lundi 15 décembre 2025

2483 - Derrière les murs, il y a Dieu

Lorsque bientôt ma pauvre âme aura quitté les lourdeurs de la Terre, je me retrouverai pleinement en face de mon crime en même temps qu'aux pieds de Dieu.
 
Je suis le pire pécheur qui soit. Et c'est en tant que sinistre criminel que je me présenterai à mon Créateur : honteux, repentant, aussi méprisable qu'un cafard depuis le fond de mon gouffre intérieur.
 
Plein de noirceur résiduelle et cependant assoiffé de blancheur, je réclamerai le feu rédempteur.
 
J'ai porté les quatre murs de ma cellule comme une croix méritée. J'ai payé ma dette au monde des hommes, que puis-je encore faire pour m'acquitter de l'impôt du Ciel ? Mes larmes versées dans la solitude de la sombre geôle suffiront-elles vraiment pour le divin laisser-passer ? Les décennies passées à croupir en compagnie de barreaux dacier et d'indifférence compteront-elles dans la balance céleste ?
 
Faudra-t-il donc que je passe d'autres épreuves ? Il me semble avoir déjà tout donné ici-bas. Tout accepté. Trop enduré. J'ai même espéré pouvoir bénéficier du privilège d'être rehaussé au rang des rats afin de rejoindre plus facilement les hauteurs convoitées, attendus que ces mangeurs d'ordures sont plus dignes que moi de la pitié des anges.
 
Dans mon antre de reclus, j'ai écrasé l'innocente mouche simplement coupable de vouloir se nourrir, maudit l'horrible araignée pour sa seule apparence et exterminé le reste de la pacifique vermine pour l'unique raison qu'elle ne demandait qu'à vivre. Je sais que je ne valais pas mieux que ces importunes. La plus répugnante, la plus ignoble, la plus laide d'entre toutes ces créatures, c'est moi.
 
Pour ces bassesses également, je devrai rendre des comptes.
 
Je répondrai de ces vilenies devant mon juge ultime, c'est d'accord.
 
Derrière la porte, c'est l'Univers entier qui m'attend. Et au bout de ma longue course, après tant de souffrance, à deux doigts de l'infini, au bord de cet océan de lumière, je veux défendre l'immensité de ma cause.

dimanche 14 décembre 2025

2482 - Je perds mes forces

Mes forces commencent à m'abandonner et je perds le goût de consumer mes derniers jours. Je me détache peu à peu des réalités de la Terre. Le trou final est proche. Je vais me laisser emporter sur la rive suprême sans résister. J'ai peur, oui. Pourtant je suis heureux de partir. Trop las pour respirer encore telle une taupe dans cette cellule devenue mon foyer ultime, je veux quitter cet enfer minuscule pour de nouveaux espaces, mêmes inconnus.
 
J'ai payé le prix exorbitant de mon crime exorbitant.
 
Pour ainsi dire, un siècle enfermé dans ce carré bétonné. Ce fut mérité ! A présent je me vide du peu de lumière qui me reste. Les conséquences de mes actes m'ont fait aller au bout du bout. Et mon calvaire se termine. Il est temps pour moi de fixer la mort droit dans les orbites. Je la redoute tout en la bénissant. Si elle doit me faire mal, ce sera toujours moins douloureux que cette existence de réclusion perpétuelle. Dans cette geôle j'ai assez souffert, assez espéré, assez mangé, assez dormi, assez rêvé et assez chié !
 
Les gardiens savent tout autant que moi que ma route s'achève, ils ont l'habitude de voir des condamnés mourir en captivité. Ils ne me traitent pas différemment que les autres qui demeurent en bonne santé. Aucun traitement de faveur de leur part et ils ont bien raison ! Ils se rendraient totalement méprisables à mes yeux s'ils s'abaissaient à devenir des garde-malades pleins d'onction, de flasques auxiliaires de vie, de sirupeux confidents, voire de grotesques psychologues... Mon extinction au sein de ce monde carcéral prendrait une tournure ridicule.
 
Je les aime et les respecte en tant que chiens méchants, mes cerbères ! Non en carpettes.
 
Leur uniforme, leur dignité, leur froideur, leur attitude règlementaire me mettent en permanence à ma véritable place, là où je dois être dans les faits, et surtout pas ailleurs. Mes larmes, mon désespoir, mes maux, ça me regarde. Je ne demande pas de recevoir de caresses, mais la seule et juste rétribution qui me revient. Que mes geôliers restent donc des matons purs et durs ! Et qu'ils me considèrent avant tout comme un prisonnier, non comme un moribond à soigner, à plaindre ou à border ! Garder un visage de roc, laisser une image de marbre constituent pour moi les vraies priorités à l'égard du personnel pénitentiaire.

Je m'alimente au minimum de mes besoins. Mon corps se dessèche. Mon esprit divague. Ma chair se meurt. Je vise l'horizon. J'ai soif d'océan.

J'attendais depuis si longtemps ces premiers signes du commencement de la fin...

samedi 13 décembre 2025

2481 - Mon cinéma

Mes rêves de taulard s'affichent régulièrement sur les murs de ma cellule. Quatre écrans vides aux côtés de ma carcasse presque éteinte. Un carré de ténèbres passives que je puis à ma guise animer, éclairer, peupler de fantômes étincelants en y projetant tout simplement le meilleur de moi-même.
 
C'est aussi de cette façon que je me revigore de fables inopinées, m'abreuve de voyages sans fin, me nourris de lumières nouvelles : avec ce que j'ai sous les yeux. Mon imagination m'emporte là où je veux, loin de ce tombeau de condamné à perpétuité qui me sert tout à la fois de mini-cuisine, de pièce de séjour, de cachot, de chambre et de chiottes.
 
Un véritable salon de salaud de détenu !
 
Ces portes de cercueils dressées autour de ma vie totalement restreinte m'accompagnent dans les immenses prairies fleuries et de mon âme en évasion. Ce sont là de mortes et sinistres compagnies avec qui je chemine souvent de soupirs en sanglots, certes. Mais quand il le faut, elles se déploient également telles des ailes de choix qui m'entraînent vers des songes radieux et des envolées fulgurantes : ce quatuor de spectres noirs m'escorte habituellement jusqu'au fond du gouffre il est vrai, mais surtout au coeur de mon infini onirique...
 
Je fais ainsi voler en lyriques éclats les lourdeurs carcérales qui m'écrasent et m'étouffent !
 
Combien de soirs suis-je de la sorte parti en vadrouille en direction des étoiles, tous feux intérieurs allumés ? Ma geôle devient ma salle de cinéma. Sur ces toiles qui m'encerclent et sur lesquelles s'étalent fantastiquement mes mirages contrôlés, je trace ma route d'aventurier statique et creuse le sillon poétique de ma pathétique existence de reclus.

J'invente n'importe quel prétexte à ma portée, même misérable, même délirant, pour faire naître du néant qui m'entoure des histoires dignes d'un géant... Et pouvoir monter un peu, atteindre les nuages, toucher le ciel, me placer au niveau d'un demi-dieu. 

Le temps d'une passagère ivresse, d'une brillante illusion, d'un râle de désespoir de ce pauvre enfant que je suis, perdu dans sa cage de solitude.

2480 - Sinistre andouille

L'issue funeste de mon aventure carcérale approche, j'aurais passé mon existence entière d'adulte à tourner en rond dans cette cellule qui est devenue mon cocon de barreaux et de béton.
 
Emmuré vivant dans une minable forteresse de neuf mètres carrés, je constate finalement que j'ai mené une vie de hamster d'appartement.
 
Un destin d'andouille.
 
Ou une carrière d'aubergine, au choix. Quelle différence après tout ? Dans les deux cas j'ai été grillé.
 
Mon sort aura été l'égal de celui d'une saucisse, c'est sûr.
 
En franchissant la porte de cette prison, du jour au lendemain j'ai vertigineusement rétrogradé, passant du statut envié d'homme libre à la triste condition d'un pitoyable pot-au-feu mijotant à perpétuité entre quatre murs.
 
Le roi des cons et l'empereur des carottes cuites, en somme.
 
J'ai dégringolé du sommet de mon humanité pour me retrouver à la piètre hauteur d'un pauvre légume. Ayant ainsi accédé à la dignité d'un sacré cochon, il ne me restait plus qu'à me vautrer dans cet étang de navets me tenant lieu de définitif foyer.
 
Du fond de ma geôle, je n'ai eu que ma gamelle de soupe à espérer gagner de mes plates et vides journées.
 
Dès le premier soir en entrant dans cet interminable cauchemar, je compris que c'était pour moi la fin des haricots.
 
Mais là aujourd'hui, réduit à si peu de chose, ratatiné au ras du sol comme une misérable crêpe, aplati telle une pâte à tarte, je ne demande qu'à m'élever jusqu'au Soleil. Non, je ne demeurerai pas le dernier des derniers... Je veux engager le saut radical, entreprendre le bond suprême, tenter la céleste cabriole.

Je meurs et j'arrive, je pars et monte, disparais et m'envole.

vendredi 12 décembre 2025

2479 - Mon secret

Mon âme est l'ultime cellule de l'Univers dont la porte demeure réellement inviolable. Mon secret est si scandaleusement beau, en dépit des apparences, qu'il serait indécent de le révéler à ce siècle. Le monde ne pourrait ni l'accepter ni le comprendre : je ne suis qu'un criminel en taule, rien qu'un bandit, un méprisable coupable, un condamné à vie qui mérite sa peine.
 
Comment dans ces conditions oserais-je avouer l'inavouable ?
 
Au-delà de mon crime, il y a l'indicible. Derrière mon ombre brille une lumière. Plus loin que mes gouffres, il existe des sommets. Oui j'ai commis un acte vil et sinistre et cela fait justifie assurément ma situation funeste au fond de ce trou de toutes les larmes. Pour autant, ces dures vérités n'enlèvent pas un atome à la montagne qui s'élève en moi.
 
Je suis pareil à une vermine face à une galaxie.
 
Aucun de mes mots ne saura jamais convaincre les vers de terre qui m'entourent. Même si le lombric se montre encore bien supérieur à moi, ce dernier n'en reste pas moins au niveau des rampants. Mais qui donc est capable d'entendre une telle incongruité ?
 
Je ne fais confiance qu'à l'invisible, qu'à l'ailleurs, qu'à l'infini. La Terre et ses lois sont trop étriquées pour cet océan plein de clarté que je porte.
 
Les fers du temps, les pierres du réel, les certitudes du tangible, les rigueurs de l'esprit, les raisons d'État et autres pesanteurs d'ici-bas n'ont pas le moindre pouvoir contre mon feu profond.
 
Un trésor si immense qu'il m'est impossible de vous le dévoiler cependant : vous prendriez ce soleil pour un outrage. Cette flamme qui m'illumine vous blesserait.
 
Et nul n'y croirait.
 
Je ne suis qu'un pauvre engeôlé, un détestable détenu, un misérable mortel purgeant sa peine.
 
Je ne vous demande pas de me suivre là où vous ne pouvez aller, étant donné que je suis seul à avoir accès à ces hauteurs cachées.

Juste de me laisser ce qui m'appartient, et que par respect de ce que je considère comme la chose la plus sacrée qui soit, pas une fois je ne nommerai.

2478 - Mes vues ultimes

Je croise rarement les autres détenus.
 
Même lors des moindres occasions où il me serait possible de les côtoyer intimement, je préfère les éviter. Loin de considérer cette faune carcérale comme une idéale compagnie, je la rejette franchement. Ne trouvant pas du tout à mon goût cette engeance peu reluisante, je me tourne plus volontiers vers mes geôliers avec qui je m'entends bien mieux.

