Dès la première gorgée, il avait senti sa caresse glacée dans la gorge.
La bière qu'il était en train de déguster, c'était aussi le pressentiment de sa mort imminente.
Ce verre d'aspect si anodin était pour lui l'annonce intime d'un événement capital, la voie mystérieuse qu'avait prise le Ciel pour l'avertir.
Il devait se préparer à la mort, le temps d'une dernière ivresse. Le processus était enclenché, irréversible. Il buvait à petites gorgées ses derniers instants, savourant la délicieuse amertume sous son palais.
Il se voyait quitter ce monde sur les ailes de Bacchus, sans effroi ni peine, bercé par les chaudes, molles vapeurs... Ce départ indolent semblait lui avoir été accordé comme une grâce.
A mi-chemin de ses brumes, il devint solennel, leva sa chope à l'ange de la Mort et fit ses adieux au barman. Les clients du bar ne lui prêtèrent guère attention. Propos d'ivrogne...
Quelques gorgées plus tard, il chanta bruyamment, puis psalmodia lentement quelque cantique d'éthylique.
A la dernière gorgée, dans un geste dérisoire et sublime il fracassa son bock contre le miroir d'en face avant de s'écrouler parmi les bris de verre, yeux ouverts, lèvres décloses, coeur arrêté.
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