mercredi 28 septembre 2022

1897 - La libellule

(D'après un tableau du peintre Aldéhy)
 
C'est une petite fée des planches, une fillette vêtue d'étincelles et parée d'ailes, prête à s'envoler.
 
Elle tourne, virevolte, s'allège...
 
Et puis monte.
 
Du moins, on a l'impression qu'elle s'élève dans les airs. En réalité elle ne décolle pas vraiment mais on se l'imagine aisément, tant la chose nous semble évidente.
 
Dans ses gestes, sur son front, à travers son regard, au fond de son âme, il y a le ciel.
 
Un espace sans fin où s'expriment toutes les beautés de la Terre.
 
La ballerine danse dans l'azur, ses bras sont comme des élytres, ses jambes aussi fluides que des plumes.
 
Et, imperceptiblement, dans les esprits la demoiselle se métamorphose en libellule... Miracle de l'Art !
 
Cette chorégraphie savante, formelle, codifiée, représente le chant de l'Homme adressé à son Dieu.
 
L'étoile noire brille sur la scène. 

Et les anges la secondent dans l'infini.
 
Le public est fasciné par cette flamme qui éclaire non seulement la salle, mais aussi l'Univers entier. Le temps se fige. Et la minute d'exaltation devient éternité.
 
Et puis vient le moment où les projecteurs s'éteignent. Le petit astre quitte la piste et se défait de ses artifices pour se rhabiller.

Et redevient une simple enfant pleine de rêves dans la tête.

jeudi 22 septembre 2022

1896 - L'eau qui m'éclaire

Burcu Günes, toi l'astre, toi le lustre, toi l'illustre, toi la turque, je suis ton luth, ta lyre, ton cantique égotique.
 
Toi la femme, moi la flamme. Toi les airs, moi les mots. Toi l'aile, moi la plume.
 
Tu es le papillon, je suis le vampire.
 
Tu es blanche, je suis brûlant. Je te sais aussi douce que la rocaille, tandis que je flamboie comme un chardon. Tu es la légèreté incarnée, l'image des nuages, et pour te donner plus de poids encore, je t'apporte le venin des fleurs.
 
Toi l'azur, moi la bavure.
 
Tu souffles, je postillonne. Je suis un rat qui fait de l'art. Un vautour au bec de vérité. Un loup aux crocs célestes. Je ne fais pas dans la dentelle mais dans l'authentique.
 
Tu brilles et j'éclate. Toi l'encaustique, moi le caustique.
 
Ta face de Vénus met le feu à ma flamberge de Mars. Et mes terres rejoignent tes horizons pour y célébrer des crépuscules de sang.
 
Toi la pluie, moi l'alambic. Toi la muse, moi la cornemuse. Toi la tempête, moi la trompette.
 
Tu es l'herbe folle, je suis le verbe qui vole.
 
Je glorifie la rose en prose, tu chantes la rosée du Bosphore. Je suis l'écris, tu es le cri. Je suis l'encre, tu es la sève.
 
Tu plantes tes flèches dans ma cuirasse. Dure est ma race, pure est ma carcasse, claires sont tes ondes. 
 
Moi le marbre qui siffle, toi l'eau qui murmure.

Je suis la flûte, tu es la flotte.

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mardi 20 septembre 2022

1895 - Une question de clarté

Toi la blonde face, toi la douce présence, toi la flamme lointaine, tu as éclairé mes nuits froides de ta tiède lumière, animé mes rêves de tes images de pierre, peuplé mes pensées vides de tes ondes pleines de poésie nocturne, rempli mes heures perdues de ton seul éclat.
 
Et même, créé des ombres glorieuses sur notre monde endormi où tu rayonnes sans partage.
 
Par aucune étoile je ne pourrais remplacer ce feu que tu incarnes, toi la Lune.
 
Pas même une femme n'est capable de rivaliser avec ta céleste beauté. Et nul paysage terrestre ne saurait m'éblouir autant que tes tristes contrées figées dans le silence sidéral.
 
Le blanc régolithe te recouvre telle une neige éternelle : même ta poussière est d'or.
 
Tes plaines et tes monts unicolores ressemblent à une mort vaste et sublime, à une désolation lumineuse, à un océan de paix et de mélancolie.
 
