samedi 30 septembre 2023

2085 - Les tomates de Clinchamp

A Clinchamp tout ce qui mûrit pâlit.
 
Mais seulement en apparence, précisons-le.
 
Sous l'ambiance d'éternelle apathie dominicale, par la force des choses et contre la volonté des hommes -mais quand même avec la complicité de ses habitants hibernaux aux moeurs de fossiles-, la lumière de ce lieu si particulier finit par s'édulcorer.
 
Et les fièvres estivales se terminent en léthargie d'arrière-saison : dès que des flammes s'allument dans cette cambrousse statique sans heurt ni tambour, des pluies extinctrices les suivent de près.
 
Ainsi dans ce village habitué à ne frémir qu'au son sédatif des cloches de l'église -parfois aux meuglements lourds et familiers des vaches-, les tomates des potagers ternissent-elles aux yeux du visiteur, tant elles apparaissent insignifiantes dans ce décor de somnolence généralisée.
 
Et passent quasiment inaperçues.
 
Comme si sur ce sol pourtant fécond les rouges solanacées étaient finalement devenues, sous les regards des témoins, des ombres surgies du sillon, des sortes d'astres horticoles éteints, des braises refroidies sorties de terre.
 
Manger une salade de ces fruits écarlates en août dans ce trou de la Haute-Marne entouré de champs, c'est s'imprégner de l'intérieur de toute la torpeur de cette contrée de dormeurs.
 
Mais c'est surtout s'enivrer de saveurs acidulées aux relents de vieille France enracinée dans ses profondeurs pétrifiées : une aventure gustative et digestive aux effets puissamment narcotiques.
 
Un voyage sur le dos du mortel ennui où le gourmet non averti partira loin, haut, durablement, dans des rêves bucoliques vertigineux.
 
Là bas, aux antipodes du monde des vivants, la belle endormie des jardins semble bien inoffensive, vue de l'extérieur, mollement suspendue à son plant, à attendre l'heure de passer à la casserole...
 
En réalité, sous le ciel assoupi de ce royaume anonyme nommé Clinchamp, ces petits corps charnus et rubiconds sont des végétaux explosifs.
 
De vraies bombes soporifiques.

VOIR LA VIDEO :

mardi 26 septembre 2023

2084 - Jérôme Bourbon

L'ange gardien de "RIVAROL" est un sacré diablotin !
 
Justicier céleste de la cause la plus sulfureuse de la droite, Jérôme Bourbon tressaute et s'enflamme, détone et bondit, peste et tempête !
 
Infatigable figure du conservatisme le plus pétrifié, ses idées sont explosives.
 
L'humeur toujours au beau fixe, le costard canonique, la frange éloquente, intarissable sur les sujets que les progressistes qualifient de "puants", ses paroles cinglantes fusent avec un débit de moulin électrique.
 
Jovial et percutant, ce volcan sans répit aux fumées redoutables respire le bon air de la vieille France.
 
Les braises de son patriotisme suranné s'allient à merveille aux cendres de ses moeurs délicieusement désuètes : le personnage a l'envergure des mythes et l'éclat des orties. Il fait rêver les dévots et pique les mécréants.
 
Avec ses positions intenables sur les questions les plus sensibles de notre société, ce petit roi de l'insoumission trône courageusement sur une poudrière.
 
Attaqué de toutes parts, il résiste vaille que vaille, caustique et combatif tel l'aiguillon dardant d'une guêpe aux aguets.
 
Seul contre le système.

Pour ce siècle impie, il rayonne comme un bouffon.

En réalité, dans ses hauteurs solitaires et incorruptibles, il a les splendeurs de l'aigle.

samedi 23 septembre 2023

2083 - Les chats de Clinchamp

A Clinchamp les félins sont maigres, sales, méchants, pas beaux.
 
Mal nourris, peu aimés, furtifs, ils vagabondent comme de gros rats à la recherche d'on ne sait quels rêves à portée de leurs griffes. Réfugiés dans l'ombre, ils fuient le jour et les gens comme des malfaiteurs.
 
Méfiants envers les humains, ils se cachent dans des trous, des herbes hautes, des granges ou des greniers. Considérés par les habitants tantôt comme des nuisibles, tantôt comme de simples intrus, parfois comme des amis douteux, les chats de cette campagne reculée sont heureux malgré tout.
 
