vendredi 11 juillet 2025

2375 - Mon univers infini

La forêt où j'évolue ressemble à un océan et à un trou tout à la fois. Un îlot aux allures de continent. Les limites géographiques de ce monde constituent, paradoxalement, une démesure pour mon âme.
 
Un cloître borné pour mes pas, un espace infini pour mes ailes.
 
Mes jambes parcourent chaque jour l'intérieur de ce terrain aux dimensions définies, mais mon esprit vole bien au-delà de ce cadre physique. Ce coin imperceptible du globe terrestre ne représente qu'un point insignifiant sur la carte, et nul ne prête une particulière attention à cette anodine étendue de verdure où j'ai pris racine.
 
Pas un seul élément spectaculaire n'attise la curiosité des hommes ici. Pour le citadin qui a tendance à poser sur ce genre de chose un regard profane, ce lieu évoque l'ennui, la déprime, le néant. Selon lui il n'y a rien à faire dans ces bois, à part y croupir et y mourir d'inertie. Voilà précisément la raison pour laquelle cet endroit pareil à mille autres est l'incarnation parfaite de mon éden !
 
Pour ma part, je pense au contraire que dans ce désert d'arbres, d'herbes sauvages et de silence tout est à découvrir, explorer, expérimenter. Dans ces conditions de solitude prédisposant à la méditation, la moindre réalité de cet univers que l'on qualifie d'ordinaire prend fatalement des envergures cosmiques, comme tout ce qui a été créé partout ailleurs.
 
Entre ce théâtre anonyme aux apparences faussement banales où se joue mon sort d'ermite et d'autres sites estimés plus "sensationnels" par rapport aux critères de ce siècle, objectivement il n'existe aucune différence. Le même créateur a formé ces merveilles, petites ou grandes, simples ou plus sophistiquées, ternes ou éclatantes, rares ou communes... Certains les appellent des "platitudes" lorsqu'elles ne répondent pas à l'idée étriquée qu'ils s'en font.
 
L'oeil de l'éveillé, où qu'il se porte, ne verra que des miracles. Celui du blasé instaurera une hiérarchie artificielle dans les oeuvres divines. Une échelle établie d'après ses références à lui, bêtement touristiques, bassement consuméristes ou arbitrairement esthétiques.
 
La personne hautement consciente reconnaîtra, sans jamais la filtrer, la lumière céleste venant de toutes les directions. Et cette clarté universelle touchera son coeur de manière certaine. Tout apparaîtra sacré à ses yeux. Tandis que l'être vulgaire aux sens émoussés ne s'émerveillera que des cartes postales et négligera le reste de la Création.

Loin de toute image d'Épinal, et même si cela ne se remarque pas au premier abord, la planète minuscule où je vis est en vérité le royaume des albatros en sabots.

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