lundi 29 avril 2024

2158 - La rivière

En ce jour de novembre la rivière me plonge dans des abysses de pensées creuses où se noie mon ennui dominical.
 
Elle coule à mes pieds et je la fixe bêtement, le coeur vide, l'âme assoiffée non de pluie mais d'azur.
 
Je déteste cette onde qui ne m'emmène nulle part. Tout en reflétant, comme pour mieux me narguer, ce ciel que je désire tant.
 
Il paraît que le sage trouve la paix au fond de cette chose aussi limpide que muette. Moi je n'y vois que du bleu ! Rien que du feu... Nul réconfort, tout au contraire, je ne perçois que de la mortelle léthargie dans cette eau trop plate à mon goût !
 
Il me faut non de la flotte mais des bulles, non du liquide mais de l'air, non de l'aqueux mais des ailes. Je veux non du lourd mais de l'or !
 
Le courant de ce lit bien fade m'entraîne vers un sommeil banal, alors que les nuages m'emportent dans des rêves ultimes.
 
J'aimerais pouvoir m'extraire de ce pesant présent afin de m'élever jusqu'au Soleil, mais il est trop tard : je m'endors bientôt, hypnotisé par le flux monotone des flots de l'automne. Et dans ma narcose de grisaille, je ne songe plus à la lumière mais au tombeau.
 
Lorsque je me réveille, la Lune éclaire le monde et dans ce miroir fluide qui s'étend devant moi, je vois brûler sa triste flamme.

Oubliant mes idées noires, je ne pense plus à la mort mais à l'amour.

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dimanche 28 avril 2024

2157 - Il n'est pas raciste

Ce louable citoyen de la France moderne aux idées scrupuleusement calibrées sur l'air du temps n'est pas raciste du tout.
 
Le voici propret, digne, exemplaire, tel un bel oiseau au vol autorisé qui emprunte les rails horizontaux des références officielles...

Il a l'allure appropriée des belles âmes éclairées : lisses mais bienveillantes, plates mais si humanistes, creuses mais tellement fraternelles... Ce qui lui permet d'arborer l'air tranquille et souverain de ceux qui se savent dans le camp adéquat.

Il incarne superbement l'être bien conformé repus des bons sentiments en vogue, l'homme de son siècle adhérant sans rechigner aux toutes dernières valeurs inculquées !
 
Il aime tout le monde, indistinctement. Surtout ceux qui le méritent le plus à ses yeux : les indésirables. Il leur trouve même des vertus à ces nouveaux arrivants, nécessairement supérieures à celles des honnêtes gens installés depuis mille ans...
 
Il estime que les étrangers méritent tout sans condition et que les français aux souches profondes ont bien tort de s'attacher ainsi à leurs racines et de vouloir défendre un passé révolu... Selon ses critères d'infini générosité, un migrant sans papier, sans diplôme, sans argent, mais plein d'espoir à revendre (et accessoirement, de shit), a toute sa place dans notre société pour y être choyé, honoré, glorifié.
 
Et prioritairement, pour y être assisté aux frais de ces sales égoïstes haineux qui la peuplent depuis bien trop longtemps !

Nullement ségrégationniste, il est si épris de justice universelle qu'il veut accueillir sans restriction tout ce qui tombe du ciel sur notre sol national. Et tant pis - ou plutôt tant mieux ! - si les chutes régulières de cette manne africaine aux richesses inouïes cassent nos têtes blondes !
 
L'important pour ce bienfaiteur de l'Humanité, ce n'est pas de préserver la pureté de nos sillons trop clairs, trop ethnocentrés, et donc suspects à son goût, mais de métisser jusqu'au dernier de nos gaulois pour bien prouver notre progressisme.

Il s'oppose avec noblesse à la discrimination raciale. L'antiracisme chez lui est une seconde peau. A tel point qu'il déteste ouvertement les Blancs, c'est-à-dire ceux de sa race.

Et vénère comme un exalté les populations lointaines dont les cultures, les terres, l'Histoire, les moeurs, selon lui, valent bien mieux que celles de son pays natal.

Son ouverture d'esprit est totale.

Il est si peu borné, étriqué, replié sur lui-même, si débordant d'amour pour la planète entière, que dans ses veines coule le sang des autres, assure-t-il.

