Mes rêves de taulard s'affichent régulièrement sur les murs de ma cellule.
Quatre écrans vides aux côtés de ma carcasse presque éteinte. Un carré de
ténèbres passives que je puis à ma guise animer, éclairer, peupler de fantômes
étincelants en y projetant tout simplement le meilleur de moi-même.
C'est aussi de cette façon que je me revigore de fables inopinées,
m'abreuve de voyages sans fin, me nourris de lumières nouvelles : avec ce que
j'ai sous les yeux. Mon imagination m'emporte là où je veux, loin de ce tombeau
de condamné à perpétuité qui me sert tout à la fois de mini-cuisine, de pièce de
séjour, de cachot, de chambre et de chiottes.
Un véritable salon de salaud de détenu !
Ces portes de cercueils dressées autour de ma vie totalement restreinte
m'accompagnent dans les immenses prairies fleuries et de mon âme en évasion. Ce
sont là de mortes et sinistres compagnies avec qui je chemine souvent de soupirs
en sanglots, certes. Mais quand il le faut, elles se déploient également telles
des ailes de choix qui m'entraînent vers des songes radieux et des envolées
fulgurantes : ce quatuor de spectres noirs m'escorte habituellement jusqu'au
fond du gouffre il est vrai, mais surtout au coeur de mon infini onirique...
Je fais ainsi voler en lyriques éclats les lourdeurs carcérales qui
m'écrasent et m'étouffent !
Combien de soirs suis-je de la sorte parti en vadrouille en direction des
étoiles, tous feux intérieurs allumés ? Ma geôle devient ma salle de cinéma. Sur
ces toiles qui m'encerclent et sur lesquelles s'étalent fantastiquement mes
mirages contrôlés, je trace ma route d'aventurier statique et creuse le sillon
poétique de ma pathétique existence de reclus.
J'invente n'importe quel prétexte à ma portée, même misérable, même
délirant, pour faire naître du néant qui m'entoure des histoires dignes d'un géant... Et pouvoir monter un peu, atteindre les nuages, toucher le ciel,
me placer au niveau d'un demi-dieu.
Le temps d'une passagère ivresse, d'une
brillante illusion, d'un râle de désespoir de ce pauvre enfant que je suis,
perdu dans sa cage de solitude.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire