mercredi 28 août 2024

2199 - Je ne suis pas en vogue

Vous aimez le soleil, les roses et le printemps. Le sable des plages d'été comblent vos aspirations sans prétention et vous vous roulez lascivement dans l'écume qui vous caresse.
 
Vos rêves sont ceux de tous les vacanciers de la planète. Votre bonheur vaut celui de vos voisins : c'est également l'idéal de votre concierge et le but ultime de votre épicier.
 
Vous êtes des romantiques, des sensibles, des pots de fleurs.
 
Moi je préfère les averses de mars, le grésil de janvier, l'ombre des labours, l'effroi du crépuscule, le glas des églises et les dimanches de mort noyés dans la brume.
 
Mon coeur de corbeau se nourrit des splendeurs de la tourmente, des flammes de la nuit et des profondeurs de la terre. Et si je savoure la légèreté de l'azur à sa juste mesure, je sais aussi me réjouir de l'âpreté de la pierre, de l'éclat de l'obscurité, des merveilles de la froidure  et de la douceur des épines.
 
Mes amis sont les rats importuns, les hiboux ambigus, les chats solitaires, les passagers nocturnes et autres présences mystérieuses.
 
Quant aux femmes, elles me plaisent avec des yeux de chèvres et des corps de louves.
 
Lorsque je sors de mon antre, je porte des bottes pleines de boue, un grand chapeau sombre pour faire peur aux enfants, un manteau vaste qui me fait ressembler à un épouvantail. Ce que je suis, d'ailleurs.
 
Ma vie est une longue marche vers l'horizon, le temps, la mort.
 
Je traverse votre siècle sans même l'effleurer : je n'appartiens pas à votre monde.

Je demeure dans mes sommets austères pleins de sens et de densité. Ce qu'on pourrait appeler "les neiges éternelles de la pure et glaciale poésie".

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mardi 27 août 2024

2198 - Jadis, je rencontrai un extraterrestre

Il y a vingt ans, nous vivions dans une ère pas aussi ambiguë et dématérialisée qu'aujourd'hui où le réel avait la tangibilité de la chair ou de la pierre. Où l'image avait un sens, un poids, une portée, un caractère sacré même. Et où ce que l'on voyait, entendait, sentait exprimait tout simplement le vrai, le concret, la vie en dur. 

Et non l'illusion, le virtuel, le rêve informatique...
 
C'est en ce temps révolu de réalités brutes qu'il m'est arrivé une étrange histoire. Je rencontrai, au détour d'un chemin isolé de campagne, un drôle de bonhomme.
 
Il était coiffé d'un chapeau jaune, portait un sac de jute avec quatre carottes à l'intérieur, soufflait dans un sifflet de gendarme tout en mangeant des cacahuètes.
 
Il me salua avec grand respect et m'annonça, dans un français parfait, qu'il venait d'une planète inconnue des terriens.
 
J'avais par conséquent devant moi un authentique extraterrestre.
 
Je ne doutai point de son origine extra-planétaire car je percevais dans son regard un je-ne-sais-quoi de pas terrestre du tout... Bref, après avoir rendu sa salutation, je le questionnai sur sa présence parmi l'Humanité. Il m'expliqua alors qu'il ne faisait qu'une escale technique chez nous, son appareil dentaire étant défectueux.
 
Je lui indiquai donc l'adresse d'un bon dentiste, il me remercia et jamais plus je ne revis ce bipède issu du bout de l'Univers.
 
Quatre lustres se sont écoulés depuis cet évènement extraordinaire. Curieusement, nul ne croit à mon aventure insolite qui, certes, se déroula sans témoin aucun.
 
Et pourtant, depuis l'avènement des smarphones, vous adhérez tous aux doctes sornettes débitées à longueur de journées par vos écrans, allant dans votre bêtise jusqu'à obéir docilement à vos aliénantes lucarnes, vos véritables maîtres, quand elles vous dictent perversement le port du masque sanitaire et vous imposent sournoisement la vaccination...
 