Tes roches sont comme des ossements jonchant ta surface sans vie. Et ces formes vagues et diverses qui gisent sur ton sol sont les seuls hôtes que tu abrites.
 
Certaines d'entre elles semblent être des silhouettes d'hommes ou d'animaux. Mais ce ne sont que des chimères, de simples cailloux, des figures lunaires semblables à des crânes, que l’on a tendance à imaginer avoir été habitées jadis par des âmes...

Juste parce que sur leurs angles et arrondis, on y voit un peu de clarté.

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lundi 19 septembre 2022

1894 - La Lune dort

Elle est plus aimable que le Soleil qui l'allume et la fait briller : je peux la fixer en face et lui adresser les orages de mon être en larmes ou en joie.
 
Et contempler pour le reste de la nuit son visage de marbre et de glace.
 
Quand je la vois irradier, j'ai l'impression qu'elle dort depuis toujours et que ses rêves permanents se transforment en lumière, que ses pensées enfouies deviennent visibles sous formes de rayons incolores.
 
Bref, qu'elle brûle de poésie à travers son éclat onirique.
 
Plongée dans son sommeil éternel, la Lune arrose notre Terre de ses fantasmes d'astre léthargique.
 
Et, peut-être, fait sortir de notre sol les lombrics nocturnes aspirant à plus de légèreté.

Et fait jaillir d'autres sortes de vers du coeur des hommes, pleins de verve et de démesure.
 
Permettez qu'ici je vous en parle en prose pour mieux vous la chanter.

Sans fard ni artifices phraséologiques, mais dans la vérité crue de mon âme de verre.

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samedi 17 septembre 2022

1893 - Les artifices du spirituel

La grande mystification chez les initiés de la spiritualité se résume à peu de chose : l'habit.
 
Avec leur bout de tissu, ces âmes supérieures essaient d'éblouir les gogos que vous êtes.
 
Tous ces porteurs de toges en réalité sont des clowns.
 
Pape, Dalaï-Lama, imams, rabbins, tous médiatisés, sont les plus célèbres pitres. Mais il y a également les autres, moins illustres, voire décriés : chamans, gourous, allumés du coin ou exotiques de maintes espèces, etc.
 
Connus du grand public ou non, ces adeptes de la visibilité à tout prix qui arborent leurs glorieux apparats ont en commun leurs talents de gugusse.
 
Leur déguisement de chefs spirituels fait office de nez rouge.
 
Ce que vous ne soupçonnez pas, c'est que sous la bure austère du moine, la mitre éclatante de l'évêque, les plumes dorées du sorcier indien, les couleurs flatteuses du mysticisme, et même la nudité absolue du sadou, il y a l'ordure.
 
Ou si vous préférez, l'ordinaire.
 
C'est-à-dire que derrière ces vitrines de noblesse, de sagesse, de pureté, il y a... vous et moi.
 
Ni plus ni moins.
 
Ces petits dieux ne sont que des hommes : des bipèdes attachés au prestige de leur image. Autrement dit des saltimbanques de l'illusion.
 
Des turlupins, des charlots, des bouffons.
 
Ce sont des humains avec leurs tonnes de défauts, leur part de merde, leur lot de médiocrité, leurs minuscules mérites, leurs miettes d'intelligence, leur vaste bêtise, leur immense vanité.
 
Bref, ce sont tout simplement des gens de la Terre, vos voisins, le quidam que vous croisez dans la rue, vos amis, vos connaissances de bistrot, et même vos têtes de Turc. Et surtout, votre propre reflet dans le miroir.
 
Sauf qu'ils sont vêtus comme des Arlequins de cirque. Pour faire plus sérieux.
 
Personnellement, plus ces religieux tiennent à se signaler par leurs costumes célestes, plus je les tourne en dérision.
 
Les seuls qui m'inspirent confiance, ce sont les ermites, les clodos éveillés, les pouilleux et autres va-nu-pieds insoucieux de leurs apparences qui sont en accord avec les sommets intérieurs qu'ils vivent.
 
Et encore, seulement si leurs haillons, leur crasse et leur laideur ne sont pas des prétextes pour me séduire... Je dois encore être prudent et faire attention à ce qu'auprès de moi ces mendiants ne se prennent pas pour des rois ! Mais en général ces ascètes puants respirent le bon air du Ciel.
 
