dimanche 30 mars 2025

2261 - Rencontre du troisième type

Je le découvris dans un champ isolé, par un beau jour de printemps.
 
Il se tenait devant moi, me fixant de son regard étrange et profond. Derrière lui, son engin volant aux lignes épurées posé à terre ne laissait aucun doute sur son identité : j'avais affaire à être un venu d'ailleurs.
 
L'extraterrestre semblait lire dans mes pensées. Aussi lui destinais-je mes intentions les plus aimables. Il perçut immédiatement la clarté de mon âme et me communiqua l'essentiel : il débarquait sur Terre pour y chercher la rareté.
 
Je compris tout de la nature de sa présence et voulus lui offrir ce qu'il convoitait. Mais sans savoir comment m'y prendre. A part mes rêves les plus purs, que pouvais-je bien lui donner pour satisfaire sa cosmique curiosité, nourrir sa vaste intelligence et ainsi augmenter la richesse de la Création ? Je n'ignorais pas qu'il m'écrasait de ses vues hautement supérieures. Je balbutiais des paroles inaudibles, ravi et interloqué de me trouver en si improbable compagnie.
 
Deux représentants de mondes radicalement différents s'observaient, s'interrogeaient, s'échangeaient des signes d'intérêt mutuels. Lui l'ange lointain descendu du ciel, moi le terrien étonné. Nos banalités devenaient des immensités. Je prenais ses moindres clignements d'yeux pour des prodiges et lui voyait les mouvements de mes lèvres aux mots incompréhensibles comme des sommets de bizarreries.
 
Nos univers inégaux se faisaient face. Le visiteur se savait reconnu en tant que tel et le visité se sentait privilégié de le recevoir. Chacun de nous tentait néanmoins d'accorder son esprit à celui de l'autre. Entre nous, la distance civilisationnelle, sociologique, culturelle, technologique, spirituelle se révélait de manière évidente incalculable. Lui et moi avions éminemment conscience de cet océan nous séparant.
 
Mais l'humanité nous rapprochait.
 
Je lui adressai un geste amical de la main, il me répondit par une révérence qui me parût fort auguste.
 
Là se situait exactement le point de rencontre universel.
 
Nous n'avions plus rien à nous dire, à la vérité.
 
Emerveillé mais aussi secoué par cet incroyable contact, je fus soudain pris d'un irrépressible hoquet.
 
Ce qui provoqua chez l'humanoïde un grand éclat d'hilarité !

Il réintégra sa machine insolite avant de disparaître à une vitesse vertigineuse dans les nues.
 
Rassuré par tant de légèreté, je m'esclaffai à mon tour.
 
Ainsi les étoiles avaient accouché de l'humour...

Depuis l'infini du firmament et de toute éternité, me disais-je, il devait donc fuser des milliards et des milliards de rires... 

Dès cet instant j'entendis le Cosmos résonner de joie.

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mardi 25 mars 2025

2260 - Voyage

Je pars.
 
Loin, haut, ailleurs.
 
A toute volée, je prends un chemin vertical à la rencontre des meilleurs jours de ma vie, à la découverte d'un ciel plus clair, d'une terre plus légère, d'une autre réalité.
 
Mes ailes se déploient, ma vue s'élargit, mon âme s'enrichit.
 
Je pénètre dans un monde plus passionnant encore que les artifices des rêves, les éclats des légendes et les sommets de l'imaginaire : celui des palpables certitudes.
 
J'atterris dans un royaume perdu. Un pays quitté mais non oublié. Un règne abandonné mais non effacé de ma mémoire.
 
C'est un espace idéal, une contrée aussi vaste que l'infini, avec des heures brûlantes de joie et des nuits brillantes comme des constellations, une immensité fabuleuse, pure, bien plus précieuse que l'or. Oui, je viens d'arriver sur un vieil empire quasi céleste dont je fus le dieu vivant jadis, ici-même sur ce globe terrestre.
 
Aussi incroyable que cela puisse paraître...
 
J'entre dans une dimension différente et pose le pied sur un terrain mythique, lointain et cependant réel où je vécus il y a fort longtemps, et je refais les mêmes pas d'il y a un siècle ou mille ans en arrière.
 
Je retrouve mon palais.
 
Je reconnais les arbres qui ont grandi, les maisons qui ont vieilli, les visages qui se sont ridés, les enfants devenus adultes.
 
Jamais aucune compagnie aérienne ne pourra m'offrir de pareilles émotions !
 
