Les gens du pays me désignent d'un doigt tantôt tremblant, tantôt
admiratif.
Je porte des bottes de brute et arbore des fleurs de valeur. Mon chapeau
est noir, mon visage est une flamme.
J’ai la main rugueuse et le sang brûlant : malheur aux peaux fragiles et
aux âmes pâles !
Je suis la hantise des prudes et le rêve secret des épouses en folie,
l'ami des loups et la terreur des frileux, le dernier des hères et l'empereur
des ogres !
Aux marquises évanescentes dûment pommadées et élégamment poudrées que
j’invite le dimanche sous les dorures de mon salon, aussi belles que fortunées,
vêtues de dentelles et baignant dans le luxe, je destine mes galanteries les
plus caressantes.
Aux demoiselles de bonne famille de seize ans à la taille fine et aux yeux doux, curieuses et affables, je réserve la primeur de mes plus purs jaillissements séminaux.
Quant à mes bonniches, je les fouette jusqu’au sang.
A trois heures du matin il m’arrive d’aller pisser sur les fleurs de ma
voisine en murmurant discrètement des vers de Homère, juste sous la fenêtre
ouverte de sa chambre. Mais uniquement lorsque je l’entends ronfler comme une
coche. C’est une jeune fille laide, peureuse, vierge, bigote, haïssable.
Je n’aime véritablement que les libellules au venin de vipère. Moi-même
j’apparais à la gent femelle tel un esthète à gueule de rat. C’est ainsi que je
séduis mes conquêtes. Elles me le rendent avec mille grâces et deux ou trois
baisers mal placés.
Je déplais surtout aux pauvres, aux lâches, aux pouilleux.
Les chiens affamés viennent à moi et les enfants hilares m’adorent. Mais je
les exècre. Aux premiers j’offre les épluchures toxiques de ma cuisine, aux
seconds des rêves noirs.
Les insolents ne sont pas les bienvenus chez moi. Ces mauvaises bêtes de
boudoirs me sont particulièrement insupportables ! Je ne souffre pas plus la présence
sous mon toit des insatisfaits, des communs et des tièdes. Moi je ne veux que
des âmes brillantes et des coeurs allègres ! Des têtes pleines de pensées hautes
et des faces éclatantes de beauté !
Je suis tout ce que vous n’êtes pas et vous êtes ce que je ne serai
jamais.
J’adresse à qui le veut mes souhaits de bonheur et de longue vie ! A
condition d’aimer l’humanité vraie, non la veule vermine.
Je vous aime et vous déteste.
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