Eux au moins, j'en suis sûr, ne tentent pas comme leurs "confrères "endimanchés et haut placés dans leur théâtre de guignols, de me faire un numéro de sainteté.

Ces derniers, pleins de leur ostentatoire autorité carnavalesque, sont bons pour la piste aux étoiles !

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jeudi 15 septembre 2022

1892 - Lune normale

Sa fade clarté enflamme ma chambre triste et sa face énigmatique inspire aux hommes des questions aux réponses insolubles.
 
Ses rayons sans but rendent éclatants certains toits, sombres quelques âmes, terne tout ce qui est fait d'or.
 
La Lune à la lumière controversée, au visage ambigu, aux effets variables, est un numéro à part, un sujet de désaccord et un point crucial qui balaye le ciel de ses passages bien balisés.
 
Elle traîne avec elle d'immortelles légendes, de purs artifices et des chiffres incontestables.
 
Ses airs sont vagues mais ses traits nets : on la mesure, la pèse, la cartographie et calcule ses faits et gestes avec des précisions d'horloger. Elle ne nous échappe pas sur ces détails techniques.
 
Là où elle nous file entre les doigts, où elle devient incompréhensible, c'est lorsqu'elle nous laisse des rêves de feu, des impressions indéfinissables, des sentiments ineffables.
 
Cet astre sans coeur est pourtant une grosse pierre qui palpite et éveille en nous de claires ou ternes émotions, de blanches ou noires pensées, de molles larmes ou d'austères joies, de mièvres songes ou d'implacables desseins...
 
Selon les uns sa beauté est sinistre. D'autres la trouvent aussi légère qu'une pièce de un sou. Rares sont les esthètes qui en font leur fatale amante. Il y en a même pour qui elle n'est qu'une fumée.

En ce qui me concerne, elle est un rond qui brille la nuit, là-haut, là-bas, au loin, sans poids, sans explication, voguant dans une immensité de mystères, peut-être en quête d'amour.

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mercredi 14 septembre 2022

1891 - Ni chauffage ni travail

RÉPONSES FAITES À UN TRAVAILLEUR ME REPROCHANT DE CRITIQUER LES ADEPTES DU CHAUFFAGE ET D'ÊTRE UN ASSISTÉ SOCIAL
 
Oui, je méprise les larves car ces molles lavettes ne me ressemblent pas. Elles ne sont pas mes semblables. Sous prétexte que je suis assisté social, je ne vais pas me prostituer et feindre d'aimer les limaces.
 
Ce qui semble vous avoir échappé, c'est que je cherche non pas à aplatir encore plus les asticots mais à leur montrer un chemin vertical. Je propose aux sous-hommes de devenir de vrais humains au lieu de les laisser patauger dans leur fange.
 
Votre empathie flasque ne fait que conforter ces mollusques des radiateurs dans leur mollesse, leur paresse, leur misère. Moi, je leur destine mes gifles les plus cinglantes non pour leur cracher stérilement au visage mais pour les réveiller et leur faire lever les yeux vers le ciel. Votre compassion caressante est funeste car elle les endort, alors que ma flamme leur est salutaire.
 
La plupart des employés glorifient leur esclavage, sont honorés d'être des soumis, enchantés de leur statut d'exploités, satisfaits de leur état de pions dociles. Enchaînés à leur usine, à leurs manettes, bref à ces responsabilités professionnelles qu'ils ont sacralisées, ils traînent leurs jours misérables sur Terre, vidés, déprimés, fourbus, et ils appellent ça de la "dignité", de "l'indépendance"... Ils mettent en avant leur impossibilité de faire autrement pour faire croire qu'ils sont libres et courageux... En réalité ces moutons castrés ne sont que les maillons muselés d'un système qui les dégrade et les brise. On a inventé la "fierté du travailleur" pour faire taire ces hordes d'assujettis corvéables.
 
En effet, je suis infoutu de m'assumer seul, je ne l'ai jamais caché. Mieux encore : je suis incapable de me laisser mener à l'abattoir salarial comme un bovin annelé. C'est comme le port obligatoire du masque, j'ai trop d'amour-propre pour accepter de me soumettre à ces moeurs de bâillonnés, à ces servilités de captifs.
 