Pour pas un rond je viens de faire un merveilleux voyage dans le temps, dans ma tête, dans mon enfance.

Sans me déplacer physiquement, juste en regardant une photo récente de mon ancien village, Warloy-Baillon.

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lundi 24 mars 2025

2259 - Déprime

Le soleil éclate de beauté dans l'azur, les oiseaux chantent dans les nues, les nuages ressemblent à des rêves blancs, les gens qui m'entourent arborent des visages radieux et pourtant mon âme sombre dans une étrange obscurité.
 
Le printemps me désenchante, la caresse de la brise m'afflige, l'air chargé de joie m'ennuie.
 
Pour que fleurisse mon bonheur d'esthète au coeur de rat, j'ai besoin de brume, de crépuscule, de profondeurs caverneuses. Les légèretés de ce mois de mars avec ses aubes nouvelles pleines de fraicheur et de clarté me font l'effet d'un deuil.
 
Je suis ainsi fait qu'un peu de lumière, deux ou trois pâquerettes, quelques scènes de banale insouciance suffisent pour me précipiter dans un océan de peine. Je ne sais pas pourquoi, mais les beaux jours sont pour moi des sujets de déprime.
 
Je ne perçois la richesse de l'existence, ne ressens la chance d'être sur Terre, ne me sais glorieux, n'espère des lendemains brillants que lorsque je me retrouve dans les lourdeurs de la boue, sous les pesanteurs du ciel, au ras des cailloux.
 
Mon bien-être est dans le gouffre de la solitude, l'ombre des heures cafardeuses, le fracas de l'intempérie ou le silence de la glace.
 
Mais pas dans les ailes des papillons, les rues transfigurées par la belle saison ou bien dans le rire des enfants. Tout cela au contraire me rend triste.
 
Je ne me réjouis que dans les senteurs de caveau qu'exhale l'humus, les plaintes lugubres que m'adressent les corbeaux, les noirs horizons et leurs mortelles promesses, les ténèbres qui m'attendent le soir au fond des bois...
 
Là sont mes vertiges.
 
Tout s'allume en moi dès que le monde s'éteint.
 
Et tout meurt à mes yeux tandis que resplendissent les matins d'artifices.
 
Les premières douceurs printanières me rendent toujours mélancolique : les dentelles de ces journées sans poids succédant à l'enclume de l'hiver agissent sur moi comme un interminable dimanche dénué de saveur.

La fleur m'emmerde, l'épine m'enflamme.

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lundi 17 mars 2025

2258 - Fiers de leur race

Contrairement à ce que prétendent les négationnistes de la pureté de l’extraction, de l’intégrité de la généalogie, de la valeur de la famille, la couleur de notre peau est capitale : elle constitue notre identité profonde. Les hommes de la Terre sont naturellement attachés à leur race, à leur sang, à leurs références communautaires, au point qu'ils tirent tous grande fierté de leurs origines ethniques.
 
Les Basques sont fiers d'être basques et d'arborer leurs apparences les plus typiques, ainsi que les Peuls, les Japonais, les Pygmées, les Inuits, les Suédois etc.
 
Il est très hypocrite, et très faux, de soutenir que la teinte de l'épiderme, l'aspect des physionomies, les types raciaux n'ont aucune importance pour les humains. Les individus ne sont pas interchangeables, ils tiennent à leurs particularismes.
 
Ils veulent tous des parents qui leur ressemblent, des enfants qui sont leurs reflets.
 
Dans toutes les sociétés, qu'elles soient primitives ou bien évoluées, anciennes ou actuelles, leurs membres défendent la mémoire de leurs aïeux et chérissent les caractéristiques de leur génération.
 
Nul n'est indifférent d'être issu de telle ou telle souche. Chacun de nous sur le globe exhibe le visage de son ascendance, montre l’image ineffaçable de ce qu’il est dans sa vérité biologique, transmet les germes congénitaux de son histoire génétique.
 
Chaque tribu, chaque lignée, chaque peuple se réclame de ses ancêtres, de ses racines et porte avec gloire son étendard de richesses héréditaires.
 
Noirs, blancs, jaunes, marrons, clairs, foncés, pâles ou sombres, grands, petits, moyens, hirsutes, imberbes, plus ou moins typés, nous incarnons les fruits variés de l’Humanité.
 
D’où la portée essentielle de ce qui nous caractérise avec l’originalité de nos traits, la variabilité de notre pigmentation, la diversité de nos dons. Mais également avec nos spécificités anatomiques, nos performances corporelles et intellectuelles, nos capacités ataviques, qu’elles soient individuelles et collectives, etc.
 
