mardi 18 novembre 2025

2458 - Le train des jours

Ma cellule est le wagon d'un train qui m'emmène jusqu'à la tombe à la vitesse follement lente des jours qui passent. Je suis le passager résigné d'un funeste convoi qui n'en finit pas de filer vers la mort au ralenti. Ce qui me donne le temps de contempler le paysage sinistre et statique de ce voyage carcéral qui dure toute une vie.
 
Chaque soir je me dis que j'ai atteint une station supplémentaire. Un pas de fait le long de ma route correspond exactement à un parcours de vingt-quatre heures d'ennui. Mais aussi à un tour du monde en miniature, un périple passif totalement dénué de surprise. Ce dernier équivaut à la patiente course de la petite aiguille autour du cadran horaire... Quelle aventure ! 

L'essentiel, c'est qu'à partir de là une étape quotidienne est achevée pour moi. Une déprimante journée de moins. Et le lendemain tout recommence. Me voilà bien avancé !
 
Ma routine de condamné définitif se compose d'un mouvement invariablement rectiligne sous un ciel à l'éclairage uniforme, sans espoir ni de nuages clairs ni de crépuscules flamboyants. Un itinéraire interminable ponctué de rêveries brûlantes ou de cauchemars moroses. Je me penche à la fenêtre pour n'y voir qu'un plat espace cimenté. Un coin restreint rempli d'une immense tristesse. Une surface bétonnée tantôt arrosée par la pluie, tantôt asséchée par le désespoir.
 
Un carré de pure stérilité sans autre issue que le néant.

Et je chemine vers mon sort final à la molle allure de la perpétuité.

L'ampoule électrique de ma geôle demeure éternellement monotone, à part une légère diminution de la luminosité au moment de dormir.

Rien de vient ensoleiller la pièce où je me morfonds et meurs dans les lenteurs de la poussière. Un siècle s'écoulera avant que tout se termine enfin, je le sais. 

Cependant aucune clarté ne s'est vraiment éteinte en moi. 

Ces innombrables années qui me restent à endurer entre les seuls murs de mon trou, toutes pareilles, toutes mornes, toutes tragiques, je les réévalue une à une. Je les examine attentivement, avec une fine acuité intérieure. Il me suffit d'ouvrir bénéfiquement les yeux au lieu de les fermer bêtement : sous mon regard éveillé elles perdent de leur poids à mesure qu'elles se succèdent.

Même si elles semblent se ressembler toutes, elle se chargent progressivement de lumière. A moins qu'elles ne se déchargent de leur grisaille... Peu importe, à travers chacune d'elle je m'approche un peu plus d'un nouvel horizon, d'une voie verticale où m'engager. Au fil de ma progression, je sors d'un gouffre pour accéder à une hauteur libératrice. Alors que j'ai l'impression de faire du sur-place, en réalité ne serais-je pas plutôt dans une sorte d'Orient-Express se dirigeant vers un royaume de rédemption plein de légèreté ?

Cette porte ultime, certain l'appellent la Camarde. Moi je la nomme l'éternité.

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