lundi 30 janvier 2023

1940 - L'inconnu de Clinchamp

Comme à mon habitude, je me promenais seul dans la plaine autour de Clinchamp en rêvassant sous un ciel de février plein d'ombre et de présages. La tête remplie de séduisants fantômes, je m'égarais volontairement à travers bois et sentiers pour mieux me sentir oublié du reste de la Terre. Enivré de crachin et d'humus, j'avançais le coeur délesté de tout prosaïsme, l'âme chargée d'images idéalisées.
 
Bien qu'autour de moi tout fût vide, banal, terne, partout je voyais des prodiges...
 
J'étais le roi des illuminés régnant sur son royaume de solitude.
 
Parcourant ainsi ces étendues isolées, je savourais ma quiétude. Qui aurais-je pu rencontrer, si ce n'est mon propre reflet dans quelques flaque perdue ou je ne sais quel oiseau local à plumage courant, que d'ailleurs j'aurais pris pour mes propres rêves ? Dans le trouble où je me trouvais, toute insignifiance devenait folie, et inversement.
 
Cependant je fus brutalement réveillé de mes chimères par une apparition bien terre à terre. Là juste devant moi, au détour d'un chemin, une face de loup !
 
Une silhouette humaine au visage de bête, pour être plus exact.
 
Un homme impressionnant aux allures irréelles. Ses bottes d'ogre, ses pognes de bûcheron et ses sourcils épais me firent l'effet d'un être surnaturel, surgi des pages d'un livre de contes pour enfants. Cet étrange vagabond à l'air un peu taciturne et aux traits mystérieux portait un chapeau énorme et crasseux, tandis qu'un gros sac rapiécé tenu en bandoulière se balançait lourdement à son côté.
 
La surprise passée, je le saluai. Il me répondit d'abord par un grognement. Puis en arrivant à ma hauteur hocha le chef en me fixant avec intensité. Je me retournai pour lui lancer :
 
- Où allez-vous ainsi ? Il n'y a rien à voir, rien à faire, rien à gagner en ces tristes terres pour un visiteur comme vous.
 
Stoppant le pas il me dit alors, sûr de lui :
 
- Je passe, c'est tout.
 
Heureux de l'entendre me répondre, je m'enhardis :
 
- Vous êtes ici dans un pays de misère, savez-vous. Et vous ne lui trouverez nul intérêt. A moins bien sûr que vous ne soyez un poète, un fou ou un déjà mort...
 
Imperturbable, il abrégea la discussion d'un ton tranquille avant de reprendre sa marche :
 
- Je suis ici chez moi, je passe et repasserai encore. Qui me voit me reverra encore. Mais qui ne me perçoit point m'ignorera pour toujours.
 
Et il disparut dans la brume sur ces mots énigmatiques en me laissant sur ma faim.
 
Nul dans le village ne sut me dire qui était cet inconnu qui semblait hanter ces terres. Intrigué, je suis resté des mois à tenter de le croiser de nouveau, méditant longuement sur cette rencontre en essayant de trouver un sens sacré, symbolique ou codé aux paroles de ce pèlerin au regard de garou, à la mine obscure et aux airs d'épouvantail...
 
Je pensai alors qu'il s'était simplement agi d'un pauvre hère de passage à la raison chancelante... Et que fort naïvement j'avais pris cette luciole en guenilles pour une étoile, rien de plus.
 
C'est finalement par hasard dans un bistrot du bourg voisin que je finis par découvrir la vérité.
 
Certains avinés du bar croyaient dur comme fer à mon histoire. D'autres, plus sobres, pas du tout !

Une illusion qui serait due à la désolation de ces lieux champêtres spécifiques, lesquels provoqueraient des songes éveillés sur certains esprits "fragiles" ?
 
Ce personnage inquiétant et admirable à qui j'avais eu affaire, aussi remarqué qu'ignoré, était parfaitement réel pourtant, puisque je l'avais accosté, là-bas, entre errance et brouillard, loin, si loin de tout, hors du monde... Noyé dans mes pensées, sans témoin, en état d'euphorie, à quoi avais-je donc assisté ce jour-là ?

