mardi 28 mai 2024

2173 - Juan Asensio, ce rat enflammé

Je ne déteste nullement Juan Asensio, c'est lui qui regarde ailleurs, tout simplement : à force de fixer ses  propres pieds, il en oublie de voir mes ailes izarriennes et de m'aimer à ma juste hauteur.
 
Cet érudit vertigineux fait partie des doctes baudruches universitaires dûment certifiées. Ces paons de salon ne manquent d'ailleurs pas d'air et s'y connaissent pour chanter leurs couplets en accommodante compagnie ! Grâce à leurs grands airs compassés, ces immenses volumes d'ego viscéraux peuvent confirmer auprès des gogos béats de respect qu'ils enflent dans le bon sens.
 
Fort adéquatement gonflées, ces montgolfières de pédante cérébralité s'élèvent aisément dans les pensées les plus lourdes, les plus austères, les plus cotées du pur intellectualisme pompeux : du meilleur effet dans les salons vernis !
 
Et Asensio s'y connaît dans cet exercice de clown savant. Cet art majeur n'est pas à la portée du premier venu. Il faut  admettre que notre trapéziste du verbe excelle dans ce domaine. Quand il entre en scène sur la piste aux étoiles avec son nez rouge de lettré attitré, le numéro est garanti. Un spectacle de haute volée !
 
L'ampoule des livres ne se prive pas de faire résonner sa cause avec la gravité d'une enclume, plus solennelle dans son fauteuil de ponte de la plume qu'une cloche de Pâques à Rome.
 
Asensio n'a pas besoin d'apparaître avec un grand chapeau sur sa tête pour convaincre, il lui suffit juste d'y mettre des formes plus subtiles et congrues. Ces impérieuses affaires de l'esprit passent bien mieux dans la finesse. Les fulgurances de sa cervelle sont toujours académiques, lustrées, guindées. Ce qui permet d'en mettre plein les mirettes aux alouettes qui l'admirent !
 
Face à ce gouffre de prétentions, les regards convergent verticalement vers sa mine sombre et ses traits tristes sans espoir de fantaisie, ce qui est certes paradoxal mais ce qui prouve indubitablement que l'on a affaire à une statue de poids : Asensio c'est du plomb, du vrai, et qui compte dans l'azur orageux de la littérature !
 
Notre soldat des Belles Lettres est belliqueux, infréquentable, fou et enragé. Mais également vaillant, combatif, féroce et salvateur.
 
Ce ténébreux aérostat tourmenté n'a pas tort pour autant.
 
Ses flèches messianiques perforent ses ennemis directement en plein coeur. A tous les coups, il vise et tire avec justesse.
 
Seul défenseur de l'authentique feu littéraire parmi les limaces officielles avaleuses de mollesse, Asensio brille comme un bibelot mais brûle comme un cierge !
 
C'est un rat lumineux.

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dimanche 26 mai 2024

2172 - Il va pleuvoir bientôt

En ce dimanche de mai un soleil de plomb préside aux festivités du village.
 
Les lourdauds locaux y sont à l'honneur !
 
Il y a de la saucisse pur porc accompagnée de fritaille dégoulinante de graisse, du bric à brac de choix, de la bonne grosse musique à bovidés, bref de quoi contenter l'étable de bipèdes adipeux du coin venus se rassembler pour festoyer dignement en ce jour de toutes les légèretés autorisées.
 
Autrement dit, de toutes les pesanteurs provinciales du moment.
 
L'astre brille et brûle les participants de cette vague kermesse. Quel bonheur à leurs yeux que de pouvoir être présents à ces réjouissances dominicales sous les feux les plus ardents de Phébus ! Plus ils ont chaud, plus ils assimilent leur inconfort, leur transpiration, leur soif, leurs rougeurs à la suprême félicité estivale.
 
Et, enivrés par la flamme solaire, tous se persuadent que cette touffeur qui s'abat sur leurs barbecues, leur buvette et leurs fronts ruisselants est une bénédiction que, du haut de leurs casquettes aux couleurs du Tour de France et aux marques de pastis, ils savent apprécier à sa juste valeur !
 
