Dans ma cave vit un drôle de personnage. Sorti des murs, vivant dans les ténèbres, nourri de haine, assoiffé de misère, un nain crapuleux hante ma demeure. Méchant, pervers, sadique, l'intrus ne cesse de me harceler.
A trois heures du matin, il ricane au fond de sa fosse.
Le jour, tandis que je descends prendre une bouteille ou du charbon, il hurle, insulte, crache, tente de mordre. Heureusement, il ne sort jamais de son trou. J'ignore pourquoi d'ailleurs, mais jamais il ne quitte sa grotte.
Parfois, excédé par ses injures, médisances et saletés, je lui administre une correction, un fer rouge à la main. C'est que cette crapule de gnome est un vrai diable. Une créature étrange et maléfique, un petit monstre insaisissable, un cafard increvable, un rat des enfers, un fantôme de chair et de sang... Avec ses petits os de canard boiteux, ses sarcasmes sans fin, sa voix nasillarde, le mauvais lutin se loge partout, se cache dans les moindres recoins, se fond avec le décor de son souterrain et me saute dessus, infatigable, irascible, moqueur.
Il m'arrive de descendre en pleine nuit, un seau d'eau bouillante à la main. Un cadeau nocturne pour l'affreux avorton... A l'aube, j'entends ses obscénités qui redoublent. Satisfait de ma vengeance, je le laisse beugler. Dans ses pires moments il lui arrive de monter l'escalier de son caveau pour me menacer à travers la porte entr'ouverte. Il faut que je fasse attention à ce qu'aucun visiteur ne le voie. Cet hôte est un furoncle dans mon domicile. Cantonné à sa caverne et ses plus proches abords, l'indésirable ne me pose pas trop de soucis avec l'entourage. C'est juste qu'il m'importune lorsque j'ai besoin d'aller chercher du bois, un bon petit vin, des patates ou du charbon. Mais armé de mon tisonnier chauffé à blanc, je ne le crains plus tant que ça avec ses sempiternelles vociférations de diablotin... J'ai appris à éviter ses morsures, à faire un vif écart quand il me saute dessus.
Pour les cris stridents j'ai finalement résolu le problème en insonorisant l'accès au gouffre. Depuis j'ai appris à vivre avec cet inquiétant énergumène habitant le sous-sol de mon logis, sans explication aucune, venu là je ne sais comment ni pour quelle raison. Et impossible à chasser. Mais après tout, il n'est pas si terrible que ça, tant qu'il reste à l'ombre en compagnie des araignées et des rats.
Je sais, cela peut paraître extravagant mais c'est ainsi : un nabot abject niche sous ma maison.
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