dimanche 30 avril 2023

2009 - Les crépuscules de Clinchamp

A Clinchamp, le soir constitue un véritable défi pour l'esprit sensible.

C'est un choc entre la pierre et l'azur, le sol et l'éther, le trou et l'infini. 

C'est l'espace choisi et inquiétant où l'éveillé se confronte à de nouveaux critères esthétiques, l'endroit idéal où l'âme supérieure s'expose à l'étrangeté des éléments. La rare occasion d'un face-à-face soit glacial, soit brûlant entre l'homme de goût et l'improbable peinture du hasard.

Bref, la rencontre à la fois trouble et fulgurante entre le mortel et l'inconnu.

Près de la mare et du fossé, à l'orée du bois et au bout des chemins, hors des agitations futiles de ce siècle, de grandes choses s'opèrent. A l'abri des regards profanes. Seuls les habitants du bourg, ainsi que les visiteurs, peuvent potentiellement accéder à ces réalités alternatives.

En ce lieu unique au monde les crépuscules y apparaissent, en effet, pareils à des spectres célestes aux visages chargés de pénombre. Des images irréelles, aussi belles que funèbres, d'un royaume lointain aux étendues abyssales, aux horizons vertigineux, aux promesses oniriques.

Et aux charmes souterrains. 

Autant de raisons de fuir ce village de poussière et d'ennui. Ou de s'enfoncer plus profondément encore dans l'éclatante obscurité de ce gouffre champêtre.

Là-bas, lorsque sonne l'heure vespérale, tout s'éteint. Ou s'allume.

La nue est pleine de flammes sépulcrales, de clartés austères et d'ombres pétrifiantes, et la plaine éclairée par cette vaste tristesse se transforme en un paisible cimetière. Et le moindre sommet -tel que clocher, arbre isolé ou simple piquet- devient alors un point crucial au centre de ce paysage mortuaire.

Puis vient la nuit qui met fin à cette radieuse agonie. Le spectacle s'achève comme une délivrance et tout s'évanouit dans les ténèbres.

Les dormeurs au sommeil d'enclume se laissent bercer jusqu'à l'aube par ces feux suprêmes en les emportant dans leurs rêves de bovins pour en faire de fades salades de lueurs nocturnes, tandis que le souvenir de ces fantômes de brumes et de plomb hante plus durablement les âmes subtiles des insomniaques épris de hauteur, de mystère et de beauté.

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samedi 29 avril 2023

2008 - Les nuits à Clinchamp

C'est au coeur des ténèbres que vibre réellement la cité mortuaire de Clinchamp.
 
Là, en pleine nuit, tout advient, tout s'enflamme et tout s'illumine !
 
Longtemps après l'extinction des feux, lorsque le village est plongé dans la plus profonde léthargie, les rats de chair, tout autant que les spectres d'os, sortent de leurs trous pour animer l'obscurité de leurs épiques présences.

Entre l'horreur des visages nocturnes et les enchantements du rêve, le plomb du tombeau et la légèreté de l'esprit, la peur du noir et la joie de l'heure aérienne...

De la terre ou des nues surgissent d'étranges intrus.

Des têtes apparaissent, des entités se manifestent, des images naissent, des ailes se déploient, des existences clandestines se révèlent, des souffles se font sentir, de vagues silhouettes se forment puis s'évanouissent aussitôt, des voix s'adressent à qui ne veut rien entendre...

Ainsi, le sol et le ciel se peuplent de drôles d'épouvantails, d'hôtes à paille ou à plumes. Des visiteurs insolites, furtifs ou flagrants, arborant des faces humaines ou bien présentant des traits plus indistincts.

Certains prétendent que ces importuns sont les gardiens désincarnés et immémoriaux du bourg. D'autres, plus érudits, affirment que ce sont les lueurs ultimes du passé venues agiter la poussière et faire bouger les pierres, les dernières braises de vie remontées des siècles pour briser la torpeur de ce clocher...

Ces êtres fantastiques ne seraient-ils finalement que des ombres mêlées d'herbes, du vent dans les chemins, des brumes ordinaires aux éclats lunaires, de banals reflets dans les pâleurs de la campagne endormie ?

Ou alors de véritables lumières que seuls les initiés perçoivent ?

Qu'elles soient faites de sang ou de légende, ces natures obscures jettent les témoins dans l'incertitude, effraient les égarés, troublent jusqu'au plus sages des hommes.

Et affolent les incrédules.

Âmes vives ou simple mythes, ces apparitions demeurent bien mystérieuses... Ces vieilles histoires qui traînent autour de Clinchamp me tiennent en éveil, entre l'énigme du réel et le flou des songes.

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2007 - Les aubes de Clinchamp

Le jour qui renaît ressemble à une ombre, les nues ont des légèretés d'enclumes et les vivants se réveillent pour mieux mourir : l'aube se lève sur Clinchamp !

Tandis que les rêves de la nuit s'éteignent, les chandelles de l'ennui se rallument dans ce village où il n'y a rien à attendre. Toute chose recommence dans le vide du matin pour se terminer dans le gouffre du crépuscule.

Les hommes ont des pesanteurs de bêtes et les nuages des intentions aussi froides que possible. Les chemins se perdent dans la campagne, les oiseaux se cachent et les brumes cherchent de mortels refuges au fond des bois. Rien de chaleureux ne vient briser cette harmonie de glace.

Cette journée qui s'annonce, pareille à toutes les autres, est un énième et sempiternel dimanche, car, en ce pays d'inertie, chaque heure qui passe est une tombe qui s'éternise, un marbre qui regarde couler les siècles, une pierre qui s'enfonce dans le passé et s'inhume dans l'oubli.

Le Soleil déverse en vain ses rayons sur cette nécropole peuplée d'épouvantails en sabots et de vaches aux regards flasques. 

Ce monde est morne, sans avenir, les coeurs sont obscurcis et le ciel agonise de grisaille, sombre dans la léthargie : la gloire de l'astre est à son paroxysme !

La rosée endeuille ce royaume d'andouilles pétrifiées dans la gelée de l'apathie. Seules frémissent les antennes paraboliques des foyers sclérosés et brillent les carrosseries des voitures garées... Et surtout, seuls s'allument les écrans avec leurs théâtres de fantômes et leurs simulacres de vie, leurs atones artifices, leur virtuelles promesses... Et ces âmes déracinées du réel n'ont plus que ces flammes artificielles en formes de mensonges pour éclairer leurs existences d'humains... 

Ils ne perçoivent plus les beautés de la simplicité.

