vendredi 27 décembre 2024

2233 - Deux faces

Texte d'après un tableau du peintre Aldéhy
 
Deux amies, l'une blonde, l'autre brune, semblablement éligibles au trône de Vénus, s'amusent de leurs différences, se comparent en riant et se jaugent à l'aune des regards posés sur elles, fières de leur gloire et usant chacune de leurs éclats comme de leurs aspérités.
 
LA BLONDE — Je suis le printemps, tu es l'été. Je suis le blé, tu es la braise. Mes yeux sont un ciel bleu, ton sourire est une flamme rouge. Je charme en douceur, tu séduis avec ardeur. Toi et moi sommes deux fleurs, l'une de velours, l'autre hérissée d'épines.
 
LA BRUNE — Tu es la fraîcheur de l'onde, je suis la brûlure du Soleil. Tu fais rêver les solitaires, je fais pleurer les téméraires. Tu leur promets le baiser de l'amour, je leur destine la morsure de la chair. Tu es l'ange, je suis la louve.
 
LA BLONDE — Je suis auréolée des étoiles de l'innocence, de la poésie, de la pureté. Et je brille telle une blanche aurore. Toi, tu es parée des artifices sulfureux qui éveillent les mâles ivresses. Et tu illumines leurs nuits de fantasmes féroces. Je suis le nectar des galants qui les rend romantiques et sirupeux, tu es le poison qui les fait déraisonner ! Je les berce, tu les incendies. En mon image paisible ils voient la légèreté de la brise vernale, dans tes charbons embrasés ils tremblent de désir et ne pensent plus qu'à l'enfer qui les tourmente délicieusement.

LA BRUNE — Sous tes traits de biche qui les caressent, ils s'endorment avec des papillons dans le coeur. Sous les feux de mon visage qui les défie, ils deviennent des bêtes affolées ! Tu les apprivoises de tes cheveux blonds et moi je les dompte de mes crocs carnassiers. Tu vois, avec nos armes et nos égards, nos piqûres et nos étreintes, nos coups et nos faveurs, nous parvenons à mettre le monde à nos pieds. Je suis cinglante, tu es cajoleuse. Je suis noire, tu es d’azur. Je suis dense, tu es aérienne. Bien que nous soyons contrastées, moi la foncée, toi la dorée, nous faisons tourner autour de nos têtes la Terre et les hommes qui la peuplent car la vérité, c'est que la beauté (qu'elle soit claire ou obscure, solaire ou ténébreuse, franche ou bien voilée) aura fatalement le dernier mot.
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mercredi 25 décembre 2024

2232 - Le soleil de la jeunesse

Texte d'après un tableau du peintre Aldéhy
 
Sa face est une flamme, ses yeux sont une braise, ses lèvres un foyer.
 
Cette femme, avec ses airs d'ingénue, ressemble à un ciel embrasé de fruits défendus, tel un crépuscule de sang vénéneux ou un orage illuminé de rêves interdits.
 
Elle sourit pour mieux envenimer les coeurs, enfiévrer les chairs, faire vaciller Mars.
 
Connaissant son pouvoir de séduction, elle sait jouer des clartés comme des obscurités de son visage. Avec nuances elle pique toute cible et fait mouche.
 
Alors, de ses ailes de papillon, de ses allures de libellule, de ses légèretés florales, et ce afin de faire triompher sa cause, elle devient vite vilaine araignée, méchante fée, dangereuse guêpe. Et finalement adorable amante pour ses proies !
 
Peu résistent à ses attraits acérés. Beaucoup succombent à son infernal azur. Nul ne demeure indifférent à sa mine incisive faite pour l'amour ou pour le jeu.
 
Elle a les charmes perfides du serpent, l'éclat acide du citron et le regard plein de folles arabesques...
 
Sa noire beauté prend sa source dans la lumière du Soleil qui brûle et éblouit. Sans l'ombre d'un doute.
 
Cette pousse hérissée de délicieuses épines est effrayante parce qu'elle est douce, jeune, tendre... C'est un piment aux apparences de miel, une torche derrière un voile de virginité.

Cette fille est une petite louve parmi les agneaux imprudents que nous sommes, nous les pauvres garçons esthètes.

2231 - Dans les bois

Le soir à l'automne, à l'heure où les ombres des nuées se mêlent aux brumes de la terre pour former un crépuscule pétrifiant, vous entrez dans les bois comme dans un tombeau.
 
Vous vous retrouvez seul en compagnie de milliers d'inconnus couverts d'écorce et aux visages invisibles.
 
Les moindres branches dirigées vers le ciel ou vers le sol deviennent alors pour vous des bras inquiétants, des silhouettes funèbres au-dessus de votre tête, des promesses d'étreintes spectrales le long de votre trajet.
 
Et vous avancez sous ces ramures de marbre, le coeur oppressé. Votre cauchemar s'étend jusque dans les profondeurs de la sylve que vous sentez de plus en plus dense. Vous n'en voyez pas le bout. Vous cheminez toujours au milieu de vos peurs, le souffle court, les yeux dans le noir.
 
Vous filez droit sans oser regarder franchement ce qui se passe autour de vous, l'attention focalisée sur vos pas. Dans les ténèbres vous distinguez à peine le sentier recouvert d'humus que foulent vos semelles. Vous ne cherchez évidemment pas à quitter la voie rectiligne bordée d'arbres qui doit vous mener jusqu'à la sortie de ce mauvais rêve.
 
Vous entendez des bruits, des sons mystérieux, des souffles indéfinis, des chuchotements étranges, des paroles incompréhensibles... Vous vous croyez suivi par des entités indistinctes, escorté par des fantômes, épié par des esprits... Et soudain vous apercevez des formes subtiles derrière un tronc, vous tressautez !
 
Vous vous figez face à un bouquet de feuilles s'agitant près de votre épaule, avant de reprendre votre progression, soulagé de n'avoir eu à affronter qu'un inoffensif rameau, quelques brindilles ordinaires, deux ou trois tiges anodines.
 