Selon les gens de la commune rivale, cette présence fabuleuse vue depuis leur clocher à eux s'appelait ironiquement... "la légende de Clinchamp" !

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samedi 28 janvier 2023

1939 - Le ciel de Clinchamp

Mon éden indépassable à moi, mon île exotique, mon azur plein d'idéal est un repaire de rats des champs nommé Clinchamp !
 
Un trou puant de fumier, peuplé de bouseux oubliés du siècle et déjà enterrés. Une cambrousse crottée que j'aime follement, étrangement, maladivement.
 
Ce lieu béni à mes yeux, cher à mon coeur, indispensable à mon confort mental est la malédiction du citadin sensible, éduqué, frileux.
 
Là-bas, rien n'est attirant. Tout y est déprimant. Même l'herbe a la couleur de l'ombre. La seule beauté de l'endroit consiste en son néant. Et c'est exactement cela qui m'enchante. Dans cette contrée reculée, la légèreté céleste se mêle au désespoir des sillons. Pour mieux troubler les pensées, brouiller les repères, charger les âmes.
 
C'est un univers fait pour les oiseaux lourds et les tombes à l'abandon, les pluies de douleur et les soleils d'hiver.
 
Dans cette campagne loin du monde, l'espace est pur et le sol colle aux bottes. L'éther et le plomb s'y marient à merveille. Et l'égaré n'y croise que la solitude.
 
Ce pays de crépuscule n'est qu'un immense contraste entre le haut et le bas : un ciel clair au-dessus d'un enfer de grisaille et d'immobilisme, des nuages lumineux arrosant une glèbe noire, des ailes blanches qui se déploient sur des mares fangeuses.
 
Mais aussi une accumulation de naufrages : une brise de spleen sur des arbres aux apparences de spectres, une plaine trempée de léthargie, des chemins semés d'ennui.
 
Tout parisien en col amidonné qui échouerait dans ce gouffre de verdure s'y fracasserait comme une porcelaine tombée des nues. A moins que, moins chanceux, il ne s'enlise dans l'humus pour y mourir du lent supplice du désoeuvrement...
 
Bref, c'est une terre perdue sans autre issue que la mort. Ou l'envol.
 
Un royaume de simplicité anguleuse où les rêves subtils se brisent contre le roc de la trivialité.
 
Le refuge sublime de mon être dégoûté des finesses, artifices et extravagances de la ville.
 
Ce patelin de bovins et de purin est ma névrose dorée, mon cauchemar adoré, ma caverne décorée, ma retraite d'anachorète incorrect.
 
Là est ma grotte stellaire, mon rivage de glaise séchée, mon lit de songes sur une éternité de pierres.
 
Avec ma plume de fer pour épée et mon talon boueux pour vérité, je pars retrouver mes sommets.
 
Je chemine vers ce but étroit sans autre cause que mes aspirations d'ange et mes flammes de loup.

Clinchamp est un océan de torpeur à affronter, une tempête d’inertie à apprivoiser, une bête soporifique à terrasser.

Et un firmament de péquenauds à contempler.

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mercredi 25 janvier 2023

1938 - Les éclats de Clinchamp

Le paysage est noir, l'horizon terne, le ciel léger.
 
Et mon coeur est aux anges...
 
Autour de moi les champs grelottent sous la giboulée. Les bois épars somnolent dans leur lit d'humus trempé. Peut-être, dans cette ambiance mortelle, rêvent-ils de floraisons ? Ou espèrent-ils ne plus jamais se réveiller de leur hivernale torpeur ? En attendant, leurs masses sombres obscurcissent encore plus cette immensité agreste bouchée.
 
La route que j'emprunte me mène vers un doux enfer de boue et de mélancolie. J'avance dans un monde isolé, pétrifié, inconnu. Ici, tout est nouveau pour moi. Je découvre un jour différent. Un ailleurs au-delà des simples clartés et des habituels brouillards du quotidien. Et m'évade dans des nuées de lourdeurs, des terres sans nom, des espaces hors de l'obscurité, pas encore lumineux, juste à côté des premières flammes d'une aube onirique.
 
Une sorte de crépuscule irréel, fantasmé, idéalisé pour poètes névrosés, pouilleux à guitares, clochards à barbes dorées et autres fous endimanchés de haillons radieux...
 
