce chapiteau céleste où fusent les esprits des bois et planent les fantômes de l'azur, soit l'effroi le pétrifie, soit l'enchantement lui donne des ailes.
 
Mais le pire c'est lorsqu'il est plongé dans le cauchemar de l'indifférence. Avec ses deux pieds  bêtes et pragmatiques pour seules compagnies, qui le mènent au royaume des platitudes.
 
Les oiseaux bien emplumés de ces terres profondes ont les légèretés de nos pensées les plus éthérées, pourvu que nous soyons à la même hauteur d'ondes que leurs plumes sans prix. Mais pour les âmes ternes, prosaïques, engourdies de certitudes rigides, ils apparaîtront comme des poids morts, sources de désillusions, d'ennui, de stériles insomnies.
 
Bref, c'est ainsi qu'au coeur de la campagne nocturne de Clinchamp, mais aussi au-dessus du village lui-même, les uns entendront de véritables romans colportés par le vent et éclairés par la lueur des astres, les autres n'y verront tout simplement que du feu !

Selon la sensibilité de chacun, soit ce sera le vide total au-delà des toits et du quotidien, soit sonnera l’heure de l'évasion absolue.

VOIR LA VIDEO :

mercredi 22 novembre 2023

2102 - Quand la tempête s'abat sur Clinchamp...

Les jours de tempête à Clinchamp, le vent ressemble a des hurlements de loup.
 
Et le paysage habituellement si serein se métamorphose en une mer d'angoisse.
 
Alors l'on peut entendre sur la campagne des plaintes, des grondements de bête et des pleurs étranges, comme si des ombres malheureuses sortaient des bois pour se répandre autour du village.
 
Est-ce la configuration particulière des lieux qui fait que là-bas le souffle de la nature prend des allures aussi mystérieuses ? L'espace semble pourtant n'avoir rien de spécial : une plaine, quelques buttes, des surfaces éparses de feuillus, des terrains sans grandes aspérités, bref juste une immensité découverte. Des étendues banales ainsi qu' il en existe beaucoup, partout en France.
 
Aucun signe perceptible n'annonce quoi que ce soit de différent...
 
Sauf que, sous les dehors anodins de ces terres anonymes, tout paraît à part pour qui vient de l'extérieur. De toute évidence, cet endroit n'est décidément pas comme les autres ! Il suffit simplement d'y mettre les pieds pour s'en rendre compte. Même si je n'ai nulle explication à ce phénomène, toujours est-il que le visiteur se sentira aux antipodes de son quotidien en parcourant ce pays.
 
Et donc, quand la tourmente vient troubler ce monde reclus, des portes s'ouvrent depuis tous les horizons, des présences surgissent d'on ne sait quelles profondeurs, et des clameurs recouvrent ce théâtre de tous les rêves. Qui pénètrent les choses autant que les êtres.
 
En altitude, à perte de vue, des formes émergent puis s'évanouissent au gré des nues changeantes. Et le tumulte des éléments fait naître des images fantastiques dans le lointain. La bourrasque devient tantôt aussi effrayante que des spectres éphémères, tantôt féerique telles des flammes venues d'ailleurs. Puis tout s'estompe, tout s'éteint pour se reformer aussitôt sous des aspects divers, inquiétants ou sublimes. Et bientôt tout se fracasse encore dans les gouffres célestes. Pour se rallumer dans de nouveaux feux d'artifices sombres ou éclatants...
 
En ces heures singulières où le ciel se déchaîne, parfois un visage se dévoile furtivement dans les hauteurs. Et cette face esquisse, selon les dires de certains, un sourire bienveillant. Ou ébauche une grimace moqueuse. En réalité personne ne sait trop bien. Nul n'ose avancer une réponse claire, réelle ou imaginaire. L'incertitude règne.
 
On le voit, dans ce coin inconnu de la Haute-Marne, l'ordinaire n'est qu'un masque derrière lequel se cache le fabuleux.

Moi je devine finement que ces traits vagues aperçus à travers les nuages, lorsque le temps est agité, ce sont ceux d'Éole qui, habillé de brume et de lumière, chargé de tonnerre, de tambours et de trompettes, vient faire son cirque à Clinchamp !

VOIR LA VIDEO :

lundi 20 novembre 2023

2101 - L'aile et la pierre

(Texte d'après un tableau du peintre Aldéhy)

Il fait face à la mer, le visage dans le vent, les yeux dirigés vers l'infini. Lui le rêveur, lui le vagabond, lui le papillon...
 
L'autre est arrivée au bout de son voyage. Assise au bord du rivage, elle tourne le dos aux flots, et regarde son passé. Elle la fabuleuse, elle l'irréelle, elle la légende...
 
