jeudi 30 juin 2022

1838 - Histoire de lune

Au coeur de la nuit un rayon de Lune frappa à mon carreau. J'ouvris la fenêtre et le rêve entra dans ma chambre pour s'asseoir au bord de mon lit.
 
C'était une silhouette diffuse avec un visage vague, une tête dans le flou, ainsi qu'une flamme changeante.
 
Tandis que je l'observais, ses traits se précisèrent.
 
Sa face était éclatante comme un croissant de miel et ses membres s'apparentaient à des rameaux pleins d'élégance. Sa chevelure brillait autour de ses pommettes saillantes et son front cadavérique ajoutait un peu d'ombre à sa beauté sidérale. Visiblement j'avais affaire à une entité féminine. Une créature entre la chair et le minéral, à mi-chemin entre le sommeil et la veille.
 
Peut-être même à égale distance entre notre Terre et son satellite, c'est à dire entre la vie et la mort.
 
En tout cas, une femme à l'image des gouffres et des vallons, de la poussière et du silence, des rochers et de la glace. Une jardinière du sol sélénite cultivant des citrouilles ricaneuses et autres chimères. Ou une  fleuriste des tombeaux.
 
Les mains noircies de terreau, les pieds blanchis de régolithe.
 
Avec, à la place des yeux, deux cratères.
 
Et un immense mystère tournant en orbite autour de ses pensées.
 
Elle me fixait sans rien dire, alors que je la dévisageais avec curiosité, à demi couché sur ma literie.
 
Soudain, un sourire apparut au centre de ce faux soleil. A ce moment précis, la pièce s'illumina. Un éclair fantastique venu du dehors embrasa furtivement le logement.
 
Et l'inexplicable visiteuse disparut.
 
Et je demeurai seul, dubitatif, ne sachant si j'avais été en présence d'un spectre, d'une intruse astrale ou de je ne sais quelle nocturne incarnation...
 
A l'aube, je découvris un énorme trou au milieu de mon potager.

Avec, au fond, une météorite.

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lundi 27 juin 2022

1837 - Suc de Turque

Une flamme met le feu à mes herbes folles. C'est une femme qui s'envole, un oiseau qui chante, un nuage qui passe, un ange qui fuse.
 
Elle est un vrai Soleil, c'est-à-dire une boule de lumière pareille à un globe de neige : une chose éclatante qui pétrifie la chair et fait battre la pierre.
 
Burcu Güneş la blonde Joconde, la brune Lune, la turque au sucre et l'étincelle de sel, sans cesse changeante mais toujours chantante, est un corps céleste variable, une face qui scintille,  une fée du Bosphore, une brindille de beauté, un astre aussi luisant qu'une lame.
 
Elle est une promesse de rêve au sommet de l'arbre, un fruit désirable en pleine lumière, un croissant de miel, une cerise sur le gâteau.
 
Et un noyau d'étoile en pleine nuit.
 
Cette fleur ottomane ébranle mon coeur de chêne, caresse mon écorce de franc, cingle mon sang d'enfant de la Gaule, fait monter la sève de mon roseau...
 
Et fait jaillir ma joie par le plus noble de mes orifices : je parle de mon brûlant et intarissable puits de mots.

Et, secondant mes paroles de louanges se répandant dans les airs pour mieux l'embaumer de ma fureur, ma plume n'en finit pas de lui destiner ses flots stellaires d'artifices verveux et galactiques gerbes de termes féconds.

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vendredi 17 juin 2022

1836 - Stéphane Blet

Nous les éveillés, nous les esprits encore libres, nous devenons les cibles des criminels au pouvoir.
 
Stéphane BLET, dernière victime en date, est tombé pour la vérité. Il a été sacrifié par les profanateurs de consciences pour avoir préféré la lumière au mensonge.
 
Tué sous le venin vengeur de ces initiés de l'obscurité, véritables serpents en col blanc qui se protègent derrière des sigles intouchables et tout-puissants.
 
Il ne cesse pourtant de dénoncer ses assassins à travers l'éclatante ambiguïté de son trépas.
 