Je tremble de froid et de joie.
 
La nature en larmes est recouverte d'une ombre vivante. Ou voilée d'une mort éclatante. Elle est hantée par une présence triste, habitée par une éternelle grisaille. Elle brille de ses misères et s'enflamme de ses pleurs. J'entre dans un océan borné par des nuages de plomb, pénètre dans un rêve lointain, me noie dans un infini à la mesure de mes semelles crottées.
 
Et je perçois de l'azur dans cet univers terreux.

Entre éblouissements, sanglots et lumières fantomales, je me suis égaré à Clinchamp.

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lundi 23 janvier 2023

1937 - Le voyageur

Quand il part, c'est toujours loin. Et cher.
 
Le voyageur est un pigeon.
 
Un gogo.
 
Il va chercher à l'autre bout du monde les trésors qui sont pourtant juste à côté de lui, à portée de main.
 
Le globe-trotteur est sot, ignorant, superficiel. Il croit trouver mieux ailleurs quand il a tout chez lui.
 
Il  quitte son voisin qu'il connaît très bien pour aller prendre contact avec des inconnus qui ne parlent même pas sa langue, pensent autrement que lui, n'aiment pas ce qu'il aime, mangent des mets infâmes... Troque son toit de sérénité pour un lit de camp sous un ciel d'orage. Brise ses habitudes formelles pour des aventures incertaines. Prend le risque de casser sa routine pour peut-être ne plus jamais la reprendre. Se hasarde à découvrir de nouveaux horizons pour possiblement ne plus revoir sa plaine, son clos, son jardinet... S'expose volontairement aux dangers pour s'échapper de son paradis quotidien...
 
Quelle ânerie !
 
Ingrat envers le sort, lassé de sa vie tranquille, il pense qu'il s'approchera un peu plus du Soleil en s'éloignant de ses terres.
 
Il est persuadé que le bonheur est à l'étranger. Là-bas, vaguement... Au-delà de ses frontières. Hors de sa maison. Aux antipodes de ses racines...
 
Mais certainement pas sur le sol qui l'a vu naître !
 
Mécontent de ses jours heureux, fatigué de la lumière au-dessus de sa tête, blasé de son herbe verte, l'itinérant part à la découverte de la boue, d'aubes aléatoires et d'obscurités moins fructueuses que celle de sa cave où se bonifient des vins sans prix...
 
N'atteignant jamais les chimères après lesquelles il court, il les poursuit sans cesse, incapable de s'arrêter. Jusqu'à ce qu'il n'ait plus d'argent. Alors il revient chez lui, les poches vides, les idées creuses, le coeur plus pauvre qu'hier.
 
Il s'imagine s'enrichir intérieurement en vagabondant autour du globe et ne s'aperçoit même pas qu'il se fait plumer au cours de sa progression ! Ceux qu'il considère comme ses amis indéfectibles, croisés sur sa route d'oiseau migrateur, ne sont à la vérité que des opportunistes aux sourires strictement commerciaux, rien que de vils vendeurs de dépaysements hautement tarifés...
 
Qu'il est naïf, ce volatile de grands chemins !
 
Bref, l'explorateur des vacuités humaines met en péril son existence bien établie pour de passagères et coûteuses ivresses en toc qui ne le mènent finalement nulle part, sinon dans une fuite sans fin, sans but, sans autre profit qu'une éternelle insatisfaction.

Celui qui se prend pour un baroudeur au front tanné par tous les vents de la planète, un nomade des aéroports au regard chargé de rêves, un pèlerin aux semelles blanchies de poussière n'est en réalité qu'un vulgaire, insignifiant et stupide touriste.

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dimanche 22 janvier 2023

1936 - Fête triste

Aujourd'hui c'est jour de tristesse : le malheur est à l'honneur et la fête sera particulièrement ratée.
 
Dans la salle de réception aménagée pour l'événement, le couple de gâteux guindés a décidé d'enterrer dignement le temps qui passe, l'air de rien.
 
Leurs amis ont répondu présent !
 
