samedi 23 mars 2024

2150 - Voyage vers Mars

Projetons-nous dans un futur prometteur, difficilement imaginable en termes de progrès scientifiques mais finalement pas si lointain que cela dans le temps. Disons en l'an 21...
 
En cet âge avancé de l'Humanité, les techniciens de la Terre ont enfin acquis la maîtrise des dieux. Ils sont devenus des magiciens : à force d'efforts et de patience, de sacrifices et de perspicacité, leurs oeuvres savantes ont atteint de nouveaux sommets.
 
Désormais l'homme est capable de prodiges. Sa technologie éprouvée lui permet d'envisager presque tous les rêves, bien des folies, maintes aventures audacieuses... Et, en plus, de faire briller sur le monde quelques étincelles d'espoir.
 
Bref, je suis l'unique bipède à voyager vers Mars. Une expédition en solitaire, pour des raisons spécifiquement techniques et logistiques inhérentes à l'ingénierie de ce siècle lumineux où je suis né.

Emprisonné dans mon habitacle pour un long mois, je file vers l'inconnu, emportant avec moi l'enthousiasme de tous les habitants de la planète.

Me voilà lancé dans le vide sidéral, plongé à une vitesse vertigineuse dans ce fameux trou sans fin, sans forme, sans lumière qui émerveille et effraie à la fois et que l'on appelle l'espace.

L'espace : le rêve ultime des uns, le cauchemar absolu des autres.

Sillonnant le vide immense qui sépare les deux globes frères du système solaire, seul avec moi-même, je médite sur le mystère de toute chose. 

Bousculé par l'océan de ténèbres qui m'entoure, je m’éveille à des causes jusqu'alors insoupçonnées, songe à des mystères qui avant cela m'avaient simplement effleurés, prête attention  à des sujets plus essentiels que ceux qui me préoccupaient d'habitude.

Captif de ma bulle d'acier voguant dans le néant, embarqué dans une extraordinaire odyssée,  emporté vers un horizon mythique, rare humain à tenter d'accoster un rivage fabuleux, je prends conscience de mon extrême isolement, de ma chute vers l'infini, de mon destin hors norme.

Après avoir quitté la terrestre attraction, me trouvant si éloigné de mon asile natal, livré aux profondeurs de mes pensées, déraciné de tout ce qui faisait mon univers, je ne suis plus le même, j'ai changé. 

Ce n'est plus un terrien qui va marcher sur le sol martien. Mais une particule divine qui va s'étendre en mon âme, un feu sacré qui va cheminer en moi, une flamme spirituelle qui va se communiquer aux autres êtres.

L'important n'est pas mon pied qui laissera bientôt son empreinte éphémère sur la poussière de ce royaume encore inviolé que je suis sur le point d'aborder, non. Le plus glorieux n'est pas l'exploit mais la contemplation. 

C'est d'être parvenu au bout de la route intérieure.

Ca y est, j'ai atterri. Mon engin s'est posé. Je sors du vaisseau. Le paysage, magnifique, effrayant, aussi mortel que fascinant, m'illumine.

Face à ce spectacle de pierres à perte de vue, à ce théâtre de vaste désolation, sinistre, grandiose, si triste et si beau, pour la première fois de ma vie, tandis que je me retrouve si loin de Gaïa, je me mets à prier.

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mardi 19 mars 2024

2149 - Galaxies

Elles dorment, étendues dans l'infini, telles des géantes de feu aux rêves éblouissants.
 
Bercées par les flots lents des temps immémoriaux, plongées dans les abysses du silence cosmique, elles étreignent l'éternité de leurs bras paresseux.

Indifférentes à nos minuscules échelles de fourmis qu'elles ignorent, à l'usure de nos pierres qu'elles surpassent d'un clignement d'étoile, à nos civilisations trop brèves qu'elles survolent d'un coup d'aile, elles côtoient l'illimité, ne visent que  l'inconcevable, n'attendent que ce qui n'a point de fin.

Dans toute la Création, rien n'est plus vaste que leurs chevelures de déesses. Même les moindres de leurs replis demeurent incommensurables.
 
Chacune d'elles incarne l'océan des océans qui déborde de l'Univers.
 
Les siècles à leurs yeux sont des secondes. Les millénaires peuplés de flammes et chargés de matières en mouvement leur paraissent aussi furtifs et insignifiants que le sont pour nous les vols de moucherons. Et les millions d'années qui passent et repassent, interminables, sans cesse recommencées, ont la légèreté des papillons. Pour peser l'équivalent de l'ombre d'une plume à côté de ces monstres, il faut avoir une pensée de montagne. A leurs pieds, nous ne sommes que des particules. Des atomes de fumée.
 
Chez elles, tout se compte en vertiges et mystères : c'est la mesure des dieux, non des hommes.
 