En ce lieu aussi improbable que propice, ils jouissent d'un bonheur suprême, précisément parce qu'ils sont à l'écart de tout, loin du bruit, à l'abri dans l'oubli. Ils ne demandent pas mieux. Le village pour eux est un cocon où ils jouissent de la liberté des loups. Là, ils sont épargnés par la civilisation. Privés d'aliments artificiels, préservés comme une espèce rare, ils avalent des oiseaux quand ils le peuvent, dévorent des souris s'il en reste et se régalent de lendemains difficiles.

Farouches, affamés, débrouillards, par la force des choses ils ont gardé intacts leurs instincts de prédateurs. Et leurs moustaches n'attirent point les enfants comme leurs congénères des villes, car eux, les fureteurs de Clinchamp, ne sont pas mignons du tout !

Moi j'aime ces carnassiers à demi-sauvages qui miaulent de faim sous la Lune, se frottent sur les souches en quête de caresses, crachent sur les mains tendues... Ils ont le ventre vide souvent, le coeur plein de fiel envers leurs hôtes distants, et la fierté de leur race des oreilles jusqu'à la queue.

Ils se plaisent dans ce décor de siècle périmé, d'horizons brefs et de chemins perdus ! Ils se roulent sous les étoiles, terribles et insoumis, joueurs et féroces, prêts à sauter sur la moindre proie frôlant leurs crocs !

Ces petits fauves sont dans leur paradis là-bas, entre joies de leurs repas sanguinaires, âpreté de leur condition de vie et beautés des soirs baignés de paix champêtre.

Visiteurs, vous serez effrayés par leurs feulements nocturnes et, comme beaucoup, vous les prendrez pour des spectres quadrupèdes... Et sachez que cela ne se passe pas ailleurs au monde que dans ce coin précis que l'on pourrait appeler "nulle part" ou bien "le point culminant de l'inconnu".

Décidément, il se passe de drôles de choses dans cette commune de la Haute-Marne aux apparences si insignifiantes !

VOIR LA VIDEO :

2082 - Poupée d'ailleurs

(D'après un tableau du peintre Aldéhy)

On pourrait croire qu'elle est issue de la steppe russe, qu'elle est née sous une tente quelque part dans des immensités encore vierges et sauvages de notre planète, qu'elle est fille de terres sacrées, héritière de contrées légendaires et immémoriales...
 
Il n'en est rien.
 
En réalité c'est une rêveuse, une âme égarée dans ses légèretés, un oiseau aux teintes d'azur.

Un pur esprit vêtu telle une simple mortelle.
 
Et comme il faut bien arborer des allures terrestres, pourquoi ne pas les choisir au plus proche des couleurs célestes ?
 
Cet être n'est pas de notre monde. Sa tête vole ailleurs, son coeur bat pour des causes impénétrables, son souffle vient de haut.
 
Les pieds bien posés sur le sol, l'ingénue n'a rien de mieux à faire que de projeter ses pensées en l'air. Sous le ciel elle fait pousser ses ailes, en somme. Ainsi qu'une plante au destin astral. Ou un caillou au devenir de bulle.
 
Et apparaît aux yeux des hommes comme une poupée au regard de femme, afin de passer inaperçue, mine de rien, car elle souhaite rester seule et immaculée.
 
Mais on la voit cependant, avec sa présence lunaire.
 
En plein Soleil, son visage pâlit pourtant, comme si elle voulait s'effacer, se soustraire à ses rayons trop crus. La brûlante lumière d'Hélios la transperce et la rend fantomatique. Cette créature aérienne ressemble à une neige qui ne veut pas s'évaporer sous l'éclat solaire. Mais demeurer éternelle, belle et intouchable dans ses impalpables sommets.
 
Et continuer de briller, entre le gel du firmament et la pénombre du crépuscule, loin au-dessus des nuages.

Elle pèse autant que la plume, celle qui a tant d'histoires à raconter aux curieux qui voudront bien croire à tant de folie, puisque l'asile véritable de cette songeuse aux cheveux d'éther se nomme... la Lune.

VOIR LA VIDEO :

mercredi 20 septembre 2023

2081 - Pierre de feu

Je ne suis pas un sucre inconsistant de notre époque.
 
