mercredi 18 juin 2025

2343 - L'intruse

En sortant de ma demeure à l'aube je repérai des traces de pas autour de mon potager. On avait nuitamment pénétré chez moi ! Quelqu'un était venu tourner autour de mes sillons, piétinant impunément la terre meuble juste à côté. Mais sans rien détériorer ni voler cependant. Les empreintes étaient bien marquées... Une personne menue, un enfant peut-être, à en juger par la taille du pied venu se poser ici.
 
Qui donc avait osé s'aventurer si hardiment dans les profondeurs de ce monde sylvestre où je suis secrètement réfugié ? Qui avait réussi à découvrir mon trou d'ermite, si loin des éblouissements de la modernité ?
 
C'est là que je remarquai un objet intrigant sur le sol. Une attache à cheveux... Ce que l'on appelle communément un "chouchou". J'examinai de plus près ma trouvaille. Je distinguai quelques longs crins blonds restés accrochés à la pièce de tissu. En outre un parfum prestigieux se dégageait du textile. De toute évidence l'indésirable intrus se révélait être une jeune femme... désirable !
 
Une parisienne, pourquoi pas ?
 
Ainsi donc une créature de la ville osa cette même nuit, et avec quel toupet, visiter mes patates et carottes ! Mais dans quel but ?
 
Je n'aurais pas l'audace d'imaginer qu'un ours aussi lourdement botté que moi puisse d'une manière ou d'une autre jouir d'une renommée dépassant les bornes de la forêt, au point d'attirer les biches pomponnées et autres mondaines lustrées de la capitale ! S'il est vrai qu'au cours de ma retraite dans ces bois de rares individus ont pu, fort inopinément, croiser mon chemin sous les ramures, pour autant nul ne connaît véritablement l'existence de mon gîte ici, à part quelques rats et deux ou trois corbeaux.
 
Alors, de quoi s'agissait-il ?
 
Avait-je eu affaire à une espèce d'idéaliste de la verdure partie en vadrouille hors de ses limites culturelles ? En somme, à la simple promenade nocturne d'une banale écervelée ayant abouti par hasard dans mon jardin ? Ou pour le dire autrement, à une poulette délurée échappée de la cité ? Difficile à croire... Je ne conçois guère une telle escapade bucolique en solitaire de la part d'une boulevardière en mal de sensations champêtres...
 
Décidément, la raison de cette mystérieuse intrusion me titillait... Que cela fût le résultat du passage d'un vagabond ivre ou d'un braconnier égaré ne m'aurait pas posé de problème. Mais une poupée de la belle société... Quel drôle de fantôme !

Jamais je n'obtins de réponse à mes interrogations. Cette irruption parmi mes légumes restera pour moi un mystère total. Finalement je jetai le serre-chignon dans le feu de ma cheminée et le regardai se consumer jusqu'au bout.

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