De mon regard d'esthète je me réjouis de la pluie à venir, percevant à l'horizon la rafraîchissante annonce d'un orage qui, en plus de nettoyer l'atmosphère polluée par cette obèse humanité en proie à ses lourdeurs les plus désolantes, abreuvera la terre d'une onde glacée et vivifiante qui contribuera à chasser les derniers adeptes de la friture et de la cochonnaille. Tout en abaissant la température à la vingtaine de degrés Celsius congrue supportée par les belles gens de mon espèce...

Je ne comprendrai décidément jamais cette population grossière et festive qui, dans les odeurs de graille, entourée du fracas des trompettes municipales et sous les ardeurs d'un printemps plus cuisant que l'été, se sent aussi à l'aise dans son marécage d'imbécillités et d'insignifiances qu'un poisson dans son eau claire.

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vendredi 24 mai 2024

2171 - Au bord de la lumière

Me voici parvenu sur un rivage ultime, à l'écart de tout, dans un trou oublié du reste du monde, au coeur d'une verdure d'autant plus précieuse qu'elle est anonyme.
 
C'est un bout de campagne perdu au fond d'un royaume lointain, hors des fracas de ce siècle.
 
Un univers dont les charmes sont révolus, les images obsolètes, les légèretés envolées. Comme un vieux tableau à la peinture craquelée par le temps, avec ses couleurs endeuillées par la poussière et ses dorures effacées par l'usure, et qui continue pourtant de dégager de délicats parfums d'autrefois.
 
Tout un enchantement qui n'a plus cours aujourd'hui et que je retrouve ici sur cet îlot d'herbes folles et de solitude.
 
Je me sens moi-même comme une âme jaunie dans ce décor où se croisent tous les fantômes d'un passé auquel on ne croit plus.

Légendes ancestrales périmées que je suis le seul à percevoir...
 
Je suis la dernière chandelle encore allumée de ces ruines dorées qui planent en ce lieu, le chantre de ces morts et de leurs oeuvres ensevelies qui vous laissent indifférents, vous qui n'avez pour racines que le sable de la stérile modernité !
 
Moi, voyez-vous, je suis resté dans les terres sages et vertigineuses, familières et cosmiques, simples  et prodigieuses de l'intemporalité. Là où dans l'harmonie universelle se rejoignent rois et gueux, se rencontrent sommets et horizons, se mêlent ombres et lumières afin d'y glorifier d'une même voix la splendeur de la Création.

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mercredi 22 mai 2024

2170 - Dans mes nuages

Ma terre ferme, ma réalité à moi, mon plus beau plancher des vaches, ce sont les nuages.
 
Un horizon de rêves et d'azur, un paysage de neige et d'oiseaux, une immensité animée de vagues célestes, un gouffre d'écume aérienne, un océan peuplé d'ailes de toutes sortes.
 
Des impalpables sommets et toute la légèreté qui va avec...
 
En un mot, l'univers des pensées les plus élevées.
 
C'est là, dans ces hauteurs superbes quasi immatérielles, aussi fluides que possible, entre brumes et lumières, vents et flots, ombres et glaces, que j'aime à accéder, par la grâce de mon esprit détaché des lourdeurs du sol.
 
Mon refuge, mon olympe, mon terrain de jeu et de joie, mon éden pour le dire comme je le dois, c'est tout simplement le ciel.
 
Moi, quand je monte dans les airs, je me sens comme un poisson dans l'eau. Et je deviens un papillon des grands espaces, un être du pur éther, une plume qui s'envole.
 
Et me voilà en train de vous raconter ma folle aventure textuelle, le stylo à la main, la page noircie de mes meilleures idées, l'âme déjà totalement allégée des peines du jour, alors que je n'ai même pas encore terminé de vous écrire le reste de mon histoire.
 
A peine ai-je commencé, à travers ces lignes, à explorer les cumulus qui me sont si chers que je suis parti sans m'en apercevoir bien plus vite, plus haut, plus loin que je ne l'aurais cru.
 
