samedi 13 décembre 2025

2481 - Mon cinéma

Mes rêves de taulard s'affichent régulièrement sur les murs de ma cellule. Quatre écrans vides aux côtés de ma carcasse presque éteinte. Un carré de ténèbres passives que je puis à ma guise animer, éclairer, peupler de fantômes étincelants en y projetant tout simplement le meilleur de moi-même.
 
C'est aussi de cette façon que je me revigore de fables inopinées, m'abreuve de voyages sans fin, me nourris de lumières nouvelles : avec ce que j'ai sous les yeux. Mon imagination m'emporte là où je veux, loin de ce tombeau de condamné à perpétuité qui me sert tout à la fois de mini-cuisine, de pièce de séjour, de cachot, de chambre et de chiottes.
 
Un véritable salon de salaud de détenu !
 
Ces portes de cercueils dressées autour de ma vie totalement restreinte m'accompagnent dans les immenses prairies fleuries et de mon âme en évasion. Ce sont là de mortes et sinistres compagnies avec qui je chemine souvent de soupirs en sanglots, certes. Mais quand il le faut, elles se déploient également telles des ailes de choix qui m'entraînent vers des songes radieux et des envolées fulgurantes : ce quatuor de spectres noirs m'escorte habituellement jusqu'au fond du gouffre il est vrai, mais surtout au coeur de mon infini onirique...
 
Je fais ainsi voler en lyriques éclats les lourdeurs carcérales qui m'écrasent et m'étouffent !
 
Combien de soirs suis-je de la sorte parti en vadrouille en direction des étoiles, tous feux intérieurs allumés ? Ma geôle devient ma salle de cinéma. Sur ces toiles qui m'encerclent et sur lesquelles s'étalent fantastiquement mes mirages contrôlés, je trace ma route d'aventurier statique et creuse le sillon poétique de ma pathétique existence de reclus.

J'invente n'importe quel prétexte à ma portée, même misérable, même délirant, pour faire naître du néant qui m'entoure des histoires dignes d'un géant... Et pouvoir monter un peu, atteindre les nuages, toucher le ciel, me placer au niveau d'un demi-dieu. 

Le temps d'une passagère ivresse, d'une brillante illusion, d'un râle de désespoir de ce pauvre enfant que je suis, perdu dans sa cage de solitude.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Pour ceux qui le peuvent, merci de soigner le style, de respecter l'orthographe, la grammaire et la ponctuation. Aucune censure n'est appliquée aux commentaires, dans la mesure où le propos est pertinent.