vendredi 29 décembre 2023

2116 - Convaincre Blandine

C'est le matin, le soleil brille sur la ferme où je suis né, la cour sent le purin mêlé de foin et les vaches paissent au loin.
 
Je me lève comme un faune.
 
J'ai vingt ans, des poils sur la joue, de la broussaille ailleurs, une chair de fer plus bas, l'éclat d'un loup dans le regard.
 
Et un mal de chien dans le ventre quand je pense à ces fleurs acides que l'on désigne sous le terme de "demoiselles", mais que moi je préfère appeler "femelles"...
 
La sève de ma jeunesse me monte à la tête et me fait perdre pied, et je suis bien décidé à calmer cette flamme qui me brûle, à suivre cette pensée qui m'ébranle, à alimenter ce rêve qui me ronge.
 
Et à continuer de souffrir de ce mal étrange qui ressemble tellement au bonheur.
 
Ma plus douloureuse épine dans le coeur se nomme Blandine.
 
Une ortie plus belle que la rose et l'églantine. Une face d'ange au sourire vénéneux. Un chardon en dentelles qui me torture toutes les nuits.
 
Et moi qui désire ses baisers d'amanite, je vais me jeter aujourd'hui dans le brasier de ses bras dorés !
 
Bien sûr il y en a en ville plein d'autres Blandine aux noms plus clairs encore, aux yeux moins cruels, aux gorges assez vaillantes, aux faces soit sulfureuses soit sages, et qui elles aussi me font un fol effet, mais seule Blandine brille comme un charbon ardent au fond de mes viscères.
 
Elle est ma maladie incurable. Avec elle, j'ai un orage dans les tripes et la tempête dans l'âme.
 
Avec ses airs de papillon impassible, elle virevolte autour de mon champignon et fait semblant de ne rien voir. Pourtant elle doit la sentir ma grosse gueule de carnassier à l'haleine de bête qui s'ouvre quand elle s'approche de moi avec ses petits souliers... Elle doit les entendre mes grosses bottes d'ogre que je frappe contre le sol comme un soudard dès qu'elle apparaît sous mon nez !
 
Elle doit la deviner, ma poutre sous le voile si mince de ma pudeur, non ?
 
Et moi pendant ce temps je retiens la foudre... Mais c'est fini !
 
Ma virilité lasse de demeurer trop longtemps captive va exploser. Je pars donc sur-le-champ, et à travers champs, offrir ce que j'ai de plus cher à Blandine.

Dans une heure elle frémira sous mon tonnerre, et heureuse que je fasse valoir si prestement mon dernier argument, pleurera de joie en empoignant mon beau sceptre de roi.

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jeudi 28 décembre 2023

2115 - Un couple de vieillards à Clinchamp

Tous deux ont trouvé refuge à Clinchamp, il y a de cela plus de quatre-vingt ans.
 
Leur folie de jeunesse consistant alors en la réclusion à perpétuité dans cet asile perdu, aussi gris que verdoyant et semé de fleurs rustiques à la hauteur de leurs rêves simples.
 
Ils se sont aussitôt enracinés dans ce village.
 
Jusqu'à devenir deux vieux chardons desséchés.
 
Venus sombrer volontairement en ce point mort du monde élu par leurs coeurs d'ermites et très vite parvenus au sommet du silence et de l'oubli, leur cloître campagnard a pris progressivement des allures de nécropole champêtre.
 
Autour d'eux, l'immobilisme s'est instauré comme un cocon.
 
Pas une fois l'idée de quitter leur paradis d'inertie n'a effleuré leur esprit figé dans un autre siècle. Pétrifiés par des habitudes d'incurables sédentaires, la question ne s'est nullement posée pour eux  d'aller s'encroûter ailleurs que dans ce trou immuable.
 
Leur bonheur statique leur a toujours suffit.
 
Aujourd'hui quasi centenaires, ils ne regrettent rien, au contraire. Ils tiennent farouchement à mourir juste à côté de leur potager où désormais ils courbent vertigineusement le dos en direction de leurs salades, patates et pissenlits, aspirent à se fondre définitivement avec les labours dans le lointain, veulent continuer jusqu'au bout à regarder par leur fenêtre les aubes claires, les tempêtes de l'automne et les crépuscules enténébrés de mélancolie.
 
Oui, à deux doigts de la tombe, ils aiment de plus en plus cette plaine mortelle et cet horizon peuplé d'ailes sombres qui éclairent désormais leurs regards !
 
Bref, ils sont amoureusement enchaînés à leur bagne sans borne, sorte de prison qui rime avec évasion.
 
Et vivent  leurs derniers jours dans l'espoir que plus jamais rien d'autre ne se passe, que tout s'éternise, que tout recommence pareil pour que la fin ressemble à s'y méprendre au début.

En attendant de s'envoler un peu plus haut, un peu plus loin que leur sol inébranlable de corbeaux solitaires.

mardi 26 décembre 2023

2114 - Le facteur de Clinchamp

A Clinchamp le facteur apporte généralement des nouvelles assez mélancoliques, plutôt indigestes ou bien franchement léthargiques aux habitants.
 
Avec son uniforme éclatant sur sa carcasse fatiguée, il ressemble à un vieil oiseau auguste au plumage funèbre.
 
Comme une sorte de croque mort matinal.
 
Son sac postal est invariablement surchargé de morosité : il déborde de molles platitudes et transpire de pesantes habitudes. Ce sont à chaque fois des pluies de fadeurs et des pleurs de tiédeurs qu'il faut déverser chez les uns et chez les autres.
 
Des flots de lourdeurs qui parviennent chez leurs destinataires à tarifs réduits, lentement mais sûrement.
 
Avec un peu de retard certes, mais jamais sans douleur.
 
Parfois il lui arrive tout de même de déposer dans quelque boîte un rayon de crépuscule plus fulgurant qu'à l'accoutumé : l'annonce d'un décès, d'une vache malade, d'un redressement fiscal, d'un divorce...
 
Alors chez l'heureux élu qui reçoit ce plomb du ciel sur la tête, le ronronnement du quotidien est brisé par un tonnerre de mort.
 
Ce qui change agréablement des sempiternelles lettres d'insignifiance et d'ennui : les plus redoutables en réalité parce que les plus soporifiques.
 
Il est bon de savoir que lorsqu'on s'endort trop longtemps dans ce trou d'apathie, le réveil n'est pas formellement assuré pour tout le monde...
 
La tombe devient le prolongement naturel des jours de pétrification.
 
Bref, le postier fait son office, sinistre mais néanmoins consciencieux.
 
Et lorsque sa tournée est terminée, la sacoche délestée, le regard terne, le geste las, le distributeur de courrier regagne son antre mortel pour réapparaître le lendemain avec, sur le dos, un nouveau fardeau de déprime à répandre dans les foyers.
 