Moi, je prône la dureté, la virilité, l'effort dans l'âpreté, la joie dans l'épreuve, la souffrance fructueuse et les larmes fécondes.
 
Mais surtout, la gloire dans la force.
 
Je n'écoute ni les cloches fêlées des perdants ni les pleurnicheries des caniches.
 
Je ne m'allie point aux brindilles, aux ombres, aux brises, n'étant attiré que par l'éclat du Soleil, les flammes des carnassiers, la lumière des loups.
 
Je ne tends la main qu'aux porteurs de crinière, ne fraternise qu'avec les rois, n'invite à ma table que les avaleurs de sabres.
 
A mes yeux l'égalité est la mesure des faibles. Le confort, le luxe des mous. La morale du siècle, l'horizon indépassable des médiocres.
 
Je vois la femme non comme un flasque, tiède, insignifiant baromètre socio-culturel  servant à soumettre les mâles hormones ou bien à ajuster les pensées de fer des seigneurs de mon espèce, mais comme la servante de l'homme supérieur qu'elle est en réalité.
 
Sa docilité à la cause masculine est une vertu, une bénédiction, la condition essentielle à son bonheur d'amante, de cuisinière, de mère.
 
Je n'appartiens pas au troupeau des émasculés fiers de leur épilation, contents d'être des coqs en tutus, heureux de tous se ressembler dans l'effacement, le nivellement, l'édulcoration.
 
Moi je brille, je brûle, je vis.

Et pulvérise d'un seul crachat de cinglante vérité ces vases fragiles que sont devenus mes contemporains assujettis aux lois absurdes, contre-nature, iniques et déshumanisantes imposées par la volaille féministe à qui je prédis le sort réjouissant de finir dévorée par Zeus, c'est-à-dire par moi-même, à la sauce de neige et de feu.

VOIR LA VIDEO :

mardi 19 septembre 2023

2080 - Les champs de Clinchamp

Si vous rêvez de vous faire oublier de ce siècle, de vous égarer sous d'autres étoiles, de vous enraciner dans un univers vertigineusement plat, exilez-vous à Clinchamp ! Autour de ce village les champs sont des infinis à portée de semelle, d'éblouissantes galaxies crotteuses, des océans de fécond ennui et des gouffres de lumineuse mélancolie.
 
Croyez l'austère esthète que je suis : vous ne vous déplairez pas dans cette campagne brute, plombée, mortelle, pour peu que vous soyez sensibles aux charmes des horizons sans gloire, des ciels en larmes et des épouvantails à visages mornes.
 
Les vaches auront pour vous des séductions de gargouilles, comme des rochers chaleureux éparpillés dans les prés. Les crépuscules illumineront vos âmes assoiffées de quiétude sépulcrale. Chaque journée passée en ces terres de pétrification sera comme un interminable et inoubliable dimanche de léthargie qui vous procurera une sensation d'éternité.
 
Rien ne s'oublie en ce pays où rien ne se passe ! Les moindres insignifiances y valent de l'or, en termes de vécu. Les événements pèsent lourds en cette contrée ignorée de la Haute-Marne, précisément parce qu'ils sont légers.
 
Une simple bouse au bord du chemin, quelques ombres dans la prairie, une brise dans les herbes éparses peuvent faire l'objet de romans, de fantasmes, de suppositions à n'en plus finir... Etre source de préoccupations soudaines, d'introspections enflammées... Enrichir de longues soirées solitaires de réflexions, peupler des nuits d'espoirs ou d'inquiétudes...
 
Là-bas le temps ne se compte pas en heures ou durées quelconques mais en nuages, en attentes, en soupirs, en éclaircies ou bien en pluies. L'évasion y est toujours verticale : soit on s'attarde sur les lourdeurs du présent, on stagne sur le sol, on s'enlise dans la boue, soit on s'envole en direction opposée à la poussière et aux cailloux.
 
L'avantage inattendu de ce trou à bovidés, c'est qu'il donne des ailes aux hommes éveillés comme aux rats crevés. Il fait oublier les pesants artifices de la civilisation pour les remplacer par des petits riens de prix.
 
Les espaces terreux de Clinchamp, qu'ils soient creusés de sillons ou en friche, pleins de torpeur ou remplis de déprimante humidité sont de ternes immensités où l'esprit se déleste de ses propres petitesses que, vous les citadins, vous prenez pour des grandeurs.