Mais certainement pas, quelle honte pour lui, celui de ses ancêtres !

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dimanche 21 avril 2024

2156 - Elle me fait peur

Certes, elle est blonde, mince, belle... Mais elle a le sourire noir, le regard sombre, l'âme lourde.
 
Cet astre radieux me fait peur.
 
Ses dents sont faites pour mordre, ses lèvres pour médire, ses ongles pour faire saigner. Ses paroles, aussi aigües que des lames, valent des meurtrissures. Ses sentiments, plus féroces que ceux d'une louve, n'ont rien de beau.
 
Il n'y a que de l'égoïsme, de la méchanceté, de la cruauté gratuite dans ses ricanements. Elle fait souffrir les faibles, ridiculise les petits, piétine les infirmes. Ses pensées affreuses répandent la  tristesse. Ses espoirs de sorcière étincelante se nourrissent des larmes qu'elle fait naître chez les crapauds. Cette fée nuisible s'enrichit des blessures qu'elle occasionne, se réjouissant du mal qu'elle sème.
 
Et son corps, pour se maintenir en vie, aussi flatteur soit-il, se gave des ordures du monde.
 
C'est une éclatante et parfaite statue, vue de l'extérieur. Avec des formes magnifiques, des lignes idéales, un charme puissant. Mais pleine de désirs horribles.
 
Cette créature dorée rêve de choses laides.
 
Cette femme est une araignée. Un cafard. Un furoncle.
 
Désirable mais mortelle.
 
Elle incarne tout ce qui brille et effraie !
 
Cette vipère couverte de vernis crache son venin dans les coeurs. Je l'observe, fasciné et pétrifié. Je me garde bien de toucher à cette bombe sordide maquillée en petite chatte... Je crains trop de me brûler à cette flamme. 

Les yeux de cette poupée toxique se plaisent à se poser sur le malheur. Elle se repaît des pleurs, se moque des cris, se divertit de la douleur.
 
Insensible aux maux des autres, elle ne pense qu'à son bonheur de diablesse.
 
Bref, de cette admirable potiche émanent les putridités d'un être mauvais, abject, maudit.
 
Pourrie de l'intérieur, séduisante en surface, cette fleur empoisonnée me fait trembler, vomir, cauchemarder.
 
J'ai une furieuse envie de l'écraser, de la détruire, de l'oublier !

Et pourtant, Dieu seul sait par quel mystère, je l'aime.

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mardi 16 avril 2024

2155 - L'horloge

Je connais le secret des horloges.
 
Ce sont les gardiennes de nos jours mortels, de nos pensées arrêtées, de nos rêves figés : pendant que cheminent leurs aiguilles fatidiques, nous les fixons en regrettant nos vies monotones, en ressassant nos rendez-vous ratés, en méditant sur la pluie qui tombe ou sur les dimanches d'ennui qui s'étirent, interminables.
 
Nous avons tous sous nos toits des cadrans qui nous observent de leur face impassible, et que nous croyons sans âme. Quelle erreur !
 
En réalité, ces confuses présences respirent à chaque instant, à notre insu, sous leur carcasse de métal et leur visage de mystère.
 
Je viens de percevoir cette insoupçonnable étincelle à travers leurs palpitations mécaniques.
 
Leurs savants engrenages en disent long sur ce qu'elles nous cachent.
 
Je sais désormais que la pendule accrochée au mur de ma chambre est vivante, que son coeur bat du matin au soir, et que la nuit elle veille encore, tandis que je dors.
 
Sa trotteuse infatigable marche à pas saccadés comme un insecte de fer.
 
Petit à petit, elle compte les minutes de mon destin sans jamais se lasser. Et dans sa course raisonnée, n'en perd pas une seule. Réglée avec minutie selon l'autorité cosmique, soixante fois de suite à chaque plombe qui passe, humblement mais sûrement elle recommence sa route. Tout en en retranchant à mon existence, proportionnellement à sa progression.
 
Bref, le temps tourne en rond dans sa tête.
 
Et dévore tout.
 