Les figures contrastées des bipèdes, leurs natures inégales, leur constitution hétérogène, leurs aptitudes et avantages arbitraires sont aussi précieux et admirables que les multiples fleurs embellissant le monde, du pissenlit grossier à la rose délicate.

Chaque mortel ici-bas souhaite afficher sa face singulière en plein soleil autant qu’aux yeux des autres.

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dimanche 16 mars 2025

2257 - La fille lointaine

Texte d'après un tableau du peintre Aldéhy

L'antillaise aux yeux verts a le regard chargé de braise et allégé d'azur, l'âme enrichie d'oiseaux, la tête pleine de nuages... Heureuse d'être née avec le visage comme une fleur, elle se plaît à rayonner sous la clarté du jour autant que dans le secret de la nuit.
 
Elle rêve sur le rivage en attendant un bonheur plus grand encore.
 
Sa beauté mérite l'éclat d'un Soleil nouveau, les feux d'un chevalier élu, l'or d'un pirate ailé, elle le sait.

Elle veut découvrir des étoiles échouées sur le sable, étreindre des flammes descendues des nues et voir rouler à ses pieds l'écume mêlée de ciel.

C'est un conquérant et non une chimère qui lui offrira un supplément de lumière. C'est un roi et non un humble qui l'embrassera. C'est un astre et non une ombre qui l'aimera. 

Elle espère rencontrer l'amour surgi de l'horizon et sur sa peau bistrée recevoir les baisers de l'évasion. Elle frémit déjà de sentir les douceurs lointaines et de savourer les brûlures adorées.

Sur son île perdue elle ouvre les bras aux vents de la Terre entière.

Pour finalement avoir trouvé son trésor, son ange et sa folie dans le coeur du peintre qu'elle fixe pour l'éternité.

vendredi 14 mars 2025

2256 - Le Noir méchant

Hideux, le regard féroce, ruisselant de haine, le Noir qui me faisait face incarnait la méchanceté pure.
 
Je le connaissais de vue et n'ignorais rien de sa détestable réputation. Aussi l'avais-je systématiquement évité, jusqu'à ce jour funeste où les circonstances le mirent sur mon chemin.
 
De près, il n'en paraissait que plus diabolique. Cela se sentait non seulement à ses apparences mais également aux mauvaises ondes qui se dégageaient de sa personne.
 
Son visage sombre aux traits grossiers, effrayant à voir, brûlait comme un charbon.
 
Raciste de la pire espèce, il en voulait à tous les Blancs.
 
Pour l'unique argument que ces honnêtes gens étaient nés avec une belle peau claire. Bien entendu, il ne revendiquait jamais aussi ouvertement son absurde et immonde grief.
 
Il trouvait à chaque fois des excuses pour justifier ses attaques contre les occidentaux en général et les blonds en particulier. Aucune ne tenait la route évidemment, mais il se posait abusivement en victime atavique des peuples européens et faisait semblant de croire à ses fables pour mieux convaincre ses proies qu'il avait bien raison d'agir ainsi... Précisons que, fort prudemment, il choisissait toujours ses boucs émissaires moins musclés que lui.
 
Bref, il se dressait là à quelques pas de moi, couteau au poing
 
Sa bêtise s'accordant sinistrement à la laideur de son âme, il me menaçait de sa lame vengeresse sans trop savoir ce qu'il devait me reprocher en ce cas précis, si ce n'est la couleur de mon épiderme. Juste avant de brandir son arme vers moi, il venait de m'injurier sous prétexte que ma face de français lui semblait trop blanche à son goût... Ce qui à ses yeux suffisait amplement à légitimer son attitude, n'ayant rien trouvé d'autre de coupable dans mon comportement.
 
Et moi, pauvre diable idéaliste au coeur rempli de bonté, citoyen éveillé pétri d'idées humanistes, homme de bonne volonté éduqué selon les préceptes chrétiens les plus louables, je ne savais quoi répondre devant cette enclume de noirceurs.
 
De tout temps la société m'avait inculqué que les Africains représentaient le meilleur de l'Humanité. Pour le simple motif qu'ils étaient des natifs du "continent afro"...
 
Et moi, naïvement, parce que j'ai un bon fond et suis naturellement charitable, dénué de malice, ne désirant que le bonheur de mon prochain, j'avais accepté cet évangile sans discuter. A ce moment je pensais encore que cet individu dont je redoutais tant de croiser l'ombre, pour maléfique qu’il fût, n’en était pas moins accessible aux sentiments les plus estimables, pour peu qu’on les lui proposât sur un plateau de sincère bienveillance.
 