Il est dans le jour. Elle est dans l'ombre.
 
Tous deux sont plongés dans leurs songes, chacun semblant ignorer son double.
 
Le premier a les pensées dans les airs, la seconde traîne des vieilles pierres mélancoliques dans la tête. Il espère, elle soupire. Il vole, elle vogue. Il est léger, elle est mystérieuse.
 
Il est libéré des pesanteurs temporelles, elle est chargée des fleurs séchées de ses souvenirs.
 
L'étoile rencontrera-t-elle la bulle ? La flamme se joindra-t-elle à la plume ? Le nuage croisera-t-il l'oiseau ?
 
Il est clair, elle est triste.
 
La hauteur n'est-elle pas faite pour la profondeur ? Ce qui est aérien n'est-il pas compatible avec ce qui est vaste ? Le ciel n'est-il pas l'asile du cygne ?
 
Lui, est dans la lumière. Elle, est dans le trouble.
 
L'azur qui se mêle à la brume offre toujours au monde des beautés crépusculaires.
 
Ils sont faits pour unir leur destin, mais ne le savent pas encore.
 
Bientôt le miracle aura lieu. Ils se prendront la main dans le chant des vagues.
 
Et ce sera bien mieux que du banal amour.

Entre eux, l'on assistera au triomphe de la Poésie.

VOIR LA VIDEO :

samedi 18 novembre 2023

2100 - Mes amis les maudits

Moi j'aime la compagnie des vrais gens, des êtres de chair ou de fer, et non de vent.
 
Je suis attiré par ces oiseaux épais, noirs, aux ailes vastes, aux chants lourds et aux becs fatidiques. Ces porteurs d'histoires vécues gardent leurs pieds de charbon enracinés dans le réel, loin des fétus de paille de ce siècle de légèretés, de tiédeurs, de pacotilles et d'idéologies inconsistantes.
 
Ils rugissent tels des carnassiers et rient pareils à des barbares, ce qui effraie les mauviettes. Plus proches des sangliers que des caniches, des aigles que des oisillons, des taureaux que des poulets, ces tempéraments virils font fondre d'une seule de leurs paroles de feu les guimauves tremblantes qu'ils croisent sur leur route vertueuse semée de pierres... Dotés d'épidermes d'épines et non de duvet, ils écorchent tout ce qu'ils touchent.
 
J'apprécie la proximité de ces hommes qui ont de la bouteille, une envergure de loup, une haleine de rat et des pognes comme des cailloux.
 
Avec, sur leur trogne balafrée, le poids implacable d'une destinée.
 
Véritables têtes brûlées, âmes authentiques, bien trempées, ces ogres en grosses bottes défendent sans peur leurs idées en roc, et tant pis s'ils passent pour des hôtes des cavernes et que leurs goûts sont démodés.
 
Leurs adversaires, c'est-à-dire les mollassons, les trouvent hideux avec leurs habits déchirés par la vie, leurs coeurs amers et durs salis par l'expérience et aguerris par l'aventure. Moi je les admire, ces beaux chouans, ces superbes corbeaux, ces dignes rustauds !
 
Même s'ils puent, même s'ils se mouchent dans les bonnes manières, même si répugnants et brutaux ils pissent sur vos semelles et jurent dans vos salons, parlent fort et vous crachent dessus leurs vérités sans nuance, ils me plaisent infiniment plus que ces brindilles émotives, sensibles, humanistes et tolérantes qui ne me destinent que leurs pensées flasques, leurs sentiments fades, leur amitié en toc et leur petite peau délicate parfumée de mensonges, d'artifices et d'écoeurantes mondanités.
 
Eux les maudits, eux les épouvantails, eux les affreux Jojo sont mes amis.
 
Et vous les détestez, bien proprets que vous êtes sous vos airs respectables, vous les moutons du système, vous les penseurs autorisés, vous les esprits encadrés, vous les citoyens rangés, sous prétexte que ce sont des racistes primaires, des antisémites avérés, des ennemis de votre démocratie, des anti-féministes assumés, des homophobes sans reproche, des français de souche attachés à leurs traditions...
 
Moi je les écoute, moi je les comprends, moi je leur tends la main.
 
Et je ne crains pas vos regards de vautours, vous qui les combattez à mille contre un après les avoir banni du forum public, sous couvert que vous êtes majoritaires.
 
Je les nomme sans honte "Conversano", "Soral", "Dieudonné", "Ryssen", "Reynouard", "Faurisson", "Renaud Camus"; "Jérôme Bourbon"...

