mercredi 28 mai 2025

2314 - Le renard

Certains jours je vois rôder un intrus autour de ma masure. Toujours le même avec ses passages furtifs et ses intentions secrètes. Il s'agit d'un renard, aussi curieux que froussard.
 
On s'épie mutuellement, lui tapi dans les herbes hautes, moi posté derrière ma lucarne. Il ne guette assurément pas mon refuge isolé pour traiter d'affaires gastronomiques avec des poules, étant donné que je n'en ai pas. Le but de ses visites semble tout autre.
 
Intrigué par ma présence sur ce territoire forestier, il doit se demander quelle drôle de volaille sans plume (et possiblement non comestible) je peux bien être...
 
En fait d'oiseau rare, je suis surtout un hôte sacré des bois. L'homme le plus sauvage de ce siècle, l'incarnation à deux pattes la plus éloignée du bipède contemporain, le solitaire le plus proche de la faune qui soit. Mais ça, il ne le sait pas.
 
Je crois même être encore plus rustique que ce raffiné quadrupède à la queue en forme de panache. Avec ma cloche de paille sur la tête et mes semelles comme des bûches, j'apparais tel un natif de la sylve, l'ami des arbres, le confident des souches, l'ombre de la forêt.
 
Ou peut-être, sa lumière
 
J'essaie souvent d'apprivoiser le goupil, en vain. Craintif, il me fuit dès que je tente de m'approcher de lui, ne m'observant que de loin.
 
Il vient régulièrement m'espionner, se tenant à chaque fois à bonne distance. Que me veut-il au juste, ce rusé animal ?
 
Il me plaît à imaginer qu'il ne soit pas uniquement mû par des intérêts bassement alimentaires, simplement mené par ses instincts, mais qu'il soit également animé par des raisons que j'ose qualifier de "supérieures".
 
Pourquoi, d'ailleurs prêter systématiquement aux bêtes des sentiments de brutes ? Ne sont-elles point capables d'amour, elles aussi ? Ainsi, avec un peu d'espoir et beaucoup de patience, fort naïvement je l'admets, j'attends que mon visiteur vienne enfin me manger dans la main. Autrement dit, qu'il devienne le premier invité officiel de mon ermitage.
 
Le vent contraire finira-t-il par l'emporter loin de chez moi ? Ou le temps, bien au contraire, le conduira-t-il audacieusement jusqu'au seuil de ma porte ?

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