Et ici mes mots ne parviennent plus à être assez grands pour décrire ce qui dépasse nos vues étriquées de mortels. Nous vivons cent ans, elles brillent plus longtemps que le souvenir de la poussière de nos os.
 
Seules nos âmes sont plus durables. Mais tout le reste, elles l'écrasent et l'ensevelissent.

Les galaxies, aussi démesurées soient-elles, ne sont pourtant que des grains de sable éparpillés dans l'immensité céleste.

Chacune de ces insondables, gigantesques, incalculables nébuleuses ne constitue qu'un des atomes composant le fragment d'un simple cheveu de Dieu.

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samedi 16 mars 2024

2148 - Je suis de la droite honteuse

Moi je ne fais pas dans la finesse : mes idées politiques sont très arrêtées.
 
Et même primaires, archaïques, dépassés, périmées, rétrogrades, selon mes adversaires.
 
J'assume le fait d'appartenir à l'espèce la plus haïe de ce siècle.
 
Je ne renie rien de ce que je suis, de ce que je crois, de ce que je pense, de ce que je ressens. Et surtout pas mes outrances idéologiques, mes préférences aristocratiques, mes pensées d'un autre âge, mes émotions élitistes.
 
Je fais honte aux droitards de tous bords. Et cela ne me regarde pas s'ils rougissent de me voir si peu soumis à leurs codes d'eunuques. Si ces caniches estiment que je dessers leur cause par mes propos francs, c'est leur problème. Pas le mien. Moi je mords sans fioritures, pendant que ces trouillards bien trop civilisés se contentent de mesurer prudemment leur langage.
 
Ces proprets en cols amidonnés parfumés à la lavande, véritables poltrons du verbe n'osant pas employer les termes justes et vrais, authentiques castrés en cravates soucieux de donner d'eux une image lisse, ont fait le choix de la langue aseptisée, des attitudes de chiots et des batailles de salon en dentelles. C'est leur affaire, pas la mienne.
 
Moi j'ai des crocs, du panache, plein de flamme, de la hauteur et des valeurs.
 
Chacun est libre de m'admirer ou de me prendre pour un fou. Je ne force personne à accepter d'admettre les évidences les plus âpres.
 
Je déplais aux coeurs édulcorés, horrifie les natures frileuses, choque les sensibles, contrarie les hypocrites, tous incapables d'admettre les terribles vérités que j'ose défendre sous leurs yeux.
 
Chacun a le droit de me qualifier comme il veut : raciste, fasciste, homophobe, transphobe, grossophobe, sexiste, xénophobe, brutal, égoïste, négationniste, complotiste, affreux jojo, anti-égalitariste, antiféministe, dur, insensible et définitivement infréquentable...
 
Et peu importe que je me trompe, que je sois de bonne ou mauvaise foi, que je nage à contre-courant de la société, de l'époque, de mes voisins de palier : moi au moins je l'ouvre grand et rugis tel un lion, fracassant et lumineux, plein de crinière et de force, d'âme et de feu !
 
A la différence de ces larves peureuses et policées qui surveillent leurs mots en tremblant et qui préfèrent lâchement se taire, amoindrir leur discours, ne pas faire de vague, se cacher dans leur trou à rat...
 
J'ai de la poigne, de l'envergure, de l'éclat, pendant qu'eux sont mous, soumis, passifs. Même dans leurs positions d'attaque, ils ont perdu toute virilité !
 
Bref, je suis de la droite radicale, extrême, ultime, pour la totale liberté de pensée, d'expression, pour le droit d'être ce que l'on est, d'aimer ou de haïr ce que l'on veut, qui l'on veut.
 
Un honnête homme normal, en somme.

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vendredi 15 mars 2024

2147 - Les écrivains sont des poids morts

Les hommes de plume sont les pires oiseaux de la société.
 
Pas drôles du tout, ils prennent très au sérieux leurs légèretés.
 
Leurs ailes inutiles ne les font monter que dans les platitudes du néant.
 
Gonflés de la vacuité des inactifs de haute volée, ces parasites guindés se croient indispensables à l'Humanité. Alors que ce sont les rois du vent, de doctes nullités, des illusionnistes du vide, d'habiles et fructueux verbeux !
 
De leurs dix doigts ils ne savent faire que des mots !
 
Ils ne servent qu'à tuer mollement les heures. Avec eux les lecteurs perdent leur temps, sont distraits de leurs occupations, oublient de vivre.
 
Pour se rendre intéressants ils cherchent à capter l'attention des sots, leur inventent des histoires pour les empêcher de dormir, imaginent des livres pour les tenir en haleine, leur écrivent des rêves éveillés pour mieux les endormir...
 