Cependant, ce que nul ne sait au village, c'est que l'employé de la poste n'est pas aussi lugubre qu'il veut bien le montrer... En vérité, même si sa besace est remplie de grisaille, de poussière administrative, d'enclumes de bureaucrates, d'enveloppes aux tampons austères et de cadavres de parents sans héritage, sa tête, elle, est pleine de rêves légers, de nuages clairs, d'immensités lumineuses et d'hirondelles azurées...
 
Qui le voit sourire de bonheur entre deux dépôts de missives, comme s'il avait deux ailes pour porter sont lot de misères dûment affranchies aux prix en vigueur ? Le préposé n'a que faire du contenu de ces âpres papiers qu'ils amène à ces pauvres gens, comme si c'étaient des pierres jetées sur leur coeur.
 
Son secret c'est que, contrairement aux villageois endormis, il vole. Alors même que pèse sur ses épaules la montagne inepte de leurs soucis de lourdauds.
 
Ce qui lui importe, lui l'éveillé suprême, lui le vagabond de l'aube, lui le voyageur vertical, c'est tout simplement de pouvoir, chaque matin, respirer l'air de Clinchamp.

jeudi 21 décembre 2023

2113 - Tristesse et beauté à Clinchamp

La plaine mortelle, morne et froide qui s'étend face à moi m'inspire des sentiments de vieux corbeau, des ivresses de vagabond de l'azur, des vertiges de rêveur des bois...
 
A Clinchamp je me sens si seul, si loin de tout, si proche de moi-même, que je m'apparente à un ermite.
 
Fou et heureux.

Au milieu de rien, plongé dans ces immensités d'ombres et de labours qui n'attirent que des fantômes, des oiseaux égarés et des rats solitaires, je suis aussi léger que la brume, démesuré comme les nuages... Alors mon regard embrasse terres et nues et mes ailes, vastes et immatérielles, se confondent avec l'horizon.

Je deviens un géant dans la grisaille, un aigle au-dessus du paysage en deuil, une âme dans des sommets de mélancolie. 

Ailleurs qu'en ce monde où se traînent des destins anonymes, hors des platitudes de ces mortels en sabots qui vivent avec placidité, plus bas, dans le village inerte, terne, crotté.

Physiquement je ressemble à un fétu de paille au coeur de l'océan et demeure quasi invisible aux autres hommes. Tandis qu'aux yeux du ciel, j'apparais telle une présence gigantesque dans les airs.

Je suis un traverseur de siècles, une vague dans l'espace, un voyageur de l'infini.

A Clinchamp, dérisoire clocher d'une cambrousse perdue, minuscule point d'insignifiance sur le globe et pourtant puits d'insondable mystère dès qu'on y pose la semelle, et c'est là mon plus doux secret, je trouve chaussure à mon pied, mesure à mon pas, hauteur à mon vol.

Là bas, contrairement à ce que montrent les abords les plus triviaux, il n'y a pas de fin, car, pourvu que l'on sache où regarder, quelle porte ouvrir et où aller, tout prend alors des allures définitivement oniriques.

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dimanche 17 décembre 2023

2112 - L'Art

La beauté se trouve au coeur de l'Univers, au bord des choses, au fond des êtres. Comme une flamme entourée d'azur, une fleur au milieu de l'eau, une lumière à l'horizon.
 
Il s'agit de l'Art.
 
Une source de bonheur où l'âme plonge, un ciel où l'homme monte, un océan où l'ange se baigne.
 
Le but de tout ce qui vole, le sommet de ce qui brille, le chemin de la larve vers le papillon.
 
Il est l'altitude des natures élevées, le refuge des oiseaux de prix, l'asile de ceux qui sont épris d'immensité. Autrement dit, notre firmament de fourmis bipèdes aux prétentions de géants.
 
C'est l'aile salutaire et magistrale qui emporte les misérables humains que nous sommes jusqu'aux nues. Le chant divin qui allège les lourdauds de la Terre jusqu'aux hauteurs idéales. Le souffle suprême qui soulève nos coeurs de pierre pour les faire battre plus loin que les nuages.
 
Le Beau enchante les jours ordinaires, invite à lever les têtes et fait oublier le superflu.
 
Nul n'y est insensible, chacun de nous y a accès, nous sommes tous ses élus.
 
Le monde entier aspire aux oeuvres sublimes.
 
Ces trésors universels représentent le bien inaliénable et supérieur de l'Humanité.
 
Mieux que les merveilles éphémères de la technologie, les éclats factices des réussites superficielles, les satisfactions inconsistantes des richesses matérielles, les splendeurs artistiques éveillent en nous le sens du sacré.
 
Elles nous ouvrent des portes intérieures, nous donnent de l'envergure, de la conscience, beaucoup de gravité.

Mais surtout, de la joie.
 
L'artiste véritable est toujours inspiré par une voix céleste. Même si, innocent, il l'ignore. Même si, vaniteux, il le refuse. Même si, athée, il n'a pas vraiment de réponse. Que ce soit à travers sa main agile, son esprit fécond, sa plume légère, son burin précis ou son pinceau clair, il produit de toute façon des fruits précieux car chez lui tout part d'un feu puissant.
 
Il se fait alors l'interprète de Dieu et offre aux mortels ses chefs-d'oeuvre.

Afin d'ajouter encore plus de mystère à la Création.

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mardi 12 décembre 2023

2111 - Botte à l'oeuf

Quand j'étais enfant à Warloy-Baillon, mes jeux consistaient en des activités saugrenues, loufoques, hors de la raison et de toute mesure.
 
Et s'avéraient dangereux parfois. (Outre mes cascades vélocipédiques, mes escapades dans les champs minés des rebus létaux de la "14" et mes escalades sylvestres vertigineuses, je fabriquais de véritables bombes portatives avec des poudres explosives faites maison).
 
Pour moi tout cela semblait bien banal. Je vivais dans mes normes, ni plus ni moins, sans me poser plus de questions.

Je respirais l'air enivrant de la liberté, loin des préjugés des adultes. Léger comme un fétu d'insignifiance sous l'azur du printemps, aussi lourd qu'un éléphant dès que je me confrontais aux soucis des grandes personnes, dont je me contrefichais.

Je pouvais marcher paisiblement dans la campagne le nez dans les nuages et cependant me tenir prêt à croiser le loup, très sérieusement. Ou bien m'endormir dans les herbes sauvages, ivre de papillons, et m'envoler aussitôt de ma literie végétale pour je ne sais quelle aventure forestière au retour incertain, soit maculé de boue jusqu'aux cheveux, soit sans plus de semelles ni pensées claires, soit encore ramenant fièrement sur le dos le cadavre décomposé d'un renard.