Et je me retrouve ailleurs, hors de ces phrases que vous lisez à présent.

C'est-à-dire, dans un monde infiniment plus subtil que le vôtre.

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mardi 21 mai 2024

2169 - J'ai dormi dehors

Lassé de mes molles habitudes aux heures indolentes du coucher, je quitte mes quatre murs sages pour quelques nuitées de folle aventure au contact des âpres éléments. Je pars chercher le sommeil dans les profondeurs d'un monde brut, dense et fébrile.
 
Je troque les draps proprets et amidonnés de mon lit contre l'oreiller d'humus et la couverture d'étoiles qui siéent aux hiboux de mon espèce.
 
Je préfère le rêche coussin de la nature et la glaciale étoffe du firmament aux tiédeurs de ces chambres qui ressemblent à de mornes caveaux
 
Les rêves faits directement sous la nue, tandis que l'on est entouré de la faune et de la flore, me semblent plus palpables, moins lointains, bien plus vifs que ceux émanant d'une alcôve feutrée au silence mortel.
 
Moi, pour bien dormir, j'ai besoin de me sentir bercé par le vent de l'inconnu, bousculé par les fantômes du dehors, mordu par les crocs de la nuit, loin de l'ennui des matelas rembourrés de soporifique quiétude !
 
Je me repose dans les flammes de l'insécurité, au milieu des flaques d'obscurité, entre les crépuscules qui provoquent les frissons de la peau et les ténèbres qui incitent au voyage de l'esprit. C'est là, au coeur des nocturnes périls, que je deviens aussi léger qu'un papillon, entre ciel et cauchemars.
 
Etendu dans l'herbe, à même la terre ou bien sur des branchages, peu à peu je perds de vue le sol, le poids de la réalité, les lourdeurs du présent. Et, conscient de l'immensité stellaire au-dessus de ma tête, je m'envole en fermant les yeux.
 
Alors l'horizon se remplit de songes, rien que pour moi.
 
Un oiseau aux plumes d'ombre et de feu m'emporte.
 
Juché sur le dos de ce magistral monstre ailé, je parcours de nouveaux espaces, m'égare dans les hauteurs d'une léthargie sauvage et belle, peuplée de pensées de roc, hors du confort de mon toit quotidien...
 
Je suis comme une bête livrée à ses instincts.
 
Libre et lumineux.
 
Et, à l'aube, je me réveille sous la gifle humide de la rosée, tel un faune échevelé émergeant d'un vaste univers onirique, étourdi par un mauvais repos.
 
Fatigué mais heureux.

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jeudi 16 mai 2024

2168 - Les roses

Les roses sur le mur forment une tapisserie de ciel et d'épines, une ramification de rêves et de ronces, un rideau de fleurs et d'amertume.
 
Elles sont le croisement de la beauté et de l'austérité, de la caresse et de la brûlure, du baiser et de la gifle.
 
Les pétales de cette plante de prestige s'allient à merveille avec les crocs dont ses tiges sont également dotées, et si l'on veut humer le parfum de l'Eden, il faut prendre le risque de la morsure du loup. C'est ce qui donne tout son prix à cette futilité.
 
Lorsque je m'approche de ces dangereuses ingénues pour y respirer l'air céleste, soit je suis récompensé par une éphémère ivresse, soit j'y laisse une goutte de mon sang !
 
Le rosier est un firmament d'azur et de feu grimpant sur la pierre. Un jardin de délicatesses accroché au roc. Une nuée d'étoiles mêlées de barbelés.
 
Pour toucher du doigt le visage des anges, l'on doit effleurer les piqûres du diable. Et moi, maladroit, fébrile, empressé, bien souvent je m'élance comme un fou dans ce feu floral !
 
Et là, telle une amante versatile, tantôt le végétal m'embrasse sur les lèvres, tantôt son aiguillon me perce le coeur...
 