Après tant de frayeurs et d'épreuves, allez-vous enfin vous réveiller dans votre lit, rassuré de n'avoir jamais vécu ce calvaire nocturne ? Non, vous êtes bien dans la réalité, vous n'en doutez pas, et vous devrez traverser cet espace sans fin, sans repos, sans lumière.
 
Et peut-être même sans issue...
 
A cette idée, vous devenez une bête traquée. Glacé d'effroi, vous perdez toute logique, vos pensées s'emmêlent, vous approchez de la folie.
 
Fatigué, résigné, au bord du gouffre, vous avez froid et vous apprêtez à vous étendre près d'une souche à attendre que le jour se lève, n'ayant plus le courage ni de rebrousser chemin ni de le poursuivre. Vous vous pensez perdu dans un univers sombre qui vient de vous engloutir. Il ne vous reste plus qu'à endurer un siècle de patience pour arriver jusqu'au rivage libérateur du petit matin.

Et c'est à ce moment précis qu'apparaît au loin, entre les derniers branchages de cet océan végétal que vous venez de franchir sans vous en rendre compte, la lueur de votre foyer.

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lundi 23 décembre 2024

2230 - Nuit de vents

Le soir tombe comme une promesse de malheur sur ma demeure isolée.
 
J'entends la tourmente qui se lève : je sais qu'elle formera bientôt un océan de fracas et de pleurs sur le monde. Je m'enferme bien vite dans ma maison car la tempête frappe déjà à ma porte.
 
De la céleste obscurité s'abattent des flots d'effroi, des averses de misère et des tonneaux de mauvais rêves. Ces lourdes vagues roulent sur les tuiles, faisant gronder le toit et déborder les gouttières. Et loin sur les terres se répandent des hurlements éoliens.
 
A l'abri entre les murs épais de mon vieux logis, je frémis en me recroquevillant devant l'âtre. Dehors, c'est un déluge de peur, de froid et de chaos !
 
J'ai l'impression de n'être plus qu'un naufragé statique dans un phare aux prises avec l'intempérie, une lanterne vacillante au sommet d'une falaise balayée par la bourrasque, une chandelle dans un sémaphore giflé par les ailes noires de je ne sais quels dragons nautiques...
 
Autour de moi la forêt gémit, des troncs sont fracassés, des branches pulvérisées, des spectres brisés. Des ombres vastes et profondes s'affrontent dans les nues. Et du haut de ces sombres altitudes dégringolent les os de la nuit mêlés aux eaux en furie.
 
Les squelettes du ciel se disloquent sur le sol.
 
Et moi pendant ce temps, toujours réfugié auprès de ma flamme, gagné par le sommeil, je somnole, bercé par le doux tapage des éléments. Je demeure ainsi une heure à voyager entre fantasmes et réalité dans ma semi-léthargie, au pied de mon foyer crépitant et peuplé de fantômes.
 
Puis, averti de l'heure tardive par les dernières étincelles de ma cheminée, je pars me coucher, tandis qu'à l'extérieur des clameurs inquiétantes hantent les ténèbres.
 
Au petit matin en ouvrant mes volets je découvre un paysage ravagé mais redevenu paisible, éclairé par un soleil printanier.

L'aube divine rayonne sur le terrain jonché des cadavres de l'orage.

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jeudi 19 décembre 2024

2229 - Mon fauteuil de lune

Mon fauteuil en osier est vieux, humble, vaste.
 
Usé, démodé, grinçant, il ne vaut rien et pourtant c'est mon bien le plus précieux en ce monde.
 
Il me sert de poste d'observation du firmament mais aussi de point d'envol vers mes voyages nocturnes.
 
Le soir je m'y installe comme un chat, enroulé dans une couverture, afin de contempler religieusement la Lune.
 
Etendu sur ce siège suprême en forme de berceau, je regarde la nuit avec ses rêves et ses flammes, ses ombres et ses chimères, ses spectres et ses légendes.
 
Je découvre un autre univers, couché sur mon trône de mendiant, heureux de m'envoler vers l'astre aux cratères pareils à des orbites.
 
A travers la lucarne de ma chambre ouverte sur l'inconnu, les étoiles et les chauves-souris entrent chez moi, et c'est la fête sous mon toit ! Les ailes des sombres noctules sont les mêmes que celles des lumineuses galaxies : toutes m'emmènent ailleurs, loin, haut...
 
Porté par le souffle de ces flots célestes, je monte ainsi jusqu'au satellite, toujours assis sur mon ample chaise aux pieds gémissants.
 
Et l'aventure recommence à chaque lunaison : je pars en expédition onirique, chevauchant ma statique monture poétique. J'aborde des rivages infinis, confortablement campé sur mon pégase fait de bois léger. Je vogue verticalement, à la rencontre des hôtes du ciel. Je navigue sur l'océan stellaire en quête de trésors à la mesure de mon âme.
 
Croyez-le ou non, pensez si vous le voulez que je suis fou et que je vous raconte des sornettes, mais moi je vous le dis sans malice : je parcours réellement les étendues cosmiques et me pose régulièrement sur le sol lunaire, rien qu'en m'allongeant sur mon modeste sofa.

Faisant face à la vitre de mon refuge ressemblant à une cellule monacale, bien accroché à ma selle couleur de paille, la tête pleine de vertigineuses fantaisies et de profondes légèretés, je décolle purement et simplement.

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mardi 10 décembre 2024

2228 - Le sourire d'une marguerite

Texte d'après un tableau du peintre Aldéhy
 
Avec ses allures de marguerite, la blonde ingénue sourit au Soleil qui l'éclaire, au sort qui l'a comblée, aux garçons qui la regardent.
 
C'est une fleur heureuse d'être née, fière de sa beauté, pleine de gratitude envers la vie.
 
Elle a le visage radieux des créatures qui se savent élues sur Terre, telles les nouvelles reines de leur siècle, ces premières lueurs qui illumineront les années futures, ces dernières générations florales qui monteront dans le coeur des esthètes comme des béotiens...
 