Telle se présentait à moi la vie. Et je la prenais avec toute l'ingénuité de mon coeur puéril. Mais aussi avec toute l'immensité de ma jeune âme dénuée d'oeillères.
 
Bête et heureux, j'expérimentais le monde avec autant de candeur que d'esprit pseudo scientifique, n'hésitant jamais à faire des mélanges hasardeux avec chaque enchantement de la Création qui me tombait sous la main. 

Je pouvais concevoir une "géniale" industrie ludique, vaine et éphémère, basée sur l'alliance du sucre et du vinaigre. Imaginer une mélodie improbable faite de chants d'oiseaux émis à travers un philtre de bave de limace. Ou bien fabriquer un savon révolutionnaire hyper décapant en incorporant de vagues acides pharmaceutiques à un bloc de margarine périmée... Enfin n'importe quelle absurdité, pourvu que le résultat fût fracassant, ignoble, merveilleux.

Même si parfois je ne récoltais qu'une décevante, stérile, muette inertie des choses...

Bref, j'aimais allier le pétard à la guimauve.
 
J'inventais sans jamais me lasser toutes sortes d'extravagances. Livré à mes rêves sans borne, chaque jour il me passait dix folies par la tête. Tantôt niaises, tantôt sulfureuses. Je tentais de donner corps à certaines d'entre elles. Mais bien souvent celles-ci tombaient à l'eau, ne résistant tout simplement pas à l'épreuve du réel. Bien que parvenu à l'âge de raison, cela ne m'empêchait pas d'ignorer joyeusement les mécanismes de la physique et les principes de la nature les plus élémentaires ! Nullement découragé par mes échecs répétés, encouragé par mes rares succès de petit bohémien illuminé, je m'ingéniais à vouloir violer les lois de la matière, à contraindre à ma volonté le vent, les oiseaux, la Lune.

Je pensais que mon imaginaire seul faisait autorité sur tout. Mes heures de bonheur naturel ne me suffisaient pas. Pour les relever, il me fallait ajouter du soufre, des guirlandes, du jus de citron, du miel, de la crème, des queues de cerise, des flammes de roses et des baisers de vipères. 

Ou même carrément, un oeuf. 

Toutes ces impérieuses bagatelles, c'était mon sel à moi.

Ainsi je pris l'habitude de placer un coco tout frais au fond de l'une de mes bottes en caoutchouc. Et ce afin d'égayer ma journée, du moins selon mes critères de l'époque...

Alors le bruit de mes pas devenait spongieux jusqu'au soir. Ce qui faisait éclater de rire Raymond, un ouvrier agricole qui prêtait beaucoup d'attention à mes singeries. Sous ses yeux, je me donnais en spectacle sans retenue, et je sentais bien que devant lui j'avais l'envergure d'un prince.

Plié en deux, dans la cour de la ferme il s'esclaffait sans discontinuer ! Ses larmes de délices rayonnaient au soleil.

En écrasant la coquille à l'intérieur de ma chaussure pour en faire une omelette visqueuse entre mes orteils, je provoquais des incendies d'hilarité.

Lorsque je libérais mon pied de son étreinte une fois la plaisanterie totalement achevée, en voyant dégouliner la jaune et odorante liqueur, j'avais l'impression qu'un ogre avait chié dans mon croquenot !
 
Mais surtout, une fois rentré chez moi, j'entendais toujours Raymond qui se bidonnait... Et je l'entends encore, un demi-siècle après.
 
J'avais allumé une étoile au village.

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samedi 9 décembre 2023

2110 - Les bûcherons de Clinchamp

A Clinchamp les bois ne sont pas très hauts mais les rares bûcherons qui travaillent là-bas sont bien costauds ! Et surtout, très spéciaux, hors des normes, pas comme les autres.
 
Il faut dire que les superficies sylvestres sont vastes sous ce ciel reculé de la Haute-Marne, même si les arbres n'ont rien de vertigineux. Comme tout le reste autour de ce village, d'ailleurs... Ce qui est remarquable précisément, c'est que les points culminants de ces terres à échelle ordinaire se situent à l'horizontale, non à la verticale : c'est l'infini que l'esthète perçoit en premier lieu à travers les brumes du quotidien, fort paradoxalement.
 
Tandis que l'homme médiocre ne verra qu'une impasse derrière ces opaques apparences.
 
Ni le clocher, ni aucun toit, ni rien d'égal ne domine ce royaume dénué d'éclat.
 
Seuls les espaces boisés s'imposent dans le lointain. Ils représentent les profondeurs obscures, inquiétantes, captivantes, quasi mystérieuses, de ce monde à part.
 
L'ultime refuge de la modernité.
 
Une sphère d'évasion, un recoin d'oubli, un asile d'ombre et de silence, le but d'un voyage radical vers la simplicité, l'essentiel, le rêve.
 
Aussi dans ce contexte particulier les porteurs de haches incarnent-ils des sortes d'argonautes de la cambrousse s'enfonçant dans les voies les plus secrètes de la forêt.
 
Ils ressemblent à des oracles en sabots, à des ogres subtils, à des explorateurs oniriques en quête de trésors suprêmes, loin des artifices clinquants de la ville, pétris d'un idéal virgilien proche de leurs semelles, à portée de leurs pognes...
 
Animés par la flamme sacrée de leur métier, ils contribuent au bonheur local. Avec modestie, mais ayant néanmoins conscience d'oeuvrer pour la cause vénérable, ils récoltent l'humble combustible végétal qui, après coupe et séchage, ira flamboyer dans l'âtre des villageois, illuminant leur foyer et réchauffant leurs jours d'hiver...
 
Ce qui, finalement, réjouira leur coeur simple.

Voilà qui suffit à faire de ces travailleurs de la sylve d'augustes légendes enracinées parmi le peuple des feuillus, tels des demi-dieux vaquant à leur besogne dans leur étrange olympe de verdure.

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vendredi 8 décembre 2023

2109 - Le coucou de Clinchamp

A Clinchamp le coucou n'annonce pas vraiment le printemps.
 
Mais plutôt le train-train du spleen, trois mois de tièdes tourments, une saison de papillons aux ailes de plomb.
 
Il est le point de départ des jours vides qui s'écoulent, indolents, et des heures de langueurs consacrées à attendre que tout passe, que tout se fige et que tout meure... Autant dire le commencement d'un chemin de sempiternelle mélancolie, ponctué d'interminables aires de monotonie.
 
Un royaume où la lumière ressemble à une brume sans fin et où le ciel est un océan de rêveries qui finissent comme l'écume. Un pays éclairé par un soleil de léthargie reniflant des nuages soporifiques.
 
Un monde où horizon rime avec prison.
 
Bref, là-bas le chant de l'oiseau parasite rappelle l'air sinistre du glas. Et le beau temps est irrespirable du premier rayon de l'aube à la dernière larme du crépuscule.
 