A chaque fois j'attends de cette déesse éclose le meilleur ou bien le pire : je reçois alors ou son affection ou son infection.
 
Ou je me pâme de son esthétique et je m'envole, ou elle me pique et mon index enfle.
 
Bref, j'aime les éclats venimeux de ces douloureux ornements qui enchantent et empoisonnent mes heures choisies.
 
Ces trésors entourés de verrues m'inspirent les plus doux élans de l'âme, mais aussi parfois les pires flammes vengeresses.

C'est pour cela que je trouve ces silencieux arbustes beaucoup plus savoureux que les bruyantes et inodores potiches féminines !

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samedi 11 mai 2024

2167 - Perdu en mer

Après la tempête et le fracas des flots contre son embarcation, le plaisancier se retrouve perdu en pleine mer.
 
L'inexpérience, l'insouciance, l'inconscience, puis la panique, l'ont précipité dans le drame.
 
Désormais incapable de contrôler les évènements, il est à la dérive entre l'infini du lointain et le néant qui l'entoure. Il se sait condamné.
 
Sans plus de moteur sur son bateau, le paradis de l'océan lui est devenu un mauvais rêve. Il doit affronter la peur, la soif, la faim, le désespoir. Faire face au pire des cauchemars pour, au final, sombrer dans cette immensité liquide, tombeau impassible où depuis des milliers d'années gisent des naufragés sans nom, sans histoire, sans épitaphe. Il sera un oublié de plus parmi tant d'autres.
 
Cependant, pas encore résigné à son sort funeste, il se bat comme une brindille dérisoire emportée par l'implacable destin. Il n'est plus qu'une fourmi noyée dans un espace incommensurable. Loin de toute civilisation, se sentant minuscule face aux éléments, seul au monde, il ne lui reste plus que la prière.
 
Et justement, à force d'invoquer le Ciel, ce dernier semble lui avoir répondu, enfin. Après des jours et des jours d'épreuves et de survie, il aperçoit une île.
 
La lumière revient en lui, il exulte de joie !
 
Son calvaire va se terminer, il entrevoit le bout de sa route, la fin du voyage, le soulagement de ses souffrances.
 
Ce rivage est un mirage. Ou plutôt, une toute autre réalité avec laquelle il va bientôt entrer en contact.

Mais il ne le sait pas.
 
Lui, il est heureux et vient s'échouer sur le sable blanc avec le ravissement inexprimable de ceux qui se savent sauvés !
 
C'est au moment où il accoste cette terre radieuse qu'il rend l'âme, épuisé.

Cet ultime refuge qui vient de lui apparaître est en fait un nouveau continent qu'on appelle "la mort".

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2166 - Un jeune heureux

A vingt ans il se retrouve avec les mains vides.
 
De sa brève existence, il n'a encore rien engrangé. Et a même échoué dans tous les domaines importants de sa vie qui débute. Une scolarité bancale, non diplômé, sans aucune ambition professionnelle et vivant toujours chez ses parents : il a accumulé les pires handicaps que l'on puisse concevoir ! Dénué de ressources, il n'a devant lui qu'un sombre destin d'assisté social sans envergure. Son cas semble désespéré.
 
C'est un pauvre moineau attardé dans son nid, totalement désarmé pour affronter le sort. Aucun fruit dans son bec pour démarrer un futur prometteur, bien au contraire : c'est un fétu de stérilité et d'incompétence définitivement à l'écart des enjeux de l'emploi. Un oublié des tempêtes du système.
 
Autour de lui ses amis ont mieux réussi : bardés de médailles rutilantes, indépendants financièrement, engagés dans des activités valorisantes, affamés de lauriers et de prospérité, ils foncent vers des horizons radieux comme des loups aux crocs acérés !
 
Ils ont le même âge que notre naufragé croupissant dans son misérable refuge. Eux, riches de leurs connaissances universitaires, de leurs qualifications techniques, de leurs bagages pratiques et intellectuels. Lui, parfaitement démuni en ces cruciaux domaine.
 