Elle engrange inexorablement les heures, restitue en permanence le vide d'un passé qui s'évanouit au rythme de ses tic-tac et creuse un gouffre de néant tout en se dirigeant vers un horizon débordant d'avenir

Futur qui sera, lui aussi, condamné à mort. D'un coup sec. D'une seule saccade, seconde après seconde. Sans retour en arrière possible. Telle est la loi de ses rotations.

Perdue dans ses immuables calculs chronologiques, elle patiente au-dessus de mon lit, l'air de rien. En vérité, elle regarde s'écouler l'éternité. 

Et me tue à petit feu.

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dimanche 14 avril 2024

2154 - A la boulangerie de Mont-Saint-Jean

Dans la boulangerie de Mont-Saint-Jean, commune des Alpes Mancelles si proche des nuages, j'ai découvert des chaussons aux pommes célestes. Confectionnés avec de la farine issue de sillons gorgés d'azur et des fruits provenant de vergers divins.
 
Cuits à point dans un four à bois, ces merveilles croustillantes nourrissent mes jours de leur saveur rustique et enchantent mon âme de leur nature simple.
 
Ces humbles oeuvres pâtissières suffisent à mon bonheur dépouillé. Je fais un festin de cette manne paysanne. Quelques gerbes de bon blé mêlé de beurre et de vague compote, et me voilà heureux comme un rat repus !
 
En dévorant ces trésors du terroir, je n'avale rien de superflu mais croque dans le meilleur, m'alimente des hauteurs terrestres, me rassasie de lumière caramélisée, m'enivre d'arômes dorés.

Alors, plein de miettes au bord des lèvres et de clartés dans la tête, je m'en retourne vers mon foyer retrouver la chaleur de l'âtre, rêvant déjà de poursuivre ma soirée en contemplant la lueur lunaire, méditant à n'en plus finir sur le beau mystère de la Création qui permet de faire sortir ces miracles savoureux du feu du boulanger à partir de quelques épis et pépins...

samedi 13 avril 2024

2153 - L'écologiste, ce primitif

En voulant préserver son environnement, le fou d'écologie refuse de raser la forêt superflue. Résultat : la friche envahit son espace vital, la vermine prolifère au détriment de ses intérêts, les nuisibles prospèrent dans les sillons de sa bêtise.
 
Pendant que le loup capitaliste épris de vrai humanisme, celui qui concerne sa personne et non une idéologie abstraite, bien plus avisé et pragmatique, coupe judicieusement et sans état d'âme la végétation en excès. Afin de faire place nette sur la terre qu'il domine et remodèle à sa guise et selon ses besoins.
 
L'adepte de la vie crue est un va-nu-pieds qui s'appauvrit pour faire triompher ses chimères d'écologiste déconnecté du réel.
 
Le carnassier opportuniste, quant à lui, s'enrichit en transformant la boue de la Création en or, tout préoccupé qu'il est de son sort personnel, de son confort, de sa jouissance.
 
Le bouffeur de verdure croit qu'il est né pour servir Gaïa, pour se faire l'esclave des éléments, pour se laisser ensevelir par les arbres.
 
Au contraire l'apôtre de la civilisation sait qu'il a été créé pour être le roi du monde, pour déraciner le chêne et faire un trône de sa souche, pour transformer les coins les plus sauvages en jardins paisibles bien carrés, pour remplacer les épines par des fleurs aux parfums délicats et des fruits aux saveurs nouvelles.
 
L'amoureux des herbes folles culpabilise de vivre. Il ne veut laisser aucune empreinte de son passage sur le globe, ne se reconnaissant nul droit de faire de l'ombre à la moindre brindille.
 
Le dévoreur de Soleil, lui, souhaite semer des pyramides à sa gloire jusqu'au fond des déserts afin que même les galaxies se souviennent de son nom. Il est sur la planète non pour subir la loi féroce et stupide de la faune et de la flore mais pour imprimer son génie depuis le sol d'où il déploie ses ailes, jusqu'au ciel s'il le peut. Il considère que ses oeuvres humaines, originales, valent mieux que les banales répétitions de la nature.

Le premier n'est qu'une larve sans avenir qui par adhésion aux idées en vogue se voue au néant. Le  second est un papillon rayonnant qui par amour de son essence divine brise les illusions de son siècle pour accéder à l'éternité.