Non vraiment, je vous le dis, ce village ne s'illumine d'étoiles et de cailloux et ne prend ses couleurs de bouse et de feu que hors des sentiers sclérosés de la pensée citadine !
 
Si vous voulez trouver le bonheur dans ce trou de silence et d'inertie, sondez ses profondeurs au lieu de vous attarder sur ses surfaces. Ses vrais trésors sont au niveau des racines, et non superficiellement au ras des pâquerettes. Ils gisent là où règnent les siècles, persistent les légendes, pèsent les pierres et volent les fantômes : loin des apparences, dans les subtilités de ses rudesses et les mystères de ses lourdeurs.

Aux antipodes de la plate chansonnette du pique-nids.
 
L'âpre joie de l'esthète épris de vaches et de vent, de flore et de plume, de paille et d'ombre, d'herbe sèche et de verte folie ne réside nullement dans les insignifiances de mai, les banalités de la brise vernale et les légèretés du volatile qui de branches en branches répète ses notes annuelles immuables...

Mais dans l'ivresse que procurent les tempêtes de grêle, l'enchantement qu'apportent les flots de boue, la réjouissance qu'occasionnent les averses réfrigérantes. 

Sans prévenir, ces rigueurs providentielles tombées des nues réveillent les statues de chair que vous êtes, vous les visiteurs égarés en ces lieux, brisant d'un coup le rythme mortel de cette champêtre nécropole nommée Clinchamp !

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lundi 4 décembre 2023

2108 - BFMTV : l'écran de la vérité

Depuis que les médias généralistes ont pris le pouvoir tant sur les écrans que dans les cervelles, les foules de notre belle société de technologie triomphante ont été sorties des ténèbres de l'ignorance, mises à l'abri de la superstition, placées loin de la sensibilité archaïque dont souffraient nos aïeux qui, eux, croyaient aux fables peuplant leurs jours simples sans aucune connexion avec des sources d'informations non-stop...
 
Il faut dire que nos malheureux grands-parents n'avaient pas la chance d'être, comme nous, constamment branchés sur les antennes de la bonne parole de BFMTV... Les pauvres étaient isolés dans leur trou, sourds aux bruits en vogue, hors de l'actualité brûlante, privés de tout scoop, du moindre flash d'info, de la plus élémentaire notification.
 
Leurs journées ressemblaient à des pluies monotones, avec dans leur tête des pensées statiques sans relief ni éclat. Seul l'horizon plat de leur existence fade bornait leur vue brève. Au lieu de téléviseurs allumés sur les choses les plus essentielles, ils fixaient bêtement leur feu de cheminée.
 
Et n'imaginaient rien d'autre que des affaires à leur portée. Ils ne s'occupaient que de leur jardin, n'écoutaient que leurs voisins, ne voyaient passer que les oiseaux du ciel au-dessus de leur toit.
 
C'était pour eux la porte ouverte à tous les vents locaux, à on ne sait quelles ineptes rumeurs du coin, aux histoires invérifiables ne dépassant pas les limites de leur clocher... Autant dire que nos ancêtres étaient exposés aux mensonges, aux balivernes, aux fake-news !
 
Arriérés, reclus, vierges des fracas et tapages du globe, ils n'avaient jamais de contact auditif ou visuel avec les diffuseurs de vérités bien calibrées que sont les présentateurs de journaux télévisés.
 
Je veux parler de ces messies des nouvelles officielles aux mots de marbre, aux déclarations gravées dans les certitudes de ce siècle de raison, de sciences et de progrès.
 
Paroles d'évangile qu'il est d'ailleurs interdit de contester, de discuter, de contredire sous peine de passer pour un complotiste. En effet, elles ont été proclamées comme vraies, décrétées irréfutables, garanties conformes à la vision du monde en vigueur sous nos latitudes par leurs auteurs dûment dotés d'authentiques cartes de presse.

Nous pouvons dormir tranquille : les idéologues infaillibles à la langue aseptisée que l'on nomme "journalistes" veillent à la bonne formation de nos idées prémâchées.
 
Les éditorialistes à la une ont construit notre quotidien d'honnêtes et modernes moutons selon les bonnes normes : les leurs.

Là est l'intérêt obscur de ces menteurs professionnels.

En réalité, derrière leur façade lisse ils pensent comme des loups.

Mais devant leurs prompteurs parlent comme des agneaux.

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2107 - Lettre anonyme

Monsieur,
 
Vous ne savez pas qui je suis, mais quelle importance ? Moi je connais parfaitement mon identité : né des odeurs de vos mauvaises idées, je viens du fond de vos égouts, du dessous de vos semelles, de l'envers de vos façades, des coulisses de vos théâtres.
 
C'est un oiseau de fer à plume de fiel qui vous écrit cette lettre. Ceci vous renseignera mieux, n'est-ce pas ?
 
J'ai de fines oreilles qui entendent les murmures, les mots durs et les rêves obscurs de ceux qui m'entourent. Et deux ailes noires prêtes à répandre les vérités honteuses au vent doux des jours amers.
 
Sur mon dos je porte la moisson de vos jardins ambigus.
 
J'ai pour égayer vos heures cruciales des roses empoisonnées et des nuées d'autres amanites aux parfums de scandale...
 
Ainsi sous les toits honnêtes les hôtes à la tête haute auront le privilège d'ouïr mon chant de malheur.
 
J'ai vécu longtemps caché parmi vous, observant chaque attitude, écoutant tous les bruits, à l'affût de bien des feux. J'ai ri et frémi de vos secrets de rats. Et aujourd'hui j'affiche en pleine lumière vos grimaces et comédies, petites indignités et vastes intrigues, protégé de vos crachats derrière ma cape opaque et mon bouclier de corbeau, moi le bec anonyme qui dit tout.
 
Je suis l'ombre qui part à la conquête du monde dans le but d'y faire régner l'orage. Je remonte des gouffres sans nom pour briller au sommet de vos temples. J'apparais sous le Soleil pour faire peur aux hommes.
 
Sorti de mon trou afin que nul ne m'ignore plus désormais, mon dessein est de dévoiler la face râpeuse de vos belles médailles.
 
Bref, je vous adresse ce courrier pour vous faire une révélation : vous êtes cocu !

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jeudi 30 novembre 2023

2106 - Je ne suis pas amoureux de Paris !

Pour moi Paris, c'est l'enfer de la France.
 
Notre capitale représente le sommet du "vertical de travers". Je veux parler, évidemment, de la zélée mais déplumée Tour Eiffel érigée en mémoire de la tranchante année 1789. Un monument de bonne ferraille et de mauvais esprit.
 
Dans les rues de Paname, les bouches de métro ont mauvaise haleine avec leurs gueules ouvertes à tous les matins de la déprime.
 