Vous pensez sincèrement que je serais utile à mes semblables en allant prosaïquement faire tourner une  de leurs entreprises ? Ce n'est pas de bras dont ces veaux ont besoin mais de beaux parleurs ! De moralistes ! De coups de pieds au cul !
 
Visiblement vous avez été bien conditionné par vos maîtres qui ont réussi à vous convaincre que votre grandeur de citoyen émancipé se résumait à aller turbiner sans broncher. Ils vous mettent au même rang que les boeufs et vous trouvez ça valorisant pour votre image... C'est exactement comme avec les femmes à qui on a fait croire que leur liberté et leur grandeur allaient glorieusement se manifester huit heures par jour au bureau, derrière des machines bruyantes, dans des environnements stressants et dangereux, loin de leur foyer. Sous couvert de progressisme, le féminisme a jeté les mères, les épouses, les frêles demoiselles dans les flammes des fourneaux industriels ! Et celles qui ont succombé à l'appel de ces sirènes en sont fières... Ce piège fonctionne parfaitement sur les esprits faibles et apparemment vous n'êtes pas épargné par l'abrutissement des masses... C'est l'inversion des valeurs qui a été instaurée : les serfs sont infatués de leurs chaînes et ce sont les êtres affranchis qui devraient avoir honte de leur hauteurs, de leur éclat, de leur refus de s'aliéner.
 
Sauf qu'avec moi cette manipulation ne fonctionne pas.
 
Au fond de vous-même vous savez pertinemment que vous êtes un prisonnier comme les autres, et ça vous fait trop mal de voir des humain non asservis comme moi. Vous aimeriez que je descende à votre niveau, que je devienne votre égal dans la soumission. Cette réaction est typique des pantins de votre espèce. Parmi les actifs qui cotisent pour me permettre d'être allocataire, il y a des gens sains qui ont l'honnêteté de reconnaître cette vérité et qui me souhaitent, contrairement à vous, une longue et fructueuse vie d'inactif, sans une once d'amertume. Ca leur fait plaisir de voir que dans ce monde implacable il existe quand même des allergiques au turbin, ça les rassure au lieu de les révolter. Ils sont heureux pour moi et ne m'exhortent nullement d'aller bosser. J'incarne exactement "l'exception au travail" chez un peuple qui majoritairement courbe le dos. Ma situation de désoeuvré à temps plein scandalise les uns et fait rêver les autres. Chez les trimeurs il y a différentes réactions selon leur degré de conscience. Il y a les laborieux abrutis par le discours officiel et puis il y a les bosseurs éveillés qui ne se sont pas totalement laissé violer leur âme.

Ils ont su laisser intacte cette part de papillon en eux.

mardi 13 septembre 2022

1890 - Lune de fer

Quand elle éclate de lumière dans la nuit en gel, la Lune se transforme en un silex qui blesse.
 
Un disque tranchant plein de flamme, un cri strident dans le ciel, une lame sèche qui se découpe dans le noir.
 
Elle nous éblouit et nous menace de son visage brûlant ou givré, nous perce de ses reflets féroces.
 
Oui, de ses flèches de feu ou de ses éclairs de glace, elle attaque les curieux que nous sommes s'attardant sur sa face au regard d'acier.
 
Méchante comme un soleil, aussi dure qu'une pierre aux angles aigus, froide et impitoyable telle un iceberg céleste, elle jette parfois sur la Terre ses muets projectiles qui pénètrent nos coeurs pour les refroidir.
 
Elle brille tellement lors de ces hivers, qu'elle perd toute douceur, toute mesure et que ses contrastes s'accentuent.
 
Jusqu'à ce qu'elle apparaisse cassante.

Elle est alors pareille au rayon de miel qui, saturé de parfums capiteux, concentrant trop d'arômes de fleurs, en devient plein d'amertume.

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dimanche 11 septembre 2022

1889 - Molle Lune

Atténuée derrière le voile des nuages, la Lune a le visage tiède des nuits sans éclats.
 
Elle prend alors des airs insipides et se montre pleine de faiblesse. Elle devient fade, sans couleur. Et dégage un parfum familier qui ressemble à l'odeur morose d'un vieux salon délaissé.
 
Sa face aux traits estompés n'exprime plus rien et sa tête se vide inutilement dans l'espace.
 