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vendredi 12 avril 2024

2152 - Madame Junon

Je connaissais Madame Junon de nom.
 
Je savais, par les rumeurs, que cette superbe célibataire arborait des appas fracassants, ce qui, irrémédiablement, attirait à elle maints prétendants plus ou moins honnêtement inspirés, mais surtout assez maladroits puisque pas un n'avait pu accéder à ses trésors convoités.
 
Le jour où elle me reçut dans son salon, je fus immédiatement ébloui par sa gorge solaire. Cette créature méritait, de toute évidence, des feux de qualité. Aussi, du haut de ma noble sensibilité d'aristocrate, trouvai-je judicieux de lui destiner mes ardeurs naissantes.
 
La sachant lassée des assauts répétés, frontaux et sans surprise de la gent masculine, trop habituée à recevoir d'incessants et pesants hommages à l'endroit de ses deux opulences, je me fis un devoir d'agir en contournant les grossiers écueils attendus.
 
Ne redoutant point d’employer les grands moyens à ma portée afin de la séduire en finesse, je lui proposai de m'accompagner nocturnement pour doctement étudier les beautés cosmiques du radieux ciel d'août.
 
Naturellement ouverte aux sciences naturelles, curieuse des mystères de l'astronomie, elle accepta mon enseignement, enchantée par la perspective de cette sortie sous les étoiles.
 
La nuit suivante nous nous retrouvâmes sous la voûte céleste. Là, je lui désignai solennellement la Voie Lactée. Extasiée face à ces merveilles stellaires, elle ne voyait plus les lourdeurs terrestres. Emportée par les ailes de la découverte, oubliant les pudeurs de la civilisation, elle jubilait, se perdait dans le firmament, le regard égaré dans l'infini du Cosmos...
 
A peine se rendit-elle compte que je venais de l'enlacer. Les heures qui suivirent furent pour moi un vertigineux voyage dans les profondeurs de son corsage.

Au petit matin, je me réveillai avec, en guise d'abstraites constellations dans la tête, près de mon oreiller deux astres lactescents bien consistants.

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vendredi 5 avril 2024

2151 - Chemins de pluie à Clinchamp

Le crachin à Clinchamp ressemble à des crachats de ciel dans les champs, avec plein de mornes éclats dans les chemins.
 
Ce sont alors, en ces terres tristes, des jours ternes qui brillent comme des lanternes dans la brume.
 
Rien ne brûle ni ne s'éclaire dans ce monde où règnent et l'onde et l'ombre.
 
Et moi, ivre de mélancolie, je respire avec délices l'air sombre de ces journées sans Soleil, sans vie, sans fleurs. Je marche entre les fossés et m'enfonce vers de vastes impasses champêtres... Je sais qu'au bout de la route, je serai emporté par l'océan de l'ennui. Bercé par le vent ou par le rêve. Enchanté de cet envol vers la folle atonie. Heureux de mes ailes démesurées.
 
En partance pour l'azur, par la seule force de ma plume, loin des horizontalités du sol.

Oui, la pluie fine qui voile cet univers d'une magistrale grisaille me fait l'effet de l'éther : au contact de la molle intempérie, perdu dans mes pensées supérieures, je m'évade dans les hauteurs célestes, là où les nues palpitent sous des formes nouvelles et rendent belles les heures lourdes d'en bas.

Je vogue ainsi dans les sphères vertigineuses d'une autre réalité, tel un oiseau à l'élan majeur quittant soudainement l'attraction terrestre pour atteindre les nuages. 

Au lieu de m'alourdir l'âme, bien au contraire la bruine l'allège, l'éclaircit, la rend joyeuse, comme si c'était finalement de la lumière.

L'eau fine qui plonge dans un silence de mort ce clocher enterré de la Haute-Marne est ma  plus pure source de joie.

Ces flots lents et monotones de brumaille et de platitudes tombant sur les toits muets, les espaces ordinaires et les têtes vides de ces lieux chantent en moi comme des violons lumineux.

C'est dans ces moment précis que je communie avec les hôtes les plus précieux et les plus élégants de Clinchamp qui restent à portée de ma vue : les vaches.

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