dimanche 9 mars 2025

2254 - J'ai entendu une musique de l'an 3000

Des forces mystérieuses dont je ne pourrais expliquer ni l'origine ni la raison se sont heurtées à ma réalité de tous les jours et mon esprit s'est envolé vers des hauteurs fabuleuses.
 
Ravi du présent par un souffle inconnu, j'ai fait une incursion dans un futur lointain.
 
Ai-je vécu cette histoire palpable en perdant connaissance ? Ou bien rêvé debout, dur comme fer, un monde hors de notre portée ? Comment savoir ? Vision de feu ou matérialité subtile traversant ma tête toute étourdie ? Je l'ignore. Toujours est-il que je suis parti. Ce voyage extraordinaire a duré quelques minutes. Transporté je ne sais comment en un siècle inconcevable, j'ai pu accéder à une expérience prodigieuse.
 
Revenu sain et sauf de cette aventure fulgurante, je vais vous rapporter les merveilles perçues lors de mon bref séjour.
 
Bien que j'ignorasse où je me trouvais précisément, en France ou ailleurs, fort étrangement je savais pourtant de manière certaine que ma conscience, éjectée momentanément de mon corps, venait d'atterrir quelque part sur cette Terre vers l'an trois mille de notre ère.
 
Un saut de mille années en avant !
 
Là je fus témoin d'une scène assez vague mais intense : une assemblée d'humains disposés en cercle, les uns s'affairant autour d'objet indéfinis au premier abord, les autres les observant. Les paroles, la langue, les gestes de ces gens m'étaient étrangers. Je n'ai pas saisi immédiatement de quoi il était question.
 
Mais j'ai très clairement entendu.
 
Ces hommes et ces femmes réunis sous ce ciel serein d'un autre millénaire jouaient de la musique. Jamais mes oreilles n'avaient ouïe de tels sons. Ces ondes me paraissaient bleues, blanches, claires, et elles me pénétraient, résonnaient dans mon âme comme autant d'ailes. Pareilles à de vivantes plumes, elles tournoyaient dans l'azur de mon être. Ces notes brillaient, s'allégeaient pour devenir des papillons, des oiseaux, des flammes.
 
En écoutant cette composition musicale, un surplus d'humanité entra en moi. C'est-à-dire, une vague de divinité, un flot de nuages, un flux céleste. Une caresse sacrée et un orage de délicatesses à la fois, une gerbe d'étoiles et une braise de fleurs mêlées. La gifle magistrale du Cosmos contre ma face de rat ! La brûlure de la beauté sur mes médiocrités de mortel... La flèche de la pureté suprême dans mon coeur alourdi de péchés.
 
L'harmonie produite par ces instrumentistes prenait racine dans des sources vertigineuses, dissimulées aux intelligences de notre époque. L'on interprétait une oeuvre classique, cela se sentait. Je distinguais des formes pleines de sens et de profondeur, des reflets éclatants sur des matières savamment forgées, des lignes élégantes conçues pour des causes supérieures.
 
De cet orchestre sortaient un chant de vie.
 
La mélodie était émise par des ventres, des gorges, des flancs et des bouches plus que par de simples cordes et cuivres. Les artistes de ce temps avaient de toute évidence accès à des sphères encore invisibles à nos yeux profanes.
 
Jamais je n'oublierai les altitudes où ces accords m'ont emporté !
 
De retour sous notre Soleil actuel après cet inexplicable bond temporel, je savourai longtemps le nectar de l'éternité dont je venais de boire une gorgée.

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