Avec ses allures  d'astre anonyme, elle ne brille plus. Elle somnole, presque éteinte, absente, ailleurs, déconcentrée, égarée dans ses rêves mornes de triste étincelle.
 
Elle n'attire plus l'oeil là-haut au-dessus de ce brouillard qui lui coupe ses rayons. Privée de ses bras de lumière, elle n'a plus grand effet sur Terre. Elle ne caresse plus les hommes de ses doigts de fée.
 
Sans ni chaleur ni froideur ni douceur, n'inspirant ni même de frayeur, elle est sans saveur.
 
Devenue molle, vague, invisible, elle n'intéresse plus personne. Sauf peut-être les ivrognes qui divaguent à son sujet ou les vieillards séniles qui radotent sur le mystère de sa dilution dans le ciel, comme si elle était une des rondelles de navet noyée dans leur soupe au lait.

Bref, lorsque le satellite s'évapore ainsi dans ses hauteurs suspectes, amoindri par la brume, il n'existe plus pour les chercheurs de trésors nocturnes car il porte le masque infâme de la banalité.

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1888 - Insensible aux malheurs des autres

Moi je n'aime que la beauté, la joie, les hauteurs.
 
Seul le bon air des âmes heureuses me touche, m'inspire, me nourrit et m'allège.
 
Les larmes des affligés me fatiguent. Les histoires tristes des malchanceux m'ennuient. La douleur des infortunés de la vie m'incommode. Tous ces gens alourdis de maux m'empêchent de monter.
 
Je n'ai que faire de la souffrance des accablés étalée en long et en large, imbécilement sanctifiée, dévotement exposée dans l'autel sinistre de leurs interminables gémissements, comme s'ils voulaient la répandre dans tout l'Univers, la partager avec le reste de l'humanité, forcer les autres à adhérer à leur malheur...
 
Les pires, les plus détestables, ce sont ces pleureurs pervers qui sans aucun talent, dénués d'esprit, et surtout  incapables de dérision, s'ingénient à faire des oeuvres d'art de leur fardeau. En général, c'est toujours raté. Les fruits de leur cuisine au vinaigre sont indigestes. En essayant de mettre en vers ou en peinture leur chagrin, ce qui est aussi une manière haïssable de prendre en otage les épargnés du sort, ils ne produisent que de vomitifs festins à la gloire de leur crasse. Et si vous ne vous agenouillez pas d'admiration parce que vous trouvez leurs gribouillis infâmes, leurs croûtes laides, alors soyez-en sûrs, ils vous taxeront d'égoïstes, d'insensibles, de méchants, de mauvais !
 
Ces peintraillons du deuil sont les ennemis du genre humain, en vérité.
 
Tandis que l'expression du bonheur est immédiatement communicative et n'a nul besoin de ces singeries pour convaincre les hommes sains. Le jour est sans artifice, sans malice, exempt de lourdeur. Le Soleil brille naturellement sur les êtres, il éclaire directement les visages et fait naître spontanément les sourires.
 
Les infortunés imbus de leurs pesanteurs ont tendance à trouver injuste la félicité d'autrui. Ils seront peu enclins à se réjouir du spectacle des astres pleins d'éclat qu'ils croisent. Ou qu'ils regardent de loin, amers, méfiants, méprisants. Assez souvent même ils haïront ces foyers de lumière qui ne leur ressemblent tellement pas... Et préféreront côtoyer leurs vrais reflets, les ombres.
 
Si je déteste ces misérables, car oui j'ai de la répulsion pour ces salauds centrés sur les enclumes du destin qui leur tombent sur la tête, c'est parce que qu'ils se rassurent auprès des cous cassés, des dos courbés, des os rompus de leur espèce.
 
Heureusement tous les lépreux de la Terre ne sont pas ainsi. Il y en a de très bien. Mais ils sont minoritaires : je veux parler des silencieux. Eux, je les apprécie.
 
Très précisément parce qu'ils ne la ramènent pas.

Bref, à mes yeux un bon geignard est un geignard qui la ferme !