Le mensonge, le faux, le laid se sont incarnés à travers vos portables et vous ont déshumanisés.
 
Désormais, vous ne prenez plus au sérieux l'air pur de mon esprit et les flots clairs de mon coeur : vous préférez plonger dans les gouffres ineptes de vos petits rectangles addictifs.
 
Au moins, mon zigoto venu des étoiles avait, dans mon lointain souvenir, le charme céleste des incarnations fabuleuses et la légèreté démesurée des causes poétiques.
 
Autrement dit la liberté des oiseaux.

Tandis que votre technologie miniaturisée ne recèle que les pires lourdeurs pragmatiques de ce siècle : votre prison mentale.

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vendredi 23 août 2024

2197 - Dernière pitrerie

En ce jour qui aurait dû être comme un autre, la mort est à l’honneur.

La Camarde inattendue, venue par surprise y est exhibée dans toute sa crudité, son écoeurante vulgarité, sa tranchante hideur.

L’ambiance morbide qui règne en ces heures de deuil ajoute une lourdeur supplémentaire au cadavre obèse étendu sur le lit. Certains font semblant de sourire paisiblement, comme pour embaumer d’hypocrite amabilité ce corps inerte. 

Mais le macchabée est décidément trop laid, trop indécent, trop grotesque.

Pourtant des enfants ont tenu à venir contempler ce gisant incongru : le défunt était leur idole.

Ils observent, fascinés et terrifiés, hésitant entre curiosité et dégoût, attirance et répulsion, cet homme pétrifié sur sa couche.

De toute évidence, ce personnage singulier ne semble pas être à sa place, et en même temps, paradoxalement, c’est là qu’il incarne encore le mieux son rôle, là qu’il est le plus persuasif.

Précisément pour la raison qu’il se trouve exactement, en cette macabre circonstance, dans une situation où on ne l’attend pas.

Son jeu éclate de vérité.

Ridicule jusqu’au bout, pathétique, pitoyable, misérable, consternant, il en devient finalement beau, immobile dans son linceul de réalisme.

Après une cérémonie funèbre qui, contre toute attente fut ennuyeuse, indigeste, laborieuse, on s’apprête à mettre en terre cette drôle de dépouille.

Le numéro est achevé. 

On vient d’inhumer un clown.

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dimanche 18 août 2024

2196 - Alain Delon

Il avait la gueule d'un prince de fer, l'âme d'un loup sensible, l'envergure d'un demi-dieu aux légèretés de géant.
 
Alain Delon incarnait la virilité tranchante des hommes pleins d'ombres et de flammes.
 
Son oeil était un poignard et de son charme métallique il brûlait le coeur de toute femme, ensorcelait la pellicule des cinéastes, embobinait les foules.
 
Cet Apollon à la poigne martiale et à la caresse féline brillait comme ces vieux lions solitaires qui, dans la durée, se savent vainqueurs : il avait le courage de revendiquer ses hauteurs et d'y demeurer jusqu'au bout.
 
Nul n'égalait son image, lui l'astre majeur de la mâle beauté, lui la face stellaire aux allures de Sphinx, lui le mortel aux rayonnement solaire.
 

L'étoile s'est éteinte mais sa lumière extraordinaire continuera à éblouir longtemps encore les jours ordinaires de notre monde aseptisé, émasculé, devenu bien terne, et surtout à alimenter les rêves sulfureux des jeunes filles des générations futures, contribuant ainsi à immortaliser la légende française à travers un collectif et inextinguible frisson féminin dédié au triomphe de la cause masculine.
 
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samedi 17 août 2024

2195 - Je déteste les livres !

Cela semblera difficile à croire pour ceux qui apprécient mes textes, mais je me suis beaucoup ennuyé dans les bibliothèques.

Je n’ai rien lu. Ou si peu... Une douzaine d’oeuvres classiques en tout et pour tout, guère plus.