Comme je me trompais !
 
Tandis que je mettais en pratique ces nobles conceptions, invitant mon agresseur à la rédemption, à l’élévation de ses pensées, à l’amour de ses semblables, pour toute réponse je reçus ses crachats les plus fielleux.
 
Les faits me prouvaient la fausseté, l'erreur, la sottise d'une telle mentalité consistant à embellir la réalité, à mentir au nom d'une idéologie puérile, irresponsable autant que mortifère.
 
En un instant je fus totalement désillusionné.
 
D’un coup de talon bien ajusté je désarmai le méchant négroïde et le livrai à la police qui le traita comme il le méritait : avec une extrême sévérité, sans aucune indulgence du fait qu’il soit originaire d’Afrique.

A partir de cette mésaventure je sus que jamais plus je ne regarderais l’origine ethnique des êtres humains pour les juger, comme me l’avaient appris mes suspects pédagogues en me faisant croire que les populations racisées étaient nécessairement exemplaires, mais me fonderais sur leurs actes et rien que sur leurs actes.

Je venais de réaliser que s'il existait malheureusement toutes sortes de bipèdes malveillants sur cette Terre, cette dernière était finalement peuplée de beaucoup plus de gentils caucasiens qu'on ne le prétendait.

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mardi 11 mars 2025

2255 - L'attente

Texte d'après un tableau du peintre Aldéhy

Avec sa chevelure biblique, ses lignes vénusiaques et son regard farouche, cette femme ressemble à un mythe.
 
Ses allures sont celles d'une statue romaine : elle a les éclats d'un astre majeur et les grâces d'une créature céleste. Sa présence dans ce décor olympien annonce une cause supérieure.
 
Nous avons affaire, assurément, à une déesse aux prises avec des forces qui dépassent les platitudes du quotidien, à un être d'exception capable de se mesurer à d'anthologiques tempêtes.
 
Cette reine de légendes lointaines trône dans ses sommets pleins de brumes et d'azur. C'est un vivant tableau issu d'on ne sait quelle odyssée oubliée... Sa figure est divine et son air est aérien.
 
Serait-elle un ange tombé du Ciel ? Un cygne descendu de l'Empyrée ? Une prophétesse aux pensées d'éther et aux sentences de plomb ? A moins qu'elle ne soit l'envoyée d'une cosmique autorité apportant une vague de légèreté au monde ? Il ne lui manque que des ailes pour en être réellement convaincu... Tout est imaginable en la voyant ainsi, si impériale, si immense...
 
Cette sculpture de chair pourrait incarner n'importe quelle flamme : devant le moindre mortel, elle brille souverainement.
 
Que fixe-t-elle si impérieusement à l'horizon ?
 
Elle se tient debout face à une perspective magistrale, comme prête à s'engager dans un destin à hauteur des nues.
 
On la suppose sentinelle de quelque voile d'envergure venue débarquer ses héros, guetteuse d'argonautes fatigués mais glorieux, vigile scrutant des terres fabuleuses aux clartés prometteuses...
 
Les apparences la magnifient.
 
En réalité, aussi solennelle et superbe que paraisse cette féminité dans sa noble attitude, voici simplement ici une épouse qui attend le retour de son mari parti avec son petit panier d'osier ramasser des oeufs pour l'omelette du soir.
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dimanche 9 mars 2025

2254 - J'ai entendu une musique de l'an 3000

Des forces mystérieuses dont je ne pourrais expliquer ni l'origine ni la raison se sont heurtées à ma réalité de tous les jours et mon esprit s'est envolé vers des hauteurs fabuleuses.
 
Ravi du présent par un souffle inconnu, j'ai fait une incursion dans un futur lointain.
 
Ai-je vécu cette histoire palpable en perdant connaissance ? Ou bien rêvé debout, dur comme fer, un monde hors de notre portée ? Comment savoir ? Vision de feu ou matérialité subtile traversant ma tête toute étourdie ? Je l'ignore. Toujours est-il que je suis parti. Ce voyage extraordinaire a duré quelques minutes. Transporté je ne sais comment en un siècle inconcevable, j'ai pu accéder à une expérience prodigieuse.
 
Revenu sain et sauf de cette aventure fulgurante, je vais vous rapporter les merveilles perçues lors de mon bref séjour.
 