Nul n'échappera ni au feu de ces yeux ni au venin de ces lèvres qui aujourd'hui ne font de mal à personne.
 
Dans ce bourgeon encore virginal l'on discerne déjà la flamme qui demain brûlera tout sur son passage, aussi vénéneuse qu'effrayante.
 
Délicieusement dangereuse.
 
Cette étincelle d'innocence allumera, on s'en doute, des brasiers dans les chairs et les âmes. Entre vertiges et douleurs, azur et orages, l'amour que cette face lumineuse inspirera sera tantôt un calvaire, tantôt une euphorie.
 
Des larmes pour les uns, un rêve pour les autres.

Mais pour l'heure, elle demeure inoffensive dans sa robe de printemps, le corsage impudique mais le regard toujours imprégné des ultimes flamboiements de l'enfance.
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dimanche 8 décembre 2024

2227 - Je ne suis pas antiraciste

Je ne suis pas l'adversaire de la radicalité des idées, de la brutalité des sentiments, de la singularité des esprits, de la férocité des moeurs de mes semblables.
 
Chacun a la liberté d'aimer ou de détester ce qu'il veut, de maudire ou de bénir ceux qu'il désigne comme bons ou mauvais.
 
Je respecte les positions du raciste autant que celles de l'universaliste : le premier a ses raisons, le second également.
 
Je ne les discute pas.
 
Je ne cherche nullement à influencer qui que ce soit sur ses préférences.
 
J'accepte les diverses formes d'intelligence, les stades inégaux d'évolution, les hauteurs comme les bassesses. Etres évolués des grandes civilisations et va-nu-pieds issus de tribus primitives sont à mes yeux éligibles aux tribunes.
 
Leurs opinions, qu'elles me plaisent ou non, sont toutes défendables de leur point de vue. C'est cela qui compte. Je n'ai pas à me mêler de ce qu'ils pensent, ressentent, croient.
 
Ce n'est pas à moi de décider s'ils sont dans l'erreur ou dans le vrai. Je ne suis pas eux et ils ne sont pas moi.
 
Jamais je ne m'arrogerais le droit de choisir à la place d'un autre, d'obliger mon prochain à adhérer à tel étendard, à lui désigner l'ami ou l'ennemi.
 
Mon coeur n'est pas celui du voisin : chaque homme brûle pour une cause qui lui est propre. Mon histoire, ma sensibilité, ma peau, mes tripes, ma pensée, mes goûts et dégoûts ne sont pas les mêmes que ceux des multitudes d'humains de la Terre.

Les bipèdes peuplant ce globe ne voient tous pas les choses de manière nécessairement identique, les âmes ne volent pas à des altitudes similaires, constantes, régulières... 

Je demeure ouvert aux aspérités et douceurs, duretés et mollesses, grandeurs et petitesses des aigles et des moutons, des loups et des moineaux, des Blancs et des Noirs, des gauchers et des droitiers, des plumés et des plombés que compte ce monde aux aspects si riches et si contrastés.

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mardi 3 décembre 2024

2226 - Qui est-elle ?

Texte d'après un tableau du peintre Aldéhy
 
Qui est cette fille avec ces vastes reins qui ressemblent tant à un visage de vérité ? Ce dos qui s'impose a vraiment l'air de me fixer...
 
Cette nymphe semble exprimer le vrai, le beau, le désirable...
 
Mais ce n'est là nullement une certitude. A bien y réfléchir, ainsi exposée comme le revers d'une médaille, elle pourrait ne refléter que des illusions... En la voyant aussi peu, en définitive, il est possible que son feu supposé ne soit que glace, sa clarté espérée qu'ombre, son éclat présumé que poussière.
 
J'essaie de deviner les traits cachés de cette créature retournée.
 
Est-ce une lune à la moitié éternellement dissimulée ? Une Vénus avec qui les hommes ont interdiction de croiser le regard ? Une simple femme qui joue avec les apparences en se soustrayant malicieusement aux yeux des curieux ?
 
Suis-je séduit, effrayé ou tiède devant celle que je n'ose nommer clairement ? Moi-même je ne le sais pas réellement. Après tout, il s'agit peut-être non pas d'une beauté mais d'une farce affreuse... Déesse ou sorcière, astre ou furoncle, papillon ou araignée, qui saura ?
 
Tant que je ne la vois que par derrière, elle demeurera finalement un point d'interrogation. Un mirage. Ou un pur mensonge.
 
Dérobe-t-elle la laideur de sa physionomie à la vue du monde en ne lui montrant que la lumière de son postérieur ? Sa chevelure fait pourtant penser à une galaxie aux bras flamboyants. Que croire en elle ? Cherche-t-elle à faire monter les flammes du mystère en alimentant soit les rêves, soit les cauchemars des uns et des autres ?

Seul aura la réponse celui qui, jouant à pile ou face, osera prendre le risque de se briser les ailes.

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lundi 2 décembre 2024

2225 - L'arc-en-ciel

Symbole de toutes les légèretés, l'arc-en-ciel produit des effets si aériens qu'il fait non seulement planer les lourdauds de la Terre mais encore valser les enclumes dans l'éther.
 
C'est un puissant aspirateur de pesanteurs.
 
Portés par ses couleurs, même les épais béotiens et autres adipeux balourds parviennent à décoller de leur sol de rats !
 
Il ajoute des ailes aux vaches, injecte de l'azur dans le plomb, trace de vastes étincelles d'eau dans l'atmosphère.
 
Il enflamme l'air de ses braises impalpables, met les jours de pluie en fête, transfigure le quotidien de ses sept bras éphémères.
 
Il est la surprise de la Création, la cerise sur le gâteau du Cosmos, ce petit rien supplémentaire de la vie qui inspire l'idée de Dieu dans le coeur des hommes.
 