J’ai même refermé la moitié de ces ouvrages à mi-chemin, quand je ne les ai tout simplement pas survolés, picorant ici et là deux ou trois lignes avant de sauter cinquante pages pour achever ma lecture au bout de dix minutes... J’ai traité d’immortels chefs-d’oeuvre avec grande désinvolture : je les ai jugés nuls, lourds, indigestes, stériles ou insipides sans y avoir tout à fait plongé le nez. Juste en les effleurant d’un oeil distrait, lointain et déjà lassé. Les rares passages que j’ai ingurgités au cours de ma vie de piètre lecteur, soit je ne les ai pas vraiment compris, soit j’en ai bien vite oublié la poussiéreuse saveur. 

Les livres m’ont glacé les mains, engourdi le coeur, cassé les pieds.

A quelques mémorables exceptions près, tous m’ont endormi. Ces petits rectangles de feuilles reliées monotonement noircies m’ont emmené vers des sommets de mortelle torpeur. Il m’est arrivé de brûler rageusement quelques-uns de ces ternes morceaux de bois sec en maudissant leurs auteurs pour le quart d’heure qu’ils venaient de me faire perdre à tenter de décrypter leur plume, à mes yeux impénétrable... Je parle ici d’Albert Camus, de Céline, de Sartre, de Ionesco et j’en omets encore...

Vous les lettrés qui daignez m'admettre dans vos salons, vous qui avez quelque estime pour mes modestes rédactions, sachez que j’ai voué bien de vos idoles à la cendre !

Certains d'entre vous auront peine à entendre la chose mais c'est pourtant vrai : je suis un total inculte.

Ne me passionnant que pour mes propres productions, même médiocres, presque jamais je n’ai pris le temps de me plonger dans les écrits des géants.

Les plus illustres et plus productifs écrivains m’ont souvent inspiré des sentiments de cafard : Hugo, Balzac, Zola forment, selon moi, des murailles sombres, denses, épaisses. Avec leurs dizaines de volumes empilés, amassés, serrés dans leurs rayons lustrés, ils ressemblent à des blocs d’enclumes... A l’image des vieilles assiettes de porcelaine de ces foyers mornes et sans vie qui, à force de demeurer figées pour l’éternité sur des buffets tristes, deviennent des reliques décoratives que nul n’ose utiliser...

Je vois ces pavés pieusement entreposés dans leur autel proclamé des Belles Lettres comme de prétentieux poids morts.

Comment pénétrer avec légèreté dans ces citadelles de mots dressées sur d’austères étagères ? Avec leurs airs compassés, leurs aspects ennuyeux, leurs reliures d’un âge périmé, ces imprenables édifices de papier m’apparaissent comme de vastes et léthargiques champs de marbre tombal. Je ne perçois aucune promesse de joie à travers ces visages augustes de l'académique littérature...

En revanche, je me suis vautré avec délectation et sans complexe dans des « Mickey », des « Pif Gadget », des « Pieds-Nickelés » et autres bêtises dessinées « anti-livresques » qui ont l'avantage d'être des histoires en images et en couleurs, et non des pensées imprimées en noir et blanc. Même Tintin de Hergé m'a parfois paru trop « intellectuel », inaccessible à ma cervelle d'oiseau épris d'aérienne poésie !

C'est dire les immensités vierges de mon âme qu'il me reste à combler... 

Non en lisant mais en écrivant.

jeudi 15 août 2024

2194 - L'esprit de la poire

Un jour tourmenté d’octobre, c’était en un temps béni, en des lieux propices, je me suis laissé emporter par un vent mystérieux.

Il s’agissait du souffle de mon esprit je crois, des ailes de mon âme il me semble, d’une tempête poétique en moi, sourde, puissante, majestueuse.

En cet état j’ai atteint, je vous le jure, des hauteurs ultimes, peut-être un royaume interdit à certains mortels. En prenant la direction des nuages, mon regard a étrangement sondé des gouffres de grisailles parmi des immensités d’azur. Et là, j’ai vu un crépuscule sans fin entre l’ennui et le rêve, discerné des ombres et des flammes dans l’horizon, aperçu des sommets de glace au-dessus d’océans de morosités.