Moi j'ai le courage de les suivre jusqu'au bout, pour l'urgente, l'unique, la primordiale raison que vous pensez qu'ils ont tort.

VOIR LES DEUX VIDEOS :


vendredi 17 novembre 2023

2099 - Le brouillard de Clinchamp

Lorsque le brouillard recouvre Clinchamp et l’obscurcit, l’effet est comparable au Soleil qui resplendit sur Paris, faisant rentrer ses rats dans les caniveaux, roucouler ses pigeons sur les quais, sortir ses habitants dans les jardins.
 
A l'image de Paname qui s'embellit à la belle saison, quand l'onde spectrale se répand dès octobre dans cette cambrousse refroidie, ses misères se dissipent, ses plus modestes abords prennent soudain de grands airs, ses petitesses deviennent des causes majeures et là seulement son visage glorieux se révèle, ses sommets faisant oublier ses platitudes.
 
Sauf que dans ce coin perdu les légèretés qui éclairent les âmes sont profondément hivernales, durablement austères, durement réalistes et non pas passagèrement printanières, vaguement romantiques ou sottement commerciales, comme dans la capitale.
 
Bref, ici plus qu'ailleurs, la brume transfigure le village.
 
Elle lui donne des allures augustes, des aspects graves, des élégances mortuaires. Et ajoute également des idées folles aux matins glacés qui font frémir les toiles d'araignée dans les ronces et brûler d'amour les grenouilles au fond de leurs mares !
 
Dans ce repli de la Haute-Marne rien n'est décidément pareil que dans le reste du monde : les fumées de la terre forment des haillons d'argent pour offrir des habits de rêve aux fantômes et des robes de mariées aux épouvantails. Les nappes d'ombre qui brillent dans ce trou de la France l'illuminent totalement. On a même entendu dire, d'après les anciens, que dans ce clocher méconnu la vaste humidité enflammerait le ciel d'un firmament de chimères et qu'à travers d'éphémères arabesques de grisaille les traits des morts apparaîtraient furtivement au-dessus des toits...

C'est pourquoi, paraît-il, les automnes embués de Clinchamp seraient hantés par autant de rafraîchissantes tristesses que d'ardents esprits.

VOIR LA VIDEO :

mardi 14 novembre 2023

2098 - Artiste de gauche

L'homme de gauche épris d'art est si prétentieux qu'il en devient volontairement incompréhensible, inutilement compliqué, vainement abstrait.
 
Fatalement imbuvable. Mais tellement chic...
 
Il a la simplicité, la clarté et la beauté naturelle en horreur.
 
Avec lui la lumière doit être obscure, l'esprit de travers, l'ordre tordu.
 
Sa pensée difficilement accessible débouche sur des sommets d'inanité qu'il enrobe de mille arabesques absconses, de savants enfumages, de complexes prétextes cérébraux. Sous son pinceau, sa plume ou sa guitare, le néant règne en maître.

Et la hideur, l'absurde, l'incompréhensible deviennent les valeurs suprêmes dans son olympe déréglé.
 
Aux yeux de cet esthète du progrès social, si vous ne comprenez rien à ses oeuvres d'avant-garde, c'est que vous êtes stupide.
 
Ou alors, ce qui revient au même, un prolo peu éduqué. Ou bien une brute insensible. Ou tout bonnement un ignare, un primaire, un arriéré qui se complaît nécessairement dans sa nullité...

Et si, pauvre imbécile sans instruction au bas de l'échelle culturelle que vous êtes, vous vous extasiez "béatement" sur les traits limpides d'Apollon, sur les lignes amènes de Vénus ou sur les grâces perceptibles de Virgile, c'est que vous n'êtes qu'un benêt bon à manger du foin ! Selon ses critères, vous incarnez la grossièreté, la vulgarité, l'archaïsme.

Le bohème de la cause libertaire méprise l'harmonie académique, l'émotion innée que l'honnête péquin éprouve pour pour le Beau, la joie directe qu'inspire le Soleil aux visages sans masque.

Hermétique, confus, déconnecté du réel, l'érudit gauchiste aime faire passer ses fausses profondeurs intellectuelles pour de vraies légèretés de l'âme.

En réalité, malgré ses fumées mentales, ses artifices esthético-élitistes, ses ailes lustrées, il est lourd, fat, pédant.

Ignoré par les ploucs provinciaux mais adulé par tous les pigeons de Paris.