Seuls les endormis, les naïfs, les incrédules, les moutons, les lâches et les complices ne croient -ou feignent de ne croire- qu'aux évangiles médiatiques édulcorés, n'avalent que les discours policés de la pensée unique, ne suivent que les guides touristiques de la politique proprette.
 
Pendant ce temps les tueurs prennent leur temps, fourbissent leurs langues de vipères, sécrètent leurs mots mortels, agissent dans l'ombre, poussent au suicide.
 
Ou poussent tout court leurs adversaires dans le vide.
 
Ils contrôlent vos pensées, orientent vos idées, forgent vos opinions, décident à votre place en vous donnant l'illusion du choix... Eux les grands décideurs, vous les pions. Eux les "éclairés", vous les suiveurs.
 
Eux les façonneurs, eux les faces sans honneur, eux les zélés ligués sans ailes qui se frottent les mains.
 
Vous les avez reconnus de toute façon, pour être franc, n'est-ce pas ?
 
Avec leurs secrets d'état, leurs codes de nuisances, leurs sombres fraternités, leurs messes basses et leurs complots, ils vous enfument en portant des masques qui ne disent jamais leur nom, puisque selon eux, ils vous le certifient, ces voiles inavouables que vous leur attribuez sont purement imaginaires...
 
Ce sont les rois des meneurs et les princes des menteurs. Le monde est à leurs pieds.
 
Et nous les intègres, nous les âmes claires, nous les ennemis du mal, nous leur tenons tête.
 
Ils savent qui nous sommes et nous savons qui ils sont. Les uns bravent leurs opposants, les autres tremblent.

Et ceux qui sont du mauvais côté, savez-vous, ce ne sont pas ceux qui meurent mais ceux qui ont peur.

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dimanche 12 juin 2022

1835 - Ciel bleu

Le ciel bleu est le miroir du bonheur clair.

Qui devient vite ennuyeux s'il perdure.
 
Il n'est agréable que dans la mesure où il se peuple de nuées étranges, d'oiseaux noirs et d'idées neuves.
 
L'azur plein de lumière n'a de sens que si l'ombre lui succède et que vient l'orage fécond. La tiédeur de l'air n'a de saveur que si ensuite le gel blanchit la terre. La chaleur est bonne si elle s'accompagne de glace, pour couvrir la nature de givre et changer les mollesses du monde en pierres admirables. 
 
Ainsi le beau temps n'est supportable qu'un jour, qu'une heure, juste un moment de rêve, afin que le mortel se réveille de sa torpeur et accède aux sommets inquiétants de ses désirs de demi-dieu capricieux. Car oui, l'homme qui ne dort point est un coquelet de divine envergure aspirant à s'élever à la hauteur des aigles.
 
Et la simple vue de l'horizon atmosphérique fait naître en lui le désir d'envol.
 
Un gouffre de paix statique n'est nullement désirable pour l'âme éveillée. Le printemps fixe n'est bon que pour l'abruti permanent, le déjà mort, le gâteux, l'éternel vacancier qui ne souffre le moindre nuage dans son existence de légume.
 
Tandis que le coeur vif a soif de verdure mais est également affamé de cailloux. Il réclame la gifle du Soleil et la folie de la neige, le vent et ses fantômes, ainsi que le chant de la grêle.

C'est pourquoi je ne puis boire qu'à cette seule source pour alimenter ma joie de loup, et qu'il me faut, après la douceur du miel, la piqûre de l'abeille.

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vendredi 10 juin 2022

1834 - Bonheur de rat

Je m'affiche comme un modeste comptable à tête de cornichon et à la silhouette insignifiante. Sur mon dos s'abattent des orages d'ennui et sur mes épaules pèse la brume des jours.
 
Cependant dans le secret de mon être je brille d'un bonheur sans égal, alors même que je devrais me lamenter de mon sort et maudire ce qui m'entoure.
 
Ma vie professionnelle est faite de grisaille et de solitude du matin au soir, de petitesses et de mesquines satisfactions d'employé modèle. Pourtant, dans mon coeur brûle un grand soleil.
 