Sans oublier leurs fardeaux. En effet, ils sont tous venus avec leurs yeux dans le vague, leurs idées périmées, leurs âmes déprimées et surtout leurs visages ridés.
 
Tous ont bien été avertis qu'en cette occasion spéciale les sourires seront superflus. On n'est pas là pour rigoler !

Mais pour s'alléger dans la gravité. Le grand âge a ses exigences...
 
L'horloge-cercueil sonne les vingt coups fatidiques. Tout le monde est là. Le service peut commencer. La maîtresse de maison, austère, est aux anges : enfin des têtes nouvelles chez elle ! Pour la changer de la face de pou de son époux.
 
Dehors la pluie tombe, dedans le piano gémit, et tout au fond de ce trou la soirée est mortelle. Il fait sombre dans les coeurs, les têtes broient du noir et la nuit s'annonce sans éclat.
 
Les lampions sont ternes, les plats maigres, les mines sinistres
 
Et les invités se morfondent à la table du deuil.
 
Il faut dire que les mets froids et les verres vides sous leurs trognes de rats crevés ne les mettent guère en joie...

Pourtant il leur faudra demeurer assis et subir.

Après avoir enduré le supplice de cette interminable messe, les mangeurs affligés sont à point. Achevés par les banalités obligatoires à échanger et le ballet léthargique des insignifiances d'usage à avaler, ils somnolent.

Au summum de la festivité, l'ambiance n'a pas changé d'un poil : des louches de grisailles remplissent les assiettes et des promesses d'un lendemain pesant pétrifient les esprits. Et, tandis que les sabots de la fatigue et le plomb de la morosité écrasent l'assemblée dans une torpeur désespérante, les cadavres rassemblés pour cette gastronomie indigeste causent de choses sans intérêt.
 
Ils parlent creux. Remplissent stérilement le silence. Meublent les blancs. Brassent du néant. Bref, les convives n'ont rien à se dire.
 
Mais ils le font avec des allures sérieuses et des regards éteints. 
 
Leurs mots lourds s'aplatissent à terre et se mêlent à la poussière. Ils comptent leurs heures inutiles et attendent que plus rien ne leur arrive.
 
Longtemps après minuit, le festin d'enclumes se termine enfin. Sur la pendule endormie, le doigt du cadran indique leur vie perdue.
 
Hôtes et participants sont tous morts.

D'ennui.

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samedi 21 janvier 2023

1935 - Les antiracistes

Gonflés à bloc de bons sentiments obligatoires, pétris d'idéologie proprette, aseptisée, calibrée, recracheurs d'idées conformes à la doxat, défenseurs des "bons" opprimés, ils n'hésitent pas à manifester en force pour dénoncer l'injustice du racisme comme on dénoncerait l'enclume contre la plume, le rond contre le carré, l'eau contre le feu ou bien la neige contre le charbon.
 
Avec eux c'est le blanc contre le noir. Le méchant contre le gentil. L'immigré contre le français.
 
Bref, les pensées de ces "contestataires possédant leur carte de contestataires" sont aussi carrées que leurs écrans débiteurs de vérités autorisées...
 
Ces partisans enflammés du "camp du bien" (celui qui a été officiellement désigné), véritables "ailes de la justice", servent leurs maîtres au pouvoir avec le zèle du vautour et la naïveté du pigeon.
 
Moutons légitimes, ils bêlent toujours dans la bonne direction, protestent dans les clous, défilent dans le bon sens. Et mangent avec servitude le bon foin qu'on leur sert.
 
Les antiracistes sont des avaleurs de hallebardes fort tranchantes. Plus c'est gros mieux ça passe : les clichés qui blessent leurs coeurs sensibles sont sans nuance !
 
Chez eux les ennemis à combattre sont invariablement les mêmes : c'est vous, c'est moi, ce sont nos racines.
 
Et toutes ces émanations "nauséabondes" qui s'en dégagent...
 
Le Blanc, le gaulois, l'intègre, autrement dit l'honnête homme du quotidien, est leur systématique bouc émissaire.

A leurs yeux nous sommes coupables d'être nés de l'autre côté de la barrière. Chez nous. Sur notre propre sol national. Sur la terre de nos ancêtres. Ce qui suffit à faire de nous de véritables souches de chiens ! Des gens haineux, ségrégationnistes et antisémites.