Seuls les sombres matérialistes, indéracinables athées aux semelles comme des boulets, ne voient que du vent dans cette arche de lumière.
 
Ses clartés multicolores ne sont pas, comme le croient les pragmatiques à l'esprit obtus, qu'un bête phénomène naturel parfaitement accessible à notre intelligence et rigoureusement expliqué par les physiciens, c'est aussi un miracle.
 
Un rêve au-dessus de nos têtes.
 
La céleste incarnation par excellence.

Autrement dit, la plus élevée de toutes les poésies.

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vendredi 29 novembre 2024

2224 - Je suis parti dormir sur la Lune

Il est déjà bien tard et je n'arrive toujours pas à trouver le sommeil.
 
Il n'y a rien que du bruit autour de moi et les lampadaires de la ville m'empêchent d'y voir clair dans le firmament : je ne me sens guère à ma place sur ce globe agité où je suis né. Mes pieds ne me portent plus, j'ai besoin d'ailes. Et puis la pesanteur terrestre rend mes rêves décidément trop lourds...
 
C'est décidé, je pars dormir sur la Lune !
 
Pour ce grand voyage onirique, je vais emporter avec moi une botte de foin et quelques fagots. Mais aussi une paire de sabots et un vieux chapeau qui me donneront l'air d'un vagabond des bois.
 
Ca y est, j'y suis. Mes semelles touchent un horizon vertigineux et ma tête atterrit dans un ciel nouveau.
 
Avec soulagement je m'étends sur le sol lunaire pour y regarder tourner la Terre, heureux de passer la nuit loin des hommes, hors de leur atmosphère, proche de moi-même.
 
Etendu dans mon lit de régolithe, bordé de pierres blanches et caressé par des flammes mortes, entouré d'ombres et de cendre, enveloppé de glace et de lumière, je me sens aussi léger qu'une plume et plus heureux que tout !
 
Je me retrouve enfin ailleurs.
 
Et progressivement je ferme les paupières sur un tapis d'impalpables réalités.
 
Le temps d'un songe sans fin, d'un vol à altitude illimitée, d'un délestage démesuré, je deviens un oiseau immortel, un hibou sidéral, un hôte sélénien emporté dans les flots inédits d'une folle liberté !
 
Et j'enlace Morphée, voguant comme un fantôme dans l'espace infini de mon âme assoiffée de poésie...
 
A mon réveil, c'est mon oreiller que j'étreins.

J'ouvre alors les yeux sur ce monde que j'ai quitté la veille et, le coeur encore troublé, jette un regard perdu sur la clarté matinale de ma chambre.

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jeudi 28 novembre 2024

2223 - La sotte intelligence

L'intelligence, c'est bien beau mais au final, pour en faire quoi ?
 
Tout le monde la chérit, court après, s'en réclame, mais au bout du compte, pour quel véritable but ? Lustrer son ego ? Briller en société ? Epater la galerie ? Posséder une voiture plus grosse que celle du voisin ? Se gonfler d'orgueil ? Ecraser les autres ?
 
Quelles vacuités !
 
Si c'est pour la gaspiller à de si vulgaires usages, alors cette lumière tant convoitée ne sert à rien.
 
Tout en faisant preuve de beaucoup de bêtise, il est possible d'être non seulement parfaitement heureux, mais encore répandre le bien autour de soi.
 
Qu'est-ce qui définit d'ailleurs l'une et l'autre ? La capacité de résoudre rapidement un sec et stupide problème de mathématique, de réparer un ordinateur en panne, de concevoir un engin technologique complexe ? Ou en définitive, avec plus de sagesse et plus glorieusement, le talent inné, la richesse essentielle consistant à rendre les rapports humains agréables et harmonieux ?
 
Faire fonctionner son cerveau d'exception pour finalement vivre en guerre avec ses semblables, quel intérêt ? Autant acheter un mur de plomb avec une pierre en or.
 
La pénétration de l'esprit peut être une arme, la sottise une caresse. La première est vouée à détruire, la seconde à construire.

En dernier ressort chacun a le choix, la prédisposition, la vertu ou le vice d'utiliser le plein ou le creux qu'il a dans la tête soit comme une épée, soit comme une charrue. Sur ce point les simplets et les lumineux sont égaux : leur front demeure à la même distance du sol et du ciel. Qu'elles soient éteintes ou allumées, ternes ou brillantes, froides ou brûlantes, les ampoules humaines jouissent du même libre arbitre.
 
Cela dit, le haut potentiel cognitif aura tendance à succomber aux tentations des tortuosités de l'ombre et aux vertiges du péché, et au contraire l'héritier de l'épaisse couche de graisse autour du ciboulot flottera plus facilement dans les nuages de l'innocence, tel un obèse sur l'eau.
 
Le sur-diplômé hautement intelligent n'est pas nécessairement une bonne personne sous prétexte qu'il est doté de facultés mentales supérieures. De même, l'âne à la cervelle vide est capable de belles et saintes oeuvres : avoir la vue basse n'est pas incompatible avec la production de clarté.
 
L'imbécile nage généralement dans un bonheur simple et sans malice car il est naturellement peu porté sur le mal : son âme limpide est légère. C'est un pragmatique qui vit à la mesure de ses faibles moyens intellectuels. L'adepte de futiles abstractions cérébrales, quant à lui est plus enclin à souffrir pour des chimères et à porter des fardeaux absurdes, à penser inutilement à des choses qui fondamentalement n'en valent nullement la peine, perdant son temps à rêver sans fin à des affaires sans importance, à se poser des questions philosophiques qu'il sait pertinemment insolubles... C'est un tourmenté inadapté à l'existence ordinaire.
 
Le Q.I. à trois chiffres, cet attardé atavique qui va vainement chercher ses plus immédiates satisfactions ailleurs que sous ses pieds, reste inaccessible aux vastes possibilités et infinies étendues horizontales se situant avantageusement sur le plancher des vaches. Il considère cette terre ferme trop proche de ses semelles. Lui il aspire à la rupture de tout contact avec la poussière du bas, ce qui permettrait pourtant de l'enraciner fort judicieusement au réel. Il est décidément idiot.
 