Et pendant ce temps, loin de ces bulles de néant calfeutrées dans leur insignifiance, très haut dans l'azur, juste au-dessus de cette vaste étable de veaux hyper-connectés, brûle pour encore une éternité notre intarissable étoile.

Demain, cet été ou bien dans mille ans, elle remplacera l'indifférence par la joie et les mirages de la technologie par sa divine lumière.

Non, Clinchamp n'est point encore mort !

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vendredi 28 avril 2023

2006 - Je suis un oiseau à Clinchamp

Dès que j'approche de Clinchamp, je sors mes ailes.
 
En venant me plonger dans ce trou, mon âme s'affine, des clartés inédites naissent en moi et je sens le poids d'une autre réalité peser sur mon dos. Ou bien la légèreté d'un jour différent se poser sur mes épaules... Comment savoir exactement ce qui se passe en moi en ces moments si particuliers ?

Des astres me tournent autour et m'étourdissent de leur danse lumineuse.
 
Encore un peu dans le vague, j'ignore alors si je suis heureux ou malheureux, mais sous ce ciel lointain de la Haute-Marne, tout s'éclaire progressivement. Et des feux cachés se raniment, trop longtemps enfouis dans mes profondeurs.
 
Je deviens un oiseau grave au plumage sombre, au vol auguste, au regard royal.

Et je quitte le plancher des vaches.

Je plane au-dessus du village, loin des têtes ternes de ses pesants habitants. Et de ma hauteur je perçois leurs petitesses, leurs misères, leurs piètres agitations aussi... Et je les trouve grotesques, épais, crotteux.

Comiques et hideux.

Et finalement, soulagé de ne point toucher ce sol où vont et viennent ces bovins, je m'allège davantage. Peu à peu, je suis touché par les éclats d'un bonheur neuf. Je me sais supérieur, je monte, le vertige me gagne, je m'élève toujours plus... Jusqu'à atteindre un premier nuage, au coeur de l'azur.

Et là, je vois le clocher dans son ensemble, encerclé de champs. Et je découvre des espaces verdoyants, des bois épars, la nébulosité de l'horizon s'étendant presque à l'infini... Quelle beauté !  Et toutes ces fourmis bipèdes qui y mènent leurs minuscules existences de larves... Quelle laideur ! 

Et moi, plein d'envergure et de flamme, mais aussi de mépris mêlé de pitié pour ces humains lamentables avec leurs vérandas, leurs piscines, leurs nains de jardin, je décide de redescendre de mes nues pour leur enseigner l'ivresse des sommets.

Et les rendre moins lourds, plus célestes et plus beaux.

Je repose le pied par terre en même temps que je rouvre les yeux. Je me réveille au centre de la localité. Le premier visage que je croise est celui de la mère Michu portant son éternel cabas débordant de poireaux.

Ce qui me confirme que je suis bien à Clinchamp, que jamais rien ne changera en ce lieu béni et qu'en fin de compte, tout est très bien ainsi !

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mercredi 26 avril 2023

2005 - Les rats de Clinchamp

Les rats de Clinchamp me font rêver.
 
Ils donnent à ce village d'enterrés une saveur cachée et apportent un charme supplémentaire à ses obscurités.
 
Ils incarnent les sommets invisibles de son plat clocher, les profondeurs âpres de son fade horizon, les incisives folles de ses molles terres.
 
Et sont les présages de nos sommeils peuplés de drôles d'oiseaux, nous qui venons en importuns. Mais aussi de jours aussi irréels que des mythes. De quoi dépayser tout parisien frileux ou n'importe quel autre citadin aux semelles lustrées !
 
Avec eux, vous aurez la certitude de n'être plus ici que dans un trou, loin de tout !
 
Les rongeurs égayent les dimanches mornes de leur ténébreuse compagnie et brisent l'ennui  des soirées sans feu à travers l'horreur de leur face.
 
Ils sont glaçants comme des flammes noires dans la nuit. Leur présence furtive et intrusive parmi les herbes, dans les champs, sous nos pieds, ajoute du sel et de la vigueur à cette contrée d'ombre et d'immobilisme.
 
Sous ce ciel qui m'est si cher, sans autre issue que le naufrage du temps et le plomb des sabots, les hôtes de la fosse et de la fange ont cependant des allures angéliques. Au moins à mes yeux, car plus haut que leurs têtes cafardeuses, je perçois cette lumière, cet azur, cette légèreté qui brillent, sublimes, par-delà les plus grossières apparences. Ces éclats secrets qui sont la quintessence de la vie.
 
Ils émanent surtout des êtres et des éléments les plus humbles.
 
A l'image de ce qu'est en réalité Clinchamp, royaume de mares et de vaches fait non pour la lourdeur mais pour la pure poésie.

Et, ainsi qu'à travers les pesants bovidés du coin je vois de subtiles créatures célestes venues sur terre éprouver le coeur des hommes, au-dessus des pattes sombres de ces bêtes de la poussière, je discerne les grandes ailes blanches des messagers de la lyre.

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lundi 24 avril 2023

2004 - Les papillons de Clinchamp

Lorsque je suis à Clinchamp, je vois des papillons partout.

A travers la mélancolie des champs, dans l'azur de mes rêves, la noirceur du ciel ou la lumière des fossés, dans le vent de mes pensées légères ou dans le feu des herbes folles, dans l'ombre des jours ternes ou dans l'éclat des heures enflammées.

Sauf que dans ce village peuplé d'enclumes où rien n'est censé voler, ces lépidoptères sont différents. Ils sortent de la cendre et rasent le brouillard, se perdent dans des chemins de mort et se réveillent sous la caresse glacée de la pluie.

Pour s'évaporer de bonheur en plein soleil.

Leurs ailes les portent à mi-hauteur du clocher, guère plus haut certes, cependant là-bas ils voyagent dans un univers aussi fantastique que statique. Ils y font un glorieux sur-place entre la pesanteur d'un vaste tapis d'humus semé de pissenlits et l'immense obscurité de l'horizon. Une aventure éphémère et fulgurante partant d'un éblouissant royaume floral et finissant dans les vertiges des odeurs de fumier et effluves de vaches.

Telles des bulles d'éther, ils apparaissent et montent, tournent et brillent, vont et viennent du sol jusqu'aux cimes se présentant à leur portée : nez du paysan, chapeau de l'épouvantail, branche de pommier ou bien piquet de quelque pâture. Et tourbillonnent une dernière fois pour disparaître dans la nébulosité aérienne.

Et moi, captivé par ce minuscule théâtre des airs, témoin de ce miracle infime et tout à la fois conscient de me trouver au centre de nulle part, au point zéro des destinations touristiques, au coeur du dérisoire, dans le trou de tous les oublis, je me sais paradoxalement au sommet ultime de mon parcours poétique.