Notre sang a le rouge de la honte. Celui des occupants est sacré car il a "la couleur de l'amour".
 
Telle est la vision généreuse, humaniste et hautement altruiste de ces combattants des causes justes.

Le message de ces belles âmes éclairées par les Lumières de gauche est clair et net, acéré comme la lame autoproclamée du lyncheur :

"Bretons, Normands, Berrichons, patriotes de France, vous êtes des nazis et vos envahisseurs sont des anges !"

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mardi 17 janvier 2023

1934 - Jean Messiha

Avec sa tête de métèque égyptien et ses moeurs bien de chez nous, ce chameau de MESSIHA ose dire tout haut les pires paroles qui soient dans notre république actuelle : celles de la vérité.
 
Plus gaulois que nos coqs de clochers, il chante bien fort la patrie française, défend nos couleurs et affronte les cerbères de gauche sans jamais froisser le drapeau, lui le déraciné qui très tôt endossa nos valeurs et en fut toujours digne.
 
Il n'a ni la face claire du normand rural, ni les traits pincés du délicat parisien, ni les yeux bleus du caucasien qui nous ressemble, ni aucun des visages familiers de nos contrées...
 
Mais son âme brille pour notre pays.
 
Né sous les arabesques exotiques d'un royaume lointain, il a continué son chemin chez nous en choisissant d'emprunter les lignes droites de l'assimilation et de l'honnêteté.
 
Son teint mat et sa physionomie d'oiseau exilé reflètent en réalité les clartés de notre ciel éternel. Sur son front basané resplendissent la lumière de notre soleil et la pureté de notre azur.
 
Il a embrassé nos traditions, épousé nos causes, s'est conformé à nos rêves.
 
Et son sang est devenu notre sève.
 
Il a été baptisé français, s'est converti à notre Histoire et a été adopté par notre terre millénaire.
 
Cet immigré qui s'est enraciné dans notre sol porte nos idées avec fierté et vaillance, nous qui voulons demeurer les enfants des Francs.
 
Son coeur est à droite. Il aime l'hexagone.
 
C'est un étranger de peau certes, un homme issu d'autres horizons que les nôtres, mais il brûle d’amour pour notre nation.

Et par cette seule flamme, avec honneur, définitivement il fait partie des gens de France.

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samedi 14 janvier 2023

1933 - Coeur gelé

Mon coeur est une glace éternelle.
 
Un iceberg pétrifié. Une pierre hivernale. Un marbre immobile.
 
Je vis seul, sans chauffage, sans faire de vagues, sans personne à qui parler.
 
Ni même un cabot à aimer.
 
Je me lève le matin pour attendre la venue du soir. En toute quiétude. Et passe mes journées à rester là où je suis, à ne rien faire, à espérer que cette réalité dure encore, tout en redoutant que quelque chose n'arrive.
 
Pire : que quelqu'un ne me dérange.
 
Mais heureusement, rien ne vient jamais, aucun événement ne se produit, nul ami ne se présente à ma porte.
 
Et je me réjouis de ne voir que ma face dans le miroir, de n'être accompagné que de mon ombre sur les chemins, de ne sentir que mes effluves de loup dans mon lit.
 
Je demeure dans mon trou, loin de tout, ignoré du monde.
 
Et pourtant un soleil brûle en moi.
 
Cet astre qui brille au fond de mon âme vous effraie, je le sais.
 
Et vous ne comprenez pas.
 
Vous fuyez tous cet asile de silence où je me suis enterré vivant et me plaignez de séjourner dans l'obscurité permanente de ce royaume de mort.
 
C'est un trésor sans prix que je chéris davantage qu'une femme, ma famille, mes frères humains en général.
 
Je vous veux tous absents, en vérité.
 
Cette immensité vide de bipèdes que je recherche inlassablement, ce temple de paix que je cultive depuis toujours, ce désert que je préserve farouchement et que je vénère comme un fou, est ma principale richesse.
 
Un vrai cadeau du Ciel.
 
J'habite dans le plus beau pays du globe.

Cette contrée idyllique est un paradis sur Terre, qui se nomme... solitude.