Tel est le miracle qu'opère ce lieu totalement dénué d'attrait.

VOIR LA VIDEO :

vendredi 15 septembre 2023

2079 - L'éclosion

(Texte d'après un tableau du peintre Aldéhy)

Un visage sort de l'ombre.
 
C'est une jeune femme venue d'un vaste crépuscule, d'une brume infinie, d'un horizon sans nom...
 
Ou peut-être d'un rêve, qui sait ?
 
Le regard apparaît tel un marbre, le front se lève pareille à une aube, la bouche reste close ainsi qu'un grand silence. A quoi pense-t-elle, cette âme à l'image d'un ailleurs, d'une interrogation, d'un mystère ?
 
Elle a l'air de se réveiller d'un long sommeil, de remonter d'un siècle oublié, de revenir d'un voyage lointain.
 
Elle a une histoire à raconter, des pensées à dévoiler, des flammes à allumer. Mais aussi de nouvelles portes à ouvrir, des matins à saluer, une terre à découvrir.

Et surtout, une nuit à quitter, un chemin à parcourir, un royaume à établir.

Ces choses se lisent sur ses traits de cendre et de braise.

On devine son ciel aussi secret qu'un sépulcre. Cette fille ressemble à une énigme, comme une eau calme reflétant un azur encore flou mais déjà rempli de lumière. Que nous dit-elle ? Ou plutôt, que nous cache-elle ? On sent que tout est sur le point de changer, que derrière le voile de brumes brillera bientôt un soleil.

La face ranimée prend des allures solennelles. L'astre endormi revient à la vie. Le coeur de cette esseulée commence à battre.

C'est son premier jour d'amour.

VOIR LA VIDEO :

jeudi 14 septembre 2023

2078 - Vacuité des bouquinistes

Ils se croient à la pointe de la pensée, s'imaginent évoluer dans les sphères les plus nobles de l'esprit, se sentent au sommet de l'échelle de la sensibilité sociale.
 
Pauvres par leur condition professionnelle peu rentable, ils opposent non sans fatuité la modestie de leur existence matérielle à l'éclat supposé de leurs jours remplis de solitude et de poussière.
 
Et mettent leur insuccès quant aux gloires de ce siècle sur le compte de leur prétendue richesse intellectuelle. Le contenu de leur cervelle, qu'ils brandissent jalousement comme un trophée immatériel sans prix, est la seule chose qu'ils mettent en avant pour justifier leurs naufrages commerciaux, leur isolement, le peu de reconnaissance dont ils jouissent dans le grand public.
 
Ils disent mépriser les honneurs, l'argent, l'artifice.
 
En vérité ils sont gonflés de leur orgueil de rats de parchemins.
 
Ces petits aimeraient porter le masque de la grandeur, sans y parvenir... La preuve : aucun d'entre eux ne sort de son trou pour y briller au milieu des autres gens.
 
Tous ces reclus de la société se réfugient dans les ténèbres de leurs bouquins, incapables qu'ils sont de vivre sous le Soleil de la convivialité universelle. Sélectifs jusqu'à s'exclure des cercles amicaux trop éloignés de leurs habitudes de solitaires, ils s'enferment dans leurs boutiques vieillottes qui s'apparentent à des antres d'autistes, à des cavernes d'ours, à des grottes d'érudits pétrifiés.
 
Autant dire à des tombes.
 
Leurs livres représentent en vérité le coeur d'une secte.
 
Les libraires sont des gens parfaitement inutiles. Des menteurs. Des raconteurs de sornettes. Des brasseurs de néant. Des flagorneurs qui ne cherchent qu'à vendre du vide à leurs gogos de lecteurs qui se pensent supérieurs sous prétexte qu'ils lisent des histoires au lieu de faire pousser concrètement des salades dans leurs jardins.
 
Marchands de papiers voués au vent mort des bibliothèques, promoteurs de mots creux promettant des mets de feu, négociants de vraies fumées et d'imaginaires pages enflammées, les bouquinistes ne valent rien.