Bref, ils ne produisent que de la fumée, du bavardage sur papier, des phrases à n'en plus finir, rien que des oeuvres creuses, des lignes tortueuses, étalées en long, en large et en travers jusqu’à en remplir d’épais volumes...
 
Ils se prennent pour des êtres supérieurs. Imbus de leur don de donner la parole aux chimères, de rendre visibles les courants d'air, de faire parler les murs, ils s'en donnent à coeur joie pour faire sonner leurs cloches dans la tête des gens !
 
Ils les assomment avec leurs pavés.
 
Avec fierté ils remplissent des bibliothèques entières de leurs logorrhées scripturales : l’ennui est leur gloire et la poussière leur lustre.
 
En vérité les écrivains sont des êtres superficiels qui de la première à la dernière page de leurs bouquins ne font que baratiner, palabrer, blablater... Ils sont tellement effrayés par la feuille blanche qu’ils en ont des idées noires et préfèrent encore pondre des sornettes plutôt que de se taire. Et ils s'égarent sans cesse dans leurs pensées folles, incapables qu’ils sont de faire preuve d’un minimum d'esprit.
 
En effet, eux ne fabriquent que des mirages avec leur encre : rien que des lettres exposées à tous les regards et qui seront finalement oubliées.
 
C’est-à-dire, jetées par les fenêtres.

Moi je dis que les rats laborieux qui génèrent de concrètes enclumes sont préférables à cette oiseuse engeance plumée !

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mercredi 13 mars 2024

2146 - L'héritage de Clinchamp

A Clinchamp j'ai maintes fois perçu des aubes porteuses d'ombres n'ayant d'autre espoir que d'aboutir au naufrage de soirs sans gloire, vu des aurores moroses se conclure par d'accablants crépuscules, ouvert les yeux sur des matins aussi sombres que des jours de deuil, été éclairé par des levers de Soleil n'aboutissant qu'à l'ennui de journées dénuées d'éclat, emprunté des chemins sans surprise menant à des déceptions attendues, gravi des monts insignifiants débouchant sur des platitudes, voyagé vers de mornes impasses pour échouer dans des heures parfaitement statiques.
 
Mais aussi, et cela n'en est que plus remarquable, été emporté dans les cieux par des ailes blanches, ultimes, éthérées. D'autant plus haut que le sol fut bas, lourd, noir.
 
Bien qu'entouré de bouses et de lourdeurs, de sabots et d'épaisseurs, je suis monté jusqu'au sublime, porté par l'esprit véritable des lieux, faisant abstraction des communes apparences, débarrassé des brumes de l'intelligence strictement horizontale et des voiles de la pensée purement pragmatique.
 
En effet, dans ce banal clocher de la Haute-Marne règne, en réalité, toute la beauté du monde. La sobriété du paysage reflète l'essentiel de la Création : c'est à travers la modestie des choses, l'aspérité du visible, l'humilité des moyens que se manifeste le miracle du quotidien sans cesse renouvelé.
 
Un horizon fade, une terre obscure, un ciel opaque, des hommes aux fronts ternes et quelques vaches beuglantes, une ambiance de marbre, des dimanches comme des tombes, rien de plus motivant pour aller de l'avant ! Voilà bien une incitation à progresser vers des espaces lumineux.
 
C'est même la porte ouverte à l'évasion. Une aventure pour l'âme, une expédition vers un ailleurs subtil, un bonheur d'accès facile, la découverte de nouvelles clartés, la merveilleuse expérience de la légèreté intérieure, la vraie liberté des êtres détachés de l'écorce du réel.
 
Et à travers le prisme de mon regard d'esthète je vois les béotiens du village semblables aux astres qui brillent dans une verdure sidérale, leurs bétails de cornus tels des pégases voltigeant dans un azur mythologique, les mares aux canards pareilles à des flaques de pureté où se mire le firmament.
 
Bref, face au poids de l'ordinaire, en guise de fuite vers la ville illusoire, les mirages et vulgarités de ce siècle ou les pesanteurs matérielles, il y a la course concrète vers le beau !

Le véritable trésor que j'ai trouvé à Clinchamp s'appelle LE RÊVE.

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lundi 11 mars 2024

2145 - Clinchamp, une histoire sans fin

En ces terres mystérieuses de Clinchamp où depuis mille ans tant de secrets ont été aperçus, entendus, imaginés, et d'autres jalousement préservés de la curiosité du monde, que restera-t-il une fois ce présent chapitre refermé ?
 
Quelles autres graines pourraient donc germer, que ces mots semés aujourd'hui dans ces pages consacrées à un si humble village ? Ces semences oniriques iront-elles d'ailleurs réellement refleurir, aussi modestement que ce soit, dans ces lointains lendemains que l'on devine sans plus de gloire qu'hier ?
 