Sur ma face de cafard se reflète toute la pesanteur du monde. Rien qu'en me voyant, on croirait lire un évangile de tristesse...  Chaque détail de ma personne sent la poussière et suinte la déprime. En réalité, mon âme inondée de joie est un astre aux rayons de feu.
 
Selon les apparences, je trimbale ma pitoyable carcasse comme un rat traîne sa crasse au fond de son égout. Sauf que je suis sur un nuage et déborde de lumière.

Même si cela ne se voit pas, même si nul ne le croit, même si rien en moi ne le trahit, je baigne dans un océan d'étoiles.
 
Bref, je suis un handicapé du malheur.
 
Quoi qu'il m'arrive et au-delà des illusions de ce siècle, à l'encontre des certitudes sociales les plus éprouvées et des avis les plus éclairés, je ne puis me résoudre aux larmes. Je ne suis qu'éclat, ciel et allégresse.
 
Pour la seule raison que je suis éveillé, il m'est impossible d'envier les repus qui me plaignent. Bien à ma place là où je suis, je ne veux pas être ailleurs.
 
Grâce à cette faculté à recevoir ces flots d'azur par toutes mes portes et fenêtres, je suis devenu imperméable à l'ombre.
 
Ma félicité est d'une totale insolence pour cette humanité incrédule. Elle est une insulte aux vivants qui ont peur de mourir, un crachat au visage des fortunés insatisfaits. Un véritable défi aux blasés de tous bords qui cherchent toujours plus de plaisirs, de confort, de nouveautés. Et même, un blasphème envers les défunts partis en s'agrippant désespérément aux dernières racines de la Terre...
 
Mais la cause de ma plénitude est encore plus insupportable à leurs yeux.
 
Si je suis si enclin à bénir ma condition c'est parce que, par-delà la rudesse de mon écorce et la misère de mon destin d'obscur fonctionnaire, j'ai compris que le vrai trésor de l'existence est dans le fait d'éprouver de la gratitude envers les petits riens du quotidien, ces humbles bienfaits qui font les grandes clartés intérieures.
 
C'est-à-dire, dans la simplicité.

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dimanche 5 juin 2022

1833 - Redneck

Je m'enfonce avec délectation dans les profondeurs de l'Amérique qui transpire sous les bras, braille de bonheur simple et pue des pieds.
 
Et m'enivre des parfums lourds de ces terres reculées aux cailloux légers, peuplées de bipèdes en pick-up.
 
Avant de m'envoler dans l'azur des idées grasses fusant sous les chapeaux de ces gardes-vaches chevauchant des Harley.
 
Les rednecks d'outre-Atlantique sont l'air frais de mes rêves rances.
 
Ils m'inspirent une joie de loup et une fraternité de lourdauds. J'ai de l'estime pour ces porteurs de bottes crottées, si fiers de leur trou, là-bas à l'autre bout du monde, dans le cul de nulle part mais bien chez eux.
 
Au centre de toutes les moqueries parisiennes.
 
Depuis mon sol de bouseux, loin des élégances de fer de la Tour Eiffel, je leur adresse mon sourire de France aux relents de camembert.
 
Péquenaud heureux, sarthois de la cambrousse, balourd des labours, amateur de frometon puant, de hiboux mystérieux, de nuits étoilées et de feux de bois, je partage avec eux la simplicité de la vie, l'outrance du coeur taillé à la serpe, le goût des choses authentiques, dures, radicales. Qu'elles soient amères ou sucrées, sans aucune édulcoration.
 
Nous constituons, eux et moi, l'humanité des peaux brutes et des âmes sans nuance qui tranche le pain de l'existence en riant à plein gosier !
 
Tout comme ces ploucs au look de bouc, je préfère mon carré de boue qui sent la bouse au marbre rose des citadins qui roulent en carrosse en se prenant pour des albatros, alors que ce ne sont que de prétentieux moineaux au bec émasculé.

Vous valez ce que vous valez, vous les vaniteux, et nous valons ce que nous valons, nous les va-nu-pieds.