Plus froids mais plus fiables, moins causants mais toujours intègres, leur dureté n'est jamais feinte et leur coeur de fer a l'avantage d'être demeuré droit. A mes yeux mes gardiens valent infiniment mieux que ces criminels pleins d'orgueil qui se prétendent leurs égaux.
 
En vérité ces piètres frères d'infortune m'inspirent autant de mépris que l'acte qui m'a conduit à partager cet enfer avec eux. Je sais que cela ne reflète guère la norme dans un tel lieu et je me doute bien que je dois être un cas exceptionnel, mais je ne ressens aucune fraternité envers cette population d'écroués dont je fait pourtant partie moi aussi.
 
Au nom de quelle cause impérieuse devrais-je donc éprouver de la compassion à l'égard de ces oiseaux de malheur si toxique pour une société ordonnée et si haïssables pour les honnêtes humains qui la composent qu'on a dû les priver de liberté afin de les rendre inoffensifs ?

Non, je ne plaiderais nullement en faveur des bandits et ne ferais pas davantage le procès des âmes vertueuses ainsi que c'est généralement l'habitude chez les esprits tordus qui se prennent pour les véritables justiciers du monde. Ces derniers, adeptes de l'impénitence et de l'inversion des valeurs, avancent tous les arguments imaginables pour défendre l'idée aberrante que la vraie justice se situe de l'autre côté de la morale officielle... Sauf que lorsqu'on tue, braque ou viole, il ne reste aux coupables que le Diable pour unique avocat.
 
Le mutisme du béton et la glace des matons me semblent encore plus essentiels que la chaleur pitoyable de ces déplumés.
 
Moi aussi je souffre. La solitude me pèse pareillement. Mais c'est la règle du jeu et elle est la même pour tous les prisonniers que nous sommes. Nous avons joué, nous avons perdu, nous avons été incarcérés. Je ne leur dois rien de particulier, et certainement pas mes sentiments distingués sous prétexte que nous mangeons la commune pitance de gibier de potence !
 
Je fais définitivement bande à part.
 
Ma route s'oppose à la leur : ils espèrent tous prendre la prochaine porte de sortie qui se présentera à eux, alors que moi je ne veux m'engager que dans la voie digne de ma hauteur : ma seule direction sera celle de la radicale verticalité. Entre le zéro et l'infini, je ne transige pas.

Je vise l'ascension la plus difficile.

jeudi 11 décembre 2025

2477 - Après la peine, la paix

L'ordre suprême se met en place. Après la nuit vient le jour.
 
Ce poids de peine, cet océan d'ombre, ces flots de tristesse ont fait leur oeuvre. Chaque chose de la réalité incarnée a sa raison d'être. Aucun rouage de l'Univers n'échappe à la grande loi.
 
Et moi, pauvre fétu de paille emporté par le vent cosmique, seul dans ma cellule, j'ai l'impression d'être parvenu au bord d'un nouvel infini, comme au milieu de deux extrémités, à mi-chemin entre fosse et sommet.
 
Depuis mon lieu de réclusion je contemple la vaste mécanique des êtres et des éléments dans laquelle je suis inclus, sans la comprendre vraiment. Je sais simplement qu'elle me dépasse. A mon niveau j'ai surtout conscience de la responsabilité de mes actes personnels. Le reste demeure encore très vague pour moi, même si je sens intimement que mon asile de bandit ne se situe pas ailleurs qu'entre ces murs de pénitence.
 
Le temps n'est plus aux troubles mais au repos. Le feu a tout consumé, voici à présent l'heure de la sérénité, une autre voie s'ouvre devant moi. Ma vie prend l'adéquate direction que lui désigne l'épreuve. Je ne regarde que l'essentiel, ne me soucie que de ce qui me fait face : le passé est mon enfer, l'horizon mon salut.
 
Dans cette prison rien n'est réellement fini en ce qui me concerne certes, mais là où je suis arrivé tout commence à s'éclairer. Pour gagner ce combat, il aura fallu que j'accepte le pire dès le début et que je l'endure jusqu'au bout, sans chercher à fuir le calvaire. Loin de me comparer à un saint, j'appartiens à la race des crapules, des bêtes, des criminels.
 
J'ai mis tout mon coeur me hisser à la hauteur des humains. Je mettrai autant d'ardeur à ne pas perdre mes ailes, une fois sorti de mon trou : bientôt aussi léger qu'un papillon, j'ai le ciel à conquérir.
 
Aujourd'hui, après tant d'années de pesanteur, le premier matin de la paix se lève sur mon âme et je bénis le monde.

Lorsque je mériterai ma liberté, je serai déjà mort.

mercredi 10 décembre 2025

2476 - Tristesse en fête

Aujourd'hui plus que les autres jours, tout pleure autour de moi : les murs suintent de la grisaille, le plafond est chargé de ténèbres, le sol s'ouvre telle une fosse immense et du haut de ma tristesse je chante ce deuil éclatant.
 
Etant donné que je suis une nature positive, je décide vaille que vaille de monter lorsque tout me pousse à descendre pour mieux me faire chuter. Je préfère marcher à contre-courant des forces stériles qui essaient de m'entraîner vers le bas plutôt que hurler avec les fous. Il m'est plus bénéfique de tenter de capter du beau, même provenant de la boue, que de me laisser aller au désespoir.

Je veux voir de la lumière là où règne le néant. Coûte que coûte, et peu m'importe que cette lueur soit douce, tranchante ou sévère. L'essentiel est de percevoir ce peu de clarté au coeur de l'obscurité.
 
Ainsi, à mes yeux la nuit de brumes et de chagrins où je gis vaut un firmament de constellations : les ombres qui peuplent mon univers carcéral y brillent aussi mystérieusement que des étoiles. Et ma cellule plombée s'illumine de rêves blafards.

Je m'efforce de regarder les réalités sinistres sous un angle plein d'intelligence, de manière à m'en réjouir au lieu de m'en désoler.

Je transforme les larmes, la laideur et la déprime en sources d'émois esthétiques. Et fais un spectacle de l'ambiance mortelle où le sort me plonge... Loin de me noyer dans les profondeurs de ma geôle, au contraire je m'envole : la souffrance me donne des ailes. Et ce n'est plus alors un brouillard qui m'entoure, mais un nuage sublime que je contemple en artiste.
 
Je considère ces astres sombres comme autant de beautés sépulcrales dignes d'être célébrées à travers mon regard d'incarcéré. Ces transports d'esthète sont les derniers trésors encore vivants qui demeurent au sommet de mon âme. Ma fibre poétique reste intacte : je suis capable de m'enflammer face au théâtre de la mort et de la glace.

Je choisis de me réchauffer au feu des spectres et évite ainsi de me changer en statue de marbre.

Du fond de ma captivité je suis un caillou qui ressemble à un diamant, pareil à un gueux paré des vêtements d'un roi, aussi déshérité que fabuleusement riche : ne me laissant pas abattre pour un sou, j'invite le bourdon, le cafard et le boulet à entrer en fête !

mardi 9 décembre 2025

2475 - La tache

Un matin en me réveillant je remarquai une anomalie au plafond.
 
En réalité, il s'agissait d'un petit rien, une bagatelle : juste une tache. Une marque sombre qui ne se trouvait pas là la veille. La chose était donc apparue au cours de la nuit, de toute évidence. Un détail certes, mais assez intrigant pour que je relève le fait et y cherche une explication rationnelle.
 
Je demeurai étendu sur mon lit à fixer la mystérieuse éclosion.
 
L'événement prit vite une tournure extraordinaire. Aussi insignifiante fût-elle pour n'importe quel autre mortel de mon espèce, cette émergence venue de je ne sais où, née de j'ignore quoi, se révélait à mes yeux une merveille (ou peut-être un délicieux cauchemar) à la hauteur du néant de mes journées. La légère inquiétude que ce maculage suscitait en moi comblait agréablement le vide de mon existence, j'en avais éminemment conscience.
 
Fort étrangement, au bout d'une heure environ cette bavure me semblait s'être imperceptiblement étirée... Je me mis alors à la percevoir non plus de manière franche et directe comme une simple manifestation tangible, ainsi que je l'avais cru au premier abord, mais plutôt comme le début d'une minuscule invasion de l'espace au-dessus de moi, sournoise et impalpable, pareille à une ombre changeante. Une sorte de coulée d'encre virtuelle sur la surface claire formant mon toit étriqué de reclus. Ou pour le dire encore autrement, l'extension mouvante d'un phénomène immatériel. Une bizarrerie, assurément ! Je ne parvenais pas à  vraiment distinguer la nature véritable de cette apparition.
 
Entre noire ambiguïté et apparence informelle, cette trace énigmatique avait jeté un trouble en moi.
 
A travers cette forme ténébreuse je voyais s'étendre progressivement une énorme interrogation. Impossible de savoir précisément si j'avais affaire à une singularité éthérée ou à un objet concret, identifiable, purement physique... A mesure que je me concentrais sur cette drôle de substance ou sur cette image, ses contours se montraient plus diffus, semblable à une fumée qui s'éparpille.
 
Cette curieuse empreinte était-elle réelle ou rêvée ? Il aurait fallu que je l'observe de près pour en avoir le coeur net. Mais j'avoue que je n'osai pas trop m'en approcher.
 
Elle devenait une incertitude grandissante.
 
L'anormale figure, quasi vivante, paraissait à présent se gonfler telle une bulle, ce n'était pas une illusion ! Elle prit finalement une ampleur gigantesque, jusqu'à recouvrir les murs, le sol et tout le reste !
 
Bientôt ma cellule entière fut inondée par cette obscurité géante.
 
Puis, d'un coup, la lumière revint dans la pièce. La monstrueuse intruse était partie. Je me sentis soulagé. Je devinai ce qui venait de m'arriver et je crois que tous les criminels détenus à vie font eux aussi face à ce genre de stigmate découlant de leurs actes, au moins une fois au cours de leur longue incarcération...

Je compris immédiatement que j'avais été confronté à l'immonde projection mentale de mon crime.

lundi 8 décembre 2025

2474 - La marche des secondes

Elles m'entraînent dans leur course fatidique à chacun de leur pas.
 
Minuscules, insidieuses, quasi invisibles mais redoutables, les secondes emportent tout sur leur passage, une à une, petit à petit, sournoisement. On les croit faibles, insignifiantes, inoffensives, en réalité se sont de vraies fourmis de feu ! Elles envahissent tout à notre insu, affrontant l'immensité sans reculer.
 
On ne se méfie jamais assez de ces humbles marcheuses : l'une après l'autre, elles progressent minutieusement vers leur but, implacables.
 
Au fil du temps -cette véritable montagne séculaire qu'elles conquièrent sans se presser- ces gouttes éphémères forment de vastes fleuves.
 
Sans m'en apercevoir vraiment, je chemine du matin jusqu'au soir en compagnie de ces modestes passantes de l'existence. Et mine de rien, je finis par parcourir des milliers de jours à leurs côtés. Avec elles, l'instant qui s'ajoute à de multiples autres instants se transforme patiemment en un lustre entier !
 
Puis en une décennie, en vingt ans, en un siècle...
 
Dans ma cellule je ne vois pas passer ces infimes durées. Elles me glissent entre les doigts comme un sable trop fin, tant je me focalise prioritairement sur leurs grandes soeurs les heures... En effet, je trouve ces dernières beaucoup plus plombées et austères... Au moins je prends ces ogresses dévoreuses de cadrans au sérieux : elles s'affichent de manière plus crédibles dans ma longue vie de détenu. Elles s'écoulent moins vite et j'ai le loisir de les voir défiler douze fois au quotidien, voire davantage si je ne dors pas la nuit. C'est là leur avantage et même leur raison d'être au sein de l'univers carcéral. Elles sont chargées, lentes, écrasantes. Omniprésentes dans leurs apparences de plomb, je ne les oublie pas de sitôt.
 