Dans ce clocher où tout demeure profondément enfoui dans les ténèbres des jours plats, enraciné dans la simplicité la plus brute, il serait vain et naïf d’espérer voir apparaître des vagues plus hautes que sa girouette rouillée.
 
En ces espaces anonymes et bornés de la Haute-Marne qui ont été survolés par une multitude d'oiseaux ordinaires ou étranges, visités par quelques rares esthètes, hantés par des légendes plus ou moins tangibles et même peut-être ébranlés par on ne saura combien d'autres rêves sages ou fous, que retiendra le futur engagé sur de bien plus vastes chemins que les sentiers étroits de cette minuscule contrée ?
 
Ne nous leurrons pas : l'oeuvre des siècles peu à peu effritera même les montagnes et tout retournera au silence des tombes. Hommes et pierres seront à égalité dans l'ensevelissement général.
 
Après les fracas du vent et le passage du temps, il ne règnera que l'ombre des choses.
 
Bref, ces histoires seront rendues à la poussière comme tout ce qui existe sur la planète.
 
A moins que, ici et là, par banal hasard ou par pur amour, les âmes de quelques lecteurs ayant le goût de l'aventure, le pressentiment de l'éternité, la certitude de la survivance de la poésie, n'emmènent avec elles les flammes que ma plume a allumées, pour les rendre immortelles, inextinguibles, brûlantes, longtemps après leur mort physique.

Afin que le mythe de Clinchamp ne connaisse jamais de fin, je leur demande d'emporter avec eux, jusqu'au paradis, mais rien qu'au paradis, le souvenir de cette providentielle lecture.

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2144 - Vent de mystère à Clinchamp

Les anciens de Clinchamp racontent que parfois au coeur de la nuit un vent mystérieux traverse le village, emportant la raison des égarés qui en cette heure tardive traînent dans les rues, les champs et chemins alentours.
 
Une plainte se ferait entendre au-dessus des toits, telle une voix issue du fond des légendes, d'après les vieux (ils ne savent pas trop de quoi il s'agit, en réalité), et qui ressemblent tantôt à des gémissements, tantôt à des rires moqueurs, selon les interprétations des uns et des autres...
 
Sanglots ou ricanements, la manifestation sonore n'en reste pas moins extraordinaire, incompréhensible. Et peu importe comment est qualifiée cette chose, toujours est-il qu'elle intrigue et effraie les habitants.
 
On s'est même interrogé en haut lieu : quelques articles furent publiés dans le canard local au sujet de ce "fantôme hurlant", en le tournant à chaque fois gentiment en dérision. Peut-être pour rassurer la population, apaiser les rumeurs...
 
Les rares réveillés osant sortir pour aller à la rencontre de ce mystère reviennent hagards, ne disent mot et sont pétrifiés -ou bien ne cessent de trembler-, comme si confrontés à l'inexplicable, ils avaient connu là la plus grande émotion de leur vie.
 
Mais le plus terrifiant dans cette histoire, c'est que leur regard semble émerveillé.
 
Quant aux imprudents s'étant attardés à l'extérieur, surpris par le phénomène, ils sont entraînés plus loin dans l'inconnu.
 
Plus longuement exposés à une force qui les dépasse, on les retrouve à l'aube endormis dans les fossés, au bord des routes, au milieu des bois, assommés par un choc intense. On les découvre ainsi étendus en des lieux improbables. Et là encore, un détail à faire frémir : on devine un étrange sourire qui se fige sur leurs lèvres...
 
Et plus tard, après avoir repris leurs esprits, incapables de rapporter de manière intelligible ce qu'il s'est passé durant leur sortie, n'ayant pas les mots, bloqués par leur vocabulaire limité, ils préfèrent demeurer silencieux. Jusqu'à ce que, las de leur mutisme, plus personne n'en parle.
 
Mais quel génie nocturne sème ainsi cette flamme énigmatique dans les âmes béotiennes de ces gens emmenés malgré eux dans un voyage sans nom, là-bas, dans ce clocher reculé de la Haute-Marne ?
 
La vérité, c'est que tous ces "malheureux" ont été touchés par le souffle inexprimable de la Poésie.
 
Ces soupirs entendus au-dessus de leurs têtes, ces clameurs confuses, ils ne le savent pas mais c'était en fait l'ardente prière des poètes, les trompettes des chantres des Arts, les lyres des muses et déesses éprises de légèretés... En somme, l'appel des hauteurs. Ni plus ni moins que les dieux de l'Olympe s'adressant prioritairement aux bovins bipèdes de Clinchamp !
 
Quelques-uns de ces crottés ont été plus profondément atteints que d'autres par leur secrète musique : ceux que l'on a ramassé au petit matin, inertes dans les herbes.
 