Je me sentais alors dans des espaces nouveaux, ni sur terre véritablement, ni vraiment dans les nues, pas même dans la réalité palpable d’un quotidien banalement sublimé, non.

Je me trouvais ailleurs.

Dans le vague. Si proche du présent pourtant, tellement près des choses tangibles, mais sans plus pouvoir les toucher, juste les survoler comme si j’étais un oiseau ou bien les voir tournoyer autour de ma tête.

Pareil à un fantôme, je traversais la matière, dépassais les bornes du visible, me jouais des pesanteurs. Entre moi et le monde s’était dressée une muraille, et cela ressemblait à une brume.

Devenu aussi léger qu’une plume, je me crus l’égal d’un ange.

Mais bien vite je me rendis compte que je m’étais tout simplement noyé dans les fumées troubles de l’automne naissant, avec ses parfums fatals de nectars mis en bouteilles, sources de tant de bonheurs éphémères et de mélancolies fulgurantes s’évaporant dans le ciel des buveurs...

Je venais d’entrer de plein pied dans la divine saison, transporté par les vapeurs capiteuses de la douce liqueur de poire.

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mardi 13 août 2024

2193 - Je ne suis pas "citoyen du monde" !

Contrairement à l’imbécile idéaliste de gauche aux yeux de qui ses propres ancêtres sont d’insignifiants individus, de parfaits inconnus, de purs anonymes -pour ne pas dire de méprisables et nuisibles esclavagistes patriarcaux ayant indûment vécu sur Terre- mais qui avec une flamme  naïvement humaniste se reconnaît pourtant à travers les visages peints, crasseux et hirsutes d’obscures peuplades primitives situées dans les contrées les plus méconnues de la planète, aux antipodes de son sol natal, je ne me sens nullement “citoyen du monde”.

Je ne m’embrase pas d’amour inconditionnel pour des va-nu-pieds avec qui je ne partage aucune couleur, pas le moindre étendard, encore moins mes semelles lustrées d’homme civilisé, policé, savonné.

D’ailleurs ces demi-sauvages me méprisent tout naturellement du fond de leur jungle sous prétexte que ma peau, mes moeurs, mes aïeux, mon toit, mes pensées, mes préoccupations, mes traits sont différents des leurs.

Soyez certaines, vous les “belles personnes” progressistes, que la plus pouilleuse de ces fières tribus se prétendra systématiquement supérieure à toutes les autres populations du reste de l’Univers. Selon les critères de ces mangeurs de racines, vous n’êtes que des sous-créatures, tandis qu’eux sont plus ou moins les égaux des dieux. Ces bêtes farouches vous considéreront toujours comme des “gadjos”. Leur forêt étant le centre sacré de leur existence misérable, vous n’êtes pour ces esprits archaïques que de pauvres ignares, des profanes, des êtres indignes de leur grandeur. Telles sont les vérités suprêmes qu’ils s’imaginent sur eux-mêmes et sur vous.

Ma préférence va vers ceux qui me ressemblent en dedans comme en dehors et parlent ma langue, le français. Je veux parler de ces gens congrus appartenant à ma culture.   Je suis prioritairement attiré vers ces faces blanches pour la simple raison qu’elles portent les mêmes gènes caucasiens ainsi que les mêmes vêtements que moi, aiment notre Histoire et ne chérissent pas immodérément d’exotiques azurs sous lesquels elles n’ont jamais mis les pieds.

Ce qui me rapproche spécifiquement de ces humains que j’ai sélectionnés pour des causes exclusivement raciales, culturelles, géographiques, historiques, c’est qu’eux et moi sommes éclairés par le soleil de l'hexagone. Lui seul brille depuis notre naissance au-dessus de nos têtes : gaulois de souche, nous sommes issus d’un royaume commun. C’est ce qui nous rassemble spontanément. 