Je deviens ce précieux fétu de paille parmi les petites fées volantes de Clinchamp.

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2003 - Les richesses de la normalité

Dans le royaume aseptisé, stérilisé, masqué de la pathologie physique et mentale, le mot "normal" passe mal...
 
Les handicapés et leurs soignants rechignent à utiliser ce terme dans leurs discours. Ils préfèrent aborder le sujet sous des angles plus policés, qu'ils estiment également plus "positifs".
 
Ils refusent d'opposer la délétère infirmité à la salubre normalité.
 
Au nom de leur humanisme de surface, ou bien de leur frilosité à nommer un chat un chat, ou pire encore, au nom de leur conception tordue de l'état de morbidité, ils ont remplacé la vérité par l'hypocrisie, le bon sens  par le mensonge, l'évidence par l'aberration.
 
Ils ne cessent de trouver des "charmes fous" à la débilité, de découvrir des "trésors précieux" dans la misère, de prétendre être éblouis par les pures "beautés"  de la disgrâce...
 
A les entendre, venir au monde avec des flétrissures serait une vraie chance ! Pour ne pas dire la panacée.

Pour eux la béquille est estimable et la vitalité suspecte.
 
A leurs yeux, les invalides, les estropiés, les malformés sont nécessairement doués de toutes les vertus. Et les gens sains, fatalement insolents, méchants, insensibles et injustes qui devraient regretter d'être nés beaux, grands, forts au lieu de s'en réjouir...
 
Et peut-être aussi avoir honte d'être issus de moules si "ordinaires", si "classiques", si "attendus"... Et surtout ne tirer nulle gloire de se constater hétérosexuels non trisomiques avec des tailles régulières, des corps équilibrés, des membres proportionnés, des traits harmonieux...
 
Toutes ces conventions naturelles qui, dans leurs têtes retournées, sont associées à des tares.
 
Prendre en exemples indépassables le corps et l'esprit vaillants équivaudraient, selon eux, à vouloir instaurer la dictature de la multitude bien portante... Alors que la véritable offense, elle est dans le fait de montrer du doigt la personne sans altération et fière de son intégrité. Donc, coupable d'homogénéité, de manque d'originalité.
 
Avec le triomphe de la pensée politiquement correcte, les dissemblances corporelles,  dégradations anatomiques, avilissements esthétiques, déviances sexuelles, et mêmes les pires dérèglements socio-culturels, ont été portés aux nues. 

La carence, la difformité, l'anomalie, la faiblesse sont devenues des valeurs en soi. Et les impotents, surtout s'ils adoptent un comportement victimaire, sont vus comme de belles âmes chargées des meilleures intentions, susceptibles de faire progresser l'Humanité...

Et c'est l'homme bien fait, solide, vigoureux, en pleine capacité de ses moyens qui devrait apprendre de son "maître" courbé, brisé, diminué. Et non l'inverse !

Selon les critères dominants, il serait louable de valoriser l'image de l'imperfection, mais ignoble de promouvoir celle de la bonne santé organique et psychique, congénitale et génétique !

Comme si les standards de conformité affichés en dignes modèles représentaient une injure envers les déshérités du sort... Comme si ces derniers incarnaient le sommet de la perfection humaine, à travers leur imperfection précisément.
 
Naître bien constitué est la chose la plus souhaitable qui soit pour chacun d'entre nous, que je sache. Et aucun parent sensé ne désire avoir des enfants non conformes aux éternels archétypes.

Pourtant si dans notre société vous faites l'éloge de l'idéal humain plein de puissance et d'éclat, vous passez pour un nazi !
 
En réalité tous ces malbâtis, contrefaits et disproportionnés aimeraient ressembler à des êtres communs. Cette tendance à vouloir encenser le défavorisé de naissance sous prétexte de donner une visibilité aux singularités, de s'ouvrir aux diversités, de faire régner l'égalité tous azimuts est une attitude malsaine.

En ce domaine, pour peu que nous ayons une bonne hygiène intellectuelle et morale, nous aspirons tous à faire partie de l'opportune banalité. Et non de cette indigente pluralité, si perversement glorifiée... 

Bref, la vraie richesse ce n'est pas la "différence" comme ils disent, mais la norme.

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samedi 22 avril 2023

2002 - Le Rimbaud des bobos

Je fis une fleur de papier qui fut prise pour une pièce en or (je fais référence ici au "Rêve de Bismarck" signé "Jean BAUDRY").

Avec cet écu de fumée je me payai la fiole de quelques doctes chimpanzés en jabots, pétrifiés de certitudes intellectuelles. Des sortes d'exégètes au nez rouge exécutant leurs augustes numéros dans des tribunes d'universités. Mais j'eus aussi un hochet autrement plus animé que ces statues austères blanchies de mortelle poussière.

Un authentique clown du cirque médiatique, au visage vraiment pâle, nommé NABE.

Le Gugusse remua bien la feuille de toc, fat comme un coq.

IZARRA ria de sa farce, incrédule face à tant d'âneries de la part d'érudits. Et eux, sots lecteurs de BAUDRY la baudruche, persuadés de respirer le pur éther de leur étoile d'artifice, s'enivrèrent de vide.

Nul ne voulut prendre au sérieux la perle du facétieux faussaire, alors qu'ils avaient déjà tous avalé les navets de Rimbaud sans jamais daigner les accompagner d'une once de doute ni accepter d'y ajouter un seul grain de sel humoristique... Ils préférèrent se faufiler sans filet dans la fosse au faux ! Hésiter aurait été la preuve de leurs propres limites. Autrement dit celles de leur menteur favori, le poète aux grandes guirlandes. C'est qu'ils se prennent réellement pour d'infaillibles anguilles, ces andouilles de la vérité !

Allez, hop ! Un Bismarck à se coller illico dans le fusil  ! Pan ! Dans la panse ! Boum ! Dans la pomme ! Légume ou enclume, ça passe tout pareil ! Après l'horoscope, le scoop ! Miam-miam la bonne plume ! Et zéro boule au ventre ! Ho ! que c'est bon ça madame ! Du bon Rimbaud à la sauce mythologique ! Ce goût de flotte, ces arômes de néant, ces atomes de talent... Et cette sensation de rien ronflant qui fait tourner les têtes creuses, et que l'on examine avec les mêmes coquetteries précieuses qu'un vin rare sous les projecteurs des soirées huppées...

Ha ! ce vertige intime issu du vent innommé des hauteurs imaginaires... Si l'amateur de découvertes de portes ouvertes est un imbécile inné, le lettré dénué d'illumination l'est tout autant.