Contrairement aux électriciens qui eux apportent l'authentique lumière dans les foyers, aux plombiers  qui empêchent les flots d'eaux malodorantes de se répandre dans les maisons ou aux primeurs des marchés qui ne peuvent pas mentir sur leurs marchandises étalées avec franchise et que l'on peut même tâter, humer, goûter avant d'acheter, les vendeurs de vieilleries, de pavés et de grimoires, eux ne font que proposer aux hommes de manger, que ce soit à grands frais ou à petits budgets, des kilos de verbe en l'air.

VOIR LA VIDEO :

mardi 12 septembre 2023

2077 - Les toits

Les toits de nos maisons sont les derniers refuges isolés de nos cités, les horizons ultimes de notre monde urbain.
 
Plus proches du sol que du ciel et pourtant hors de notre portée, ces hauteurs à dimensions humaines ne sont paradoxalement accessibles qu'aux volatiles et aux félins. C'est même là leur céleste asile pour les premiers, leur terrain de jeu pour les seconds.
 
Rares sont les humains s'aventurant sur ces îlots verticaux.
 
Seuls les charpentiers, les ramoneurs et quelques étranges bipèdes voltigeurs y posent leurs pieds. Les autres n'y font que poser leurs regards ou bien laisser courir leurs rêves...
 
Ces endroits inhabitables situés loin du plancher des vaches sont les demeures privilégiées des êtres pleins de légèreté : ceux faits de plume et d'esprit essentiellement.
 
Les amoureux qui se cachent sous les lucarnes pour y laisser déborder leur folie romantique, ou leurs larmes, aiment à se retrouver à la même altitude que ces sanctuaires de chaume ou de roc où nul ne les voit, temples exposés à tous les vents, à toutes les clartés, à toutes les ondes. Là juste au-dessus de leurs têtes.
 
Quant aux poètes, ils s'attardent des nuits entières à imaginer que des histoires à dormir dans l'azur se passent secrètement là-haut... Jusqu'à ce que la Lune vienne les sortir de leur féconde torpeur en éclairant tuiles et ardoises de sa flamme morte, pendant que les sceptiques dorment.
 
Les saisons tantôt arrosent, tantôt assèchent ces lieux aussi pointus que pentus dans les fracas des jours tourmentés ou bien dans les silences des nuits gelées, tandis que plus bas la vie ordinaire coule paisiblement, indifférente aux brumes, aux feuilles échouées, aux égratignures des ans comme aux brûlures du Soleil, en ces points culminants...
 
Et c'est là, tout près des cheminées, au bord des gouttières, entre la caresse d'Éole et le vertige du vide que je me projette tel un oiseau ou bien un chat, perché sur les toitures de la ville, ainsi qu'un Quasimodo des sommets communs.

Et je me figure sur ces cimes, observant les hommes depuis ma tour d'ivoire faite de pierre et de zinc, roi des espaces aériens, ami des pluies, des tempêtes et des girouettes, comme si j'habitais désormais non plus sur Terre mais dans les nuages.

VOIR LA VIDEO :

dimanche 10 septembre 2023

2076 - Freud

Le père de la psychanalyse a inventé la fumée psychique.
 
Ou pour le formuler autrement, il a fait naître à partir du fécond néant de sa cervelle troublée la plus incontestée des vérités brumeuses : un évangile de vent, une science floue, une culture profondément creuse.
 
Une boursouflure mentale.
 
Pour ne pas dire un mensonge éclatant, adaptable à toutes les pensées faibles.
 
Il passa maître dans l'art de produire des âneries que picoreront sans broncher les pigeons du monde entier, génération après génération, et ce pendant des siècles.
 
Ce plaisantin a fait boire sa tasse de thé tiède, inodore, incolore, mais pleine de parfums imaginaires et brillante de bulles aux reflets d’ampoules, à tous les naïfs érudits assoiffés de riens érigés en absolus... Quel exploit !
 
Bref, il doit sa gloire à la crédulité de ces masses raffinées et éduquées, composées de doctes benêts et de bécasses de salon en mal d’abstractions à la mode.
 
Séduits par ses savantes sornettes, les gobeurs d'imbécillités se sont laissé éblouir par la barbe de feu de cet apôtre de la pompe cérébrale et champion du vide.
 
Puis doucement enfumer par sa plume nébuleuse...
 
Ou dans l'ordre inverse, mais peu importe, le résultat est là : le mythe est né.
 
