lundi 13 octobre 2025

2428 - Une journée ordinaire

L'aube se lève, l'ampoule électrique de ma cellule reste allumée.
 
En aucun cas elle ne s'éteint. Jusqu'à ma mort dans cette pièce elle éclairera ma vie de misère de sa lumière implacable. Et veillera même sur mon cadavre jusqu'au bout de mon chemin de reclus avant que les gardiens ne l'ensevelissent dans une terre d'oubli.
 
Les couloirs de la prison s'animent et se pétrifient tout à la fois : des grilles s'ouvrent dans des bruits de clé et se referment en claquant. La ruche des taulards commence à résonner des multiples éclats de bonnes et mauvaises humeurs. Les clameurs matinales des détenus se joignent aux heurts métalliques des systèmes de sécurité. Dans un concert plus ou moins joyeux ou plus ou moins déprimant, selon les différents points de vue...
 
Vérification des alarmes, contrôles humains et surveillance à distance des captifs, tout est consciencieusement passé en revue, rien n'est laissé au hasard. Dans cet enfer pénitentiaire, pas de place pour l'imprévu. Pas le moindre mouvement de cil n'échappe à la vigilance de l'autorité carcérale.
 
Les prisonniers se réveillent, leurs cerbères ne s'endorment jamais.
 
Les voix rauques des hommes qui se mêlent aux échos neutres et aseptisés des appareils électroniques confèrent à ce théâtre attristant des allures antiques, anachroniques, intemporelles, les chaînes de jadis étant simplement remplacées par les dispositifs sophistiqués de notre époque.
 
L'Humanité ne change guère dans ses fondements.
 
Et ce cirque des enfermés, cette ronde des enchaînés, cette chorégraphie des emmurés pour moi dure depuis vingt ans, cinq décennies, un siècle, bientôt mille années il me semble.
 
Chaque condamné demeure en permanence sous l'oeil des matons comme des caméras.
 
Certains patientent bêtement jusqu'à l'heure du prochain repas, quelques-uns espèrent vainement s'évader, d'autres s'occupent avec fruit, et parmi ces pauvres mortels il y en a qui pensent au ciel, au bonheur, à l'amour... Chacun vit sa réclusion à sa façon, conformément à sa nature et à sa qualité d'âme.

En ce qui me concerne, comme tous les jours, j'attends que la fin du monde vienne toquer à ma porte.

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