Tandis que le cornichon, baignant dans sa bienheureuse ignorance, mûrit inlassablement au soleil de l'insouciance.
 
Ce qui le dépasse, il en fait de la purée. De la ratatouille. De la bouillie. Il écrase tout ce qui le domine du seul poids de sa salutaire et ingénieuse inertie.

Le génie du demeuré, c'est précisément de se maintenir de la sorte, certes involontairement mais efficacement, au-dessus des plus grandes pensées de son siècle.

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mercredi 20 novembre 2024

2222 - Leurre ou lueur ?

Texte d'après un tableau du peintre Aldéhy
 
Est-ce une arlequine ou une reine, un oiseau de théâtre ou bien une femme-messie, une baladine ou une prophétesse ?
 
Ses grands airs, c'est certain, lui confèrent l'envergure des destinées légendaires. Sa face impérieuse en dit long sur ses pensées insondables.
 
La figure de cette énigmatique incarnation reflète je ne sais quelle immensité : un océan de brume, un horizon de nuages ou peut-être un vaste souffle dans la plaine...
 
Hôte d'un cirque ou d'un trône, peu importe, cette inconnue arbore les allures augustes d'une voyageuse des hauteurs, d'une colporteuse de mystères, d'une apôtre des rêves.
 
Ce chaperon rouge au regard astral nous fixe comme une chouette. Ou comme une farce, pour le dire autrement.
 
On devine cependant la gravité de son âme et la légèreté de ses ailes. On sent l'importance de sa personne et on voit l'éclat de son front d'impératrice. On se doute qu'elle a d'illustres paroles a répandre sur le monde.
 
On s'imagine aisément que tant de prestance et de solennité doivent nécessairement représenter des causes supérieures... Mais faut-il vraiment se fier aux artifices de cette allégorie ?
 
Il est possible que cette royale présence ne soit finalement qu'un masque, qu'une vulgaire saltimbanque, qu'une ingénue grimée en oracle, qu'une simple étincelle d'un soir singeant une étoile.
 
Pitre ou mythe, les étranges rayons qu'elle dégage touchent les humbles mortels que nous sommes.
 
Qu'elle soit sincère ou qu'elle nous joue la comédie, il n'en reste pas moins qu'elle fait autorité par la seule vertu de sa tête surmontée d'un chapiteau d'écarlates certitudes...

Astre authentique ou flamme factice, cette vraie pharaonne ou fausse déesse nous apparaît, et c'est là l'essentiel, aussi pénétrante, inestimable et fabuleusement dérisoire qu'une poétesse.
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mardi 19 novembre 2024

2221 - Clinchamp, cet ailleurs sans fin

En septembre 1992 sans le savoir je suis allé rejoindre le sommet étincelant de mon existence, qui constitue également le gouffre de l'ennui et le pire cauchemar pour tout parisien joliment chaussé et passablement frileux.
 
Un point culminant nommé Clinchamp.
 
Sans m'en rendre compte et sur un inexplicable coup de tête, j'étais parti à la découverte de ce mystère qui devait changer mes humbles jours en heures glorieuses.
 
A l'époque ce village présentait les mêmes apparences qu'aujourd'hui : aussi ternes que possible et plus lourdes que jamais. Tout pour plaire aux rats esthètes de mon espèce et faire fuir les caniches en dentelles des grands boulevards de Paname qui puent le parfum.
 
Projeté malgré moi dans un espace extraordinaire à la rencontre d'un rêve palpable, je fis bien involontairement l'expérience d'un vertige qui n'a pas de nom. En me rendant dans cette contrée perdue, à bien y réfléchir, j'ai emprunté une route sans fin...
 
Et elle m'a emmené là où personne n'est encore parvenu : hors de ce siècle, au seuil d'une immensité, à deux pas de l'infini.
 
Ou pour le dire autrement, à la porte des nuages.
 
Voilà ce que j'ai compris : j'ai glissé sur je ne sais quelle bouse magnifique et lors de ma chute, emporté dans mon élan poétique, je crois bien que j'ai rejoint les plus hautes nues !
 
Plus de trente ans après, le sol pragmatique des bipèdes communs est demeuré loin de mes semelles.
 
En me rendant dans cette commune, je ne savais pas que j'y laisserais les plus beaux éclats de ma plume. J'étais bien jeune puisque j'ignorais tout de l'essentiel de ces champs d'ombres et de ces gens d'ailleurs.
 
Je ne connaissais rien ni de la puissance évocatrice du sillon de ces bouseux ni de la magie crépusculaire du fumier de leurs basses-cours.
 
Je quittai la capitale pour visiter ce centre national de tous les oublis, le coeur en éveil, mais ne m'attendant pas pour autant à y voir s'illuminer à ce point ma vie.
 
Je ne soupçonnais nullement ce choc, en toute innocence je me jetais dans la gueule des ploucs.
 
Moi j'arrivai dans ce trou pour y chercher des patates, j'en ramenai des étoiles. Je pensais me retrouver tout au fond d'une terre obscure, mais ce fut pour moi le plein ciel. Je connus le baptême des hauteurs, à propice distance des vaches en dessous, et paradoxalement si proche de leur cul.
 
La parfaite convergence de la boue et de la lumière.
 
Est-ce le hasard si le destin m'a enraciné à Clinchamp tout en m'y ajoutant des ailes ?

Mes pieds sont restés dans cet azur où vos normes ne comptent plus.

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dimanche 10 novembre 2024

2220 - La tempête Trump

Au début ils le qualifiaient de "clown". Ils se moquaient de sa blancheur, de sa force, de sa vertu.
 
Parce qu'il disait la vérité, il fallait l'abattre. Il a dit le vrai, il a gagné !
 
Sa flamme a embrasé le ciel des justes et son glaive a fracassé la face des menteurs.
 