Un peu coriace la pipe du prussien, mais au moins ça a la saveur âcre du vrai plus dur que nature, n'est-ce pas l'essentiel ? Le leurre n'est pas admis du haut de leurs perchoirs, cela ne peut être que du pain chaud et rien d'autre ! IZARRA serait le boulanger de ces roulés dans la farine ? Allons bon ! Va pour un fromage, mais un Rimbaud en guimauve, non, impossible ! Pas lui, pas ce papillon malicieux qui s'amuse à renverser des pachydermes ! 

En terme d'image, quelle naufrage pour la rimbalsphère...

Bref, Rimbaud est le chouchou des gogos. C'est aussi ma pire rage d'ailé sans fard.

Le Rimbaud des bobos est un attrape-nigauds qui ne fait pleurer que les pigeons de Paris.

Il est le héros des pouilleux en vogue et des mondains statiques. Et la terreur des intemporels concierges.

On me transperce, me perfore, m'empale quand j'ose les mots qui font moche mais qui pourtant sont justes !

Moi, face à cet endormeur d'idéalistes boutonneux, à ce réveilleur de noctambules guindés et charmeur de vagues dingues, je ne sors que l’épée du rire.

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mercredi 19 avril 2023

2001 - Les vaches de Clinchamp

A Clinchamp la gent meuglante est la même que partout ailleurs, certes... Absolument pas un poil ne distingue ces hôtes des prés des autres bovidés du pays. Ce qui est totalement vrai.
 
Sauf que sous mon oeil d'éveillé, je considère bien différemment cette population cornue.
 
Les lecteurs attentifs savent que sous ce ciel à part où je les emmène régulièrement à travers les fulgurances de ma plume, rien ne m'apparaît jamais pareil que dans le reste du monde...
 
Les quadrupèdes à cornes de ce pays sont, à mes yeux, aussi intéressants à observer que les bipèdes à sabots qui les côtoient. Bovins et hommes du coin m'inspirent autant de sentiments troubles et éblouissants...
 
Ainsi lorsque parfois, ivre de clarté et d'espace, je vagabonde dans la campagne reculée, longeant les pâtures où paissent ces animaux, il m'arrive d'aller à leur rencontre, poussé par des forces subtiles. Dans ces moments propices où je suis imprégné de la poésie brute des lieux, je me trouve dans un état second et tout en moi n'est plus que légèreté, finesse, éclat. Alors j'accède à des hauteurs nouvelles et je perçois les réalités radieuses qui se cachent sous les plus lourdes apparences.
 
Et les brouteuses d'herbe prennent des allures glorieuses, et leurs mouvements soudain sont pleins de majesté, leurs attitudes grandioses. Elles deviennent d'olympiennes créatures s'ébattant dans un champ céleste. Et leurs comportements les plus prosaïques se changent en nobles manières, leurs aspects les plus grotesques s'affinent et se magnifient. Et des grâces infinies émanent du moindre de leurs gestes..
 
Toutes leurs pesanteurs ne sont plus qu'élégances extrêmes.
 
Ainsi lorsqu'elles l'une d'elles se met subitement à uriner devant moi, j'entends d'abord le geyser mélodieux commençant à soulager sa vaste vessie. Et puis je vois un ruisseau d'or jaillir de son flanc, mêlé d'une vapeur aussi dense qu'énigmatique. Bientôt des éclaboussures ajoutent leurs reflets irisés au feu d'artifice liquide. Les gouttelettes projetées en l'air scintillent furtivement comme de minuscules diamants tout autour de l'onde qui sort de l'orifice de la bête pour généreusement s'étaler sur le sol. Et, captivé, j'admire encore ces milliers d'étincelles d'argent qui brillent dans un rayon de Soleil... Et ce n'est plus qu'un lac doré qui s'offre à ma vue, embaumé d'un nuage de mystère qui se dissipe peu à peu pour finalement me dévoiler une eau comme une nappe de cristal et d'azur...
 
Juste après ce spectacle rare, une autre ruminante relaye sa congénère et éjecte bruyamment le contenu de ses viscères. Et une masse de matière chatoyante vient fleurir comme par enchantement à ses pieds. Miraculeusement, la bouse fraîche se forme sur la verdure. Et dans cette structure circulaire enjolivée de savantes ondulations, je discerne la splendeur d'une magnifique galaxie qui m'ouvre ses bras enflammés d'étoiles.
 
Décidément, la beauté imprègne tout là-bas, dans ce village de la Haute-Marne...
 
Bref, les vaches de Clinchamp pissent de la lumière et chient des constellations !

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mardi 18 avril 2023

2000 - La folle de Clinchamp

A Clinchamp vit un esprit égaré. 

C'est une femme d'une quarantaine d'années qui, tout de blanc vêtue, erre du matin au soir à travers les plaines et les champs encerclant le village, en quête de rêves plus lointains que l'horizon. 

Elle va et vient entre la chaleur de son foyer et les glaces de la déraison.

Quand elle sort de chez elle, c'est à chaque fois pour entreprendre un nouveau voyage local aux confins de sa folie.

Et l'aventure de sa journée commence au seuil de sa porte. Pour finir tantôt dans les limbes d'un crépuscule de brouillard, tantôt dans la poussière d'un sentier perdu, à deux kilomètres de là. Ou juste à cent mètres.

Elle part à la rencontre d'on ne sait quelle chimère de poil ou de plume. Ou alors, peut-être poursuit-elle d'insaisissables ombres que seul perçoit son oeil dérangé ? A moins qu'elle ne s'ingénie à essayer de décrocher des astres imaginaires logés au fond de ses pensées déréglées... Nul ne peut véritablement dire ce qu'elle cherche.

On l'appelle tout banalement "la folle du pays".

Les habitants du coin la voient souvent courir dans la campagne, franchir les fossés, tourner en rond autour d'une cause invisible, s'éloigner vers des destinations connues exclusivement des eaux profondes de son cerveau troublé...

Ou disparaître dans les hautes herbes pour ressurgir plusieurs heures après aux abords d'une mare, un peu plus loin.

D'autres fois, ils la croisent sur les petites routes de la commune, le regard absent, le pas erratique, l'air impassible. Elle marche ainsi sans but en adressant d'incompréhensibles murmures aux oiseaux. Jusqu'à ce que la fatigue la ramène dans son lit.

En ses jours les plus légers, elle tente inlassablement de rejoindre les nuages comme si elle avait des ailes, empreinte des chemins mornes qui la mènent vers des mirages radieux, s'évade dans les bois sombres pour y trouver de la lumière...