Charmés par le chant intime de la beauté, envoûtés par ces violons rendus subitement audibles grâce à une éphémère et miraculeuse ouverture de leur nature grossière et étriquée, ces lourdauds chanceux ont tout simplement été ravis de leur habituel plancher des vaches pour goûter au ciel des subtilités dont ils sont ordinairement privés...
 
Un rêve dont nul d'entre eux ne revient jamais indemne en ce trou extrême dans lequel ils sont encroûtés, où le poids du prosaïsme provoque ce genre de réaction paradoxale. Comme des étoiles endormies qui de temps à autre s'allument au contact d'une étincelle de conscience.
 
Secoués par un bonheur d'essence spirituelle, ils reviennent de leur expérience complètement abasourdis.
 
Certes, toujours aussi épais dans leur apparence, mais heureux.
 
Voilà toute l'explication à cette diablerie.

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dimanche 10 mars 2024

2143 - Ma cachette à Clinchamp

Parfois, las du fracas de la cité qui m'écrase et m'engloutit, je viens en pèlerinage à Clinchamp, incognito.
 
Je me dissimule alors dans un recoin perdu de cette campagne tant désirée, à l'écart du village.
 
Là, bien caché par quelques buissons opportuns, confortablement installé dans un petit creux de terre, j'observe de loin la vie paisible du clocher, à l'écoute de la nature, entouré d'immensité, bercé par le vent.
 
Niché à l'abri des regards, mon humble poste d'observation devient aussi mon refuge intime et je me sens comme un oiseau dans ses hauteurs.
 
Evadé de la ville, exilé de ce siècle, je me repose en ce lieu, soulagé des pesanteurs citadines, et commence à respirer l'air de la liberté retrouvée. Couché au ras des herbes avec la champêtre agglomération dans mon champ de vision, je me laisse emporter par mes rêves.
 
Le spectacle bucolique de ces toits environnés de silence et de verdure -image idéale atténuée par une légère brume- allié à la légèreté d'un ciel que je sens infini au-dessus de moi, suffit à me plonger dans une véritable extase.
 
Par sa beauté simple et essentielle, ce théâtre virgilien me comble de sérénité, fait entrer plein d'azur dans mon âme. Et je m'envole vers les sphères supérieure de la contemplation statique.
 
Campé dans ma cachette de broussailles, fondu avec le paysage, rendu invisible, je laisse les heures couler et ne vois plus le temps passer. Loin de m'ennuyer dans cet isolement ultime, au contraire j'apprécie chaque instant devenu précieux, la brise qui me caresse, le moindre événement à portée de ma conscience en total éveil.
 
Je suis à la porte d'un bonheur confus, étendu au bord d'une sorte d'éternité. J'ai le sentiment d'être au seuil d'une félicité céleste qui prend sa source au fond de mon minuscule espace. L'impression que l'ombre où je suis blotti est un promontoire vers un océan de lumière.
 
Je me joins à l'Univers, aussi humble que soit ce tableau qui se déploie devant moi, car, je le sais, des ailes sacrées me portent.

Bref, ce trou à rat depuis lequel, à l'insu de tous, je sonde ce monde reclus et oublié est dérisoire, mais mon voyage est grandiose.

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samedi 9 mars 2024

2142 - Randonnée à Clinchamp

Je parcours les terres ordinaires de Clinchamp, le coeur telle une plume, le pas comme une aile, les idées en  pleine altitude, inspiré par les muses de la platitude, à l'affût de la moindre insignifiance, émerveillé par les fulgurantes banalités que je croise.
 
Ne m'attendant à aucune déception, je me retrouve face à d'autres surprises que celles auxquelles j'aurais pu être confronté.
 
Ainsi la poussière, les cailloux, les herbes, les fossés, les arbustes et buissons prennent des allures nouvelles : ce ne sont plus de simples éléments inertes de la campagne que je vois, mais des signes, des présences, des phares qui jalonnent mon humble aventure initiatique. Des existences muettes, discrètes, devenues presque invisibles aux yeux du commun, mais vibrantes sous mon regard, faisant partie d'un quotidien secret, enfoui, mystérieux...
 
Bref, je  traverse cet univers trivial les semelles alourdies par les pesanteurs du sol, mais l'âme à la verticale.
 
Heureux de mon sort de flâneur, vagabondant avec mes rêves pour toutes compagnies, je me promène là où nul ne vient jamais s'égarer, précisément parce qu'il n'y a rien à voir, rien à faire, rien à gagner.
 
Alors même qu'au premier abord tout autour de moi n'est que brume, silence et déprime dans cette progression vers ce qui semble n'être que de l'ombre, du vide et de la solitude, en réalité je marche la tête dans la lumière.
 
Je ne rencontre que des petits riens, des formes sans importance, de modestes choses à portée de vue, sur mon chemin de misère. Une flamme m'éclaire cependant.
 