Bien que j'ignorasse où je me trouvais précisément, en France ou ailleurs, fort étrangement je savais pourtant de manière certaine que ma conscience, éjectée momentanément de mon corps, venait d'atterrir quelque part sur cette Terre vers l'an trois mille de notre ère.
 
Un saut de mille années en avant !
 
Là je fus témoin d'une scène assez vague mais intense : une assemblée d'humains disposés en cercle, les uns s'affairant autour d'objet indéfinis au premier abord, les autres les observant. Les paroles, la langue, les gestes de ces gens m'étaient étrangers. Je n'ai pas saisi immédiatement de quoi il était question.
 
Mais j'ai très clairement entendu.
 
Ces hommes et ces femmes réunis sous ce ciel serein d'un autre millénaire jouaient de la musique. Jamais mes oreilles n'avaient ouïe de tels sons. Ces ondes me paraissaient bleues, blanches, claires, et elles me pénétraient, résonnaient dans mon âme comme autant d'ailes. Pareilles à de vivantes plumes, elles tournoyaient dans l'azur de mon être. Ces notes brillaient, s'allégeaient pour devenir des papillons, des oiseaux, des flammes.
 
En écoutant cette composition musicale, un surplus d'humanité entra en moi. C'est-à-dire, une vague de divinité, un flot de nuages, un flux céleste. Une caresse sacrée et un orage de délicatesses à la fois, une gerbe d'étoiles et une braise de fleurs mêlées. La gifle magistrale du Cosmos contre ma face de rat ! La brûlure de la beauté sur mes médiocrités de mortel... La flèche de la pureté suprême dans mon coeur alourdi de péchés.
 
L'harmonie produite par ces instrumentistes prenait racine dans des sources vertigineuses, dissimulées aux intelligences de notre époque. L'on interprétait une oeuvre classique, cela se sentait. Je distinguais des formes pleines de sens et de profondeur, des reflets éclatants sur des matières savamment forgées, des lignes élégantes conçues pour des causes supérieures.
 
De cet orchestre sortaient un chant de vie.
 
La mélodie était émise par des ventres, des gorges, des flancs et des bouches plus que par de simples cordes et cuivres. Les artistes de ce temps avaient de toute évidence accès à des sphères encore invisibles à nos yeux profanes.
 
Jamais je n'oublierai les altitudes où ces accords m'ont emporté !
 
De retour sous notre Soleil actuel après cet inexplicable bond temporel, je savourai longtemps le nectar de l'éternité dont je venais de boire une gorgée.

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mardi 4 mars 2025

2253 - Le modèle

Texte d'après un tableau du peintre Aldéhy
 
En la voyant vous pensez que de ses yeux d'azur elle vous regarde avec aplomb. Mais non, ce n'est pas vous qu'elle fixe ainsi de ses prunelles de plomb.
 
Elle jette plutôt ses flammes sur le peintre qui est en train d'étaler son image sur la toile.
 
Son image, c'est-à-dire son âme.
 
Entre ce visage et le virtuose qui le reproduit sur la surface blanche et lisse de son support, c'est une longue histoire.
 
Mais dans cette affaire c'est le maître des apparences qui a de toute façon le dernier mot. C'est lui qui dirige, décide, met en forme.

Au fil de son pinceau il révèle les pensées de son modèle. Touche après touche, couleur après couleur, mêlant habilement ombres et clartés.
 
Il lui donne vie.
 
Cette ingénue sort donc de l'invisible, peu à peu. L'artiste la fait apparaître sur son tableau, fidèlement. Sans autre fard que le réel. Avec toute la crudité et la subtilité de son talent, il la met en scène à l'intérieur de son cadre. Et c'est là précisément que, paradoxalement, elle surgit avec éclat dans notre monde : sublimée, embellie, plus vivante que nature.
 
Alors, bien campée dans son rôle de sujet central, elle joue son propre jeu.
 
Elle exécute son numéro, se donne en spectacle, se pose en star.
 
Bien à sa place derrière le chevalet de son créateur qui la dévoile, elle fait ce qu'on lui demande de faire : la potiche.
 
Tout simplement. Mais merveilleusement.
 
Elle excelle en cela.
 
Par la magie de l'Art, elle accède à la réalité, à portée de votre vue. Elle est là, sous le feu de votre oeil scrutateur : c'est vous qui la sondez finalement de votre lumière introspective, pas elle.

Sa postérité dépendra de l'attention que vous lui porterez.
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