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mercredi 7 septembre 2022

1887 - Mon visage de vérité

Mon visage vrai choque les porteurs de masques, scandalise les effacés, agresse les peaux lisses, heurte les âmes flasques, effraie les tempéraments ovins, fait rentrer la tête des frileux dans leur trou, donne des cauchemars aux rêveurs de mollesse, du fil à retordre aux adeptes de platitude, des leçons d'âpre vérité aux buveurs de mensonges qui sous couvert de tolérance et d'ouverture au monde, aux autres, préfèrent la fermer et tout avaler sans broncher.
 
Moi je ne plais qu'aux rats, aux loups et aux albatros.
 
C'est-à-dire à tout ce qui est doté d'éclat, de crocs et d'ailes.
 
Avec mes aspérités, qui ne sont en réalité que les banales expressions du simple bon sens commun, les naturelles inclinations de l'individu non corrompu par l'ivraie en vogue, je passe pour un sauvage aux yeux des épilés, des parfumés, des déplumés que vous êtes.
 
Vous faites les étonnés face à mon discours sans ombre en essayant de me faire croire que sous vos déguisements d'humanistes à la mode battent des coeurs sincères.
 
Mais au fond de vous-mêmes, vous savez pertinemment que vous êtes semblables à moi : vous aussi vous aimez l'intelligence des rongeurs, la féroce beauté du carnassier, la hauteur du sublime qui vous dépasse. Sauf que vous n'osez plus être ce que vous êtes.
 
On vous a appris à ressentir comme le siècle, non selon vos natures. A penser en fonction des critères médiatiques, féministes, idéologiques imposés, non dans votre liberté d'hommes pour laquelle vous êtes nés.
 
Je vous espérais intègres, dignes, courageux.

J'ai découvert une société de soumis, de castrés, de muselés où le mâle est dominé par la suffragette, où le penseur est encadré par sa propre auto-censure, où l'artiste engagé s'engage dans des voies uniquement autorisées, où le rebelle au pouvoir a sa carte de rebelle délivrée par le pouvoir, où le citoyen est devenu une larve, une loque, un esclave.
 
Le citoyen, autrement dit vous Français qui lisez ces mots de feu.
 
L'enfant de France est un esprit nivelé par le bas dans tous les domaines sensibles et cruciaux, un fruit fade de son époque aseptisée, un pion édulcoré, abruti, lobotomisé par son Iphone allumé en permanence...
 
J'incarne exactement le Soleil. Tandis que vous vous vautrez dans la lâcheté, la facilité, la paresse, la traîtrise, collaborant avec le faux, le faible, le médiocre.

Et si vous me fuyez lorsque j'apparais c'est parce que, n'ayant en moi nulle tiédeur,  ma lumière vous brûle comme des cafards !

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vendredi 2 septembre 2022

1886 - Amante russe

Dans la steppe habitée par le loup et le vent, j'ai rencontré Natacha, une fille de la Russie.
 
C'est-à-dire une enfant née de la neige et du ciel, l'exacte union de la pureté et de l'infini, le mariage idéal entre le granit et la brume, la tranchante confrontation du coeur avec la glace.
 
Dès que je l'ai vue sur son cheval de guerre, le front éclatant, les pommettes comme deux silex, le sourire aussi virginal que l'hiver, j'ai renié mes faux diamants d'avant, ces folles perruches de Paris, oiseaux parfumés de fleurs mensongères au vol plein de vacuité. Oublié mes vaines conquêtes aux dentelles légères et à l'esprit lourd, ces naufragées putrides des faubourgs de l'amour superficiel.
 
Cette blanche créature que j'avais devant moi, pure, fière, sauvage, ressemblait à une femme aux racines intègres.
 
Son âme claire enflammait son regard et me pétrifiait.
 
Subjugué par cette pierre vivante, j'allai cueillir pour elle une poignée de ronces mêlées d'herbes incertaines... Sensible à mes airs de vieille France, à ma face rugueuse et à ce présent sincère, l'étrangère au visage de vérité m'offrit non son hymen mais sa lumière.
 
Je lui baisai la main. En me relevant, j'aperçus les clartés de sa gorge et devinai la profondeur de ses pensées.

J'épousai alors l'immensité, embrassai les cailloux, pénétrai les mystères de l'Est, m'envolai vers les sommets promis et ne revins plus jamais sur la terre des traîtres de mon pays, désormais effacée de ma mémoire, trop ivre de ces hauteurs nouvelles faites d'azur et de givre, progressant définitivement sur les pas de Natacha.

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