Jamais ce jeune homme, pétrifié dans sa funeste inactivité, ne pourra s'offrir le plus basique de ces biens qui stimulent tant ceux de sa génération. Du fond de sa chambre, il n'entrevoit pas la moindre perspective de décoller en ce sens.
 
Eux les vainqueurs, lui le perdant.
 
Reclus dans sa triste piaule d'éternel adolescent, incapable de voler de ses propres ailes, il considère néanmoins sa situation comme la plus enviable qui soit... Et pour rien au monde il n'aimerait changer sa place de déplumé économique contre celle de cette jeunesse dorée.
 
En effet, il a pleinement conscience que, s'il ne jouit certes pas de tous ces avantages matériels, culturels et financiers qui font rêver et courir les gars de son siècle, il a cependant l'essentiel.
 
Ce trésor qui vaut infiniment plus à ses yeux qu'une belle situation, qu'une grosse bagnole, qu'un appartement et que des congés payés, et que n'ont pas les autres, le rend plus heureux que tout !
 
C'est que, voyez-vous, dans les bras d'une blonde, il vient de trouver l'amour.

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vendredi 10 mai 2024

2165 - Le vagabond

On le croit follement épris de liberté, ami du vent, le coeur dans les nuages...
 
En réalité le vagabond  préférerait mieux les chaînes du confort aux chimères de ces piètres rêveurs qui gardent leurs pieds au chaud !
 
On s'imagine que l'égaré des chemins court après un idéal qui dépasse notre quotidien d'embourgeoisés, qu'il poursuit des étoiles qui ressemblent à des flambeaux, détaché de toute pesanteur temporelle, assoiffé de pluies, ivre de voyage vertical...
 
En vérité, la meilleure chose qu'espère le pauvre hère des rues, loin de ces fadaises qu'on lui prête, c'est de se retrouver entre quatre murs, bien au sec, dûment chaussé de pantoufles et délicieusement vautré devant une télévision !
 
On le surnomme "âme bohème"," frère des bêtes" ou "sage des routes et des bois"... Quelle erreur ! En fait, il déteste ses errances de rat, les animaux sont les pires ennemis de sa triste vie de gueux et il est fatigué de ses allées et venues entre le vide de ses jours et le néant de ses nuits.
 
Son existence lamentable n'est qu'un ennui sans fin, une marche sans but, une stagnation sans fruit : il tourne en rond autour de sa solitude, de sa misère, de son chapeau crasseux.
 
La prochaine fois que vous le croiserez, assis sur un banc public ou bien méditant au bord de l'onde, le regard lointain, n'écoutez plus ses sornettes de faux philosophe à barbe blanche ! Il n'adhère certainement pas aux fables qu'il vous raconte ! Cela n'est qu'enfumage.

Tout ce qu'il voudrait, bien caché derrière ses mensonges le faisant passer pour un personnage solaire qu'il n'est définitivement pas, c'est échanger ses vieux croquenots pourris de gros sanglier puant contre votre grand lit douillet et votre belle bagnole rutilante de nanti heureux !

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jeudi 9 mai 2024

2164 - Un ogre

Ce monstre des forêts pue du matin au soir, crache partout, mange comme quatre, bave autant qu'un crapaud, chie dans les roses !
 
Bête comme ses pieds, il est néanmoins chaussé de bottes de peaux de bêtes. Il est stupide mais pas fou et sait très bien qu'un animal de son espèce sera plus crédible avec des semelles de brute plutôt qu'en petits souliers...
 
Son travail consiste en l'abattage d'arbres. Notre homme des bois est donc un bûcheron. Ce qui ne l'empêche nullement d'aller en ville pour s'enivrer à moindre coût dans des bars crapuleux. Et, accessoirement, pour s'enfiler des femelles pour pas un rond. Ce loup de la nuit paye ses saillies douteuses en nature : soit il offre à ces dames du gibier, soit il se propose de retourner leur jardin à coups de pelles. Costaud comme il est, le labeur ne l'effraie guère.
 