VOIR LA VIDEO :

mercredi 8 novembre 2023

2097 - L'éternité dans la tête

Tandis que mes frères humains restés au niveau du sol comptent les gros écus de leur petit vécu, calculent leurs cotisations, accumulent leurs points retraite, attendent une augmentation de leur salaire, chèrement attachés qu'ils sont à leurs gains épuisables, à leurs termes limités, à leurs pensées bornées, se vantant d'avoir les pieds bien sur terre, moi je vise l'horizon et plus loin encore, léger comme l'éther, l'âme remplie d'azur et d'oiseaux, la tête vidée de tout plomb superflu.
 
Je n'ai pas de fil à la patte mais de l'éclat dans l'aile.
 
Né pour monter, voler, étinceler, seules les étoiles brillent à mes yeux car elles seules sont à portée de mes vues infinies.
 
Rien d'autre n'a plus d'importance à mon coeur que ce qui dépasse les astres, touche les constellations, s'approche des galaxies... Pour égaler l'éternité.
 
Je n'ai d'aspiration que pour la démesure du firmament.
 
Et les siècles sans fin qui vont avec.
 
Je ne suis ému que par le mystère du Cosmos, la profondeur de ses océans, la beauté de son insondable silence.
 
Et n'éprouve nulle compassion envers mes semblables bipèdes empêtrés dans leurs affaires minuscules, ne me sens aucunement concerné par leurs rêves de rampants, suis parfaitement insensible à leurs désirs mesquins, au contenu de leur gamelle de caniches, à leur sort de minables épris de canapés, préoccupés de pouvoir d'achat et n'espérant rien de plus élevé dans leurs existences de tubes digestifs stupides que des vacances à la mer et les cornets de glace qui les accompagnent.
 
Leurs misères et bonheurs au ras des pâquerettes ne m'inspirent que mépris. Je demeure indifférent aux souffrances salariales et joies matérielles de ces hommes sans hauteur encore au stade de chenilles stagnantes.
 
Ce qui se situe au-dessus de ma tête est digne de ma flamme, ce qui brûle dans le ciel mérite ma chandelle, ce qui palpite dans l'immensité vaut tout l'or du plancher des vaches.
 
Le reste n'est que poussière, lourdeurs, petitesses, trésors de larves, bons à être piétinés.

Vous les attardés, vous aurez droit à ma reconnaissance, à mon respect lorsque, enfin devenus des papillons, vous me parlerez à égalité, de sommet à sommet, là-bas loin de vos chaussettes, tout en haut de l'Univers, en pleine lumière.

VOIR LA VIDEO :

mercredi 1 novembre 2023

2096 - Toussaint à Clinchamp

La Toussaint à Clinchamp est le jour le plus fameux de l'année !
 
A cette date fatidique, les oiseaux sont morts, le ciel est chargé de marbre, les nuages tombent, les hommes ruminent et les vaches deviennent des statues.
 
La pluie, irrémédiable, ensevelit le village dans une vague de brume mêlée d'enclumes. Un désespoir palpable se fait sentir, froid comme la pierre, aussi noir qu'un coeur de rat.
 
Les labours, l'espace, les bois, se confondent alors à travers une même allure mortuaire.

Tout le paysage se transforme en une sorte de vaste sépulture. L'air se pétrifie, les âmes se liquéfient. Même l'horizon semble n'être plus qu'une fosse pleine d'obscurité où tout sombre, tout gémit, tout meurt.
 
Bref le monde s'effondre là-bas, aux yeux du commun, et aucun habitant des lieux ne trouve le moindre intérêt à sortir sous ces flots d'ombres et de pesanteurs.
 
Sauf que pour moi, c'est l'heure idéale pour me plonger dans cet océan de grisaille propice...
 
Une immensité crépusculaire qui m'enivre et m'emporte, m'allège et m'émeut. Des champs trempés de tristesse, semés de langueurs, alourdis de morosité qui m'ouvrent des voies intimes et me donnent accès à des hauteurs nouvelles...
 
Seuls les esthètes de mon espèce sont heureux dans ce décor ultime.

Rien de mieux qu'une nue plombée de mortelle détresse pour déployer mes ailes de corbeau !

C'est dans la molle tourmente de ce climat funeste qu'enfin je m'envole, prenant appui sur les pleurs de la saison, porté par les larmes de novembre, soulevé par les soupirs de la terre.

Je m'élève toujours plus, poussé par ce vent de sanglots, et une fois parvenu au sommet de cet univers aux apparences de malheur, loin du sol, hors de vue des mortels en sabots, je ne distingue plus qu'une plaine arrosée d'allégresse.

J'englobe de mon regard supérieur une campagne déserte, ténébreuse, figée, où sous formes d'intempéries la Création déverse sans mesure sa limpide et rude joie, son ardente flamme, sa féconde gloire.

Autrement dit, sa vraie lumière.

VOIR LA VIDEO :