Et plus aucun intellectuel ne pourra, après ce raz-de-marée de rutilantes inepties qu'incarne aujourd'hui encore Freud, ébranler cette montagne de papier qu'il représente, sans passer pour un ignare, un hurluberlu.
 
Or le vrai rigolo dans cette affaire, c'est bien Sigmund. Cet auguste clown est à l'origine de concepts idiots, contre-nature, grotesques, absurdes, mais qui ont eu l’immense avantage d‘être entérinés par la bêtise généralisée, la mollesse et la paresse d'une intelligentsia acquise aux idées en vogue les plus saugrenues, pourvu qu’elles soient émises par des personnages aux apparences graves et dignes...
 
C'est son auditoire et lectorat de dindons engoncés dans des certitudes de foire qui ont fait de cette vaste farce une légende de marbre.
 
Esprit tordu à l’avenir prometteur, ce furieux délirant est devenu l’ami des fous sérieux.

Notre société déboussolée a finalement donné raison aux plus hautes folies de ce disciple des vacuités.

Monnayées à prix d'or sur le divan aux alouettes.

VOIR LA VIDEO :

jeudi 7 septembre 2023

2075 - Sport

Le matin éclaire le monde de son éclat glacé et je me lève tel un pic.
 
Aujourd'hui tout comme hier, j'ai un sommet à atteindre, un royaume à conquérir, un horizon  à dépasser : mon corps à sculpter.
 
Je veux devenir une statue de muscles et d'élégance. Un marbre de chair fine et ferme. Une figure de puissance et d'équilibre.
 
Une plastique divine.
 
Je cours et me mets à monter, je saute et je sens que des ailes remplacent mes bras, je perds haleine et je m'envole !
 
L'effort me façonne tout en harmonie. Ma peine me donne accès aux palmes. Mon élan humain me rapproche de la légèreté céleste.
 
Le sport rend l'homme plus grand qu'il ne croit : il devient l'égal de l'oiseau.
 
Et ressemble aux anges énergiques.
 
En transpirant, soufflant, m'activant sans jamais faiblir, je progresse, me fortifie, me déleste de mes inutiles pesanteurs.
 
Et brille jour après jour, aussi beau qu'un astre.
 
Tandis que mon anatomie entre en guerre, mon âme s'apaise. Oui, quand ma carcasse souffre, mon esprit se repose. Le travail musculaire est une détente royale : seuls les aigles de ma race ont ce privilège.
 
Alors que certains suent en pestant comme des rats rampants, nous les joyeux athlètes nous voltigeons dans la douleur.
 
Bref, au bout de ma fatigue, loin de mon point de départ, après avoir emprunté l’âpre chemin des héros, enfin parvenu en haut de la montagne, une porte olympique s'ouvre devant moi.
 
La lumière qui en émane magnifie ma silhouette.

J'ai gagné mon trophée esthétique.

VOIR LA VIDEO :

mardi 5 septembre 2023

2074 - Le simplet de Clinchamp

Autrefois à Clinchamp vivait un aimable benêt  au coeur tendre et aux vues simples.
 
Seuls comptaient pour lui la douceur des sentiments, l'éclat des fleurs et les sourires de ses semblables.
 
Il ne percevait ni le mal du monde ni la laideur des choses. A ses yeux ses jours sans malice passés sur Terre lui apparaissaient invariablement beaux et les hommes qui l'entouraient universellement bons.
 
Au-dessus de sa tête le ciel était fatalement peuplé d'hôtes ailés. Et les nuages représentaient nécessairement les plumes des anges. De cela il ne doutait pas !
 
Le simplet de ce village, que tous considéraient comme un éternel enfant, parlait de choses inconcevables, racontait ses visions merveilleuses, tentait de convaincre les incrédules de la réalité de ses voyages intérieurs extraordinaires, de la hauteur de ses rêves palpables, de la qualité de ses rencontres avec des êtres quasi célestes.
 
Bien sûr, on l'écoutait avec amusement, indifférence, voire ennui.
 
Nul n'accordait, au fond de ce trou de la Haute-Marne, la moindre importance aux propos de cet innocent. On le voyait arpenter les chemins, parcourir la plaine, s'égarer dans les bois tout en se concertant avec les herbes folles, les vaches, les arbres et les oiseaux. Et même quelques épouvantails.
 