La Seine quant à elle, pue de ses égouts et vomit ses idées noires autant sur la rive gauche que sur la rive droite. Chez elle la grisaille est universelle. Et puis ses quais sont fréquentés par tous les pigeons de passage, c'est-à-dire les touristes idiots venus de l'autre bout du monde pour faire glisser leurs semelles sur les déjections de nos cabots inciviques !
 
Les boulevards de Lutèce débordent d'impolitesses couvertes de parfums artificiels. La saleté parisienne se vêt à la mode : sous le vernis de la civilité et le raffinement des apparences, se cachent des âmes en sabots qui parlent de gros sous et d'autres futilités avec de bien vulgaires manières !
 
Bref, ses trottoirs ne sont que des cloaques pleins de rats qui se croient à l'Opéra !
 
Ces rongeurs des beaux quartiers veulent chanter leurs salades en vogue au reste de notre pays, imposer leur faux-cols et répandre leurs airs de Pigalle jusqu'à faire taire les cigales de Marseille, mais, Dieu merci, en province nul péquenaud sensé ne croit à leurs sornettes guindées !
 
La pyramide du Louvre est un chapeau pointu qui fait turlututu à l'Histoire ! Vrai pied de nez aux conventions nationales, elle fait le clown dans son cirque sévère.
 
Avec l'Arc de Triomphe, c'est le pompon ! Ce haut-de-forme plein de prétention se prend pour le coeur d'une étoile. Sinistre héritage d'un régime régicide, je voue cette baudruche de pierre aux flammes de mon royaliste mépris !
 
La première cité des veaux français a décidément tous les défauts !
 
Le Panthéon ne vaut pas un rond à mes yeux ! C'est le temple pompeux des doctes menteurs, l'asile mortuaire des fous de la République, le tombeau des raclures de la Gueuse, le toit hautain des athées hantés par les ténèbres. Même Hugo a les pieds trop grands pour entrer dans ce truc trop étriqué. Son orgueil dépasse notre siècle d'au moins deux mètres ! Qu'importe ! Les lettrés éclairés l'ont garé là où elles ont estimé que la place était ajustée pour lui. Quelle mesquinerie !
 
Manifestement, la métropole a le chic pour réduire les géants à des moins que rien !
 
Et vous osez nommer cette Babel de notre hexagone la "Ville-Lumière" ?

Moi je préfère l'appeler la "vile ampoulée" !

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mercredi 29 novembre 2023

2105 - Un jour d'hiver à Warloy-Baillon

Je me revois, enfant, à Warloy-Baillon, dans la clarté radieuse d'un jour d'hiver, sous un soleil de cristal, la tête dans les nues, les pieds dans la neige, le coeur limpide...
 
J'ai douze ou treize ans, et je me trouve dans le fond d'un jardin en friche. Il fait froid, sec, la lumière est tranchante. J'erre en ce lieu improbable, entre mélancolie légère et sourde euphorie, le pas ralenti, le regard fouineur. Je marche, attentif aux moindres choses, pensif. Et même, assez méditatif. Curieux, je m'attarde sur des détails, des insignifiances, des vieilleries jonchant le sol, mais aussi sur le ciel, les arbres, le lointain.
 
L'instant n'est plus qu'un marbre taillé dans le silence.
 
Autour de moi, des broussailles, de la ferraille, divers matériels usagés. Au bout de ce terrain à l'abandon se dresse le hangard d'une entreprise d'installateur-chauffagiste.
 
Je sais pertinemment que je n'appartiens pas à ce monde de plomb, de réalisme brutal qui m'entoure. Et pourtant ces lourdeurs sous mes semelles ne m'indiffèrent pas. Plongé dans le siècle, traînant au milieu des ordures d'un quotidien pragmatique éclairé par un azur de glace, des fenêtres s'ouvrent en mon âme. Je m'étonne d'éprouver soudainement de l'amour pour la Création entière.
 
Je me sens emporté dans un bonheur vague et immense...
 
Aussi loin dans le temps que se situe cette scène, c'est comme si les années n'avaient jamais passé depuis ce moment figé dans l'éternité. Le souvenir de cette heure immortelle est toujours là, intense, lumineux, intact. Je le touche du bout des doigts.
 
Bref, nous sommes vers 1978, je suis un gosse vagabondant en un endroit incertain, un peu triste, un peu délabré, terne et désolé, et là sous l'éclat de janvier, je me mets à percevoir le Beau partout.
 
Des brumes de l'horizon, de l'atmosphère pétrifiée, mais également des murs de briques, des gouttières gelées, des buissons épars, de chaque objet que je vois par terre, oui jusque là, émanent des ondes d'indicible joie !
 
Une allégresse universelle monte en moi.
 
Entre l'authenticité des éléments naturels et les rebus de l'industrie humaine, étrangement il n'y a pas de rupture à mes yeux. Tout brille. Tout vibre. Tout est mystérieux. Même la laideur rayonne. 

Je suis tout jeune encore et je découvre l'essentiel. Je ne connais rien de la vie et je viens d'entrevoir l'absolu.

En 2023, je couche ces mots. Les décennies n'ont pas effacé mon expérience juvénile.
 
Certes, aujourd'hui j’ai parcouru bien du chemin... 
 
Mais c'est à partir de ce lopin désaffecté que pour la première fois de mon existence j'ai décollé jusqu'aux étoiles.

J'avais l'âge des grandes vérités, je crois.

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dimanche 26 novembre 2023

2104 - La femme soumise brille comme une casserole

Tandis que ce siècle glorifie la femme insoumise, émancipée, indépendante, je revendique ma préférence innée pour la ménagère soumise, l'épouse docile, l'amante rampante.
 
Moi, c'est la boniche naturellement sous mes pieds que j'encense. Et non la hyène rebelle et hystérique placée sur un trône mensonger par des caniches émasculés et pervers, soucieux de parité. L'égalité des genres est contre-nature : elle viole éhontément les principes de la Création et attente gravement à la fierté masculine.
 
Le couillu ne consent nullement au nivellement entre l'utérus et le phallus.
 
Contrairement à l'idéologue épilé, castré et muselé qui culpabilise d'être né avec une épée entre les jambes et souhaite instaurer chez les conjoints un "équilibre" chimérique parfaitement artificiel, (autrement dit qui souhaite céder son autorité à la suffragette), le taureau fort et intègre, demeuré entier, ne réclame aucune "justice" dans le couple car la seule équité qui vaille à ses yeux, c'est celle de la phallocratie triomphante !
 
L'Éve éternelle, je ne la conçois, selon mes critères, qu'affairée derrière ses casseroles, heureuse d'être enchaînée à son mâle, toute au service du seul bien-être de son mari,  admirative de sa virilité, pleine d'abnégation, de flamme et de respect pour celui qui, d'une poigne de fer, lui désigne sa véritable place.
 
