A me frotter aux affaires communes inhérentes à l'existence humaine, inévitablement j'en viens à côtoyer, et c'est bien fâcheux, le vulgaire. Dans toute sa petitesse. Les minuscules aspirations matérialistes de mes contemporains m’affligent. Mais je n'oublie pas de m'en amuser pour autant.
Par exemple devant un brave pompiste j'affiche toujours un simiesque sourire social en me faisant passer pour un des siens : un frère du quotidien, un coeur somnolent, un esprit horizontal, convaincu comme lui-même que mon salut dépend de la qualité de l'hydrocarbure qu'il me vend et, accessoirement, de la marque de mon véhicule, ainsi que de tous les objets manufacturés qui m'entourent... Pauvre garagiste pour qui j’éprouve une sincère pitié en secret derrière mon sourire de façade.
Affligeant réparateur de voitures… Mais il y a encore tous les autres : ces sinistres banquiers trop occupés pour me prendre au sérieux, ces modestes salariés trop humbles pour oser penser au lieu de faire les ruminants. Pitoyables nantis et déshérités qu'ils sont ! Consternant, lamentable, pathétique est celui qui mise tout sur le visible, le tangible, le négociable.
Quelle inconséquence chez ces adultes majeurs, responsables et chefs de famille...
Face au quidam qui tend ses billets à celui qui lui cède des richesses palpables, je ressens une mortelle lassitude. Il faut voir les faciès satisfaits de ces gens immatures, infantilisés par leur sérieux de circonstance, voir avec quelle conviction cette humanité grotesque patauge dans ses rites puérils… Ce sont des mines pleines de félicité temporelle. Mais vides d'idéalisme. Des assoiffés de néant sans espoir de devenir autre chose que des consommateurs exigeants, "connaisseurs avertis" même sur les questions matérielles.
Telle est la culture de l'abrutissement : avec une conviction religieuse, mettre de l'essence de qualité dans le réservoir de son véhicule. Parce qu'une mécanique sous le capot, pour un honnête homme qui travaille, qui connaît la vie et qui sait ce qu'il veut, c'est sacré. Ils le croient tous, ces conducteurs salariés, ces pères de famille, ces pêcheurs à la ligne qui ont des rêves de vacances sous les cocotiers pour tout idéal.
Depuis longtemps j'ai renoncé à parler « sérieusement » aux mécaniciens, aux marchands de tous bords, aux financiers et à tous ces inconnus aux intentions mercantiles : je me contente de leur sourire, leur faisant croire ainsi que je suis de leur monde, préoccupé comme eux par des nécessités domestiques.
Tristes vendeurs de carburant. Encore moins de chance de les fréquenter : j'ai cessé de posséder un moteur à explosion.
VOIR LA VIDEO :
https://rutube.ru/video/fe0cee9ae5be097535713579c9951aaf/
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