Tandis que les miettes de silence qui ne durent guère s'envolent à peine nées.
 
Pourtant ces menues trotteuses, pour légères qu'elles paraissent, tournent bel et bien autour de moi soixante fois par minute pour mieux m'emballer une fois leur journée terminée !

Même si ces deux modes temporels m'enchaînent à leurs lois souveraines selon leurs mesures respectives, je préfère la marche des secondes à la stagnation des heures : dans le bref sillage des poussières de Chronos, mes fers trop lourds de taulard deviennent des plumes.

dimanche 7 décembre 2025

2473 - Déliré-je ?

Quarante années d'enfermement. Plus de quatorze-mille jours que je suis emmuré. Ma solitude m'a habitué à moi-même plus que de raison et je vois ma propre ombre comme une seconde personne. Et cette silhouette immatérielle s'éloigne parfois de moi... Elle se transforme en un étranger qui me ressemble et que j'observe avec distance, voire méfiance. Elle s'échappe ainsi de ma réalité avant de revenir vers moi avec un visage semblable à ceux des rêves. Et je ne comprends plus rien, je perds pieds, je chancelle dans ce trou de neuf mètres carrés, seul face à la folie. Et je m'évade progressivement, assommé de tempêtes intérieures et de fumées imaginaires.

Je pars dans un univers que je ne puis nommer.

Je me retrouve hors du monde, la tête dans un espace aussi lointain qu'impalpable, les semelles bien posées sur le sol de ma cellule cependant...
 
Je ne parviens plus à distinguer les murs de ma geôle des limites de mes pas dans l'ailleurs. Je crois marcher par-delà les barrières qui m'encerclent mais je ne fais que m'enfoncer dans des délires vertigineux.
 
J'entends la porte de mon enfer qui s'ouvre, c'est le gardien qui m'apporte un verre d'espoir. Je le bois à pleines gorgées. Avant que je ne puisse le remercier, il y ajoute la glace de son regard pour mieux rafraîchir la flamme offerte. Les symboles se mêlent au concret et cela trouble ma vue et agite ma vie. L'eau, le feu, la nuit et la lumière, tout se confond au fond du récipient qu'il me tend. La clé tourne dans la serrure, les heures sont pareilles à des vagues et le temps s'écoule sous ce ciel éclairé électriquement où je m'éternise... Je m'étends sur le lit, les yeux ouverts, le coeur entre gouffre et nues.
 
Je m'envole dans mon vide, virevolte dans ma fuite, tourbillonne dans mon antre, attendant follement que tout finisse. Ou peut-être que tout débute. J'ai l'impression de faire entrer de vieilles connaissances dans la pièce, des gens dont j'ai depuis longtemps oublié les noms... A moins que ce ne soient des intrus qui pénètrent chez moi sans y être invités ? Mes repères se brouillent. Qui donc franchit le seuil de ma demeure ? La mort et l'horizon frappent chacun leur tour aux barreaux, et par la fenêtre j'aperçois des oiseaux volant en direction des mots que j'étale sur ma feuille de papier, alors que que j'écris ces présentes lignes...
 
D'un côté je sens que des ailes me propulsent vers les hauteurs, tandis que de l'autre côté, du plomb me maintient encore à mes certitudes rationnelles de mortel.
 
Mes pensées n'ont plus de sens, les visions remplacent les choses réelles et je ne sais pas davantage qui je suis devenu aujourd'hui... Maintenant le silence règne. L'esprit change avec la paix qui revient. Le vent se calme, la loi des âmes est partout la même.

Il est bientôt minuit et le sommeil commence enfin à m'emporter à l'écart des braises et des cendres de la journée.

samedi 6 décembre 2025

2472 - Vieillesse

Je n'ai pas vu le siècle passer.
 
Du fond de ma cellule cela fait déjà longtemps que le monde s'est arrêté pour moi. Et les décennies se sont additionnées pour consumer ma vie entière. Quarante années se sont écoulées depuis que je suis enfermé entre les quatre murs de ce purgatoire miniature. Pour un humain, cela équivaut à mille ans.
 
En effet, après un certain temps à croupir derrière les barreaux, et surtout lorsqu'on sait que l'on y demeurera pour toujours, il n'y a plus de différence entre une semaine et un mois, une feuille et un arbre, une plume et une aile, un jour et une éternité : tout se confond dans un seul et même bloc compact. Petites et grandes choses y sont mêlées sans distance. Mon destin est ramassé là, en un point étroit, limité, strict, au coeur de cette geôle qui constitue mon univers de condamné.
 
Ce trou est mon port final.
 
J'y suis devenu vieux presque sans m'en rendre compte. De la même manière qu'en entrant jeune dans cet espace de neuf mètres carrés, la situation me paraissait déjà terriblement irréelle. Je n'avais pas totalement conscience de l'énormité de cette réalité à affronter, tant ce sort me semblait humainement inconcevable.
 
A cette époque ce cauchemar éveillé que je vivais restait encore une abstraction à mes yeux. J'avais certes les pieds concrètement scellés dans le plomb de l'irrévocable réclusion, mais pas l'âme : elle se rebellait, se détachait de ces insupportables pesanteurs, fuyait le réel. En un mot, je n'y croyais pas. Je n'imaginais pas vraiment pouvoir traverser l'océan de cette perpétuité aussi impensable que lamentable. L'odyssée d'un malheur, en somme. Je ne voyais pas le bout d'un tel chemin, pourtant aujourd'hui je l'ai parcouru quasiment du début au terme.
 
Et je n'en reviens pas.
 
J'ai sacrifié mon existence emmuré ici, en pénitence de mon crime. Et j'arrive en fin de course. Est-ce donc possible que je sois parvenu si loin ? Ma peau flétrie et mes traits creusés parlent pour moi, je ne rêve pas. Je me regarde dans la glace et je réalise que tout est vrai. Je n'ai pas quitté mon antre, cette pièce de captivité définitive qui fait office de tombeau et dans laquelle sont disposés ma table, ma chaise, mon lit, mon lavabo, immuables.
 
Cet exploit pitoyable, je l'ai accompli !
 
C'est comme si j'avais réussi la prouesse d'aller jusque sur la Lune. Une aventure impossible, inimaginable, en apparence irréalisable. Cependant les faits sont là : j'ai décroché le lot ultime.
 
Sauf qu'au lieu de conquérir un sommet, j'ai exploré un gouffre.
 
Je commence à apercevoir l'issue de ma peine. La mort approche à pas résolus et je l'attends, encore un peu incrédule. Tout sera bientôt payé jusqu'au dernier centime, à l'heure suprême.

Ma vieillesse sera peut-être ma nuit de feu.

jeudi 4 décembre 2025

2471 - Le tour de ma cellule

L'univers de ma cellule se résume certes à un espace très étroit, fort restreint, extrêmement limité. Cela ne m'empêche nullement d'en explorer les minuscules recoins ni d'en imaginer les plus fabuleux horizons. Depuis ma permanente position statique, j'ai un angle de vue acéré et durable sur les moindres choses. Et mon regard se pose progressivement sur les détails de ce qui m'entoure, tantôt contemplatif, tantôt rationnel.
 
Une vie entière ne suffirait pas, en vérité, à entreprendre un voyage complet entre les quatre murs qui m'encerclent. Mon monde de reclus est triste, il est vrai. Cela ne signifie pas pour autant qu'il n'est pas riche. Bien au contraire, il se révèle d'une variété sans fin pour qui se focalise patiemment sur les plus petites parties qui le composent. Mais également lorsqu'il est considéré sous ses multiples aspects : directement visuels ou purement abstraits, grossiers ou subtils, franchement tangibles ou beaucoup moins évidents...
 
Moins il a d'objets à observer, de supports pour y faire courir ses pensées, de surfaces apparentes pour y faciliter son évasion intérieure, plus l'esprit cherche des points d'appui, paradoxalement. Et il se contente de peu pour être comblé.
 
Sur des miettes, des poussières, des bêtises de toutes sortes il trouve finalement des trésors sur lesquels s'accrocher, rêver, partir très loin. L'imagination humaine s'emballe plus facilement dans le dépouillement matériel et découvre des infinis à travers trois fois rien.
 
Ainsi une écaille de peinture tombée sur le sol peut m'emmener dans les méandres de ses imperceptibles étendues, véritables montagnes et vallées à échelle d'une bactérie. Ou une simple feuille d'arbre qui entre par la fenêtre peut devenir un sujet d'étude minutieuse, un puits brut de sciences naturelles où m'abreuver intellectuellement, mais aussi un terrain d’aventure miniature sur lequel je choisis de cheminer durant des heures, comme si j'étais une fourmi.
 
Là où dans un contexte ordinaire l'homme en liberté ne verrait que du vide, des artifices puérils, des misères dénuées d'intérêt, ici enfermé pour toujours dans une geôle, le condamné à perpétuité a tout son temps et toute son attention pour percevoir mille étoiles éclatantes, plus encore d'ombres secrètes et autant d'autres surprises prodigieuses parfaitement inattendues... Et ceci, dans chaque parcelle de son trou infâme... A ces sources inépuisables d'étonnement il se perd, s'émerveille et, pris au jeu des folies de son cerveau, il s'envole bientôt.
 
Bien entendu de telles plongées fulgurantes vers ces royaumes de légèreté et de profondeurs ne fonctionnent véritablement que lorsque son état mental y est disposé, entre ses jours glacés de déprime et ses nuits enflammées d'insomnie. Et encore faut-il que le détenu prenne la peine de se pencher avec assez de curiosité sur les éléments dérisoires de sa cage.
 
Ce qui est mon cas.

Au sein de cette sobre pièce où je demeurerai jusqu'à mon souffle ultime, je fais le tour incessant de la Création.

mardi 2 décembre 2025

2470 - Qui me croira ?

Tandis que je suis parvenu à l'âge mûr, des forteresses semblent s'effondrer autour de moi.
 
Ma pensée n'est plus du tout la même.
 
Ayant passé près de la moitié de ma vie sous les barreaux, mes certitudes rationnelles ont finit par radicalement changer. Après avoir parcouru tant de chemin dans la misère de mes jours de réclusion pleins de vide et de solitude, je peux dire que j'ai atteint un ailleurs insoupçonnable.
 
Une sorte de sommet depuis lequel je puis toucher une autre vérité, plus subtile, plus pénétrante, plus perturbante aussi.
 
C'est ainsi que la précédente nuit j'ai encore vu une silhouette noire se tenir debout dans un coin de mon antre de criminel en pénitence. Elle me faisait face en silence, immobile et mystérieuse. Je n'ai éprouvé nulle peur, simplement une grande curiosité. Ses traits demeuraient indistincts mais je devinais qu'ils ressemblaient à ceux d'un seigneur, d'une haute figure de l'Histoire, d'un représentant de la noblesse révolue ou bien d'un moine des temps anciens.
 
D'où venait donc ce drôle de spectre qui me fixait de son regard de marbre ?
 
Etant depuis si longtemps à l'écoute des moindres signes, des éventuelles présences, des possibles messagers ou de n'importe quels phénomènes inexplicables pouvant apparaître entre ces murs carcéraux qui déterminent toute mon existence terrestre, j'ai aujourd'hui la totale conscience qu'un monde différent s'est progressivement ouvert à moi.
 
Venues du visible comme du caché, exprimant le rêve ou la mort, issues de l'ombre ou de la lumière, ces natures immatérielles se manifestent à moi sous diverses formes et avec une clarté croissante.
 
Je perçois désormais ces prodiges sans aucune ambigüité. Ils sont aussi éclatants que des soleils, aussi vrais que des visages, aussi fracassants que des tempêtes.
 