Lui le maître, elle son ombre. Lui le Soleil, elle le sillon. Lui le lion, elle l'oiselle.
 
L'homme au-dessus, son gibier au-dessous. A hauteur de ses bottes, pour être précis.
 
Telle est la véritable loi de l'amour, chez moi.
 
Nul besoin pour le conquérant du sexe faible d'élever sa proie d'alcôve plus haut que nécessaire. Afin de préserver le bonheur de son esclave, l'époux attentionné doit charitablement rappeler à cette dernière de ne jamais tenter de dépasser ses limites génétiques, physiques, intellectuelles car la félicité de l'amoureuse n'est pas ailleurs qu'aux fourneaux et sur la paillasse.
 
Le tablier de la cuisinière et les dentelles de la séductrice : ces deux tenues sont suffisantes pour habiller avec décence, honneur et pragmatisme celle que son officiel ensemenceur aura élue  "reine du foyer".

C'est précisément là, que la femelle étincelle.

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samedi 25 novembre 2023

2103 - Les chouettes de Clinchamp

L'on pourrait aisément deviner que les chouettes de Clinchamp chuchotent à la Lune de champêtres chants effarouchants et, aux hommes qui daignent les écouter, des histoires sans fin à dormir avec le loup... Ce qui est exactement le cas !
 
Pour l'opportune raison que là-bas tout est manifestement différent que dans le reste du monde.
 
En effet, dans les obscurités de ce territoire isolé, séparé de tout, coupé de la civilisation, la réalité prend des allures de rêves et la moindre insignifiance est embaumée de mystère, que ce soit sous le ciel paisible, dans les fourrés plein d'épines, au fond des fossés bordés de fleurs ou bien sur l'herbe tranchante. Tout en ce lieu considérable se colore de folle poésie, s'allège de flammes ou de brumes, s'illumine de songes et s'enrichit de légendes.
 
Dès que la brise emporte une feuille, l'aventure commence ! A l'apparition d'une ombre, le vertige !  Au passage d'un papillon, l'ébranlement ! Sous la première bouse de vache, le grand voyage !
 
Dans cette ambiance onirique, les volatiles de la nuit ressemblent fatalement à des spectres d'opéra volant de chênes en clocher et s'exprimant tantôt à la lyre des airs, tantôt à la trompette des champs. Et lorsque le visiteur passe sous ce chapiteau céleste où fusent les esprits des bois et planent les fantômes de l'azur, soit l'effroi le pétrifie, soit l'enchantement lui donne des ailes.
 
Mais le pire c'est lorsqu'il est plongé dans le cauchemar de l'indifférence. Avec ses deux pieds  bêtes et pragmatiques pour seules compagnies, qui le mènent au royaume des platitudes.
 
Les oiseaux bien emplumés de ces terres profondes ont les légèretés de nos pensées les plus éthérées, pourvu que nous soyons à la même hauteur d'ondes que leurs plumes sans prix. Mais pour les âmes ternes, prosaïques, engourdies de certitudes rigides, ils apparaîtront comme des poids morts, sources de désillusions, d'ennui, de stériles insomnies.
 
Bref, c'est ainsi qu'au coeur de la campagne nocturne de Clinchamp, mais aussi au-dessus du village lui-même, les uns entendront de véritables romans colportés par le vent et éclairés par la lueur des astres, les autres n'y verront tout simplement que du feu !

Selon la sensibilité de chacun, soit ce sera le vide total au-delà des toits et du quotidien, soit sonnera l’heure de l'évasion absolue.

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mercredi 22 novembre 2023

2102 - Quand la tempête s'abat sur Clinchamp...

Les jours de tempête à Clinchamp, le vent ressemble a des hurlements de loup.
 
Et le paysage habituellement si serein se métamorphose en une mer d'angoisse.
 
Alors l'on peut entendre sur la campagne des plaintes, des grondements de bête et des pleurs étranges, comme si des ombres malheureuses sortaient des bois pour se répandre autour du village.
 
Est-ce la configuration particulière des lieux qui fait que là-bas le souffle de la nature prend des allures aussi mystérieuses ? L'espace semble pourtant n'avoir rien de spécial : une plaine, quelques buttes, des surfaces éparses de feuillus, des terrains sans grandes aspérités, bref juste une immensité découverte. Des étendues banales ainsi qu' il en existe beaucoup, partout en France.
 
Aucun signe perceptible n'annonce quoi que ce soit de différent...
 
Sauf que, sous les dehors anodins de ces terres anonymes, tout paraît à part pour qui vient de l'extérieur. De toute évidence, cet endroit n'est décidément pas comme les autres ! Il suffit simplement d'y mettre les pieds pour s'en rendre compte. Même si je n'ai nulle explication à ce phénomène, toujours est-il que le visiteur se sentira aux antipodes de son quotidien en parcourant ce pays.
 
Et donc, quand la tourmente vient troubler ce monde reclus, des portes s'ouvrent depuis tous les horizons, des présences surgissent d'on ne sait quelles profondeurs, et des clameurs recouvrent ce théâtre de tous les rêves. Qui pénètrent les choses autant que les êtres.
 
En altitude, à perte de vue, des formes émergent puis s'évanouissent au gré des nues changeantes. Et le tumulte des éléments fait naître des images fantastiques dans le lointain. La bourrasque devient tantôt aussi effrayante que des spectres éphémères, tantôt féerique telles des flammes venues d'ailleurs. Puis tout s'estompe, tout s'éteint pour se reformer aussitôt sous des aspects divers, inquiétants ou sublimes. Et bientôt tout se fracasse encore dans les gouffres célestes. Pour se rallumer dans de nouveaux feux d'artifices sombres ou éclatants...
 
En ces heures singulières où le ciel se déchaîne, parfois un visage se dévoile furtivement dans les hauteurs. Et cette face esquisse, selon les dires de certains, un sourire bienveillant. Ou ébauche une grimace moqueuse. En réalité personne ne sait trop bien. Nul n'ose avancer une réponse claire, réelle ou imaginaire. L'incertitude règne.
 
On le voit, dans ce coin inconnu de la Haute-Marne, l'ordinaire n'est qu'un masque derrière lequel se cache le fabuleux.

Moi je devine finement que ces traits vagues aperçus à travers les nuages, lorsque le temps est agité, ce sont ceux d'Éole qui, habillé de brume et de lumière, chargé de tonnerre, de tambours et de trompettes, vient faire son cirque à Clinchamp !

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lundi 20 novembre 2023

2101 - L'aile et la pierre

(Texte d'après un tableau du peintre Aldéhy)

Il fait face à la mer, le visage dans le vent, les yeux dirigés vers l'infini. Lui le rêveur, lui le vagabond, lui le papillon...
 
L'autre est arrivée au bout de son voyage. Assise au bord du rivage, elle tourne le dos aux flots, et regarde son passé. Elle la fabuleuse, elle l'irréelle, elle la légende...
 