Chaque ethnie, chaque nation, chaque peuple adopte son propre système de cohésion pour demeurer. Avez-vous déjà vu des Chinois désireux de se vêtir à la mode des Sénégalais ou des Danois vouloir échanger leur gastronomie nationale avec celle des Papous ?

Ma patrie, mon territoire, mes racines, ce ne sont pas arbitrairement n’importe quels horizons, tel ou tel endroit de hasard ou bien la terre millénaire du lointain étranger avec qui je ne romps pas mon pain ni ne bois mon vin...   Non, mon ciel, ma maison, ma cité, ce n’est pas le globe terrestre en entier avec ses milliers de dialectes, ses millions de coutumes, ses milliards d’âmes... Ce ne sont pas tous les pays, tous les empires, toutes les capitales, indifféremment, bêtement, anarchiquement...

Mon coeur a des frontières, des valeurs, il établit une saine et indispensable hiérarchie entre toutes choses : je me présente avant tout comme l’héritier d’une civilisation, la fleur de célestes campagnes et la lumière de précieuses cathédrales, le produit de quinze siècles de larmes et de gloires !

Ou pour le dire plus simplement, un enfant de France.

lundi 5 août 2024

2192 - Ma cabane dans la prairie

Sous l’azur plein de flots et de lumière, de vents fous et de rêves sans fin, est sise ma cabane.

Entouré d’herbes sauvages, baigné de clarté, plongé dans la solitude des grands espaces, ce vaisseau statique vogue silencieusement sur la verdure. L'océan de flore ondoie au gré de la brise et l'horizon ressemble à une étendue de vagues.

Mon humble demeure est comme une barque perdue dans l’immensité végétale. C’est sous ce pauvre abri de bois que bat mon coeur d’ogre solitaire.

J’ai une âme d’ours, des bottes de lourdaud et des légèretés de hibou. Ce monde trop technologique me pèse, je n’aime que les choses rustiques, les vieilleries d’un autre siècle, les jours anciens, les âges révolus aux senteurs pastorales, les sacs en jute, les modestes chandelles et les moulins aux ailes blanches.

Je n’appartiens pas à votre société si bien organisée, proprette, si confortable et prévisible qu’elle en devient déshumanisante. Pour sentir la vie passer dans mon sang, moi j’ai besoin de l’odeur du feu, de la morsure de l’hiver, des légendes de la nuit et de la flamme lunaire !

Je suis un rustaud, un paysan, une bête des forêts, un animal dans la nature, un hôte des champs !

Un homme comme on n’en fait plus : avec des racines de chêne, des souvenirs de pierres, des histoires mythologiques, des allures stellaires et des airs de vagabond à chapeau de paille.

Je ne suis heureux que dans mon asile isolé de tout, loin de vos cités, hors de vos règles sociales policées, complexes, modernes et froides.

Dans mon foyer qui se trouve nulle part, en pleine prairie, je m‘éclaire à la bougie, me chauffe devant l’âtre et me nourris du peu que m’offre la terre.

Je suis comme un rat dans son trou, un gueux dans son paradis, un astre dans son ciel.

Je me sens chez moi, dans ma vraie maison.

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2191 - Devant l'âtre

Le soir devant l’âtre qui crépite, je repense à ma journée sur le point de s’achever tout à fait. Les étincelles qui jaillissent du foyer bercent mes pensées et me font voyager mollement dans mon demi-sommeil.

Les évènements des douze dernières heures me reviennent en mémoire et résonnent en moi comme le son atténué d’une cloche lointaine.

Je me revois tôt le matin dans la gare où je croise cette dame du monde à la taille mince, d’allure mondaine et portant un grand chapeau. J’imagine qu’elle partait à Paris voir un amant ou bien conclure une affaire d’importance chez un notaire des grands boulevards.

Et moi, je continue mon chemin vers le presbytère de la sous-préfecture offrir un tonneau de liqueur au curé.