J'ignore si tel est également le cas pour les autres détenus condamnés à de longues peines, mais je crois que ma sensibilité s'est exacerbée dans cet espace restreint de ma geôle, au point de percer le voile de l'ordinaire.
 
A force d'être reclus dans l'univers étriqué de mes neuf mètres carrés, j'ai accédé à ces réalités auxquelles je ne comprends rien mais qui existent cependant, puisque j'en suis si souvent témoin.

Je sais que personne ne me croira. Mais quelle importance ? Toutes ces choses se passent dans la minuscule pièce où, au bout de mon parcours, je vais devoir mourir.

2469 - Mon avenir lointain

Un condamné à perpétuité comme moi n'a aucun autre avenir que l'horizon indépassable des quatre murs qui l'entourent jour et nuit.
 
Si je veux me projeter dans un futur hors de ma cellule, je dois viser bien plus loin que les siècles. Ma délivrance se fera par la hauteur, elle sera verticale avant tout : c'est la direction des étoiles qu'il me faut prendre.
 
Ou plus exactement, la route des rêves : une expédition poétique à travers ces pages que je noircis dans la solitude de ma réclusion.
 
Assis à ma table au bord d'un nouvel infini et solidement accroché à mes idéales évasions, je trace mon chemin à la pointe de ma plume qui n'a plus rien d'autre à écrire.
 
Cette marche carcérale sans fin, bordée d'ombres, chargée de poussière et semée d'heures mortelles me mènera vers la lumière ultime. Je sens qu'au fil des lignes ma feuille de papier devient une aile : je partirai dans les éclats de mes mots. Ces derniers atteignant progressivement des sommets pleins de beautés et profondeurs seront pareils à des bulles montant aux nues.
 
C'est par la voie de la légèreté que je m'envolerai.
 
Ma progression s'achèvera en apothéose.
 
Quand la messe sera dite et que les portes se refermeront dans mon dos, quand la pièce sera jouée et que tombera le rideau final, la véritable aventure commencera pour moi.
 
Je n'ai que ce lointain univers à espérer.

Appelez cela folie si vous voulez.

lundi 1 décembre 2025

2468 - Mes amis les rêves

Contrairement aux rares insectes qui me rendent parfois visite, les rats ne peuvent bénéficier de l'hospitalité de cette prison moderne. J'aurais tellement apprécié leur amitié vorace, tant voulu partager avec eux quelques miettes de ma réclusion... Mais ils sont bien trop gros et surtout impopulaires pour être admis par l'administration pénitentiaire au sein de la population incarcérée. Les geôles primitives des siècles passés avaient au moins l'avantage d'accueillir l'exquise gent ratière. Ce peuple de la poussière formait le meilleur entourage des esthètes enchaînés. Heureusement, il me reste la compagnie des rêves pour me distraire et tenir mes pensées au chaud.
 
Je m'endors toujours avec le souhait de faire de fabuleuses rencontres lors de mon sommeil, ce qui n'est pas systématiquement le cas. L'évasion nocturne peut aussi déboucher, selon les aléas oniriques, sur de funestes marécages. Mais en règle générale, je passe de bons moments dans mes prairies immatérielles, hors de la lourde réalité carcérale.
 
Que ces espaces virtuels soient composés de vastes champs de fleurs, de mystérieux horizons de brumes, d'indéfinissables recoins de l'inconnu, d'étranges dimensions de l'invisible, de pures immensités azurées ou même de profondeurs informes plus ou moins sombres, peu importe : ils ont la vertu d'élargir mon univers et de briser ma solitude. Ils m'éloignent des barreaux, me font quitter ma cellule, m'emportent loin des murs qui me retiennent dans mon malheur quotidien, ne serait-ce que le temps d'une petite éternité de léthargie.
 
Ces voyages de l'esprit vers des mondes légers et sans borne me consolent de ne pas sentir contre ma peau les frôlements de ces quadrupèdes furtifs que j'aime follement... Je comble l'absence de ces rongeurs dans ma cage humaine en me focalisant sur les flammes qui brillent dans ma tête.
 
Ma vie s'enrichit ainsi de nouvelles aventures intérieures. Je me sens si seul dans ces neuf mètres carrés de pénitence... Qu’elle vienne du sol, de mon âme ou du plafond, paraisse banale ou fantastique, prosaïque ou poétique, je saisis la moindre occasion d’envol !
 
Que se soit sur le dos des grignoteurs de déchets ou sur les ailes des chimères de la nuit, la fuite pour moi est essentiellement la même : j'ai besoin de prendre le large.

Rêves et rats se valent à mes yeux : les deux m'emmènent vers les plus lointaines hauteurs.

dimanche 30 novembre 2025

2467 - Grise nourriture

Manger dans cette prison en tant que détenu, cela équivaut à partager un bol de brume froide avec son ombre. Ou bien s'installer dans une pièce vide pour y contempler le spectacle figé des murs mornes. Ou encore s'asseoir au bord d'un océan de solitude et avaler une eau plate en compagnie du silence.
 
Le contenu de mon écuelle se résume à une ventrée de grisaille. Un vrai régime de moribonds ! Un festin pour épouvantails du béton. Des repas sans joie visiblement conçus pour maintenir les statues de plâtre que sont les prisonniers dans leur pâleur carcérale. Ces banquets déprimants destinés à entretenir la monotonie de leurs jours tiennent au corps, cependant. Tout y est certes pauvre en saveurs mais, sur le plan nutritionnel, parfaitement équilibré.
 
Les haricots verts fades sont pragmatiquement accompagnés d'un riz tout aussi insipide. Et lorsque la patate vapeur remplace parfois la banale céréale, c'est censé être fête dans la cellule ! Seuls les désespérés -et les optimistes- se réjouissent de ces menus d'authentiques taulards. La variété reste rare et sans surprise, mais toujours fort appréciée des affamés comme des gastronomes peu difficiles.
 
Les autres ingèrent indifféremment ce qui passe dans leur estomac.
 
Les hôtes du pénitencier ne cherchent pas spécialement à émettre leurs critiques et appréciations au sujet de l'art culinaire tel qu'il est pratiqué au sein de l'établissement, mais simplement à ne pas se laisser bêtement mourir de faim.
 
Les engeôlés n'ignorent nullement que leur châtiment se prolonge jusqu'aux règlementations alimentaires : pas de fantaisie dans leurs gamelles, rien que du basique consistant. Du comestible dénué du fioriture. Ce qu'on sert aux malfrats sous les verrous n'est guère meilleur que du pain maussade et de la simple flotte. Quel luxe pour du bétail de potence ! Pouvoir se gaver de la sorte n'est même pas à la portée des plus pauvres en liberté... Qui donc parmi eux oserait se plaindre ?
 
Chaque écroué a déjà de quoi se remplir le ventre et étancher sa soif à satiété. La preuve que l'administration peut opérer des miracles à moindres frais... Telle se présente la quotidienne pitance tombant dans le bec du condamné. A digérer tout chaud ou à attendre que ça refroidisse, peu importe pourvu que cela le nourrisse, ni plus, ni moins. Ce sort s'applique à tous les criminels assujettis à cette routine diététique.

La véritable amélioration consisterait à faire aimer cette nourriture de bagnards à des porcs.

samedi 29 novembre 2025

2466 - Je m'enfonce dans la nuit

Ma condamnation officielle, mais également mon châtiment et ma rédemption, consistent en cette mise à l'écart de la société à travers l'enfermement dans une cellule pour le restant de mes jours. En paiement de mon crime, je suis censé trouver ici une nuit méritée.
 
On m'a placé entre ces murs affreux afin que j'expie, certes. Mais nul ne peut m'interdire de chercher la lumière pour autant. Ce que je fais avec foi et ardeur, inlassablement : je crois dur comme fer au triomphe final de tout ce qui aspire à monter vers des clartés libératrices. Les lourdeurs de la Terre sont faites pour les légèretés du ciel. Rien n'est jamais définitivement figé ici-bas. Sur la longue durée, la verticalité est la direction normale des choses dans l'ordre naturel du monde. J'ai sombré dans les ténèbres, soit. Je passerai donc le reste de mon existence à remonter à la surface.
 
Après le gouffre, les sommets !
 
Dans ce cheminement ultime, l'effort de l'ascension demeure évidemment à ma charge... Chaque détenu est libre d'avancer ou de stagner. Voire de reculer. Depuis mon poste privilégié, bien qu'il soit peu enviable, j'observe posément ce qui m'arrive. Je voyage dans de sombres profondeurs, j'expérimente l'aventure terrestre dans ses extrêmes, j'explore consciencieusement les abysses de l'âme humaine. Je vis les pires affres du sort qu'on puisse imaginer. Le piège, c'est de les subir telle une fatalité stérile. Ma chance, c'est d'en faire une épreuve féconde. Puisque j'ai revêtu la peau du criminel, je me doterai des ailes de l'ange ! Qui peut l'épine peut la fleur, à condition de le vouloir.
 
L'envol sera nécessairement douloureux.
 
Pour l'heure je dois souffrir encore, sentir davantage le poids de l'ombre, avaler toujours plus de plomb, descendre vers les froids espaces intérieurs, m'enfoncer dans le noir,  éprouver l'effroi, prendre conscience de mon abîme, plonger le plus loin possible dans le néant.
 
J'ai bien ri au temps de mes méfaits, aujourd'hui je pleure. Et je me réjouis follement de ma chute. Voilà ce qu'il me fallait pour me faire désirer si désespérément les hauteurs !
 
A y réfléchir, finalement ma place dans l'Univers ne se situe pas ailleurs que dans ce trou. Je suis ici sur le promontoire providentiel de ma misérable vie.

La prison forge mon paradis.

jeudi 27 novembre 2025

2465 - Loin des femmes

Au lieu de contenir les incendies d'Eros comme l'on pourrait le croire, la réclusion à vie dans une pièce bétonnée les alimente au contraire. Au début de mon inhumain isolement, j'étais assailli par les braises du désir. Il faut savoir que la pire perte pour un détenu est celle des joies de l'hymen.
 
Emmurer un homme doté d'une virilité de cheval revient à placer une bombe dans coffre-fort : les parois d'acier, aussi épaisses soient-elles, n'empêcheront nullement d'étouffer la flamme dévastatrice. Eriger des murs autour du feu charnel ne fait que le décupler et non l'éteindre.
 
Le manque de présence galante m'a profondément rongé. Le vide poussant à enflammer mon imaginaire définitivement privé de femmes, il ne me restait plus que les fantaisies infernales de mes mâles rêveries pour tenter de satisfaire mes appétits les plus ardents.
 
Mais quel horrible supplice que d'essayer de boire une eau virtuelle lorsqu'on meurt de soif ! Aussi par la force des choses ai-je dû, au bout de quelques années de tourments sans fin, me résoudre à choisir de plonger dans la folie poétique plutôt que de continuer à courir après des chimères cruellement inaccessibles.
 
C'est ainsi qu'au prix d'un effort inconcevable, je me suis mis à progressivement préférer suivre une voie résolument verticale, me détournant des séductions étouffantes de Vénus pour me diriger vers la quête de pures étoiles.
 
J'imagine alors m'embarquer dans une aventure fabuleuse aux commandes d'un voilier spatial en direction du firmament, aux antipodes des marécages de la sensualité contrariée... Et, voguant pendant des heures dans mes hauteurs supérieures, je ne songe plus aux terrestres plaisirs.
 
Dans ma tête toute retournée, je remplace avantageusement le mot "femelles" par celui d' "astres", ce qui m'aide beaucoup à changer l'orientation de mes idées. De cette manière je peux aisément transfigurer les féroces appas féminins en d'idéaux corps célestes : j'oublie les imprenables fleurs sexuées pour m'enivrer bien plus bénéfiquement de la beauté des géantes stellaires. Ces dernières se situent certes hors de ma portée, elles aussi, mais au moins elles ne brûlent pas mes nuits.
 