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1832 - Sur le rivage

Je m'étais donné rendez-vous avec l'immensité et me suis retrouvé les pieds ensablés au milieu de nulle part.
 
Seul avec moi-même, face à ma désillusion. Dans la puanteur des algues corrompues que j'écrasais.
 
Partir à la rencontre de ses idéaux, poursuivre ses chimères, décider de lever les yeux vers le ciel, tenter d'atteindre les étoiles n'est pas chose si facile, en vérité.
 
La réalité parfois peut devenir aussi pesante que le plomb, et l'horizon s'avérer plus inaccessible que jamais.
 
Je me trouvais donc devant mes rêves, confronté à mes plus chers désirs de légèreté. Pourtant je me sentais aux antipodes de cette plage où le caprice de mes pas venait de me conduire, au fil de ma mélancolie.
 
Les mouettes se moquaient de moi. Les vagues me déroulaient leur tapis d'écume glacé. Pour le vent, je ne valais pas plus qu'une herbe folle. Et la mer grondait, aussi loin que possible de mes ressentis. Les éléments se montraient parfaitement indifférents à ma présence. Je paraissais insignifiant dans ce décor grandiose.
 
Entre la nue et l'océan, je ne comptais pour rien, ou pour si peu de chose...
 
Comme si j'avais été un intrus, la nature me considérait avec dédain. J'avais froid, je me découvrais isolé, dépouillé, vide.
 
Et finalement, très conscient d'être rempli d'ennui, je comprenais que je cherchais surtout à meubler ce néant par des artifices poétiques... Mais cela ne marchait pas, mon âme ne s'accordait pas avec le réel. En moi stagnaient des brumes indéfinies, léthargiques et caressantes. A l'extérieur, l'orage de l'expérience vraie s'imposait beaucoup plus tranchant ! 
 
L'Univers n'avait que faire de mes humeurs de mortel. Cependant je savais que j'appartenais au Cosmos, moi aussi, et que j'en incarnais même sa plus belle oeuvre.
 
Faisant partie intégrante de la Création, j'avais droit à l'envol. Mais pour déployer mes ailes, je devais me débarrasser de mes lourdeurs.
 
Renoncer à mes rêveries grotesques et mesquines et accepter le monde tel qu'il est, le regarder avec amour dans sa beauté et son outrance, avec ses ronces et ses férocités, ses fleurs et ses pourritures, ses tempêtes de sang et ses éclats de paix, ses tonnerres de douleur et ses éclairs de joie, ses drames incompréhensibles et ses extrêmes élégances.

Alors, en ouvrant la porte de mon esprit sans le filtre du coeur, je me suis immédiatement fondu avec la Lumière, au sommet des sommets, les chevilles toujours embourbées dans le limon, en pleine extase.

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samedi 4 juin 2022

1831 - Attraction lunaire

Elle est un cauchemar qui chasse les rêves insipides.
 
Une tête de défunte dans l'empyrée, un éclat mortuaire à trois heures du matin, un front funèbre qui veille sur les égarés, une lueur glacée  dans la nuit, un crâne phosphorescent éclairant les amoureux aux coeurs morbides.
 
Sa face de citrouille enflammée fait pâlir le monde. Et jette sur les hommes une lumière de mort qui donne à leur peau un aspect de cadavre.
 
La Lune est une sépulture où gisent les pensées folles des sots -ou les pensées sottes des fous,- et où grouillent les vers plats des poètes sans imagination.
 
C'est là que viennent s'échouer les idées les plus fantasques de la Terre, faire naufrage les âmes déracinées, se faire oublier les fantômes de notre siècle, s'installer les oiseaux bohèmes en mal de dépaysement.
 
Et germer les graines fécondes de l'esprit qui produiront des fleurs étranges nommées "littérature".
 
Oui, le satellite aux reflets obscurs est un visage effrayant au regard vague qui attire à lui tout ce qui s'envole de notre globe, je veux parler de ces choses trop légères pour demeurer sur le plancher des vaches.

Pour faire naître ce texte parvenant jusqu'à vos oreilles, c'est précisément sur ce sol de silence et de régolithe que vient de se poser ma plume.

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