Son coeur est une pierre, il déteste les effusions de tendresse. Lui, il cogne au lieu de faire dans la dentelle. Il n'a pas de temps à perdre avec des délicatesses. Ce qui l'intéresse, ce ne sont pas les fleurs mais la viande fraîche, la barbaque, la chair à croquer. Et la gnôle qui va avec.
 
Il est heureux comme ça, ce bestiau !
 
Il vit dans son antre, une grosse cabane quelque part dans les tréfonds forestiers, isolé du reste du monde, aussi solitaire qu'un sanglier.
 
Il schlingue du lever au coucher, piétine les violettes, avale des quartiers de chevreuils, postillonne à la face des fées et se torche le cul avec des feuilles de salade !
 
Mais attention, cet ours préhistorique est particulièrement attentif à vos mots, malgré tout.

Si vous lui faites remarquer qu'il ronfle comme un rossignol, il risque de pleurer comme un enfant.

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mercredi 8 mai 2024

2163 - Brigitte

On vous appelle la "première dame de France".
 
Mais peut-être êtes-vous surtout le dernier drame de notre pays... La reine des riens dans l'arène des apparences.
 
La seule femme de président à nous montrer l'envers de son décor, à nous laisser entrevoir l'ultime secret de son drôle de corps, à nous faire entrer dans l'enfer des paillettes sous les ors du palais présidentiel.
 
Vos allures à l'Elysée ont l'ambiguité des cygnes qui ressemblent aux canards. On ne sait tout à fait qui vous êtes : une épouse avec des ailes ou bien un authentique cerf en gros sabots qui, voulant arborer des yeux de biche, ne serait devenu guère plus qu'une vieille bique ?
 
Avec vous Brigitte, faut-il mettre les points sur les "ils" ou faire semblant de croire en "elle" ?
 
Moi, voyez-vous, je me fie plus à la vérité de vos traits qui en disent long sur ce qui se cache derrière, qu'aux évangiles officiels débitant leurs belles fables à destination des pigeons de tous poils qui veulent bien les entendre.
 
A propos de poils, je trouve vos pattes bien sèches et votre démarche un peu lourde, pour une oiselle qui se voudrait aussi légère que possible, comme si vous aviez du plomb dans les gènes.
 
Des relents d'étrange virilité en vous me font hésiter à m'adresser à votre estimable personne en termes tranchés. Est-il incongru de vous appeler "Monsieur la première dame de France" ou bien "Madame le deuxième Monsieur de France" ?

Et que ce soit l'un ou l'autre, ce sera de toute façon toujours de l'art autant pour vous que pour moi.
 
Bon, moi je veux bien vous nommer encore Brigitte, mais alors il faudra que vous me disiez si je dois signer cette délicatesse que je vous ai écrite du venin de mon dard ou de la caresse de ma plume...

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2162 - Les gens simples

Moi j'aime la compagnie des coeurs simples.
 
Les autres m'ennuient.
 
Les natures tourmentées, les esprits complexes, les têtes débordantes d'idées noires peuvent aller se faire voir !
 
Je ne veux que des gens heureux à mes côtés !
 
Des êtres sains, des hommes sans histoire, des destins paisibles. Je ne supporte que les oiseaux d'honnête augure sous mon toit.
 
Je ne souhaite côtoyer que des humains au visage franc, aux pensées droites, aux regards nets avec qui partager le bonheur d'une existence limpide. Je n'invite à ma table que des mangeurs de pain frais et buveurs d'eau claire !
 
Et, à la rigueur, quelques rats des champs ou vagabonds des chemins en friche, ces quêteurs de miettes aux moeurs rustiques. Je les aime aussi car ils débitent des vérités à ma portée, parlent de grandes et petites choses avec des mots de tous les jours. Ce sont là des visiteurs de choix. Peu difficiles, un bol de soupe et un feu de bois suffisent à les contenter.
 
Je ne laisse entrer que de l'air pur dans mon foyer : la brise légère du printemps, le vent des bonnes nouvelles, la caresse du quotidien et la douceur de vivre.
 