Lorsque l'aiguillon des sens se manifeste à moi, il me suffit de poursuivre mon rêve de voyage interminable dans l'espace intersidéral pour dévier mon attention de ces pesanteurs physiologiques aliénantes et me retrouver aussi libre que possible dans ma sphère onirique, loin, très loin des lourdeurs de la chair en émoi.

Entre misère et héroïsme, tel est le moyen que j'ai trouvé pour échapper au piège des chaînes hormonales.

mardi 25 novembre 2025

2464 - Du néant vers la lumière

Ici, au fond de tous les oublis, je me situe entre le néant et la nuit. Et les matons qui m'apportent à manger constituent les maigres étoiles éclairant faiblement et à horaires fixes mon cachot de damné.
 
La nourriture est médiocre, les visages qui la distribuent sont austères et la porte de ma cellule ressemble au couvercle d'un cercueil. On me laisse le droit inaliénable, si la chose me chante encore, de moisir dans cet enfer puisque c'est là précisément sa fonction. A ma charge d'essayer d'en faire un purgatoire, c'est-à-dire un chemin vers une sortie lumineuse.
 
Ma liberté ultime réside finalement en cela. On m'a puni à juste titre pour mon crime. Mais rien ne m'interdit dès lors que je demeure sagement là où j'ai mérité d'être, de m'extraire de ce gouffre par mes propres moyens, et tant que cela est possible, tout en restant dans la légalité. Non pour m'y évader stérilement mais pour y trouver un sens vertical, une voie céleste à suivre.
 
Le peu de lumière qui parvient à pénétrer dans mon antre de rat devrait normalement suffire à préserver mon âme des abysses et à la sauver. C'est à travers ces minces clartés résiduelles que je compte changer mon sinistre sort en destin de plus digne envergure. En dépit des jours de désespoir et des heures mortelles, je cherche malgré tout le sommet.
 
Non je ne suis pas mort en réalité.
 
Entre les ténèbres et le vide de cette existence de pénitence prisonnière de quatre murs, je me raccroche à tout ce qui peut me maintenir debout face au ciel. Les mines sans sourire de mes geôliers aux airs durs, aux gestes froids, aux attitudes purement réglementaires forment le terrain âpre mais salutaire sur lequel je dois m'appuyer pour repartir à zéro dans mon humanité déchue : ces regards qui me fusillent sont aussi ceux que je veux apprendre à aimer pour l'unique raison qu'ils sont humains et que cette nécessaire épreuve est difficile.

Ce sera là le prix de mon envol.

dimanche 23 novembre 2025

2463 - Mes trésors dérisoires

Dans le dépouillement extrême de ma réclusion, les moindres bagatelles, babioles et bricoles prennent des proportions énormes et deviennent pour moi de véritables trésors. J'apprécie d'autant mieux les plus petits éclats de fraîcheur, les miettes de sucre, les occasions éphémères de confort que ces menues consolations sont rares au fond de cette nuit permanente où j'évolue.
 
Il en faut peu pour meubler mon sinistre espace de flammes gigantesques. Un bout de rien du tout, un début de quelque chose, des restes sans valeur apparente peuvent se transformer en hochets précieux à mes yeux. Je puis détourner à ma guise n'importe quel objet inutile ou insignifiant et l'utiliser pour d'inlassables distractions. C'est ainsi que je cherche à passer le temps, lorsque mon esprit est disposé prendre ses distances avec les murs.
 
En dehors de mon crayon et de mes feuilles de papiers qui occupent une partie de certains de mes jours (je n'écris pas régulièrement, loin de là), je me livre à divers jeux que j'invente spontanément. Ce sont là des activités ludiques parfaitement absurdes ou au contraire fort intelligentes. Qu'elles soient basiques, complexes, purement mécaniques ou créatives, simplement manuelles ou bien hautement cérébrales, ces indispensables futilités constituant de minuscules évasions m'emmènent hors de ma geôle et c'est l'essentiel.
 
Ces dérisoires dérivatifs sont mes seules aires de loisirs au coeur du néant, mes maigres oasis en plein désert carcéral, mes uniques sources d'ondes claires au milieu des brumes perpétuelles.
 
Mes frivolités de condamné à vie tournent follement et indéfiniment autour de thèmes imaginaires  multiples et parfois radicalement opposés. Telle fois je me perds dans des sphères mathématiques abstraites, telle autre fois je m'aventure dans des lieux célestes colorés. Tantôt il s'agit de gestes répétitifs vides de sens et ne se rapportant à aucune réalité familière, tantôt il est question d'histoires improvisées sans nom, sans fin et sans but mais pleines de rêves fabuleux.
 
Je fais des châteaux avec tous les débris qui me tombent sous la main. Une gomme usée, un morceau de carton, un bouchon de stylo suffisent pour me projeter dans des rêveries profondes. Je m'en sers comme vaisseaux, chars ou carrioles pour mes voyages aux antipodes de ma cellule. Grâce à ces radeaux providentiels de bric et de broc, je vogue dans de merveilleux océans oniriques.
 
Ces misères matérielles, bidules épars et trucs trouvés ici et là m'emportent avec eux dans d'improbables expéditions aux confins de la Terre. A travers ces minces supports et selon leurs formes -carrée, oblongues, plates ou arrondies-, je m'embarque soit dans des camions, soit dans des fusées, et même dans des soucoupes volantes ou de simples rafiots, pour d'interminables odyssées virtuelles qui m'éloignent de la prison jusqu'à l'heure du prochain repas.
 
Quelle ironie ! Depuis mon trou de reclus, je retrouve mon âme d'enfant...

samedi 22 novembre 2025

2462 - Aucune visite

Dans le pénitencier je côtoie plus de cafards, de punaises et autres parasites que d'humains, croisant en une journée davantage de nuisibles que de bipèdes.
 
L'unique visage qui me fait face assez longuement pour que je puisse le contempler à ma guise, c'est le mien. De fait, le miroir est mon plus coutumier confident.
 
Mes gardiens passent trop furtivement dans mon espace confiné pour que j'aie le loisir de partager avec eux mon ciel et mon enfer, mes gouffres et mes sommets, mes rêves et mes ténèbres.

Personne ne vient me rendre visite.

Aussi ai-je pris l'habitude de m'entretenir de la pluie et du beau temps avec mon propre reflet. Etats météorologiques des différentes saisons que je perçois depuis le fond de ma cellule, derrière les barreaux, bien abrité des éléments.

Dans ces moments d'extrême solitude, je m'adresse irréellement au seul être que je connaisse vraiment depuis longtemps dans cette geôle : moi-même. Lorsque le jour est printanier, l'occasion est toujours bonne pour lancer des paroles anodines en l'air et écouter résonner ma voix dans cette pièce de neuf mètres carrés qui me tient lieu d'horizon. Je me fixe alors dans les prunelles en me destinant les mots suivants :

— Le soleil est magnifique aujourd'hui, n'est-ce pas ?

Et si en hiver la neige blanchit la cour de la prison, les termes changent mais jamais le ton, qui demeure artificiellement enjoué : 

— Quelle éclatante pureté, tu ne trouves pas ?

Mon image dans la glace à chaque fois me répond par un acquiescement triste...

Et je vois mes yeux se charger de larmes. La réclusion radicale a assombri mon regard. Mes traits sont devenus presque effrayants. Sur mes lèvres, mon front, mes joues, je lis les pages noires d'un livre racontant le malheur.

Dehors j'entends soit l'averse tomber, soit le vent mugir, soit les oiseaux chanter. Et je reste là à m'observer dans le rectangle de verre accroché au mur.

Nul ami ne viendra me voir au coeur de ma détresse.

vendredi 21 novembre 2025

2461 - Des ombres me parlent

Après tant d'années enfermées dans ma cellule, j'ai appris à écouter le silence et à y entendre de nouvelles voix, à prêter attention à l'impalpable et à y déceler des formes inhabituelles, à poser le regard sur de plus lointains horizons et à y voir d'autres brumes.
 
Mes sens se sont adaptés à l'univers borné de la vie carcérale. Et paradoxalement, les parois qui m'encerclent ont reculé au fil du temps. De cette façon mon champ de vision s'est considérablement élargi. Selon ma disposition du moment, je considère ces murs tantôt comme des remparts de béton inamovibles, tantôt comme de simples écrans de papier qu'un seul de mes rêves peut déchirer.
 
Un jour je suis isolé au fond d'un sombre cachot, le lendemain je me retrouve entouré de multiples présences brillantes sous une clarté radieuse : j'oublie tout ce qui est opaque, épais et lourd, pour ne plus percevoir que ce qui essentiel, éclatant, aérien. Tout dépend de mon humeur, de mon état mental, de la hauteur mon âme.

Ainsi dans la solitude de ma geôle il m'arrive de tendre l'oreille dans ce vide supposé pour y recevoir des mots venus non de loin mais de tout près... L'ombre des barreaux projetée de manière plus ou moins diffuse dans ma pièce de réclusion, des modestes objets divers posés ça et là, et même celle de mon propre corps, me communiquent leurs pensées intimes. Tels des spectres familiers, elles m'adressent des paroles secrètes, des confidences de l'invisible, me dévoilent leur monde caché, m'ouvrent l'esprit à leurs réalités aux apparences certes toujours plates mais tellement multiformes et aussi mouvantes que possibles...

Tout un théâtre se joue sous mes yeux. Rien que pour moi. Et j'attribue tel visage à telle silhouette obscure me destinant soit ses flammes mystérieuses soit ses flots indicibles. J'associe telles qualités à tels vagues traits qui semblent me fixer dans la lumière franche du matin ou dans le trouble du soir. J'accorde telle importance à tel interlocuteur subtil et longiligne qui se dresse devant moi de toute sa finesse...

Tout ce peuple de minceurs et de fluidités me tient compagnie de l'aube jusqu'au crépuscule, avant de s'évanouir subitement dans la pénombre de la nuit. A l'heure du coucher, sous l'éclairage atténué de l'ampoule électrique, elles deviennent confuses, beaucoup plus incertaines et je les perds de vue. Et je finis alors par me demander avec qui j'ai bien pu converser toute la journée, là abandonné au milieu de ma forteresse.

jeudi 20 novembre 2025

2460 - Une porte s'ouvre

En plein milieu de la journée, je vois un carré de béton s'enfoncer sur l'un des quatre murs de ma cellule. Le creux se forme devant moi, donnant sur un espace noir, profond et inquiétant. J'ignore si cette trappe subite consiste en une entrée ou en une sortie.
 
Par quelle folie ce phénomène peut-il se produire ? Et pour quelle raison ? Dois-je profiter de l'opportunité pour m'engouffrer dans cette voie soudaine ou au contraire m'en tenir à une prudente distance ? N'est-ce pas plutôt un piège ? Un simple leurre ? D'ailleurs, que puis-je découvert derrière ce passage vers l'inconnu ? Des ténèbres ou de la lumière ?
 
Bientôt des ombres surgissent de ce trou mystérieux et ma geôle se peuple d'hôtes invisibles. Ce qui me confirme que j'ai bien affaire à un accès franchissable et non pas à une ouverture bouchée.
 
Je capte de vagues présences dans l'air, devine des regards se poser sur moi, perçois des visages impalpables me tourner autour. Compagnie amicale, impassible ou indésirable, comment savoir ? Me sentant indubitablement entouré par ces êtres immatériels, dans la détresse de ma solitude et le vide apparent de la pièce je leur adresse des mots incertains. Je n'obtiens que le silence. Vaine tentative de communication avec ces étranges entités venues de je ne sais où... Je commence à me demander si, en définitive, ces intrus existent vraiment... Peut-être mon imagination chancelante de captif à perpétuité me joue-t-elle des tours ?
 