Puis je m’en retourne chez moi couper un peu de bois. Avant de me reposer aux alentours de midi en méditant sur mon cheval autour de mes propriétés.

Je reçois mon amie la châtelaine au déjeuner et partage avec elle du pain, du fromage, des olives et des poires, arrosés d’un pichet de vin sans prétention.

Après une sieste dans la grange, je m’en vais rejoindre le forgeron avec qui je fais une course à vélocipède sur des chemins d’herbes folles et de poussière, là-bas dans la campagne perdue de l’arrière-pays.

Au retour de cette équipée champêtre, je rencontre un vagabond tout droit sorti d’une légende : une barbe à faire peur, des guenilles de roi déchu, un regard de prophète avec des propos d’ivrogne. Une sorte d’astre bipède en quête de feu et de gîte. Je lui abandonne quelques pièces qui soulageront sa faim, au moins pour aujourd’hui.

Je m’arrête dans l’atelier du maréchal-ferrant afin de faire une partie de bras de fer avec le maître des lieux. Je perds contre ce musculeux adversaire mais gagne le droit de lorgner sur la domestique aux amples tétins qui nous sert une chopine fraîche.

Je m’en vais récolter aussitôt après trois pleins paniers d’osier de pommes de pin pour alimenter ma cheminée. Puis assiste aux vêpres.

Au crépuscule, déjà un peu las, je prends un thé au bord de la rivière en attendant de faire réchauffer ma soupe.

Une fois rentré sous mon toit, porte ouverte je cause avec les corbeaux, leur raconte ma jeunesse, leur jette des miettes de biscuits au seuil de ma demeure.

Enfin, je dîne en compagnie de la flamme qui me chauffe.

Et j’en arrive à ce moment exquis, tard dans la soirée, où tiraillé entre la réalité et l’impalpable, je m’endors près de la braise.

Et prends lentement mon envol pour un monde étranger qui sera peuplé d’autres images, de nouvelles découvertes, d’étranges histoires que l’on appelle les rêves.

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samedi 3 août 2024

2190 - Plus haut que tout

Mes rêves de géant dépassent vos plus hautes conceptions humaines.

Vos pyramides aux racines de mystère, vos sommets de pierres ou de fer, vos conquêtes de terre ou d’azur, vos plus folles audaces physiques ou aventures de l’esprit, vos voyages vers l’inconnu semés de merveilles et de vertiges, toutes vos odyssées enfin ne sont qu’insignifiances, platitudes et sauts de puces comparés à mes envols vers les inconcevables espaces hors de vos vues de mortels.

Mon regard à moi se porte plus loin que vos fusées de fourmis, que vos calculs d’ignorants, que vos châteaux de fumée, que vos ailes de moucherons.

Je vise non pas le Graal de votre siècle banal, l’or de votre empire ordinaire, la perle de votre firmament commun mais le trésor de tous les temps !

J’aspire non pas aux étendues étriquées de vos plus chers horizons mais aux océans célestes des profondeurs cosmiques !

Je désire non pas les simples reflets de vos réalités lointaines mais l’éclatante lumière issue de l’incommensurable !

Je ne cherche pas que le feu mais aussi la brûlure, pas que la glace mais également la morsure, pas que le jour mais encore le Beau, pas seulement le baiser, la caresse ou l’apparence mais surtout l’amour ! 

L’extrême ne me suffit pas, je veux l’essentiel.   J’ai soif non d’éther mais de ciel. Je m’enivre non de vin mais de vie. Ma joie n’est point de voler bêtement au-dessus du monde avec de vulgaires plumes aux bras mais d’être une flamme au coeur de l’Univers, un oeil ouvert sur les secrets de la Création, une âme qui brille parmi mille galaxies.

Je ne me contente pas de la gloire des montagnes, ces fausses divinités faites d’un marbre illusoire que même la brise du printemps, millénaires après millénaires finit par éroder... Moi il me faut l’incorruptible, le pur, l’inné, l’illimité.

Ma mesure est l’éternité et mon rivage l’infini.

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