Il allait et venait du matin au soir à travers la campagne, toujours joyeux, ahuri, infatigable, en quête de vent, de chimère, d'infini peut-être, entraîné par sa douce folie.
 
Plus personne ne prêtait attention à ses divagations, il faisait partie du paysage.
 
Il vécut ainsi très longtemps dans la commune qu'il ne quitta d'ailleurs jamais. Tout au long de sa riche existence, il connut d'incroyables aventures au sein de ce clocher perdu, même si aucun habitant ne crut une fois à ses affirmations.
 
A sa mort on ne fit guère de bruit autour de sa dépouille. Ce fut une journée comme les autres, là-bas à Clinchamp : mortellement léthargique.

Sauf que ce que nul ne sut et n'aurait osé croire, c'est que cet esprit hors-sol qui semblait générer tant de sornettes depuis près d'un siècle (il mourut presque centenaire), incarna en réalité dans l'ignorance générale toute la légèreté, la lumière et l'intelligence de ceux qui sur cette planète ont préféré voir l'immensité des petites choses à portée d'âme plutôt que le néant des vacuités s'étalant sous les sabots des lourdauds !

dimanche 3 septembre 2023

2073 - Les oiseaux de Clinchamp

Quand tout est mort à Clinchamp et que plus rien n'est à attendre, quand le ciel devient l'égal des champs et que l'azur a le même poids que les vaches dans l'oeil du visiteur revenu de tout, quand à force d'ennui et d'inertie la lumière des hauteurs vaut autant que la poussière des chemins, il reste les oiseaux.
 
Pour ne pas tomber plus bas, pour continuer à espérer pouvoir s'envoler, avec ou sans eux.
 
Les volatiles de ce trou mortel, aussi ternes soient-ils, sont les derniers témoins de ce bout de la terre à nous montrer la voie royale : celle du voyage vertical.
 
Au-dessus des dimanches de plomb de cette contrée pétrifiée, des têtes étriquées des habitants de ce village et de leurs sabots prisonniers d'habitudes sans issue.
 
Ces êtres d'ailes et de plumes sont les seuls capables de se hisser jusque dans les rêves ultimes de ceux qui demeurent sempiternellement englués dans la vase des jours tous pareils et le vide sidéral des nuits sans espoir.

En effet, corbeaux et autres messagers des nuages s'éloignent des communes pesanteurs pour parcourir le firmament champêtre de ces lieux où vont et viennent humains et bovins, afin de rejoindre, là-haut, leurs secrètes pensées, précieux sentiments d'hommes et de bêtes, et leur en ramener la suprême essence.

Sous forme soit de chant rauque, soit de flamme onirique.

vendredi 1 septembre 2023

2072 - Je ne suis pas cartésien

Moi, je ne pense pas carré.
 
Contrairement à vous tous qui revendiquez cet avantage sans prix de pouvoir réfléchir droit, je n'ai nullement l'esprit cartésien.
 
Ma tête ne tourne pas du tout rond en restant sur mes épaules comme la vôtre, non. La mienne, elle se déboulonne et monte, vole et fuse verticalement !
 
Je ne suis pas conçu pour faire du sur-place dans un cadre implacablement logique, froidement rationnel, purement intellectuel, mais pour regarder vers l'infini.
 
Je déploie mes ailes de papillon au lieu de réfléchir comme un âne.
 
Je ne vise pas l'exact, le raisonnable, le scientifique, mais le beau.
 
Je ne cherche pas à me satisfaire bêtement de ce qui peut se loger dans des éprouvettes de laboratoire, entrer dans des cadres physiques, prendre des formes arithmétiques mais à me perdre dans les insaisissables arabesques de la poésie.
 
Toute mon intelligence est là.
 
Votre plancher des vaches ancré dans des certitudes mathématiques, affermi de conformités matérielles, renforcé d'irréfutables preuves analytiques n'a pas la légèreté de mes nuages oniriques.

Mon ciel ne se mesure pas avec vos rigueurs étriquées de purs réalistes, vos chiffres limités de doctes dogmatiques, les vues brèves de vos cerveaux aux calculs justes, mais avec l'immensité de l'incertitude.

VOIR LA VIDEO :