Ou alors tout cela est effectivement réel et il ne me reste plus qu'à explorer cet univers nouveau ! A cette pensée, j'ai l'impression de m'égarer un peu plus loin encore dans mes délires de rat reclus... A ce stade de ma réflexion je ne me considère déjà plus du tout seul. Au point de ne plus oser m'allonger sur le lit, de peur d'y réveiller un dormeur en train de rêver. Ni de m'asseoir sur la chaise, de crainte d'y déranger un écrivain penché sur sa feuille. Je veux parler de ces drôles d'étrangers qui se sont invités dans mon antre et dont les traits ressemblent tellement aux miens...
 
Que faire ? M'enfuir par cette hypothétique brèche ? Juste y passer la tête pour satisfaire ma curiosité, à mes risques et périls ? Alerter les gardiens ? Fermer les yeux jusqu'à ce que les choses redeviennent normales et oublier tout ? Je ne compte de toute façon nullement trouver dans cette inexplicable issue une quelconque occasion d'évasion... Et puis, pour aller où ?
 
Non, je cherche surtout à comprendre ce que signifie cette diablerie.
 
Croyant dur comme fer à cette apparition, un doute m'envahit pourtant. Je retrouve mes esprits. A présent incrédule, je passe la main à travers la paroi censée être déchirée. Comme je m'y attends, mes doigts butent contre la pierre. Le monde rationnel reprend enfin ses droits.

Sauf que le sol se dérobe réellement sous mes pieds et que j'assiste quand même à l'ébranlement de la réalité, que je le veuille ou non.

J'identifie finalement ce qui semble s'ouvrir là entre ciel et cauchemar, tel un théâtre de fumées : la porte de mes chimères.

mercredi 19 novembre 2025

2459 - Les passages du temps

Vu depuis mon antre carcéral, le temps est un ogre aux traits moroses qui se déplace avec des semelles de plomb, effectuant un circuit absurde et éternellement recommencé au sein de ma geôle. Il marche en rond autour de moi à pas lents et pesants vers un but impossible, jetant des regards incessants sur les barreaux de ma cellule, la tête dans les brumes de l'ennui, l'air hagard, l'âme aussi lourde qu'une massue.
 
Je le côtoie en tant que compagnie imposée et essaie de l'éloigner de mon triste asile de rat à chaque fois que cela m'est possible.
 
Il prend toute la place dans mon minuscule espace de vie, lequel se présente tantôt comme un mouroir, tantôt comme un tombeau. J'ai déjà assez à faire avec la grisaille de mon misérable quotidien et le reste de mes affaires pour, en plus, devoir le supporter ! Je n'ai évidemment nul besoin de le sentir traîner à mes côtés et de le voir faire sa ronde folle entre les murs mortels de mon cloître.

Lorsqu'il passe me rendre visite, je fais tout pour le chasser. Il sort alors un moment de mes pensées. Mais repasse aussitôt après dès que j'ai le dos tourné. Et il va et vient encore et encore, réinvestissant les lieux, se posant ici et là sans y être invité, s'attardant entre le lit et la table, s'éternisant stérilement sur le sol ou sur le plafond, et ceci en permanence. En réalité il n'arrête jamais son manège. Il m'indispose, me harcèle, pénètre toujours dans mon trou sans frapper, monopolisant inutilement mon attention. Il insiste longtemps et infatigablement pour demeurer auprès de moi.

Parfois, fatigué de ses intrusions intempestives, je le laisse hanter à loisir mes journées vides de sens. Là, il s'en donne à coeur joie ! Il s'allonge un instant sur ma couche puis se relève prestement pour, tout aussi brièvement, se tenir sur le bord de la fenêtre afin de contempler la cour. Mais cela ne lui suffit pas. Il lui faut explorer les moindres recoins de mon étroite maison de malheur ! Il stagne ainsi des heures durant sur chaque chose, sans se lasser d'être là. La pièce où je croupis devient son royaume, son empire, son seul univers.

Et je ne peux rien y faire, les jours sont finalement ses jours. C'est lui le maître, moi le pantin.

mardi 18 novembre 2025

2458 - Le train des jours

Ma cellule est le wagon d'un train qui m'emmène jusqu'à la tombe à la vitesse follement lente des jours qui passent. Je suis le passager résigné d'un funeste convoi qui n'en finit pas de filer vers la mort au ralenti. Ce qui me donne le temps de contempler le paysage sinistre et statique de ce voyage carcéral qui dure toute une vie.
 
Chaque soir je me dis que j'ai atteint une station supplémentaire. Un pas de fait le long de ma route correspond exactement à un parcours de vingt-quatre heures d'ennui. Mais aussi à un tour du monde en miniature, un périple passif totalement dénué de surprise. Ce dernier équivaut à la patiente course de la petite aiguille autour du cadran horaire... Quelle aventure ! 

L'essentiel, c'est qu'à partir de là une étape quotidienne est achevée pour moi. Une déprimante journée de moins. Et le lendemain tout recommence. Me voilà bien avancé !
 
Ma routine de condamné définitif se compose d'un mouvement invariablement rectiligne sous un ciel à l'éclairage uniforme, sans espoir ni de nuages clairs ni de crépuscules flamboyants. Un itinéraire interminable ponctué de rêveries brûlantes ou de cauchemars moroses. Je me penche à la fenêtre pour n'y voir qu'un plat espace cimenté. Un coin restreint rempli d'une immense tristesse. Une surface bétonnée tantôt arrosée par la pluie, tantôt asséchée par le désespoir.
 
Un carré de pure stérilité sans autre issue que le néant.

Et je chemine vers mon sort final à la molle allure de la perpétuité.

L'ampoule électrique de ma geôle demeure éternellement monotone, à part une légère diminution de la luminosité au moment de dormir.

Rien de vient ensoleiller la pièce où je me morfonds et meurs dans les lenteurs de la poussière. Un siècle s'écoulera avant que tout se termine enfin, je le sais. 

Cependant aucune clarté ne s'est vraiment éteinte en moi. 

Ces innombrables années qui me restent à endurer entre les seuls murs de mon trou, toutes pareilles, toutes mornes, toutes tragiques, je les réévalue une à une. Je les examine attentivement, avec une fine acuité intérieure. Il me suffit d'ouvrir bénéfiquement les yeux au lieu de les fermer bêtement : sous mon regard éveillé elles perdent de leur poids à mesure qu'elles se succèdent.

Même si elles semblent se ressembler toutes, elle se chargent progressivement de lumière. A moins qu'elles ne se déchargent de leur grisaille... Peu importe, à travers chacune d'elle je m'approche un peu plus d'un nouvel horizon, d'une voie verticale où m'engager. Au fil de ma progression, je sors d'un gouffre pour accéder à une hauteur libératrice. Alors que j'ai l'impression de faire du sur-place, en réalité ne serais-je pas plutôt dans une sorte d'Orient-Express se dirigeant vers un royaume de rédemption plein de légèreté ?

Cette porte ultime, certain l'appellent la Camarde. Moi je la nomme l'éternité.