L'horizon n'est point mon but. Ni le ciel ni le Soleil. Non, moi ce que je veux, c'est rejoindre le fond de cette toile terne, plonger dans ce crépuscule sans borne, aller plus loin que les profanes qui bêtement s'arrêtent aux immédiates apparences, reculent devant ce qu'ils estiment être dérisoire, fuient tout ce qui ressemble à l'ennui.
 
Je ne tombe finalement que sur quelques fleurs pâles, uniques trésors semés sur ma route.
 
Et après avoir exploré cet océan, introuvable pour qui ne le cherche pas, sondé cette immensité à laquelle n'ont pas accès les esprits étriqués, gravi ce sommet hors d'atteinte des natures vulgaires, le soir, fatigué mais rempli de sobre bonheur, je me couche en emportant dans mon sommeil la clarté de ces minces étoiles récoltées aux creux des sentiers.

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vendredi 8 mars 2024

2141 - Eclipse de Lune à Clinchamp

A Clinchamp rien n'étant jamais pareil qu'ailleurs dans le monde, les éclipses de Lune y sont fatalement bien plus remarquables.
 
Là, sous la lueur enténébrée de l'astre qui lentement s'éteint, le village se pare d'un linceul de magique obscurité mêlée d'inquiétant mystère.
 
Un phénomène céleste qui fait frémir les mégères, laisse de marbre les vieillards séniles et  enflamme stérilement le coeur creux des superstitieux.
 
Une sorte de deuil du macrocosme à portée des écureuils, des heureux ignares et des inutiles veilleurs en quête d'illusions.
 
Mais qui nourrit plus concrètement les rêveurs supérieurs, les chantres des champs et les hôtes des vieilles masures résistant aux lourdeurs de ce siècle. Eux s'abreuvent de toutes les lumières de cette localité perdue de la Haute-Marne pour y tirer directement leur bonheur d'esthètes, d'ermites ou de gens simples.
 
Pour les esprits épais, la lunaire entité apparaît sur cette terre de bouseux et de bêtes à cornes comme le reflet d'un ciel de géants désincarnés et de mythes aux suspectes abstractions. Selon les critères des âmes plus subtiles, elle se manifeste comme un oiseau rare aux ailes sublimes.
 
Bref, chacun en cette occasion y voit plus ou moins clair, plus ou moins vrai, plus ou moins loin.
 
C'est surtout le genre de nuit où, en ce lieu central de la champêtre réclusion, du rural isolement, de l'éternel oubli, les épouvantails sortent de leur trou pour aller à la rencontre des hommes. Et où les fantômes en profitent pour s'extraire de leurs cachettes et hanter les recoins pleins d'ombres de cette campagne progressivement plongée dans des ténèbres fabuleuses...
 
Etrangers, ne venez traîner ici aux heures des grands baisers cosmiques et insondables secrets de la nature que pour des raisons hautement poétiques !

Sinon, leurrés par vos certitudes rationnelles, même si vous fixez le disque obscurci sans prendre en compte ce qui vous entoure, vous risquez de ne rien voir du tout des incommensurables beautés de Clinchamp.

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2140 - Un arc-en-ciel à Clinchamp

Après bien des pluies et des pleurs, tant d'ombres glacées et de dimanches mornes, maints vents issus de jours ordinaires et cent autres sanglots nocturnes, les couleurs du rêve éveillé apparaissent dans l'azur de Clinchamp.
 
En ce mois de mars encore imprégné des torpeurs de l'hiver, un arc-en-ciel brille dans les nues.
 
Avec, au-dessous, un village terne, des champs trempés, des bêtes placides, des hommes émerveillés.
 
A croire que ces éclats célestes font partie des rares miracles observables capables de faire se relever la tête des habitants en ce lieu maudit où pas un citadin n'aurait l'idée de venir s'encroûter...
 
Certes, l'enchantement suscité est bref, et certaines attitudes sont superficielles, lourdes ou vulgaires face à la légèreté du ciel.
 
Cependant ces âmes grossières, passagèrement éblouies par l'illumination, ont le temps de monter un peu plus haut que d'habitude au-dessus de leur monde étriqué. Et, aussi éphémère que soit leur ascension, ils peuvent accéder à une réalité élevée, au sens propre comme au figuré. Loin des petitesses de leur quotidien de pesanteurs et des lassitudes de leurs existences matérielles.
 
Ces courbes colorées traversant leur univers champêtre, aussi insaisissables que dénuées de valeur pour leur préoccupations pratiques, placées malheureusement hors du champ dominant de leurs vie domestique, sont considérées par eux comme une bagatelle de la nature. Certainement agréables à regarder sur le moment mais fondamentalement inutiles à leurs yeux.
 