Par temps de pluie elle parle à d'impalpables présences en bénissant le ciel, trempée mais heureuse. Parfois, elle chante et danse à moitié à l'abri sous les feuillages de quelque arbre isolé, tout en caressant le tronc...

Bref, l'illuminée est considérée comme une pauvre délirante dans ce clocher nommé Clinchamp. 

On la plaint ou bien on se moque d'elle.

Mais ce que personne n'imagine, c'est que la démente en réalité est dévorée par le feu de la poésie.

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1999 - Mon ego solaire

Je suis un moulin à textes. Un pondeur de lettres. Une dynamo à mots.

Je produis du beau au kilo. De l'art à la tonne. De la littérature sans fermeture.

Ma lyre éclectique palpite comme une pile électrique et pique autant que la pointe des "i" de cette phrase percutante pleine de flamme, de flots et de flair.

Et dénuée de flops.

Ceci, juste pour prouver aux incrédules ou aux mauvaises langues la véracité de ce que je dis car jamais je ne m'exprime dans le vide, lorsqu'il s'agit de parler de MOI !

Mon ego est mon moteur. Je ne suis pas un menteur mais un promoteur de ma cause.

Ma plume est une flèche, une fleur, un flambeau.

Et une bombe.

Elle touche les pierres, brise les coeurs, renverse les âmes, éteint les feux factices.

Et éclaire les ombres.

Elle allège encore les cailloux, fait briller les esprits, brûle les morts et glace les tièdes. Elle pétrifie les mous et fluidifie les frileux. Quant aux indifférents, elle les transperce comme une lame vengeresse ! Sans pitié car je déteste les épiciers !

Bref, à tous ces destinataires de mon éloquence je raconte mes sommets et mes gloires, mes ronces et mes ornements, mes chaussures et mon azur, mes airs fins et mes allures légères, mes petits pas et mes grandes envolées.

Ca plaît ou ça casse.

Mais au moins ça monte, ça fuse et ça se diffuse. Moi, je n'écris pas pour la platitude, l'éphémère ou les limaces, non.

Je crée pour chasser la poussière des bibliothèques. Pour que les feuilles que je noircis se délient sous le vent de la fraîcheur. Pour que mes livres soient lus en pleine clarté. Pour que les pages remplies de ma lumière déteignent sur mon public.

Enfin, pour que mes écrits se logent comme du gros plomb dans les têtes de mes lecteurs et persistent jusque dans leurs rêves, et qu'ils se gravent même au fond de leurs entrailles, qu'ils voyagent dans les siècles à travers leur descendance et durent plus longtemps encore que toutes ces petites vies, tel un soleil éternel...

Je bâtis ce temple d'écriture pour ne jamais être oublié.

Et je signe mes oeuvres en majuscules, en long, en large et en gros caractères. Et en lustrant bien mes initiales avec de la belle peinture dorée s'il le faut.

Pour bien montrer qui je suis.

Rien qu'une galaxie.

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1998 - Vague Lune

Quand la Lune est de sortie dans son ciel mortuaire, elle me visite dans les pesanteurs du deuil et le marbre du silence.

Elle parvient à mon chevet entre les brumes des rêves incertains et les hauteurs de la nuit. 

Pour m'entourer de sa clarté de mourante, me caresser de sa flamme de chandelle, m'éclairer de sa lumière de cave.

Et m'enchanter de ses idées lugubres.

Elle me révèle alors la profondeur de sa solitude et l'éclat de ses ombres.

Et je suis ébloui par ses charmes ambigus.

Si sa partie cachée est mystérieuse, sa face visible est trouble.

Sous son influence mes ailes sont lourdes mais mon vertige est léger. Emporté par son souffle morbide, je monte irrésistiblement, m'éloigne de mon monde natal, quitte la Terre, attiré par ses sanglots...

Mon vol a certes des allures austères, cependant ma joie est aérienne.

Bientôt je m'abreuverai de ses larmes. Je m'approche de plus en plus de l'astre à la vitesse d'un oiseau céleste...

Ca y est, je suis arrivé ! Je me retrouve sur son sol couvert de régolithe, toujours endormi dans mon lit.

Un grande histoire d'amour va commencer entre elle et moi.

Il est sept heures du matin, et c'est à ce moment précis que le baiser du Soleil me réveille.

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lundi 17 avril 2023

1997 - Ma cabane à Clinchamp

J'ai construit une cabane à Clinchamp, à l'orée d'un bois, hors des sentiers profanes, à l'abri des intrus, loin des artifices de ce siècle.
 
Elle est mon refuge de lumière, mon repos céleste, ma fenêtre sur l'infini.
 
Là, est mon unique coin de paradis sur Terre. Je viens retrouver cet asile de branches et de foin pour me faire oublier du monde.
 
Et n'exister qu'aux yeux de ce qui vole, brille, brûle. Me faire des amis de paille et d'azur, d'or et de verdure, de plumes et d'esprit.
 
Et quand le vent m'appelle, quand l'horizon s'élargit et devient un ciel, quand l'heure est propice, je sors de mon radeau de ramures pour me jeter dans l'océan de la liberté.
 
Et respirer l'air de la beauté pure, m'abreuver des flammes de la vie, jouer avec le feu de la joie, découvrir l'âme des nuages, admirer un autre soleil et puis m'apercevoir que la réalité est un rêve...

Et que la Création n'est qu'un inlassable poème d'amour.

Une folie sacrée. Avec toutes ces étoiles aux pieds de Dieu... Et les hommes dans le creux de sa paume. Quel prodige !

Oui, l'Univers est une éternité de surprises, une Voie Lactée de consciences, une inextinguible palpitation.

Une fête au quotidien, un chemin sans fin, des jours inépuisables.

Et les mortels, au coeur de la divine tourmente, cheminent en tenant la main au mystère.

Debout au bord des fossés, à l'ombre des feuillages, traversant les plaines ou bien assis dans l'herbe, comme moi en ce lieu perdu, ils ont tout pour se réjouir.

Des banquets de loups et des souffrances d'aigles royaux. De longues marches dans l'obscurité et des récoltes de rocailles. Des gouffres à éclairer et des déserts à fleurir. Des rivages à explorer et des sommets à conquérir. Des nuits de peur et des fatigues dans le froid débouchant sur des aubes de gloire. Des guerres vaines qui finissent par des paix chèrement payées. 

Des festins carnassiers, des danses sauvages et des rires de rat pour qu'ils se sentent humains. Des lourdeurs d'ogres et des pesanteurs de bêtes pour éprouver de vraies existences incarnées. Et des signes de légèreté autour d'eux pour leur faire pressentir qu'ils ont des ailes.