Je n'accepte que l'authentique, l'essentiel, le beau devant ma cheminée.
 
Rien que des adeptes de la joie en face de moi ! Et surtout, sans aucune prétention intellectualisante ! Pas de blabla chez moi mais de vraies salades bien consistantes dans l'assiette !
 
Je mets dehors tous les colporteurs de savantes sornettes et ronflants mensonges, les doctes sots gonflés de vide, les pédants qui cherchent à briller avec leurs rutilantes pesanteurs, les porcs de la stérile cérébralité  qui se goinfrent d'abstractions ! Je laisse à ma porte ces nuisibles qui se nourrissent de cendres de la vie.

Je suis l'ami non des lourdes statues de ce siècle mais des âmes riches dépourvues de vacuité intellectuelle, ces personnes brutes en grosses bottes qui elles, volent vraiment.

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mardi 7 mai 2024

2161 - L'azur de Warloy-Baillon

Un nouveau jour se lève sur ma jeunesse : j'ai quinze ans et suis enraciné à Warloy-Baillon. J'ouvre les yeux sur un monde de bonheur et de lourdeurs, de beauté et d'ennui, de clarté et de grisaille.
 
L'aube est pleine de glace et de lumière, la journée peuplée d'ombres et de visages, le crépuscule chargé de flammes et de souvenirs.
 
Les heures sont cruciales mais trop jeune encore pour en mesurer la portée, je ne m'en rends pas vraiment compte. J'ai l'âge de l'insouciance et le coeur de l'idéaliste. Je me trouve au centre de l'Univers mais n'en ai nullement conscience. Sans le savoir, je vis la genèse d'une éternité.
 
Sous les nuages éblouissants de ce village banal, des ailes prolongent mes bras. Je deviens un oiseau des espaces oniriques et me perds dans les hauteurs de mon être. Tout s'éclaire, tout s'élargit, tout prend une dimension verticale.
 
En pleine nuit je fouille dans les poubelles de la pharmacie d'en face et de quelques-uns des voisins de la rue, et j'y découvre des éclats éphémères, des babioles au prix du rêve, des trésors périssables et d'autres petits riens inoubliables.
 
J'entrevois des étoiles au fond de ces ordures.
 
J'entre dans une profondeur inhabituelle et une ivresse inédite me gagne. Je m'étonne de ce qui m'arrive, là au bord des sacs éventrés débordants de détritus, à trois heures du matin.
 
L'aventure est statique mais fulgurante. C'est l'odyssée de l'esprit qui s'éveille. L'itinéraire brillant de l'âme qui entame son chemin mythique.
 
Les déchets étalés par terre me montrent une réalité cachée, insolite, riche, palpitante. Face à ces immondices colorées et multiformes, je m'émerveille comme un ange. Curieux, enchanté, je me sens léger devant ce tas d'étranges diamants.
 
Cette exploration nocturne des rebuts ménagers du voisinage déclenche en moi la fièvre de l'or.
 
Je me surprends à être heureux.
 
Et je m'envole, là au pied des sacs-poubelles crevés, tandis que les villageois dorment lourdement.
 
Pour moi tout cela est une nouveauté. Le quotidien se transforme en un voyage intérieur. C'est mon tout premier décollage vers un ciel que je ne parviens pas à nommer.

Et tant d'années après cet événement, je ne suis toujours pas redescendu de ce clair sommet.

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dimanche 5 mai 2024

2160 - Cause majeure

Vous qui m'écoutez, vous qui durant deux minutes de votre vie prêtez une oreille à ces paroles que je vous destine, ce que vous allez entendre résonnera longtemps dans vos mémoires.
 
Je vais vous parler non de choses loin de vos natures, non de sujets hors de vos portées, non de concepts en vogue ou faussement proches de vos préoccupations et qui en réalité ne vous concernent nullement, mais plutôt de cette flamme qui ne vous touche pas encore et qui pourtant murmure au fond de vos existences, ici sur Terre.
 
Aux antipodes de vos éclats de toc, de vos positions sociales flatteuses, de vos impératifs superficiels que vous prenez pour des trésors sans prix.
 