Le prétendu pitre est devenu le roi  du monde.
 
Les cancrelats ne rient plus.
 
Avec sa cravate écarlate en guise de nez rouge, il a conquis les âmes claires et simples. Et terrassé les puissances sombres et tortueuses.
 
Les malfaisants pensaient pouvoir continuer à mentir, salir, détruire, sous-estimant le feu salvateur qui couvait sous le jabot carminé du présumé "gugusse"...
 
A présent que le soi-disant charlot est sur le trône, les calomniateurs pleurent, tremblent, fuient.
 
Eux les diables, lui le messie. Eux les loups, lui l'étoile. Eux les infernaux, lui l'ange.
 
Ces blattes éprises de toutes les ordures en vogue, affamées des pires salades de sornettes qui soient, attirées par les plus puantes soupes de ce siècle sont terrifiées par la lumière de leur adversaire.

Franche, tranchante et incendiaire, sa clarté triomphe de leurs putrides mollesses et sordides idéaux de déréglés, de cinglés, de dissolus ! 

Il a dynamité les honteuses idéologies à la mode et vaincu les nuisibles qui les défendent, ces idéalistes morbides aux idées d'avachis, aux moeurs de dépravés et aux apparences de larves... 

Il a écrabouillé les flasques décadents, pulvérisé les fluets gauchos aux cheveux fluo, aplati les gringalets Antifas, anéanti les irrécupérables dégénérés.
 
Les cafards de la gauche sont tordus, immoraux, pervers. Lui est droit, décent, pur.

Les fanfares célestes ont acclamé la venue sur Terre du libérateur, les urnes l'ont légitimé.

Sa victoire est totale. 

L'éclat de ce blond élu brûle la vermine et glorifie les intègres.

Les gens de bonne volonté, les esprits raisonnables, les vaillants et les sages, c'est-à-dire tout humblement les hommes de la rue honnêtes et dotés de bons sens, ont décidé qu'il était temps que la tempête de la révolte se lève et que l'aigle prenne son envol.

Trump, entouré par toutes les trompettes de la gloire, a décidément la trempe des héros !

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jeudi 7 novembre 2024

2219 - Femme de lune

Texte d'après un tableau du peintre Aldéhy
 
C'est la pleine lune, il est temps pour l'esseulée d'apparaître sous la lueur de la hanteuse des nuits, et dans l'étang de lui dévoiler sa sage nudité, de s'offrir à ses rayons froids avant de plonger dans l'onde bienfaisante.
 
Hors des regards humains.
 
Elle se livre en toute poésie à la chandelle lunaire. Telle une amoureuse, elle s'ébat dans les flots, loin de la fureur du monde, juste éclairée par le satellite.
 
Sélénée est la seule présence de sa vie de solitaire. La dernière consolation de son existence de recluse. L'unique étreinte qui atteigne son âme.
 
Elle se donne ainsi à l'astre en guise d'hyménée. Et le disque, si pâle mais si essentiel, apaise ses rêves inassouvis.
 
Il la comble de sa clarté de fantôme, l'embrase de son feu spectral, la possède de sa lumière nivéenne.
 
Elle qui cherche l'amour, elle trouve la brûlure de l'eau glacée contre son corps, la caresse des ronces sur sa peau, le baiser des cailloux sous ses pieds. Elle ne pense plus aux désirs de sa chair, à la soif de son coeur, mais à l'éclat de ce cierge qui, depuis le ciel, la pénètre
 
A travers cette union désincarnée elle accède à une jouissance supérieure, et mélancoliquement se noie dans les éternelles beautés cosmiques.

Elle la femme sans homme et l'autre, là-haut, sa lointaine flamme.

2218 - Une plume de poids

Il a parlé.
 
Il a formulé des mots de vie et de mort, de sang et d'amour, de braise et de glace.
 
Et ce qui est dit est dit ! On n’y revient plus.
 
Ses paroles d'oracle, il les a conçues dans sa tête, consignées sur papier, et même écrites de sa plume !
 
Et eux les ignorants, eux les éternels petits, eux les moins que rien, ils l'ont écouté, lu, analysé. Tous sacrément impressionnés par son implacable étalage de précieuse confiture.
 
C'est dire combien ce qui sort de sa bouche, de sa cervelle, de sa personne en général est importantissime...
 
Il a vraiment tout pour lui : la posture, les lunettes noires, l'allure méprisante, le verbe hautain, sa photo en noir et blanc.
 
Quel homme !
 
Une vraie statue. Une légende vivante. La géniale création du moment. Le sommet de qu'on fait de mieux en la matière. Le haut du panier des pensées rares et chères. Le plus grand chapeau du chapiteau.
 
Cet aigle de marbre est à lui seul l'incarnation de la sphère culturelle, intellectuelle et littéraire la plus sérieuse au monde. Jamais cet oiseau d'envergure n'oserait rire ni de ses ailes si aigües ni de son zèle à voler le plus loin possible du sol de ceux qui y sont toujours aussi lourdement posés.
 
Tourner lui-même en dérision la fière montgolfière qu'il est devenu après tant d'efforts ? Vous n'y songez pas ! Quel blasphème !
 
Quand on se sait à ce point magnifique, on se respecte !
 
Lui, il est fait pour le tragique, l'austère, le profond, le solennel, le ténébreux... 
 
Toutes ces choses tellement plus crédibles, plus smart, plus guindées que la rigolade ! D'ailleurs il  lui arrive d'éclater de sainte colère quand il le faut, face à ses détracteurs rieurs qui osent l'ouvrir.
 
La gravité lui sied à merveille dans son costume de corneille. Lui le noir corbeau, eux les pâles pigeons bien trop légers à son goût...
 
Enfin, n'oublions pas que ce digne corvidé est surtout un noble rapace des montagnes, comme nous venons de l'évoquer. Il a la griffe du glossateur maudit et le bec érudit de l'emploi.
 
Avec son inégalable et indéniable bagage baragouinant de docte baudruche, il fait quand même le poids devant ses contemporains.