Liste des textes

2483 - Derrière les murs, il y a Dieu
2482 - Je perds mes forces
2481 - Mon cinéma
2480 - Sinistre andouille
2479 - Mon secret
2478 - Mes vues ultimes
2477 - Après la peine, la paix
2476 - Tristesse en fête
2475 - La tache
2474 - La marche des secondes
2473 - Déliré-je ?
2472 – Vieillesse
2471 - Le tour de ma cellule
2470 - Qui me croira ?
2469 - Mon avenir lointain
2468 - Mes amis les rêves
2467 – Grise nourriture
2466 - Je m’enfonce dans la nuit
2465 - Loin des femmes
2464 - Du néant vers la lumière
2463 - Mes trésors dérisoires
2462 - Aucune visite
2461 - Des ombres me parlent
2460 - Une porte s’ouvre
2459 - Les passages du temps
2458 - Le train des jours
2457 - Le directeur
2456 - Au pied du mur
2455 - La loi du plus “fer”
2454 - Ma maison
2453 - Poussière
2452 - Les larmes de la nuit
2451 - Mutisme
2450 - Mon fantôme
2449 - Hallucinations
2448 - Je compte les jours
2447 - Vie de flamme
2446 - De vagues souvenirs
2445 - Les étoiles s’éloignent de moi
2444 - Eclats de joie
2443 - Je parle aux murs
2442 - La marche des matons
2441 - Sainte à l’air
2440 - À l’ombre de ma vie
2439 - Ma geôle sans sucre d’orge
2438 - Des ombres
2437 - Les feuilles
2436 - Quelle issue à mon chemin ?
2435 - Des ailes dans la nuit
2434 - Éclat d’ange
2433 - Le temps me tue
2432 - Les flammes du silence
2431 - Plus de Lune
2430 - Un jour de plus
2429 - Mes rêves
2428 - Une journée ordinaire
2427 - Reine d’un monde
2426 - La pluie
2425 - Je perds pied
2424 - Un oiseau à ma fenêtre
2423 - L’évadé
2422 - Les barreaux
2421 - Eclats et monotonie de la prison
2420 - Les clés
2419 - Espérance
2418 - A travers la fenêtre
2417 - Les années passent
2416 - Une lettre mystérieuse
2415 - Le psychologue
2414 - La douche
2413 - Je tourne en rond
2412 - L’anniversaire
2411 - Quelques visites
2410 - Insomnies
2409 - La promenade
2408 - Mes repas
2407 - Mon lit
2406 - Les printemps
2405 - Solitude de fer
2404 - L’ennui
2403 - Tête de taulard
2402 - La fouille
2401 - Passe-temp
2400 - Les gens libres
2399 - Prière
2398 - Les heures
2397 - La mouche
2396 - La porte
2395 - Le plafond
2394 - Nulle compagnie
2393 - Bientôt fou ?
2392 - Départ
2391 - Mes geôliers
2390 - L’enfermement
2389 - Quatre murs
2388 - Des mots en guise d’ailes
2387 - Mon trou
2386 - Connexion céleste
2385 - Une flamme de l’azur
2384 - Seigneur cinglant
2383 - L’âme en l’air
2382 - Flamme verte
2381 - Au feu les plumes sombres !
2380 - Sombre forêt
2379 - Emportés par le vent
2378 - Un homme des nues
2377 - Courage de Bayrou
2376 - Un chemin sans fin
2375 - Mon univers infini
2374 - Je ne suis pas de la ville !
2373 - Seul parmi les arbres
2372 - Au bout des chemins
2371 - Mon trésor
2370 - Les cumulus
2369 - Qui donc m’observe ?
2368 - Le loup
2367 - Cauchemar
2366 - Un peu de foin
2365 - Bain de crépuscule
2364 - Voyage sous un arbre
2363 - Ma solitude de roi
2362 - Le silence
2361 - Aubes de plomb
2360 - Mes anges les corbeaux
2359 - Vertueuse verdure
2358 - Le parachute
2357 - Au bord de l’eau
2356 - J’y suis et j’y reste !
2355 - Ma soupe
2354 - Les fées n’existent pas !
2353 - Le bon air de mon exil
2352 - Un jour ordinaire
2351 - Vie de rêve
2350 - Ma solitude
2349 - Je découvre une tombe
2348 - Le randonneur
2347 - La nuit
2346 - Le braconnier
2345 - A l’ombre des arbres
2344 - Une belle journée
2343 - L’intruse
2342 - La chasse à courre
2341 - Les vers luisants
2340 - L’hôte qui pique
2339 - Dans la pénombre
2338 - Le ballon
2337 - Ma lanterne
2336 - La barque
2335 - Le chemin creux
2334 - Les deux chasseurs
2333 - Flamme noire
2332 - Deux corbeaux dans un arbre
2331 - Insomnie
2330 - Cris des corbeaux
2329 - Papillons de nuit
2328 - Froid et pluies
2327 - Les ronces
2326 - Chemins de boue
2325 - Tristesse de la forêt
2324 - Provisions de bois
2323 - Dans les buissons
2322 - Pluie matinale
2321 - Les grands arbres
2320 - Terribles crépuscules
2319 - Les rats
2318 - Un ami frappe à ma porte
2317 - Entouré de rusticité
2316 - Le sanglier
2315 - Mon sac
2314 - Le renard
2313 - Ma marmite
2312 - Des bruits dans la nuit
2311 - Les lapins
2310 - Un signe sous le ciel
2309 - La Lune vue de mon toit
2308 - Une gauchiste explosive
2307 - Sortie nocturne
2306 - Le vent sur la forêt
2305 - Un air de feu
2304 - Rêve dans les branches
2303 - L’écolo
2302 - Les papillons
2301 - La corneille
2300 - Les patates
2299 - L’escorte des souches
2298 - Un orage au dessert
2297 - Nulle femme dans ma forêt
2296 - Indispensables pommes de pin
2295 - Promenade
2294 - La pluie sur mon toit
2293 - A la chandelle
2292 - Un soir de brume
2291 - Vie de feu
2290 - La rosée matinale
2289 - Dans l’herbe
2288 - Par la fenêtre
2287 - Ma cheminée
2286 - Mes chemins d’ermite
2285 - Au réveil
2284 - Les cailloux sur mes chemins
2283 - Mes sentiments de bûche
2282 - Nuit de pleine lune en forêt
2281 - Ivresse de femme
2280 - Loin de ma grotte
2279 - Tempête dans mon trou
2278 - Baignades d'ermite
2277 - Un hibou dans la nuit
2276 - Mes ennemis les frileux
2275 - Ermite aux pieds sur terre
2274 - Mon jardin d’ermite
2273 - La récolte des fagots
2272 - Un étrange visiteur
2271 - Ma demeure d’ermite
2270 - Un homme clair
2269 - Un foyer au fond de la forêt
2268 - Les raisons du peintre
2267 - La célibataire
2266 - Les femmes
2265 - Une femme
2264 - France sous les étoiles
2263 - Un homme hors du monde
2262 - Homme de feu
2261 - Rencontre du troisième type
2260 - Voyage
2259 - Déprime
2258 - Fiers de leur race
2257 - La fille lointaine
2256 - Le Noir méchant
2255 - L’attente
2254 - J’ai entendu une musique de l’an 3000
2253 - Le modèle
2252 - Blonde ordinaire
2251 - Mâle archaïque mais authentique
2250 - La femme et la flamme
2249 - Voyages au bout de la terre
2248 - Ma chambre
2247 - Le vieil homme entre ses murs
2246 - L'ovin
2245 - Vous les mous, les mouches, les mouchards
2244 - Mon humanisme fracassant
2243 - Ma cabane sur la Lune
2242 - Les marques rouges du ciel
2241 - Je reviens !
2240 - Une fille de toque
2239 - La légèreté de la Lune
2238 - Janvier
2237 - Elena Yerevan
2236 - Oiseaux de rêve ?
2235 - J’irai vivre à la campagne
2234 - Fiers de leurs péchés
2233 - Deux faces
2232 - Le soleil de la jeunesse
2231 - Dans les bois
2230 - Nuit de vents
2229 - Mon fauteuil de lune
2228 - Le sourire d’une marguerite
2227 - Je ne suis pas antiraciste
2226 - Qui est-elle ?
2225 - L’arc-en-ciel
2224 - Je suis parti dormir sur la Lune
2223 - La sotte intelligence
2222 - Leurre ou lueur ?
2221 - Clinchamp, cet ailleurs sans fin
2220 - La tempête Trump
2219 - Femme de lune
2218 - Une plume de poids
2217 - Douches glacées
2216 - Les arbres et moi
2215 - Je pulvérise le féminisme !
2214 - J’aime les vieux “fachos”
2213 - La surprise
2212 - Promenade en forêt
2211 - Je vis dans une cabane
2210 - Plouc
2209 - Je suis un mâle primaire
2208 - Musique triste
2207 - Ma cabane au fond des bois
2206 - Hommage à Christian FROUIN
2205 - Installation sur la Lune
2204 - Barreaux brisés
2203 - Affaire Pélicot : juste retour de bâton du féminisme
2202 - L’abbé Pierre, bouc-émissaire des féministes
2201 - Par tous les flots
2200 - Votre incroyable aventure !
2199 - Je ne suis pas en vogue
2198 - Jadis, je rencontrai un extraterrestre
2197 - Dernière pitrerie
2196 - Alain Delon
2195 - Je déteste les livres !
2194 - L’esprit de la poire
2193 - Je ne suis pas citoyen du monde
2192 - Ma cabane dans la prairie
2191 - Devant l’âtre
2190 - Plus haut que tout
2189 - Pourquoi la femme vieillit si mal ?
2188 - Je prends l’avion
2187 - Sous la Lune
2186 - La pourriture de gauche
2185 - Je dors à la belle étoile
2184 - L’obèse et l’aristocrate
2183 - Le hippy et moi
2182 - Croyant de feu
2181 - Les gens importants
2180 - Le Beau
2179 - Michel Onfray
2178 - J’irai cracher sur leurs charentaises !
2177 - Clodo
2176 - Corbeaux et corneilles
2175 - Un dimanche plat atomique
2174 - Promenade en barque
2173 - Juan Asensio, ce rat lumineux
2172 - Il va pleuvoir bientôt
2171 - Au bord de la lumière
2170 - Dans mes nuages
2169 - J’ai dormi dehors
2168 - Les roses
2167 - Perdu en mer
2166 - Un jeune heureux
2165 - Le vagabond
2164 - Un ogre
2163 - Brigitte
2162 - Les gens simples
2161 - L’azur de Warloy-Baillon
2160 - Cause majeure
2159 - Je n’ai aucune élégance
2158 - La rivière
2157 - Il n’est pas raciste
2156 - Elle me fait peur
2155 - L’horloge
2154 - A la boulangerie de Mont-Saint-Jean
2153 - L’écologiste, ce primitif
2152 - Madame Junon
2151 - Chemins de pluie à Clinchamp
2150 - Voyage vers Mars
2149 - Galaxies
2148 - Je suis de la droite honteuse
2147 - Les écrivains sont des poids morts
2146 - L’héritage de Clinchamp
2145 - Clinchamp, une histoire sans fin
2144 - Vent de mystère à Clinchamp
2143 - Ma cachette à Clinchamp
2142 - Randonnée à Clinchamp
2141 - Eclipse de Lune à Clinchamp
2140 - Un arc-en-Ciel à Clinchamp
2139 - Clinchamp sous l’orage
2138 - J’ai rêvé de Clinchamp
2137 - Jour de l’An à Clinchamp
2136 - Vacances d’été à Clinchamp
2135 - Attente à Clinchamp
2134 - Un jour ordinaire à Clinchamp
2133 - Or de France
2132 - La compagne des esseulés
2131 - Loup de lumière
2130 - Spleen
2129 - Le pitre
2128 - Les corbeaux de Clinchamp
2127 - Un homme heureux à Clinchamp
2126 - Le mouton
2125 - Des lutins à Clinchamp ?
2124 - Je suis fort !
2123 - Paroles prophétiques
2122 - L’égalité entre les hommes est injuste !
2121 - L’idéaliste de gauche
2120 - La femme est la monture de l’homme
2119 - Clinchamp sous la neige
2118 - Le Nord et le Sud
2117 - Pourquoi j’aime Clinchamp ?
2116 - Convaincre Blandine
2115 - Un couple de vieillards à Clinchamp
2114 - Le facteur de Clinchamp
2113 - Tristesse et beauté à Clinchamp
2112 - L’Art
2111 - Botte à l’oeuf
2110 - Les bûcherons de Clinchamp
2109 - Le coucou de Clinchamp
2108 - BFMTV : l’écran de la vérité
2107 - Lettre anonyme
2106 - Je ne suis pas amoureux de Paris !
2105 - Un jour d’hiver à Warloy-Baillon
2104 - La femme soumise brille comme une casserole
2103 - Les chouettes de Clinchamp
2102 - Quand la tempête s’abat sur Clinchamp...
2101 - L’aile et la pierre
2100 - Mes amis les maudits
2099 - Le brouillard de Clinchamp
2098 - Artiste de gauche
2097 - L’éternité dans la tête
2096 - Toussaint à Clinchamp
2095 - Chagrin échappé
2094 - Clinchamp-sur-Mystère
2093 - Les cafards
2092 - Loup des airs
2091 - Le loup de Clinchamp
2090 - En latin, c’est plus beau !
2089 - Les patates de Clinchamp
2088 - L’enfant des airs
2087 - Ciel de France
2086 - Thaïs d’Escufon
2085 - Les tomates de Clinchamp
2084 - Jérôme Bourbon
2083 - Les chats de Clinchamp
2082 - Poupée d’ailleurs
2081 - Pierre de feu
2080 - Les champs de Clinchamp
2079 - L’éclosion
2078 - Vacuité des bouquinistes
2077 - Les toits
2076 - Freud
