Je m'approchai de l'humble demeure. Isolée, sise entre ciel et champs, battue par les vents, couverte de lierre, elle ressemblait à un navire au milieu des herbes. Éole faisait grincer ses vieux bois... Sa toiture de tuiles qui s'affaissait pesait comme un manteau de pierres, brisé.
Une âme hantait les lieux : cette maison abandonnée respirait, dégageait une atmosphère pleine de nostalgie. Je sentais un souffle, j'entendais battre un coeur : l'architecture rompue par les intempéries demeurait vivante cependant. A travers ses fissures, je remontais dans le temps. La pierre me racontait tant d'histoires... Ce toit dans la campagne avait été l'asile d'un lettré, jadis.
Poussant la porte prise dans les herbes folles, j'entrai sans trop de difficulté. La pièce unique sans fenêtre et aux murs nus s'éclaira dans une odeur de vieille charpente et de ronces. Son aspect était fruste, rustique, presque monacal. Je découvris une table, une chaise, un lit et un petit meuble de chevet. Sur la table, une chandelle, quelques feuilles vierges jaunies, une plume dans son encrier séché. Sur le meuble de chevet, une carafe en terre. Reliques d'une autre époque...
Charmé par ce tableau idyllique, humant avec délices les effluves intacts de la chambrette, les yeux fermés je laissai courir un instant mon imagination.
Devant moi les spectres du passé apparurent. Je vis un écrivain penché sur ses feuillets, l'inspiration en suspens, une flamme dans l'oeil. C'était tard le soir, la bougie éclairait son minuscule bureau de travail. Il était vêtu à l'ancienne, avec une mise apprêtée. Ses cheveux en arrière étaient coiffés avec soin. Il arborait une coupe du XIXème siècle. Il y avait, accrochés à un clou de la porte, un chapeau avec un long plumet fiché en son côté, ainsi qu'une besace. Cette personne écrivant dans l'ombre, je crus la reconnaître. N'était-ce pas... Alphonse Daudet ? A moins que ce ne fût Maupassant ? Ou alors Musset ? A travers l'apparition onirique, je voyais indistinctement des visages, des silhouettes illustres surgis du siècle romantique.
Je m'attardai dans mon rêve éveillé... Et cette fois c'est moi qui était le fantôme : je me sentais comme un intrus invisible en train d'épier les hôtes des lieux. Les yeux clos, humant toujours la poussière séculaire de la pièce, je laissai mon esprit vagabonder encore.
Au coeur de la nuit se faisait entendre le cri d'un hibou. Un chat perché sur une poutre observait la mystérieuse présence. Dans l'âtre, une braise finissait de se consumer. La vision devenait de plus en plus nette. Je vivais ce qu'avait vécu l'homme de lettres. J'étais devenu témoin de la légende, approchant d'un souffle le mythe, présent dans la vie secrète de quelque auteur...
En pénétrant dans ce refuge à l'abandon, l'imagination m'avait emmené jusque dans l'intimité d'un poète, à cent cinquante années de distance, à deux pas des muses.
8 commentaires:
La maison d'un écrivain n'est pas n'importe quelle maison.
Déjà, elle doit être assez sombre. Éclairée le jour par une fenêtre à petit carreaux le long de laquelle ruisselle la pluie, parce qu'il pleut souvent où habite l'écrivain.
La nuit, c'est une unique et large chandelle dont la combustion reste toujours en sa moitié qui lui procure chaleur et lumière.
Les rares meubles sont de chêne et disparates. Surtout ni plastiques, ni formica. Et il y a des livres partout. Empilés au sol.
Pas de réfrigérateur, ni de congélateur, ni d'aspirateur. Ni d'horloge qui sonne les heures. Encore moins d'électricité .
Il n'a pas de lieux d'aisances. Un écrivain ne va pas aux toilettes. Il mange si peu.
Son garde manger est une boîte grillagée ou se gâtent pain sec et vieux copeaux de fromage. Il les jettera plus tard aux souris. Parce que des souris, il en a des tas. Des grises en bas et des chauves au grenier. Pas grave, il a un chat. Les écrivains ont toujours un chat.
Le chauffage, c'est un âtre qui n'est alimenté que lorsque l'écrivain reçoit un ami.
Ces soirées là, il revêt une veste d'intérieur de satin et fume le cigare.
Parce qu'il vit seul. Ou presque. L'unique femme qui lui rend quotidiennement visite est une vieille décharnée qui frotte le carreau et fait chauffer la soupe.
A la différence du grand compositeur, qui, lui a une épouse et une ribambelle d'enfants, l'écrivain est solitaire. Il est vrai que le premier a besoin de vie, de bruit et d'équilibre pour exprimer son art. L'autre doit trop méditer et avoir un peu faim pour coucher ses nobles pensées.
Pourtant, le lit, qui meuble un coin de la pièce principale de la maison de l'écrivain, reçoit, de temps à autre, une jeunesse en jupon. L'écrivain sort alors son unique paire de drap de soie. Celle qui partage la grande armoire avec deux chemises blanches à jabots.
Les soirs d'ivresse, il lui arrive même de ramener deux ou trois donzelles. Et tant pis pour la soie. La rugosité du méchant lin, personne n'aura occasion de la remarquer longtemps.
L'écrivain aime en ville. Une bourgeoise qui minaude, qui soupire et le boude. Mais qui rêve de lui, caressée par l'époux.
Désespéré, dépité et pour se venger des maris, il connait, l'écrivain, la majeure partie des placards de la cité. Il y passe souvent la fin de ses nuits. C'est pour cela qu'il sent la naphtaline.
Il ne vit pas de son art. Il copie de la musique. Celle de son ami le compositeur plus haut évoqué.
Et quand il ne travaille, ni ne rêve, ni ne l'aime, il marche beaucoup. Surtout quand il y a du vent parce que l'écrivain adore le vent.
Les jours ensoleillés, son inspiration le fuit. Alors il dort sous un arbre. L'écrivain apprécie l'ombre des arbres.
Sa maison n'a que deux pièces et un grenier, pour souris grises et chauves et chat. L'une lui sert de chambre, de salle d'écriture et lui permet de s'alimenter un peu, sur un coin de bureau. L'autre recèle ses secrets, parce qu'un écrivain a toujours un secret. Mais personne ne sait ce que c'est puisque c'est un secret.
filledemnemosyne,
Cette maison-là aussi est assez plaisante...
Raphaël Zacharie de IZARRA
filledemnemosyne,
Je dirais tout simplement une PLUME pour qualifier une femme écrivain.
Raphaël Zacharie de IZARRA
PLUME ?
Il n'en existe qu'une !
La femme écrivain n'est pas unique.
Il y en a une dans chaque jardin secret.
Ce qui est unique, c'est le secret de ce jardin.
Pour plus l'Infini et moins l'Infini.
Maxime...quoi !
Merci.
Infiniment.
A tous les prénoms éponymes...d'Anne à Maxime !
Il peut aussi vivre comme un arbre dans la ville, ou dans une maison bleue.
Pour ce Prince là...un vrai !
http://www.youtube.com/watch?v=V5Pj_DZ5bRo
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