Qu'elles soient douces ou âpres, leurs oeuvres sont cependant chargées d'espoir.

Leur bonheur est fait de contrastes et de paradoxes, et leur tranquillité parfois n'est qu'une  mer d'ennui.

Il leur faut un peu de larmes pour ajouter du sel à leur existence. Ou du piment pour la colorer. Et beaucoup d'humour, en guise de baume.

Pour le miel, que de simples choses. Cela suffit. Ils les trouvent toujours grandes, pour peu qu'ils les apprécient.

Enfin, la mort pour radieuse porte de sortie.
 
Et moi, depuis mon humble tanière de branchages au fond de la cambrousse, je contemple les champs en songeant à tout cela, heureux, ému, ravivé.

Alors, au-dessus de ce toit d'écorce où je m'étends, tout se révèle immense et lumineux.

Et ce ne sont plus d'austères oiseaux que je vois planer dans les nues de Clinchamp, mais des anges.

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dimanche 16 avril 2023

1996 - Moi, IZARRA

Moi IZARRA je suis un rat des mots et un cas rare des espaces entre les lignes.
 
Je trotte et je trime autour des textes à rimes. Et pour ce faire, les pieds bien sur terre, je m'arrime au ciel.
 
Rampant au ras du verbe, je cherche le haut des gerbes qui me donne le vertige de la folle verve.
 
Je veux voler dans les lettres, briller parmi les astres, avoir des airs d'azur et des allures d'ailé.
 
Et, entouré de verdure, plein de verdeur, ivre de bonheur, trôner sur un royaume d'oiseaux légers !
 
Je suis une plume avant tout, et le monde à la mode est loin de moi.
 
Ce que je raconte, c'est ce que je souligne. Un rien m'enflamme, même si mes feux de départ sont minuscules.
 
Mes muses sont avares de leurs flèches qui touchent au coeur. Et devant moi s'arment de silences jaloux. Elles ont trop peur que je  fasse des oranges amères de leurs nectar.
 
Elle savent pourtant depuis toujours que lorsque j'ai faim de leur beauté, je fais de l'or avec de l'art.
 
Elles ont tendance à oublier que je suis un mortel qui a su se hisser à leur hauteur... Et c'est pour cette raison qu'elles me refusent souvent ces heures fécondes que je leur réclame.
 
Elles s'éloignent alors de mes envies de braise et me tournent le dos pour aller voir ailleurs.
 
Mais dès que je pense au crépuscule, j'écris en majuscule. Et lorsque vient la nuit, mon histoire s'éclaircit peu à peu.

Et ma feuille se noircit au fil de mon souffle. Et ma page prend vie à mesure que je monte vers les étoiles...

Et là, voyant que ma lumière littéraire tiendra finalement la route jusqu'à l'aube, elles reviennent  par-dessus mon épaule pour signer mon oeuvre de leur baiser d'éther.

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1995 - Mais qui donc est Dardinel ?

Je ne sais d'où sort Dardinel.
 
Mais il est là, tel une boule de terre qui soudain tourne au-dessus du peu de ma tête restant en l'air. Et ma bille aux traits pleins d'éther demeure béate d'étonnement face à cette bulle aux allures d'enclume. Comme un fil de fou, un vent de feu, une ombre de loup, il me suit partout où je vole, monte et m'étends.
 
Il est l'incarnation du flou, de l'incertitude, des vagues réflexions de l'eau dans les reflets de ses propres idées : le recyclage le plus aérien possible des heures perdues à ne rien faire. Ne serait-il pas issu de quelque vapeur de la brume qui cherche à se faire plus légère que ma plume ?
 
Dans cette affaire, d'ordinaire Dardinel ne dit rien. Il préfère le ciel du silence à la mer des palabres. Son mystère est abyssal ! Et son habit sale est austère. En effet, ce clown sérieux a de la poussière dans ses artifices. C'est un vagabond des chemins sans fin...
 
Mais c'est aussi une tartine, on dirait bien.
 
Une figure étalée, une peinture feinte, une aventure filante... Ou peut-être un rêveur de fer qui lit dans mes pensées de verre.

En tout cas, il m'épate, le télépathe ! 

En fait, il ressemble à la Lune voilée de mythes, semée de cratères et couverte de régolithe. Il en a tous les stigmates : la mine, le caractère, le visage, la partie cachée... Et l'art de rigoler qui va si bien avec, vous savez, cette fine couche d'esprit qui colle aux semelles, là haut dans la sphère supérieure...

Enfin bref, ce Dardinel qui vient de nulle part est une foutue tranche d'écu, une tronche toute crue, une poire à purée, une sacrée tarte à part !

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samedi 15 avril 2023

1994 - La Dame Blanche de Clinchamp

La Dame Blanche de Clinchamp est toute noire.
 
Elle a pris la couleur de l'ennui des jours et de la boue des champs.
 
Et apparaît surtout aux heures creuses du temps qui se fige, vide et mortel. Ce qui est la norme en ce pays  de vaches et de néant où la platitude règne jusqu'au sommet de toutes choses.

On peut la croiser facilement au détour d'un tas de purin ou d'un puits de spleen, entre matin de grisaille et crépuscule de brume : elle est là, qui attend l'oiseau terne aux plumes de plomb.

Avec sa face décevante de vieille péquenaude, elle n'effraie véritablement que le citadin élégamment chaussé. Et encore, uniquement pour des raisons de style.

Elle va et vient entre trou d'inertie et impasse champêtre, en quête de vent léthargique, de rêves dominicaux et de rats monotones.

Bref, elle crève de torpeur.

Ce spectre des chemins de cambrousse est une ombre soporifique, une enclume de lassitude, un épouvantail insipide.

Une face de charbon. 

Un navet dormitif. Une fumée aussi insignifiante qu'une pierre. Une présence quasi absente.

Les rencontres avec cette molle apparition sont sans surprise. L'entité mystérieuse de Clinchamp manque singulièrement de personnalité ! Passagère du quotidien le plus morne, la pauvre errante ne sait que traverser inutilement les bois, traîner dans la plaine ou bien rester plantée comme une cruche au bord des fossés à attendre bêtement que l'éternité passe.

Quel légume elle fait !

Lorsque pour votre prochaine salade vous irez cueillir des pissenlits en ce royaume de l'immobilisme, un conseil : évitez de parler à cette folle.

Même si curieux, intrigué, incrédule en l'apercevant avec son regard dans le vague, son habit de nuit et ses pesanteurs de matrone endormie, vous brûlez de l'interroger... Vous irez au-devant de sacrées désillusions !