Il est dans le jour. Elle est dans l'ombre.
 
Tous deux sont plongés dans leurs songes, chacun semblant ignorer son double.
 
Le premier a les pensées dans les airs, la seconde traîne des vieilles pierres mélancoliques dans la tête. Il espère, elle soupire. Il vole, elle vogue. Il est léger, elle est mystérieuse.
 
Il est libéré des pesanteurs temporelles, elle est chargée des fleurs séchées de ses souvenirs.
 
L'étoile rencontrera-t-elle la bulle ? La flamme se joindra-t-elle à la plume ? Le nuage croisera-t-il l'oiseau ?
 
Il est clair, elle est triste.
 
La hauteur n'est-elle pas faite pour la profondeur ? Ce qui est aérien n'est-il pas compatible avec ce qui est vaste ? Le ciel n'est-il pas l'asile du cygne ?
 
Lui, est dans la lumière. Elle, est dans le trouble.
 
L'azur qui se mêle à la brume offre toujours au monde des beautés crépusculaires.
 
Ils sont faits pour unir leur destin, mais ne le savent pas encore.
 
Bientôt le miracle aura lieu. Ils se prendront la main dans le chant des vagues.
 
Et ce sera bien mieux que du banal amour.

Entre eux, l'on assistera au triomphe de la Poésie.

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samedi 18 novembre 2023

2100 - Mes amis les maudits

Moi j'aime la compagnie des vrais gens, des êtres de chair ou de fer, et non de vent.
 
Je suis attiré par ces oiseaux épais, noirs, aux ailes vastes, aux chants lourds et aux becs fatidiques. Ces porteurs d'histoires vécues gardent leurs pieds de charbon enracinés dans le réel, loin des fétus de paille de ce siècle de légèretés, de tiédeurs, de pacotilles et d'idéologies inconsistantes.
 
Ils rugissent tels des carnassiers et rient pareils à des barbares, ce qui effraie les mauviettes. Plus proches des sangliers que des caniches, des aigles que des oisillons, des taureaux que des poulets, ces tempéraments virils font fondre d'une seule de leurs paroles de feu les guimauves tremblantes qu'ils croisent sur leur route vertueuse semée de pierres... Dotés d'épidermes d'épines et non de duvet, ils écorchent tout ce qu'ils touchent.
 
J'apprécie la proximité de ces hommes qui ont de la bouteille, une envergure de loup, une haleine de rat et des pognes comme des cailloux.
 
Avec, sur leur trogne balafrée, le poids implacable d'une destinée.
 
Véritables têtes brûlées, âmes authentiques, bien trempées, ces ogres en grosses bottes défendent sans peur leurs idées en roc, et tant pis s'ils passent pour des hôtes des cavernes et que leurs goûts sont démodés.
 
Leurs adversaires, c'est-à-dire les mollassons, les trouvent hideux avec leurs habits déchirés par la vie, leurs coeurs amers et durs salis par l'expérience et aguerris par l'aventure. Moi je les admire, ces beaux chouans, ces superbes corbeaux, ces dignes rustauds !
 
Même s'ils puent, même s'ils se mouchent dans les bonnes manières, même si répugnants et brutaux ils pissent sur vos semelles et jurent dans vos salons, parlent fort et vous crachent dessus leurs vérités sans nuance, ils me plaisent infiniment plus que ces brindilles émotives, sensibles, humanistes et tolérantes qui ne me destinent que leurs pensées flasques, leurs sentiments fades, leur amitié en toc et leur petite peau délicate parfumée de mensonges, d'artifices et d'écoeurantes mondanités.
 
Eux les maudits, eux les épouvantails, eux les affreux Jojo sont mes amis.
 
Et vous les détestez, bien proprets que vous êtes sous vos airs respectables, vous les moutons du système, vous les penseurs autorisés, vous les esprits encadrés, vous les citoyens rangés, sous prétexte que ce sont des racistes primaires, des antisémites avérés, des ennemis de votre démocratie, des anti-féministes assumés, des homophobes sans reproche, des français de souche attachés à leurs traditions...
 
Moi je les écoute, moi je les comprends, moi je leur tends la main.
 
Et je ne crains pas vos regards de vautours, vous qui les combattez à mille contre un après les avoir banni du forum public, sous couvert que vous êtes majoritaires.
 
Je les nomme sans honte "Conversano", "Soral", "Dieudonné", "Ryssen", "Reynouard", "Faurisson", "Renaud Camus"; "Jérôme Bourbon"...

Moi j'ai le courage de les suivre jusqu'au bout, pour l'urgente, l'unique, la primordiale raison que vous pensez qu'ils ont tort.

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vendredi 17 novembre 2023

2099 - Le brouillard de Clinchamp

Lorsque le brouillard recouvre Clinchamp et l’obscurcit, l’effet est comparable au Soleil qui resplendit sur Paris, faisant rentrer ses rats dans les caniveaux, roucouler ses pigeons sur les quais, sortir ses habitants dans les jardins.
 
A l'image de Paname qui s'embellit à la belle saison, quand l'onde spectrale se répand dès octobre dans cette cambrousse refroidie, ses misères se dissipent, ses plus modestes abords prennent soudain de grands airs, ses petitesses deviennent des causes majeures et là seulement son visage glorieux se révèle, ses sommets faisant oublier ses platitudes.
 
Sauf que dans ce coin perdu les légèretés qui éclairent les âmes sont profondément hivernales, durablement austères, durement réalistes et non pas passagèrement printanières, vaguement romantiques ou sottement commerciales, comme dans la capitale.
 
Bref, ici plus qu'ailleurs, la brume transfigure le village.
 
Elle lui donne des allures augustes, des aspects graves, des élégances mortuaires. Et ajoute également des idées folles aux matins glacés qui font frémir les toiles d'araignée dans les ronces et brûler d'amour les grenouilles au fond de leurs mares !
 
Dans ce repli de la Haute-Marne rien n'est décidément pareil que dans le reste du monde : les fumées de la terre forment des haillons d'argent pour offrir des habits de rêve aux fantômes et des robes de mariées aux épouvantails. Les nappes d'ombre qui brillent dans ce trou de la France l'illuminent totalement. On a même entendu dire, d'après les anciens, que dans ce clocher méconnu la vaste humidité enflammerait le ciel d'un firmament de chimères et qu'à travers d'éphémères arabesques de grisaille les traits des morts apparaîtraient furtivement au-dessus des toits...

C'est pourquoi, paraît-il, les automnes embués de Clinchamp seraient hantés par autant de rafraîchissantes tristesses que d'ardents esprits.

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mardi 14 novembre 2023

2098 - Artiste de gauche

L'homme de gauche épris d'art est si prétentieux qu'il en devient volontairement incompréhensible, inutilement compliqué, vainement abstrait.
 
