lundi 30 juin 2025

2358 - Le parachute

J'entendis un vrombissement inhabituel dans les nues, suivi d'un fracas inquiétant...
 
Nul ne pourrait croire que, caché depuis une éternité au fond de mon trou forestier, le ciel puisse me tomber sur la tête ! Le sort se montre parfois aussi fracassant qu'un orage sous un clair azur car c'est exactement ce qui m'est arrivé. Même isolé sur mon île de friches et de bois, je ne suis guère à l'abri du plus spectaculaire imprévu.
 
Je me pense loin de tout et d'une seconde à l'autre, sans rien demander ni à Dieu ni aux hommes, je me retrouve à la une de l'actualité ! Quelle ironie ! Par quel prodige ai-je été placé face aux projecteurs des médias, moi qui ai tout fait pour me soustraire au monde ?
 
Un naufragé des airs atterrit sur mon ermitage.
 
Un visiteur que je n'attendais pas, accroché à son parachute.
 
Je l'apprendrai plus tard, une fois son aile déployée, dans sa chute contrôlée il a même visé volontairement mon humble carré de verdure : l'unique espace un peu dégagé de la forêt où il pouvait toucher le sol sans risquer de heurter des arbres.
 
Qu'était-il donc venu fabriquer ainsi dans mon cloître végétal, piétinant mes sillons avec son château de toile dans le dos, recouvrant bientôt mon potager ?
 
Très vite il me mit au courant de sa situation aussi alarmante qu'incongrue : il s'agissait tout bêtement d'un aviateur qui avait dû sauter en plein vol de son appareil en difficulté. Les bruits que je venais de percevoir juste avant, c'était l'écrasement de son avion. D'ailleurs une fumée noire commençait à monter à l'horizon.
 
Mon minuscule paradis à découvert vers lequel s'était promptement dirigé mon hôte impromptu l'avait sauvé de potentielles blessures. Mon jardin de légumes lui avait permis d'éviter les feuillus. Dans le feu de l'action, il m'en remercia d'une virile et fraternelle étreinte !
 
Alors que finalement, quel mérite pour moi ? Aucun.
 
La suite de cette histoire est plus banale : le miraculé fut récupéré par les secours, ces derniers ayant fatalement été accompagnés de quelques journalistes locaux qui ne m'ont pas épargné d'une interview. Je dus évidemment me plier à ce cirque inutile. Décidément, je me suis bien fait remarqué malgré moi ce jour-là !
 
Je suppose que les journaux ont romancé à loisir et divulgué sans retenue cette drôle d'affaire...
 
Le soir même devant l'âtre tout cela ne me regardait déjà plus. Je replongeai dans mon cher anonymat, le regard perdu dans la seule flamme capable de me faire réellement voyager : celle de mes bûches.

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