Ils s'exclament de ravissement en voyant ce vaste pont d'air et d'ondes culminer au zénith et l'instant d'après n'y pensent déjà plus.
 
Ces coups de pinceau cosmique suffisent pourtant à apporter un peu lumière au fond de ces êtres aux aspirations strictement prosaïques et aux vues purement horizontales.
 
La preuve : j'ai remarqué qu'à force de lire mes textes à leur sujet, ils s'attardaient de moins en moins sur leurs pieds et commençaient à diriger leurs regards vers les nuages.
 
Il semble que les incarnés de Clinchamp ne soient finalement point aussi dénués d'esprit que je le pensais, à l'heure fatidique où chez eux resplendissent les lueurs aériennes.

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2139 - Clinchamp sous l'orage

Lorsque le feu du ciel mêlé des flots de l'enfer s'abattent sur Clinchamp, c'est la fête dans les champs. La nue noire et tourmentée illumine alors la campagne de ses gerbes d'or et enchante l'atmosphère électrique de ses tambours oniriques...
 
Vivants et morts se réveillent enfin sous l'onde régénératrice et le fracas festif. Hommes et vaches respirent l'air plein de flammes et de joie, les fossés se remplissent de clarté, les chemins débordent d'espoir et les bois s'abreuvent d'avenir radieux. Les rafales d'eau et les coups de tonnerre font se relever tout ce qui est gisant et assoupi.
 
Bref tout renaît dans cet univers endormi quand l'intempérie arrose les têtes et les toits.
 
Evidemment le visiteur indifférent ne remarquera rien de particulier en traversant ce patelin foudroyé par ces averses lumineuses, mais l'esthète attentif y percevra des merveilles uniques, jamais vues ailleurs. Les habitants eux-mêmes sont insensibles à ces beautés célestes qui leur tombent sur le dos.
 
Certes, ils sentent bien pourtant que de grandes choses soulèvent leurs chapeaux, font briller leurs idées ternes, agitent leurs pensées plates... Mais ils demeurent malgré tout fermés à ces éblouissements venus de si haut. Ils se contentent de recevoir ce bien-être comme il vient sans chercher plus loin l'origine de cette fraîcheur dans leur âme. Ils restent fidèles à ce qu'ils sont avec leur regards parfaitement horizontaux.
 
Aussi apathiques dans leur bonheur passif que taciturnes dans leurs jours plus sombres.
 
C'est également ce qui fait la spécificité de ce clocher peuplé d'hôtes terreux, obscurs, rustiques.
 
Le charme de ces déluges de fièvre et de pluie sur cette contrée de bêtes et de bornés consiste en l'éphémère mais fulgurante transfiguration de ces derniers.
 
Là, le temps de la tempête de braises sur ce paysage du fin fond du monde, tous ces bottés et crottés qui y stagnent deviennent beaux à mes yeux pleins de finesse et d'acuité, même s'ils n'en ont nulle conscience.
 
Sous les éclairs estompant leurs traits rêches et sublimant leur quotidien, ils ressemblent à des statues en toges, pétrifiées dans une vaste cathédrale aux arcades de nuages et aux vitraux d'azur embrasés d'étincelles.

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jeudi 7 mars 2024

2138 - J'ai rêvé de Clinchamp

Tandis que je somnolais, assis au bord des rêves, loin du réel, à deux doigts de la nue, Clinchamp m'apparut dans les sommets de l'imaginaire.
 
Bercé par les vagues des songes et emporté par le souffle des mots, le regard dirigé vers les nuages, je vis son clocher surgir dans mon champ de vision. Puis le toit des maisons et tous les champs autour. Là, au-dessus de ma tête, en plein azur, le village brillait comme un mirage, féerique, fabuleux.
 
Je sentais bien que je n'avais plus les pieds sur terre et que je me trouvais dans un ailleurs de mythe et d'idéal...
 
J'avais des ailes et le vent agitait follement mes plumes. Il gonflait mon manteau d'oiseau. Et me donnait de l'envergure.
 
Je montai dans les airs à la rencontre de l'apparition. Parvenu à hauteur de la céleste chimère, je fus d'emblée admis en ses murs immatériels tel un hôte attitré. Avec ma seule légèreté pour tout passeport.
 
Et là je croisai des hommes, des vaches, des chats, des fleurs et des ruisseaux. Tous éclatants de lumière. Les chemins menaient vers des horizons cosmiques, les fossés révélaient des gouffres de pureté, le paysage s'étendait en paix et clarté et des tombes du cimetière émanaient des tempêtes de joie !
 
Les êtres irradiaient de vie, d'intelligence et d'indicible bonheur. Les choses palpitaient de divine présence. La beauté s'imposait partout.
 
J'étais au paradis.
 