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dimanche 8 janvier 2023

1932 - Romantisme de pierre

Il y a des coeurs épris qui ne font que rêver de roses, de sucreries sentimentales et d'histoires sirupeuses...
 
En général ces guimauves finissent avec la cervelle ratatinée dans les pantoufles de la pensée plate. Ce sont des larves qui passent leur existence flasque à courir après des idéaux de mollusques.
 
Moi quand je suis en flammes, je ne pense qu'à la glace tranchante des banquises et aux neiges éternelles qui pétrifient tout dans la mort. Et pars à la conquête d'un royaume peuplé d'élus dont la lumière a un prix.
 
Chez moi la gloire se gagne à force d'épreuves. Et la lâcheté se paie très cher. Dans l'alcôve, tout pour les forts, rien pour les faibles. C'est ma loi.
 
Le jeu nuptial est réservé aux guerriers, non aux castrés.
 
Je veux le sublime ou le silence. Mais rien qui soit au milieu.
 
Entre l'orage effrayant des sommets et la paix laineuse de la plaine, je choisis le fracas du ciel.
 
Et laisse le bonheur soporifique aux limaces.
 
L'un réveille les trépassés, l'autre endort les vivants.
 
Je suis fait pour le vertige des hauteurs périlleuses, non pour le confort des certitudes de plâtre.
 
Quand j'aime une femme, ce n'est pas pour me vautrer à ses pieds comme un frileux caniche, un pitoyable navet, un misérable ver de terre.
 
Mais pour lui proposer le pire, c'est-dire le meilleur : les morsures du loup et non les fleurs de mon jardinet, la tempête de la chair et non les caresses du cornichon, les crachats de l'ogre et non les fadaises d'un immonde poème creux aux vers navrants !
 
Pour la beauté, pour la pure esthétique, par goût de l'infini, pour le danger des cimes qui me rend si fécond, je me jette dans le feu !
 
Je n'ai de fièvre que pour la brûlure de la poudre et l'odeur de la cendre, d'ivresse que pour le bruit du galop vers d'implacables destins, d'appétence que pour le poivre mêlé de poussière !
 
J’ai les ailes d’une colombe. Les éclat d’un ange. Le sang aussi bleu que l’azur...

Et une âme de carnassier.

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vendredi 6 janvier 2023

1931 - La femme est sous mes pieds

Chez moi les sentiments tendres sont durs.
 
A la vérité, en amour je suis de marbre. Tout le contraire d'une fleurette. L'opposé du con décomposé sous le balcon. La frayeur de la princesse endormie. La hantise de la crétine en crinoline.
 
Mon coeur est fait pour battre.
 
Battre les mollassonnes, je veux dire.

Ecrabouiller les larves. Ratatiner les limaces. Briser les mollusques.
 
Et il cogne dur, soyez-en sûrs !
 
Je ne suis pas un caniche à bouclettes d'or mais une bête blindée, une peau de sanglier, une âme de bouledogue.
 
Avec une gueule de crapaud, des ruses de rat, des caresses d'ortie.
 
Mon sourire de crocs pour toute amabilité, mes mots cinglants en guise de billet doux et mes baisers de ronce pour certifier tout cela.
 
Gargouille affamée de gazelles tremblantes, je cherche de la chair à mordre, des os à glacer, des femelles à dévorer. Aussi crues que croquantes.
 
Bref, je ne suis pas un sentimental en mal de mental ornemental.
 
Mais un mâle tout court.
 
Avec un sabre entre les dents, de la poudre dans le sang, une bombe dans le calbar.
 
Et sans aucun coton dans les mains. Encore moins de soie dans la tête. Mais des pognes comme des serres et des pensées d'acier !
 
J'ai des ailes d'aigle, un bec tranchant, le panache d'un coq.
 
Non une queue de chatounet.
 
La femme, je ne la déguste pas passivement des yeux. Mais la réduis à un réceptacle lustré où vient se planter ma virilité en feu, se loger mon honneur de lion, se reposer ma carcasse fatiguée.
 
C'est-à-dire que j'enfile mes pieds dedans.
 
De sa soumission naissent mes belles bottes d'ogre.

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