Certes, vous pourrez toujours la saluer. 

Mais cela ne vous mènera nulle part, car fondamentalement, elle n'a rien à dire !

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jeudi 13 avril 2023

1993 - Le Dalaï-Lama

Le Dalaï-Lama est le pape des gauchistes, la star des athées en sarouel qui croient surtout en la légitimité universelle de leurs déviances.
 
Le tibétain en tongs est l'icône incontestée des tolérants de tous poils. L'incarnation baveuse et guimauveuse de toutes les mollesses de l'Occident décadent.
 
La caution lisse et doucereuse des hippies attardés. La partie flasque et visible des progressistes anguleux en mal d'honorabilité. La pomme idéologique en vogue, allégée, digeste, complaisante, que croquent les parisiens chics au coeur pourri par le consumérisme. La dernière pensée édulcorée à la mode des blasés qui veulent rester dans le vent...
 
Et même, le refuge spirituel ultime des pédophiles sensibles qui ont su garder leur flamme d'enfant...
 
Bref, le Dalaï-Lama est une potiche mystique.
 
Ses adeptes pacifistes, fumeurs d'herbes et avaleurs de vérités approximatives l'adorent et l'adulent. Les branchés comme les crapules. 

Mais aussi les rois comme les célébrités, les nantis comme les riches et les milliardaires comme les millionnaires... Tous ces humbles gens veulent être vus sous son aile orange.
 
Le saint homme aux sourires béats et aux dépenses discrètes est le héros de leurs existences vides de sens mais comblées d'artifices, eux qui sont pleins aux as.
 
Mais ne faisons nulle allusion à l'argent en ces circonstances !
 
Il serait tellement bas, vulgaire, déplacé pour ces bobos et autres hauts placés, du sommet de leur bonne conscience d'éveillés libertaires, de considérer les factures astronomiques générées par les levers dispendieux de leur soleil oriental dans ces suites hôtelières à prix royaux...
 
Ces hôtels de luxe sont, il est vrai, indispensables à la sérénité de leur maître à penser. A chacune de ses tournées mondiales, il faut bien mettre un peu d'or autour de tant de paillettes... A tout seigneur tout honneur, n'est-ce pas ?
 
Il serait tellement vil à leurs yeux de s'attarder sur ces aspects purement domestiques...

Les nuits si sages de leur gourou médiatique ont un unique tarif, véritablement sacré : celui d'un pudique silence. Et le respect total qui l'accompagne. 

Les adorateurs de l'or l'épargnent...

Longue vie au mentor des menteurs !

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mercredi 12 avril 2023

1992 - Pluie à Clinchamp

Dans les profondeurs de Clinchamp, il pleut comme partout ailleurs.
 
Sauf que là-bas, rien n'est jamais pareil que le reste du monde.
 
Lorsque la pluie tombe dans ce royaume mi-fabuleux mi-désenchanté, terne et doré, aussi boueux que merveilleux, alors le quotidien se fracasse pour laisser place à des pierres rares, à des têtes précieuses, à des ombres lumineuses !
 
C'est là que vient le miracle : le jour le plus ordinaire brille comme un astre, le crépuscule devient aube radieuse et le soir s'installe sous de grises trombes d'eau mêlées de vagues splendeurs...
 
Les hommes en ce sommet vespéral s'apaisent, s'allègent, s'affinent et se transforment en rêves vivants qui entrent lentement dans la nuit comme s'ils étaient des roches douées de flammes floues. Ou des papillons nocturnes aux ailes de plomb et aux idées flamboyantes. Ou bien des oiseaux porteurs de feux nouveaux prenant leur essor vers de glorieux naufrages célestes.

C'est l'heure où des lueurs volent dans les nues, où des esprits planent au-dessus des toits, où des visages apparaissent au fond des fossés. Le moment où des regards s'allument derrière les bosquets, où des lèvres sèment des mots troubles dans les herbes folles. Le point crucial où des fenêtres s'ouvrent depuis le sol et que des étincelles de chair en sortent...

L'occasion fatidique où le réel rencontre l'impalpable.

Et moi, après minuit, je vois une silhouette s'approcher. Et je parle de la vie et de la mort, de la fortune et de la misère, de l'amour et de la solitude avec je ne sais quel hibou silencieux vêtu de mystère, et puis je m'éloigne de cette apparition de plume ou de brume, je ne sais pas, haletant, perplexe, exalté. 

Et heureux, peut-être...
 
En cet endroit de la Haute-Marne décidément plein de surprises et paradoxalement centre de toutes les platitudes, au détour d'un chemin pluvieux on y côtoie l'impossible. Dans ce village peuplé de gens aussi lourds que ce siècle de basses certitudes, entre ses terres secrètes et ses gouffres familiers, ses ténèbres éclatantes et son ciel hermétique, ses bois banals et son horizon noir, parfois on y croise des diamants inquiétants et fascinants au coeur de la tourmente, mais également de séduisantes grimaces issues de nuages aux songes étranges.

Avec ses airs champêtres enlisés dans l'oubli et son azur chargé de fumier, cet univers de mares et de vaches est éblouissant en vérité, car l'averse lui confère des allures de mythologie de clocher, d'olympe de cambrousse, d'empyrée du sabot.

En ce lieu pas comme les autres, l'onde y féconde l'obscurité pour y faire naître la lumière.

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mardi 11 avril 2023

1991 - Je suis sexiste

Moi, je suis pétri de culture sexiste.
 
J'ai été définitivement moulé dans cet esprit salubre et stimulant consistant à valoriser la virilité phallocrate et à honorer la puissance sociale, maritale, comportementale qui en découle.
 
Je suis issu de cette société traditionnelle -et sensée- du patriarcat triomphant où l'homme est fier de sa crinière de lion, de sa couronne de cerf, de ses couilles de roi.
 
Je chéris cet ordre social implacable dans lequel le mâle est heureux de rayonner et de dominer, de commander et de vaincre, conformément aux lois impérieuses de ses gènes lui inspirant ces sentiments de supériorité.
 
C'est-à-dire, selon la légitimité naturelle de son sexe.
 
Je défends le modèle suprême et infaillible d'un monde immuable où le patriarche dicte ses dogmes, exerce son autorité, applique son bon vouloir.
 
Et dans lequel la femme soumise constitue le centre palpitant de son royaume domestique, cet empire machiste qui s'est forgé en lui par la seule raison de sa naissance sous les éclats de Mars.
 
Adam sur le trône, Eve à ses pieds. Telles sont, véritablement, les places respectives du seigneur tonnant et de son ombre fidèle. 
 
