samedi 29 novembre 2025

2466 - Je m'enfonce dans la nuit

Ma condamnation officielle, mais également mon châtiment et ma rédemption, consistent en cette mise à l'écart de la société à travers l'enfermement dans une cellule pour le restant de mes jours. En paiement de mon crime, je suis censé trouver ici une nuit méritée.
 
On m'a placé entre ces murs affreux afin que j'expie, certes. Mais nul ne peut m'interdire de chercher la lumière pour autant. Ce que je fais avec foi et ardeur, inlassablement : je crois dur comme fer au triomphe final de tout ce qui aspire à monter vers des clartés libératrices. Les lourdeurs de la Terre sont faites pour les légèretés du ciel. Rien n'est jamais définitivement figé ici-bas. Sur la longue durée, la verticalité est la direction normale des choses dans l'ordre naturel du monde. J'ai sombré dans les ténèbres, soit. Je passerai donc le reste de mon existence à remonter à la surface.
 
Après le gouffre, les sommets !
 
Dans ce cheminement ultime, l'effort de l'ascension demeure évidemment à ma charge... Chaque détenu est libre d'avancer ou de stagner. Voire de reculer. Depuis mon poste privilégié, bien qu'il soit peu enviable, j'observe posément ce qui m'arrive. Je voyage dans de sombres profondeurs, j'expérimente l'aventure terrestre dans ses extrêmes, j'explore consciencieusement les abysses de l'âme humaine. Je vis les pires affres du sort qu'on puisse imaginer. Le piège, c'est de les subir telle une fatalité stérile. Ma chance, c'est d'en faire une épreuve féconde. Puisque j'ai revêtu la peau du criminel, je me doterai des ailes de l'ange ! Qui peut l'épine peut la fleur, à condition de le vouloir.
 
L'envol sera nécessairement douloureux.
 
Pour l'heure je dois souffrir encore, sentir davantage le poids de l'ombre, avaler toujours plus de plomb, descendre vers les froids espaces intérieurs, m'enfoncer dans le noir,  éprouver l'effroi, prendre conscience de mon abîme, plonger le plus loin possible dans le néant.
 
J'ai bien ri au temps de mes méfaits, aujourd'hui je pleure. Et je me réjouis follement de ma chute. Voilà ce qu'il me fallait pour me faire désirer si désespérément les hauteurs !
 
A y réfléchir, finalement ma place dans l'Univers ne se situe pas ailleurs que dans ce trou. Je suis ici sur le promontoire providentiel de ma misérable vie.

La prison forge mon paradis.

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