Fatalement imbuvable. Mais tellement chic...
 
Il a la simplicité, la clarté et la beauté naturelle en horreur.
 
Avec lui la lumière doit être obscure, l'esprit de travers, l'ordre tordu.
 
Sa pensée difficilement accessible débouche sur des sommets d'inanité qu'il enrobe de mille arabesques absconses, de savants enfumages, de complexes prétextes cérébraux. Sous son pinceau, sa plume ou sa guitare, le néant règne en maître.

Et la hideur, l'absurde, l'incompréhensible deviennent les valeurs suprêmes dans son olympe déréglé.
 
Aux yeux de cet esthète du progrès social, si vous ne comprenez rien à ses oeuvres d'avant-garde, c'est que vous êtes stupide.
 
Ou alors, ce qui revient au même, un prolo peu éduqué. Ou bien une brute insensible. Ou tout bonnement un ignare, un primaire, un arriéré qui se complaît nécessairement dans sa nullité...

Et si, pauvre imbécile sans instruction au bas de l'échelle culturelle que vous êtes, vous vous extasiez "béatement" sur les traits limpides d'Apollon, sur les lignes amènes de Vénus ou sur les grâces perceptibles de Virgile, c'est que vous n'êtes qu'un benêt bon à manger du foin ! Selon ses critères, vous incarnez la grossièreté, la vulgarité, l'archaïsme.

Le bohème de la cause libertaire méprise l'harmonie académique, l'émotion innée que l'honnête péquin éprouve pour pour le Beau, la joie directe qu'inspire le Soleil aux visages sans masque.

Hermétique, confus, déconnecté du réel, l'érudit gauchiste aime faire passer ses fausses profondeurs intellectuelles pour de vraies légèretés de l'âme.

En réalité, malgré ses fumées mentales, ses artifices esthético-élitistes, ses ailes lustrées, il est lourd, fat, pédant.

Ignoré par les ploucs provinciaux mais adulé par tous les pigeons de Paris.

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mercredi 8 novembre 2023

2097 - L'éternité dans la tête

Tandis que mes frères humains restés au niveau du sol comptent les gros écus de leur petit vécu, calculent leurs cotisations, accumulent leurs points retraite, attendent une augmentation de leur salaire, chèrement attachés qu'ils sont à leurs gains épuisables, à leurs termes limités, à leurs pensées bornées, se vantant d'avoir les pieds bien sur terre, moi je vise l'horizon et plus loin encore, léger comme l'éther, l'âme remplie d'azur et d'oiseaux, la tête vidée de tout plomb superflu.
 
Je n'ai pas de fil à la patte mais de l'éclat dans l'aile.
 
Né pour monter, voler, étinceler, seules les étoiles brillent à mes yeux car elles seules sont à portée de mes vues infinies.
 
Rien d'autre n'a plus d'importance à mon coeur que ce qui dépasse les astres, touche les constellations, s'approche des galaxies... Pour égaler l'éternité.
 
Je n'ai d'aspiration que pour la démesure du firmament.
 
Et les siècles sans fin qui vont avec.
 
Je ne suis ému que par le mystère du Cosmos, la profondeur de ses océans, la beauté de son insondable silence.
 
Et n'éprouve nulle compassion envers mes semblables bipèdes empêtrés dans leurs affaires minuscules, ne me sens aucunement concerné par leurs rêves de rampants, suis parfaitement insensible à leurs désirs mesquins, au contenu de leur gamelle de caniches, à leur sort de minables épris de canapés, préoccupés de pouvoir d'achat et n'espérant rien de plus élevé dans leurs existences de tubes digestifs stupides que des vacances à la mer et les cornets de glace qui les accompagnent.
 
Leurs misères et bonheurs au ras des pâquerettes ne m'inspirent que mépris. Je demeure indifférent aux souffrances salariales et joies matérielles de ces hommes sans hauteur encore au stade de chenilles stagnantes.
 
Ce qui se situe au-dessus de ma tête est digne de ma flamme, ce qui brûle dans le ciel mérite ma chandelle, ce qui palpite dans l'immensité vaut tout l'or du plancher des vaches.
 
Le reste n'est que poussière, lourdeurs, petitesses, trésors de larves, bons à être piétinés.

Vous les attardés, vous aurez droit à ma reconnaissance, à mon respect lorsque, enfin devenus des papillons, vous me parlerez à égalité, de sommet à sommet, là-bas loin de vos chaussettes, tout en haut de l'Univers, en pleine lumière.

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mercredi 1 novembre 2023

2096 - Toussaint à Clinchamp

La Toussaint à Clinchamp est le jour le plus fameux de l'année !
 
A cette date fatidique, les oiseaux sont morts, le ciel est chargé de marbre, les nuages tombent, les hommes ruminent et les vaches deviennent des statues.
 
La pluie, irrémédiable, ensevelit le village dans une vague de brume mêlée d'enclumes. Un désespoir palpable se fait sentir, froid comme la pierre, aussi noir qu'un coeur de rat.
 
Les labours, l'espace, les bois, se confondent alors à travers une même allure mortuaire.

Tout le paysage se transforme en une sorte de vaste sépulture. L'air se pétrifie, les âmes se liquéfient. Même l'horizon semble n'être plus qu'une fosse pleine d'obscurité où tout sombre, tout gémit, tout meurt.
 
Bref le monde s'effondre là-bas, aux yeux du commun, et aucun habitant des lieux ne trouve le moindre intérêt à sortir sous ces flots d'ombres et de pesanteurs.
 
Sauf que pour moi, c'est l'heure idéale pour me plonger dans cet océan de grisaille propice...
 
Une immensité crépusculaire qui m'enivre et m'emporte, m'allège et m'émeut. Des champs trempés de tristesse, semés de langueurs, alourdis de morosité qui m'ouvrent des voies intimes et me donnent accès à des hauteurs nouvelles...
 
Seuls les esthètes de mon espèce sont heureux dans ce décor ultime.

Rien de mieux qu'une nue plombée de mortelle détresse pour déployer mes ailes de corbeau !

C'est dans la molle tourmente de ce climat funeste qu'enfin je m'envole, prenant appui sur les pleurs de la saison, porté par les larmes de novembre, soulevé par les soupirs de la terre.

Je m'élève toujours plus, poussé par ce vent de sanglots, et une fois parvenu au sommet de cet univers aux apparences de malheur, loin du sol, hors de vue des mortels en sabots, je ne distingue plus qu'une plaine arrosée d'allégresse.

J'englobe de mon regard supérieur une campagne déserte, ténébreuse, figée, où sous formes d'intempéries la Création déverse sans mesure sa limpide et rude joie, son ardente flamme, sa féconde gloire.

Autrement dit, sa vraie lumière.

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