samedi 8 juillet 2023

2050 - Déprime à Clinchamp

Les jours sombres à Clinchamp sont lumineux.
 
Ce sont là des heures magnifiques où les ombres deviennent des spectres pleins de vitalité, où les hommes en grisaille ressemblent aux nuages en pleurs, où les vaches infiniment épaisses prennent des allures de mythes tout en marbre.
 
Tout s'enfonce dans la terre et pourtant tout arbore des ailes : celles de l'espoir après la pluie, de la légèreté au coeur des pesanteurs, des hauteurs aperçues depuis les gouffres.
 
Le ciel de malheur en ce lieu de tous les exils engendre, paradoxalement, une ivresse chez l'esthète que je suis. Loin de m'affliger, les larmes et laideurs, déprimes et lourdeurs de tout ce qui m'entoure, au contraire me réjouissent : le paysage noir, l'oiseau mort, l'horizon obscur, les chemins sans issue font naître en moi des sentiments troubles et positifs.
 
Les ambiances cafardeuses m'entraînent dans une direction inverse à leur mouvement naturel, comme par réaction de défense.
 
Quand le village s'enlise, je m'envole !
 
Je quitte son sol de misères pour rejoindre l'éther illuminé. En cet endroit morne de la Haute-Marne, lorsqu'un manteau de tristesse s'abat sur les toits et les têtes, mon âme est en fête.
 
Et je vois des faces de rats briller comme des astres, des fossés putrides débordant d'ennui aussi vastes et mystérieux que des firmaments, des arbres sinistres aux envergures mythologiques, des mares boueuses et puantes reflétant des constellations enflammées.
 
A travers mon regard aigu, je fais de l'art avec du lourd, de l'or avec de l'eau, des rêves dorés avec des vers de terre. C'est-à-dire, des histoires fabuleuses avec du néant.
 
Bref, je fais de la plume avec du plomb.
 
C'est pourquoi lorsque tombent sur cette localité aux apparences de nécropole de ploucs des torrents de mortelle mélancolie, je me sens plus vivant que jamais.
 
Heureux d'être cette étoile échouée sur un rivage peuplé de statues de plâtre aux mines crépusculaires.

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