Cette énormité se nomme Juan Asensio.

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lundi 4 novembre 2024

2217 - Douches glacées

Aux jours les plus rigoureux de l'hiver, bien avant le lever du Soleil, alors que je suis encore tout engourdi de sommeil, j'aime prendre des douches glacées.
 
Je m'asperge de cette pluie d'épines en serrant les dents.
 
La morsure du jet contre mon corps encore amolli par les tiédeurs de mon lit me réveille avec la brutalité d'un coup de fouet.
 
L'onde est cinglante.
 
Elle explose de joie contre ma peau de marbre et je rugis comme une bête prise au piège. Sur le coup, mon sang ne fait qu'un tour, des sentiments ultimes de révolte m'assaillent, des pensées vengeresses me montent à la tête !
 
Je souffre, tremble, me crispe, gémis... Et pourtant je suis aux anges. Heureux d'affronter la dureté extrême que je m'inflige à moi-même, de vaincre ma peur, de résister à la tentation du confort, je me sens fort, digne, beau, droit, grand, debout.
 
Grelotant mais plein d'éclat. Frissonnant mais vivant. Trempé mais palpitant.
 
Je reçois avec virile allégresse la brûlure salutaire de cette flamme de glace. Sa caresse aqueuse est féroce, ses baisers d'humidité sont tranchants.
 
Le coup de couteau d'eau me lacère le dos, me serre le cou, oppresse ma poitrine. Mais je ne suffoque pas pour autant : l'habitude de ce combat matinal m'a rendu aussi olympien que l'aigle dans ses calmes hauteurs et je garde mon souffle. Seule ma chair hurle sous cet orage réfrigérant. Cependant, aguerri par la pratique assidue de ces averses gelées, je respire sans entrave.
 
Ainsi doté d'ailes, j'endure le bienfaisant tourment.
 
Agressé par ces lanières de froid qui me pétrifient, je deviens une statue de givre.
 
Et je rayonne.
 
Je brille ainsi qu'une braise.
 
Le supplice dure encore une ou deux minutes avant que je ne quitte ce glacial enfer.

Lorsque je sors de cette austère ablution, vivifié par le choc, régénéré par l'épreuve, grandi par le courage, je ressens les moindres subtilités de l'air, les plus délectables douceurs de l'aube, les précieux petits riens de l'existence, tous ces humbles trésors décuplés par le vertueux martyre des flots frigorifiques.

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jeudi 31 octobre 2024

2216 - Les arbres et moi

Quand je sors en forêt, je pars à la rencontre de géants aux gueules dures, aux troncs inflexibles, aux bras  cassants, aux coeurs en bois et aux racines cachant plein d'histoires...
 
Les arbres sont des amis rêches au contact rude. Je me heurte à chaque fois à leur froideur de pierre et à leur silence séculaire. Ils prennent naturellement des allures augustes et leurs faces impassibles sont aussi impénétrables que le marbre.
 
Pas facile d'entrer en communication avec ces vastes statues végétales !
 
Pour paraître si austères, ces êtres tellement attachés à leur sol natal doivent penser à des choses bien profondes...
 
Plus ils pèsent lourd, plus leurs idées volent haut. C'est ce qui fait leur grandeur.
 
Vieux et noueux, ils semblent plongés dans d'insondables méditations... C'est peut-être d'ailleurs pour cette raison qu'ils ont les pieds sur terre et la tête dans les nuages.
 
Afin de mieux les approcher, je dois me montrer à la hauteur de leurs vues.
 
Avec leurs traits graves, leur peau rugueuse, leurs regards d'ogres, ils ne sont pas d'un abord aisé...
 
Je me confronte à leurs branches brutales comme si j'étais un fétu de paille, me sens une brindille devant leur présence imposante, me sais guère plus important qu'un roseau sous leur ombre écrasante.
 
Mais ce qui nous rejoint essentiellement, eux et moi, c'est qu'en dépit de nos pesanteurs et âpretés d'incarnés, nous portons en nous l’éclat des causes célestes et la légèreté des rêves.

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mercredi 30 octobre 2024

2215 - Je pulvérise le féminisme !

Je clame ouvertement mon antiféministe viscéral.
 
Je ne reconnais aucun droit aux femmes de se comporter comme des hommes.
 
Insensible aux revendications de ces pondeuses d'inepties, sourd aux caquètements idéologiques de cette volaille hystérique, indifférent aux doléances de cette espèce faite pour enfanter dans les larmes, je destine mes plus cinglantes répressions phallocrates à ces dindes  féministes.
 
Je crache sur leur autel putride.
 
Plus elles seront vindicatives, plus elles aviveront mes férocités.
 
Peu de beaux esprits -ou de virils tempéraments- assument d'exposer des positions aussi controversées que les miennes. Dans notre société aseptisée, rares sont ceux qui ont le courage de défendre les vues tranchées de leur âme intègre.
 
La plupart ont la trouille.
 
Ils préfèrent soit se taire purement et simplement, soit s'aligner veulement sur la pensée flasque de leurs contemporains castrés.
 
Ils choisissent la lâcheté intellectuelle et le confort social à l'éclat et la crudité des vérités éternelles.
 
Loin de ces avaleurs de petit lait et autres adeptes d'eaux plates, au lieu d'adopter les douceurs du mensonge et de me laisser caresser par l'air vicié de ces temps troublés, je me suis jeté avec gloire dans le feu !
 
Ce brasier céleste qui me galvanise et les brûle, eux les tièdes, eux les amorphes, eux les frileux !
 
De mon acier patriarcal je forge la massue avec laquelle je fracasse sans état d'âme les inconsistantes poteries doctrinales des suffragettes !
 
Je plume cette poulaille de gauche en rébellion contre la souveraine loi du mâle, je la vide, la broie, la réduis à ce qu'elle est en réalité : rien du tout.
 