Peu importe que l'esprit faible se rebelle contre cette vérité universelle, c'est pourtant là l'harmonie innée décrétée par le Cosmos.
 
Que les féministes le veuillent ou non cette exigence biologique, qui fait partie de l'équilibre de la Création, est inscrite en lettres d'or dans les profondeurs les plus intimes et à travers les feux les plus vifs des êtres sexués que nous sommes.
 
Ce que les suffragettes appellent "obscurantisme", c'est en réalité toute la lumière et toute l'intelligence de l'évangile du vivant auquel, aussi bêtement que funestement, elles refusent de se soumettre.

C'est précisément parce que la norme divine est belle et juste, bonne et sacrée, céleste et lumineuse que ces adeptes des ténèbres la raillent et la maudissent : Jupiter féconde et règne, la femelle reçoit et dit merci.

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dimanche 9 avril 2023

1990 - Les flammes du printemps

Le ciel déborde d'azur et la terre rayonne de verdure.
 
En ce mois d'avril je pose le pied dans un champ de bonheur, le regard dirigé vers un horizon d'argent. Avec dans le coeur la blancheur des nuages, la flamme du Soleil et la lumière de tout ce qui vole...
 
Ma joie est bleue, mon âme est une brise et ma vie devient aussi légère qu'un oiseau dans les airs.
 
Autour de moi, des océans d'herbe, des flots de clarté et des floraisons d'or.
 
J'ai des ailes et je monte.
 
Enivré d'espace et de vent, j'atteins le sommet de ma conscience et contemple la merveille de la Création. Jusqu'au vertige. Je me sens à mi-hauteur entre Dieu et le papillon, à mi-chemin entre l'infini et la fourmi, presque arrivé au centre du Cosmos entre l'éternité et le fétu de paille.
 
Mes pas sur le sol sont ceux d'un mortel, mes appétits d'animal les mêmes que ceux des rats et ma carcasse ne vaut pas plus que quelques feuilles mortes de l'automne. Mais mes pensées sont de flamboyantes galaxies, de prodigieuses manifestations de mon esprit plein d'éveil, l'éternelle ascension de la beauté qui se nourrit de beauté.
 
En cette saison où tout renaît, le bipède aussi éclairé que sensible perçoit le feu divin à travers toutes choses.

Bref, le printemps c'est toute l'intelligence de l'Univers.

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samedi 8 avril 2023

1989 - Le rustaud de Clinchamp

Dans les années 1920 vivait à Clinchamp, seul dans sa ferme un peu à l'écart du village, Alphonse Varesle, surnommé tantôt "le rustaud", tantôt "le costaud".
 
Une sorte d'ogre en guenilles aux moeurs comparables à celles d'une authentique bête des cavernes. Un hôte des grottes en grosses bottes, tout en pognes de fer et poils hirsutes. Fort aimable au demeurant. Mais totalement crotté des semelles à la moustache. Un esprit enseveli sous d'insoulevables couches de roches mentales, une caboche obstruée par des gouffres d'obscurités préhistoriques, un crâne de granit figé par des siècles de sédiments et de glace...
 
Cet animal sans nuance incarnait le recul de tous les progrès, la pétrification des pires archaïsmes, le triomphe du marécage sur l'éther.
 
C'était un épouvantail musculeux modelé à la hache des pensées rétrogrades.
 
Un immuable silex, un loup des temps ancestraux, un sommet de neiges vierges, une écorce à l'état brut.
 
Bref, la curiosité du coin, le monstre des bois, une souche vivante aux traits mi-sangliers, mi-chênes.
 
Alphonse mangeait sans faire de manières. A la mode des pourceaux. "Nul besoin de couverts pour se nourrir", répétait-il sans cesse... Et dans le fond il n'avait point tort. Il récupérait des quignons de vieux pain jetés aux poules de ses voisins pour s'en faire des festins, bien installé au bord des fossés. Il croquait encore les pommes aigres tombées depuis  les charrettes dans les chemins, buvait à pleines gorgées des litres de lait extraits à même des pis des bovidés croisés "par hasard" dans les pâturages, se rassasiait de flopées de pissenlits, se gavait de baies sauvages le jour ou de fraises "trouvées" nocturnement dans les jardins des habitations alentours.
 
Vrai gueux mais roi de la récupération jusqu'au sordide, il ne voulait rien laisser se perdre. Débordant de charité envers lui-même, ce qui lui tombait sous la main disparaissait aussitôt dans sa panse. Quitte à aller piétiner légèrement les carrés privés des autres... Mais lui, appelait cela "glaner".
 
Dans son garde-manger garni de mouches et visité par des rats dodus, on pouvait découvrir des mets rustiques et consistants tels que tartes aux grenouilles de l'étang municipal, jardinière de légumes du potager du curé et mijotés de lapins à la braconne...
 
Se vêtir de vestes et se parer de couleurs ? Quelle idée saugrenue ! Raffinement absolument inutile, puisqu'il ne sortait de sa basse-cour que pour aller courir après des crapauds plutôt que des princesses...
 
Des sacs à patates faisaient tout aussi bien l'affaire. Autant sous le vent qu'à l'étable, car en toutes saisons cet épais tissu de lin l'accompagnait de ses rassurantes rugosités dans ses aventures boueuses, résistait à ses audaces de déraciné de la modernité.
 
Et qu'ils sentissent le fumier ou fussent couverts de poussière, quelle importance à ses yeux ? Plaire à ses vaches valait mieux, selon lui, qu'agréer à ses semblables : les trésors lactés qu'il en tirait passaient avant le tact.
 
Indépendamment de ses frasques et autres habitudes discutables, notre héros des mares et de l'humus savait comme personne mettre en valeur les richesses de la terre, loin, très loin des vacuités de l'homme de salon aux chaussures fines. Sous ses sabots d'indécrottable pèquenaud poussaient, en effet, les plus beaux fruits du sillon qu'on pût voir dans toute la contrée.
 
Cet ours des champs à la patte verte était devenu un mythe dans ce microcosme champêtre, mais aujourd'hui il a été oublié.
 
Sauf que... Lorsque je marche dans la bouse, que j'entends une génisse uriner bruyamment ou que mes pas me mènent dans des brumes sans issue ou vers les ombres définitives des plaines crépusculaires, là-bas à Clinchamp, autour de moi se réveillent des parfums enfouis, surgissent des éclats mystérieux, apparaissent des images voilées improbables... A travers lesquels je crois discerner la silhouette énorme et extravagante de cet Alphonse fantasque, lourd et bourru.
 
Et cependant aussi poétiquement peu correct qu'indirectement aérien.

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