Vous avez tous oublié de vivre pour les bonnes raisons. Et la clarté des jours tombe sur vos têtes sans que ne vous rendiez compte que vous êtes endormis. Vos rêves ne dépassent pas la hauteur de vos semelles, vous qui avez des pensées de plomb.
 
Vos chemins sont brillants, croyez-vous. Il vous mènent certes vers des horizons nets, vifs, clairs, immenses...
 
Mais invariablement horizontaux.
 
Et vous prenez cette platitude qui s'étend devant vous pour le ciel.
 
Vous pensez que le meilleur est à venir, alors qu'il est déjà présent, là sous vos yeux, à deux pas de vous-mêmes, au sommet de vos coeurs, à deux doigts de vos pieds, au bout de vos nez, au creux de vos mains.

Vous qui avez sans cesse couru après vos mirages matérialistes, trop pressés d'arriver à vos futilités, vous avez manqué le plus précieux.

Ce feu sacré à côté duquel vous êtes souvent passé, ce bonheur impalpable mais essentiel qui vous a toujours échappé, cette ultime légèreté de l'âme qui donne des ailes aux éléphants et même aux lourdauds bipèdes que vous êtes, cet air pur qui dès maintenant fera de vous des oiseaux et non plus des enclumes pour peu que vous preniez la peine de le respirer, cet astre enfin que vous n'aviez jamais perçu auparavant, sachez que ce n'est qu'un seul mot.

Une lumière que je viens de vous allumer.

Cet azur se nomme tout simplement "POÉSIE".

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jeudi 2 mai 2024

2159 - Je n'ai aucune élégance

Sur le plan vestimentaire, je ne ressemble à rien. Pourtant on me compare souvent à un épouvantail. Ou à un vagabond, ce qui revient un peu au même, paraît-il.
 
Je suis le dernier des péquenauds. Le prince des gueux. Le roi des ploucs.
 
Ne sachant pas m'habiller, je mets n'importe quoi sur ma tête, pose sur mon dos ce qui me tombe sous la main, couvre mes épaules avec des chiffons trouvés sur les chemins ou des misères tombées du ciel.
 
Je ne peux jamais apparaître avec de corrects apparats : soit que j'ai la tête dans les nuages et je marche dans de la bouse de vache, soit que j'ai le coeur dans les roses et je perce mes pantalons aux mauvais endroits !
 
Quoi que je fasse ou ne fasse point, il faut toujours que je mêle de l'ordure à mes chaussures ou que je montre mes fesses ! Et sans le faire exprès encore, c'est ce qui est le plus fort chez moi.
 
Je n'ai nul sens des convenances sociales. J'ignore les règles les plus élémentaires de bienséances, trop absorbé que je suis par mes idées hors-sol, mes rêves  profonds, mes pensées lunaires.
 
Je me vêts tel un chiffonnier et me chausse comme un lourdaud, me présente aux inconnus avec des taches d'encre sur le nez et de la boue séchée sur mes chemises mitées, des éclats de sauce tomate sur mes cols, des fientes d'oiseaux dans mes cheveux.
 
Parfois je sors même carrément en slip dans la rue sans m'en rendre compte.
 
Totalement dénué d'élégance, je n'ai aucun souci de respectabilité apparente. Pas la moindre allure.
 
Je ne parviens décidément pas à ajuster mes haillons aux goûts des autres : quoi que je porte, je déplais aux mondains à peu près autant qu'à mes voisins.
 
Avec mon froc troué et ma défroque de charlot, personne n’ose m’approcher. Je ne fais ni bonne impression auprès de ceux qui aiment se faire bien voir, ni assez sérieux aux yeux des gens qui s’étonnent en me regardant passer. Pas un parmi eux ne m’accorde du crédit.

De tout cela je m'en moque finalement puisque, loin des villes et de leurs vacuités, dans mes légèretés d'éveillé comme dans mes bottes de bouseux, je suis un authentique rat des champs.

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