Une fois dépecées, écrabouillées, anéanties, je place ces carcasses de bécasses sur le trône de leur infinie bêtise : le grill de l'ogre machiste triomphant que je suis !

Je ne fais qu'une bouchée de cette femelle engeance transformée en brochettes.

Ainsi finissent les adversaires de Zeus.

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mardi 29 octobre 2024

2214 - J'aime les vieux "fachos"

Moi j'aime les vieux "réacs".
 
Les vrais, les purs, les pas gentils.
 
Je me sens bien en compagnie de ces chardons à la dent dure, de ces loups aux vues carnassières, de ces citoyens cinglants et aigris, de ces enfants de la patrie mal vus à la poigne pas tendre du tout et à la pensée extrêmement droite !
 
C'est parce que leur verbe brûle de vérité qu'il me réchauffe tant le coeur...
 
Chez eux il y a des livres de Céline, des portraits de Pétain, des armes accrochées aux murs de leurs salons et plein d'autres choses pas jojos qui sont loin de me déplaire.
 
Ils parlent sec, pensent de façon tranchée, mangent tricolore, boivent de la vinasse de France, demeurent bornés en deçà de nos frontières et regardent  les étrangers franchement de travers.
 
Rien que pour ces quelques raisons qui paraissent futiles, ils ont toute mon amitié.
 
Leurs idées anguleuses sont taillées à la hache. Ils s'enflamment pour des querelles d'un autre âge, vouent leurs contemporains au fumier éternel, méprisent les moutons qui les entourent, détestent la démocratie qui les a vu naître.
 
Ils méritent mon estime.
 
Ces drôles d'oiseaux ne sont certes pas des mauviettes, eux au moins : ils volent aussi haut que les aigles, ne manquent pas de tempérament, chérissent la grandeur et cultivent chèrement le sens de l'honneur.

Voilà des hommes qui ne sont point des épaves !
 
Leur ciel idéal, même s'il semble bien noir aux yeux des frileux, n'en est pas moins éclatant. Ces parias de notre société aseptisée brillent tels des astres à travers mon regard complaisant.
 
Leur racisme -qu'il soit méchamment viscéral ou simplement civique-, leur idéologie enflammée, leurs défauts de fer, leur âme intègre ne rebutent que les faibles, les petits, les castrés : loin du flasque humanisme de notre siècle effondré, ils ruminent des sentiments de feu, de roc et de lumière !
 
Ils assument ce qu'ils sont sans masque ni excuse, ils défendent leur cause à visage découvert, fiers de leur rigueur, et affrontent avec courage les marées plates d'ovins au sang tiède.

Leur férocité non feinte me les rend drôlement sympathiques !
 
Ils ont l'immense avantage de détonner d'avec le reste des gens placides. Avec eux, le monde s'enrichit de caustiques différences et s'embellit de durables étincelles.

Ce qui a la vertu d'éclairer mes nuits peuplées d'ennui et de pimenter mes jours plombés de lassitude car avec les vieux "réacs", soyez certains que je m'amuse comme un fou !

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dimanche 27 octobre 2024

2213 - La surprise

Texte d'après un tableau du peintre Aldéhy

Depuis longtemps elle avait remarqué une forme vague s'agitant dans la brume, aperçu une figure claire brassant les flots, observé des mouvements incertains dans les marécages.
 
Quelle créature inquiétante, ou prodigieuse, pouvait donc se cacher sur ces eaux troubles, entre les herbes folles et les ombres mouvantes ?
 
Intriguée, rêveuse et ingénue, la jeune fille espérait voir un être fantastique surgir de cette végétation confuse.
 
Elle croyait aux spectres radieux, aux légendes étincelantes, aux étoiles tombées du ciel...
 
Amie du mystère, de l'étrange et du merveilleux, son coeur ne battait que pour des causes poétiques, lointaines, désincarnées.
 
Elle attendait que l'impossible se produise, la tête pleine de pensées lumineuses, l'âme aussi légère que possible.

Entre naïveté et idéalisme, elle cherchait l'exaltation.

Mais un matin la bête sortit des profondeurs et s'éleva dans les airs, juste devant ses yeux. Ce qui la réveilla brutalement de ses illusions.

Et ce qu'elle vit fut finalement bien mieux que ce qu'elle avait imaginé.

Un ange la salua de ses ailes blanches.

Eclatant de beauté, paré de sa robe somptueuse, il s'agissait tout simplement d'un cygne.
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samedi 26 octobre 2024

2212 - Promenade en forêt

Octobre est un ogre à la barbe ocre et aux haillons d'or.
 
Une immensité de braises sous un ciel de glace, un océan de flammes couchées sur le sol, un déluge d'étoiles éphémères mettant le feu sous nos chaussures mouillées.
 
Oui vraiment, l'automne est un fracas de couleurs cuivrées, une illumination d'arbres en deuil, une déflagration végétale aux étincelles pleines d'artifices.
 
J'entre dans la forêt comme dans un tombeau lumineux.
 
L'explosion de feuilles me réveille et l'orage d'oxygène me fait aussitôt tourner la tête. Les ombres m'écrasent, les troncs m'effraient, les senteurs m'allègent.
 
Mes pas en ce lieu résonnent telles des bombes dans un cimetière. Et il me semble que tous les hôtes qui s'y cachent les entendent.
 
Sous les crissements de mes semelles, je ranime des fantômes endormis. Rien qu'en marchant, je fais jaillir d'invisibles entités de l'humus. Juste en passant dans ce bois, je ravive des vieilles légendes oubliées...
 
La sylve se referme sur moi : elle m'embrasse de ses baisers jaunis et m'enveloppe de ses bras de cadavre.
 
La mort y apparaît toute dorée et l'air y demeure poisseux de mélancolie. Loin de la pureté des sommets, proche des lourdeurs de la terre avec ses parfums d'humidité et de pierre, la saison enflammée inspire au promeneur des rêves aussi funèbres que radieux.

Elle incarne dans toute sa splendeur la tempête statique et le tonnerre poétique.

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