Le voyage de mon âme dans les sphères élevées de la conscience supérieure me montrait une face nouvelle de ce lieu et des gens qui y habitaient.
 
Si haut où je venais d'atterrir, j'avais visiblement toujours affaire à des ploucs en sabots et voyais tout autant de bouses de bovidés étalées sur le sol poussiéreux que dans la réalité d'en bas, certes. Sauf que plus rien ne s'avérait ni terne, ni lourd, ni prosaïque.
 
Les pesanteurs, puanteurs, déprimes et vulgarités de ce monde n'existaient plus, masqués par le parfum mortel de la poésie.

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mardi 5 mars 2024

2137 - Jour de l'An à Clinchamp

Le premier janvier à Clinchamp, c'est comme la dernière aube de la fin du monde : un jour qui cherche à briller au coeur d'une sempiternelle brume.
 
Et qui, à sa manière, y parvient !
 
En cette journée remarquable de l'année, le clocher de cet illustre village endormi perce le ciel de sa glorieuse insignifiance, fidèle à ce qu'il a toujours été.  Selon sa bonne habitude, l'horizon de ce royaume de l'inertie demeure figé dans son attitude hautement champêtre. Enfin, les terres de cette contrée aussi fastueuse qu'un interminable dimanche ne cessent de s'étendre dans une infinie torpeur...
 
Rien ne change, rien ne bouge, rien ne se perd. Tout stagne. En cela, nulle mauvaise surprise n'est à redouter.
 
Seuls les morts, peut-être, s'animent dans ce tourbillon d'immobilisme général, réveillés par le silence.
 
Et tandis qu'en cette heure cruciale retentissent les trompettes et tambours de la léthargie, la pluie de l'ennui commence à tomber.
 
Et c'est là précisément que pour les habitants naissent les rêves éclatants de l'an.
 
En ce pays agreste, les pensées mornes des hommes lourds arrosent avec pragmatisme la campagne de leurs aspirations glaciales. Et les réflexions les plus sèches sortant de leurs chapeaux expérimentés abreuvent les sillons d'une féconde amertume. Ici les gens ont un solide sens des réalités ! Ils cultivent des trésors dûment palpables, ce qui est bien suffisant pour eux !
 
Un enfer rural pour citadins mais un véritable enchantement pour ermites. Il faut savoir que ce théâtre pastoral englué dans ses langueurs ancestrales est mon paradis d’exilé aux ailes de corbeau.
 
Bref, les douze mois à venir seront délicieusement crépusculaires. Une longue et magique nuit entre le gel et la boue, les nuages et les étoiles, la Lune et la pluie, la grêle de l’hiver et l’assoupissement estival.
 
Les initiés de mon espèce se délectent de ces flammes ternes du lendemain de la Saint-Sylvestre qui pétrifient ce patelin dans des siècles d'austère bonheur.

Et font perdurer les cendres mourantes de ce mythe anémique de la Haute-Marne.

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vendredi 1 mars 2024

2136 - Vacances d'été à Clinchamp

Nul mortel ordinaire et raisonnable ne vient jamais passer ses vacances estivales dans cet asile obscur, aride et reculé appelé "Clinchamp". Les natures conventionnelles à l'esprit grégaire préfèrent parcourir des contrées plus agitées.
 
Seuls les fous élisent ce lieu pas comme les autres pour y passer la saison chaude.
 
Tels des oiseaux étranges venus d'on ne sait quels horizons, ils accostent ce rivage crépusculaire afin d'y respirer son air pétrifiant.
 
Mystérieusement attirés par les promesses insensées de ce patelin perdu aux lendemains tous pareils, de ces terres figées et de ces hommes sans histoire, ces drôles de voyageurs séjournent avec bonheur dans ce royaume de tous les naufrages.
 
Il y nichent soit pour la durée d'un long rêve glacial qui leur rafraîchit profitablement les idées, soit pour s'y éterniser confortablement en compagnie des morts. A chaque fois il y trouvent de quoi oublier les vulgarités du monde et de se délester de ses lourdeurs. Dans les deux cas, ces hôtes esthètes, qu'ils demeurent durablement ou bien qu'ils repartent dès la fin de l'été, succombent invariablement aux séductions morbides de cet olympe d'ombres et de songes.
 
Sous le Soleil de juillet, ils gisent agréablement, écrasés par les heures indolentes qui s'étirent, interminables. Et pleines de vide à combler.
 
La torpeur les transporte.
 
Et bien qu'ils soient dûment immobilisés sur le plancher des vaches, ils s'envolent très haut, vont fort loin, atteignent l'ailleurs.
 
Leur aventure est statique et cependant fulgurante.

En se déplaçant jusqu'ici, ces pèlerins de l'impossible venus tuer si fructueusement le temps ont accédé à leur ciel ultime de septembre.