mardi 2 décembre 2025

2470 - Qui me croira ?

Tandis que je suis parvenu à l'âge mûr, des forteresses semblent s'effondrer autour de moi.
 
Ma pensée n'est plus du tout la même.
 
Ayant passé près de la moitié de ma vie sous les barreaux, mes certitudes rationnelles ont finit par radicalement changer. Après avoir parcouru tant de chemin dans la misère de mes jours de réclusion pleins de vide et de solitude, je peux dire que j'ai atteint un ailleurs insoupçonnable.
 
Une sorte de sommet depuis lequel je puis toucher une autre vérité, plus subtile, plus pénétrante, plus perturbante aussi.
 
C'est ainsi que la précédente nuit j'ai encore vu une silhouette noire se tenir debout dans un coin de mon antre de criminel en pénitence. Elle me faisait face en silence, immobile et mystérieuse. Je n'ai éprouvé nulle peur, simplement une grande curiosité. Ses traits demeuraient indistincts mais je devinais qu'ils ressemblaient à ceux d'un seigneur, d'une haute figure de l'Histoire, d'un représentant de la noblesse révolue ou bien d'un moine des temps anciens.
 
D'où venait donc ce drôle de spectre qui me fixait de son regard de marbre ?
 
Etant depuis si longtemps à l'écoute des moindres signes, des éventuelles présences, des possibles messagers ou de n'importe quels phénomènes inexplicables pouvant apparaître entre ces murs carcéraux qui déterminent toute mon existence terrestre, j'ai aujourd'hui la totale conscience qu'un monde différent s'est progressivement ouvert à moi.
 
Venues du visible comme du caché, exprimant le rêve ou la mort, issues de l'ombre ou de la lumière, ces natures immatérielles se manifestent à moi sous diverses formes et avec une clarté croissante.
 
Je perçois désormais ces prodiges sans aucune ambigüité. Ils sont aussi éclatants que des soleils, aussi vrais que des visages, aussi fracassants que des tempêtes.
 
J'ignore si tel est également le cas pour les autres détenus condamnés à de longues peines, mais je crois que ma sensibilité s'est exacerbée dans cet espace restreint de ma geôle, au point de percer le voile de l'ordinaire.
 
A force d'être reclus dans l'univers étriqué de mes neuf mètres carrés, j'ai accédé à ces réalités auxquelles je ne comprends rien mais qui existent cependant, puisque j'en suis si souvent témoin.

Je sais que personne ne me croira. Mais quelle importance ? Toutes ces choses se passent dans la minuscule pièce où, au bout de mon parcours, je vais devoir mourir.

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