2075 - Sport
2074 - Le simplet de Clinchamp
2073 - Les oiseaux de Clinchamp
2072 - Je ne suis pas cartésien
2071 - Au cimetière de Clinchamp
2070 - Le Panthéon pour Hugo, l’évasion pour Izarra
2069 - Les rats de la France
2068 - Le curé de Clinchamp
2067 - Mon trou à Clinchamp
2066 - Saint-Léonard-des-Bois
2065 - Les cloches de Clinchamp
2064 - Un épouvantail à Clinchamp
2063 - Les rêves de Clinchamp
2062 - Je suis raciste
2061 - L’injustice sociale ne me choque pas
2060 - Les femmes de Clinchamp
2059 - Les jours vides de Clinchamp
2058 - Une grand-mère
2057 - Clinchamp vers 1970
2056 - La femme de soixante ans
2055 - Sale temps à Clinchamp
2054 - Un grand voyage en forêt
2053 - L’ailé et l’aliéné
2052 - Souvenirs lointains
2051 - Domestication d’une greluche
2050 - Déprime à Clinchamp
2049 - L’amour à Clinchamp
2048 - Les Droits de l'Homme, c'est la négation de l'homme !
2047 - Les hivers de Clinchamp
2046 - Les chemins de Clinchamp
2045 - Seul au monde
2044 - Ne me parlez pas d’amour
2043 - Tristesse de l’été
2042 - Jour de fête à Clinchamp
2041 - Monsieur Lecon
2040 - Châtelain
2039 - Les ailes de Clinchamp
2038 - Tremblement de terre
2037 - Nuit d’amour
2036 - Pluie de joie à Clinchamp
2035 - Les gauchistes
2034 - Clinchamp sous les clartés lunaires
2033 - Henri d’Anselme, héros hétéro rétro
2032 - Les hirondelles
2031 - Retraite dans la forêt
2030 - Mon bosquet
2029 - L’or de Clinchamp
2028 - Sur le chemin
2027 - La souche
2026 - Clinchamp, ce voyage sans fin
2025 - Sardines à l’huile
2024 - Les fantômes
2023 - Le silence de la forêt
2022 - Les arbres
2021 - Les joies de Clinchamp
2020 - La merde républicaine
2019 - Les ailés
2018 - Les soirées de Clinchamp
2017 - Parasite
2016 - Clinchamp, les routes de l’ennui
2015 - Moi français, je déteste les migrants !
2014 - Répugnante
2013 - Les complotistes
2012 - Je déteste les livres de philosophie !
2011 - Le bossu de Clinchamp
2010 - La lumière de Clinchamp
2009 - Les crépuscules de Clinchamp
2008 - Les nuits à Clinchamp
2007 - Les aubes de Clinchamp
2006 - Je suis un oiseau à Clinchamp
2005 - Les rats de Clinchamp
2004 - Les papillons de Clinchamp
2003 - Les richesses de la normalité
2002 - Le Rimbaud des bobos
2001 - Les vaches de Clinchamp
2000 - La folle de Clinchamp
1999 - Mon ego solaire
1998 - Vague Lune
1997 - Ma cabane à Clinchamp
1996 - Moi, IZARRA
1995 - Mais qui donc est Dardinel ?
1994 - La Dame Blanche de Clinchamp
1993 - Le Dalaï-Lama
1992 - Pluie à Clinchamp
1991 - Je suis sexiste
1990 - Les flammes du printemps
1989 - Le rustaud de Clinchamp
1988 - Les larmes d’Amsterdam
1987 - Clinchamp, terre d’envol
1986 - La Joconde de Clinchamp
1985 - Face cachée de Clinchamp
1984 - La clocharde de Clinchamp
1983 - Je suis un extraterrestre
1982 - Clinchamp sous les éclats de novembre
1981 - Clinchamp au bord des larmes
1980 - Les fantômes de Clinchamp
1979 - Les pissenlits de Clinchamp
1978 - Clinchamp : fin et commencement de tout
1977 - Amsterdam
1976 - J’habite sur la Lune
1975 - Secret de Lune
1974 - Les ailes de la Lune
1973 - Voir Clinchamp et sourire
1972 - La pierre et l’éther
1971 - Clinchamp, au bonheur des larmes
1970 - Clinchamp, mon dernier refuge
1969 - Croissant de Lune
1968 - Mais d’où vient donc la Lune ?
1967 - Lune lointaine
1966 - Lune éternelle
1965 - Sandrine, notre voisine
1964 - Rêve de Lune
1963 - Lune des rêves
1962 - La Lune dans le bleu
1961 - Lune ultime
1960 - Les tourmentés
1959 - Clinchamp, paradis des ombres
1958 - Lune absente
1957 - Je raffole des commérages !
1956 - Clinchamp : royaume des humbles
1955 - La Dame dans le ciel
1954 - Palmade : de la gloire au gouffre
1953 - Evasion
1952 - Tatouages, ces marques de faiblesse
1951 - L’égalité est un enfer !
1950 - Repas sur l’herbe à Clinchamp
1949 - Escale à Clinchamp
1948 - Beauté morbide de la Lune
1947 - J’ai dormi dehors à Clinchamp
1946 - Les humanitaires sont des parasites !
1945 - Sur les routes de Clinchamp
1944 - Une année à Clinchamp
1943 - Tristesse du printemps
1942 - Bulle de Terre
1941 - Jour de joie à Clinchamp
1940 - L’inconnu de Clinchamp
1939 - Le ciel de Clinchamp
1938 - Les éclats de Clinchamp
1937 - Le voyageur
1936 - Fête triste
1935 - Les antiracistes
1934 - Jean Messiha
1933 - Coeur gelé
1932 - Romantisme de pierre
1931 - La femme est sous mes pieds
1930 - Burcu Güneş, un air léger
1929 - Je déteste les pauvres !
1928 - Quand mon coeur s’allume
1927 - Intègre, entier, râpeux
1926 - Le cheval
1925 - Homme mauvais
1924 - Un trou sous le ciel
1923 - Hauteur de la Lune
1922 - Nulle part, là-bas, ailleurs
1921 - Belle Lune
1920 - Salades lunaires
1919 - Lettre à Reynouard
1918 - MARGUERITE OU L’HISTOIRE D’UNE VIEILLE FILLE
1917 - Récoltes lunaires
1916 - Je suis français de souche
1915 - Lune mortuaire
1914 - Clinchamp, cité des oubliés
1913 - Clinchamp, l’air de rien
1912 - Clinchamp, sommet du monde
1911 - La pollution, c’est la vie !
1910 - Seule au monde ?
1909 - Le Ciel et la Terre
1908 - Lune de haut vol
1907 - La Lune s’allume
1906 - Nuit sombre
1905 - Soupe de Lune
1904 - Puretés raciales
1903 - Lune-pizza
1902 - La grande question
1901 - Amiens
1900 - Pleur de Lune
1899 - Rêve d’amour
1898 - Vive le patriarcat !
1897 - La libellule
1896 - L’eau qui m’éclaire
1895 - Une question de clarté
1894 - La Lune dort
1893 - Les artifices du spirituel
1892 - Lune normale
1891 - Ni chauffage ni travail
1890 - Lune de fer
1889 - Molle Lune
1888 - Insensible aux malheurs des autres
1887 - Mon visage de vérité
1886 - Amante russe
1885 - J’écris
1884 - Lune martiale
1883 - Je suis un incapable
1882 - Lune creuse
1881 - 1975
1880 - L’éclat d’un fard
1879 - Amour impossible
1878 - Femme au foyer
1877 - L’esprit de la Lune
1876 - Ingérence féministe
1875 - Cratères lunaires
1874 - Lune d’effroi
1873 - Lune des chats
1872 - Les athées
1871 - Lune d’or
1870 - Lune carrée
1869 - Lune de miel
1868 - Folle lune
1867 - Jour de joie
1866 - SMARPHONES : abrutissement des masses
1865 - Sombre lune
1864 - Les mouches
1863 - Ma vie simple
1862 - Clinchamp, terre lointaine
1861 - Je suis un conservateur
1860 - Lune de glace
1859 - Le lac
1858 - Qu’est-ce que la beauté ?
1857 - Lune blanche
1856 - Lune de mer
1855 - Lune de feu
1854 - Présence immortelle
1853 - Surprenante Lune !
1852 - L’éclat de la Lune
1851 - Epis lunaires
1850 - L’autre Lune
1849 - L’amie des cheminées
1848 - Lune morte
1847 - Lune Parmentier
1846 - Lune fatale
1845 - Amour céleste
1844 - Grâces et disgrâces
1843 - Ma maison, c'est la Lune
1842 - Poids de la Lune
1841 - La morte visiteuse
1840 - Ma cabane sous la Lune
1839 - Bleu ciel
1838 - Histoire de lune
1837 - Suc de Turque
1836 - Stéphane Blet
1835 - Ciel bleu
1834 - Bonheur de rat
1833 - Redneck
1832 - Sur le rivage
1831 - Attraction lunaire
1830 - Je suis anti-féministe radical
1829 - Mais qui est-il ?
1828 - Je veux des frontières !
1827 - Les francs-maçons
1826 - Folies lunaires
1825 - Alunir, en un mot
1824 - “Comme ils disent”, chanson d’Aznavour
1823 - Lune tiède
1822 - Globe de rêve
1821 - Effroi
1820 - Vangelis
1819 - L’air de la Lune
1818 - La campagne
1817 - Lune tombale
1816 - Les cailloux
1815 - Je déteste Paris !
1814 - Boules de neige
1813 - Je n’ai pas peur
1812 - Parler vrai
1811 - Les hommes simples
1810 - Quand la Lune panse
1809 - Régine : extinction d’un feu
1808 - Morte veilleuse
1807 - Coeur de pierre
1806 - Noir
1805 - Mystère de la Lune
1804 - Jackson Pollock
1803 - En pleine lumière
1802 - Harmonie des sexes
1801 - Dix ans dans l’azur
1800 - Pluie d’avril
1799 - Le gueux
1798 - Les pommes de pin
1797 - Voyage vers la Lune
1796 - Mystère d’une nuit
1795 - Une lumière turque
1794 - Sans coeur et avec écorce
1793 - Envolé !
1792 - Galante ou l’abcès crevé
1791 - La lumière du Bosphore
1790 - Claude Monet
1789 - Rat aristocrate
1788 - Ukraine : sortez de vos ornières mentales !
1787 - Tranche de ciel et plumes de la Terre
1786 - Les sots écolos
1785 - L’astre turc
1784 - L’Ukraine, je m’en fous totalement !
1783 - Vive la guerre !
1782 - Réponses à un coatch
1781 - Droite pure
1780 - Vains hypersensibles
1779 - Mes valeurs vives
1778 - Le secret
1777 - Force et lumière
1776 - De l’herbe à l’aiguillon
1775 - Jusqu’à la mort
1774 - Zemmour et les journalistes de gauche
1773 - Dur et juste
1772 - La flamme et le marbre
1771 - Mon chat est mort
1770 - Les frères Bogdanoff
1769 - J’ai rêvé de Natacha
1768 - Technologie
1767 - Vers la Lune
1766 - C’était la guerre
1765 - La “tondue de Chartres”
1764 - Dans le métro
1763 - Naissance d’un virus
1762 - Zemmour est-il un de Gaulle ?
1761 - Je suis grand
1760 - Jour de gloire
1758 - Une muse du Bosphore
1758 - Je suis un extrémiste
1757 - Les éoliennes
1756 - Femme terminale
1755 - Autoportrait
1754 - Je suis un sanglier
1753 - Faux fou
1752 - Les affaires
1751 - Octobre
1750 - Le fantôme
1749 - Les écrivains
1748 - Sauvez la France !
1747 - Mes sentiments de pierre
1746 - Une araignée raconte
1745 - Un coeur clair
1744 - Phallocrate
1743 - Les vaches
1742 - Les faibles sont mauvais
1741 - Les sans-visage
1740 - Le trouillard de gauche
1739 - Léonard de Vinci enfant
1738 - Mes froideurs sublimes
1737 - Le romantisme, c’est la décadence
1736 - La Joconde
1735 - La tour Eiffel
1734 - Le Soleil
1733 - Une boule de mystère
1732 - Les masqués
1731 - Burcu Günes, l’or turc
1730 - Léa Désandre
1729 - Le père Dédé
1728 - “Blanc lumière” de Pollock
1727 - Les kikis et les cocos
1726 - Les funérailles de Belmondo
1725 - Pôle Sud
1724 - Vierge au mariage
1723 - La forêt
1722 - Le réveil des clochers
1721 - En septembre
1720 - Extraterrestre
1719 - Ni cagoule ni sérum
1718 - L’astre des morts
1717 - L’idéaliste
1716 - Un ange noir pour les Blancs ?
1715 - Trois heures du matin
1714 - Dur et vivant
1713 - Homme des bois
1712 - De flamme et de sang
1711 - Mes bas potentiels
1710 - Je suis un anti-progressiste
1709 - Eléonore et les Noirs
1708 - Eléonore et les Juifs
1707 - Une française
1706 - Femme d’idées
1705 - Joie de vivre
1704 - Auteur de rêves
1703 - Raison féminine
1702 - Vieillard
1701 - Face de France
1700 - 1789
1699 - Adieu, France
1698 - Célibataire
1697 - L’envers vert
1696 - Avant la chute
1695 - L’aube d’Ève
1694 - Amour raté
1693 - À vue d’homme
1692 - Le loup et l’agnelle
1691 - Têtes à corps
1690 - Trêve de la nuit
1689 - L’été
1688 - L’hiver
1687 - Les âmes de la forêt
1686 - Enfin libre !
1685 - Je vis sans masque
1684 - Enfants du monde
1328 - Je suis apolitique
115 - Le cygne
114 - Le spleen de Warloy-Baillon
113 - Les visiteurs
112 - La Lune
111 - L’amant des laides
110 - Mémoires d’un libertin
109 - Une existence de pompiste
108 - Lettre à mes amis des listes sur Internet