Avant, j'avais le coeur d'un rat crevé. Plein de mort et de pourriture. Je ne vivais que pour les ténèbres des ivresses crapuleuses et l'ordure des nécessités profanes.
Désormais, touché par le doigt divin, je me lève dans la gloire de l'aube, l'âme assoiffée de clarté. Et je bénis le jour qui s'annonce, qu'il soit lourd de grêle ou agrémenté de bleu.
Ma joie est simple, née de peu de chose, c'est-à-dire de grâces et d'épines : je m'abreuve de ce qui tombe du ciel, brise ou tempête, et me réjouis de la lumière de la
Création, trouvant le bonheur dans le printemps qui m'éclaire ou la glace qui me blesse. Tout ce que m'envoie le sort me grandit, aussi bien les baisers que les coups. Ses caresses m'apaisent et ses gifles me réveillent.
Je prends tout ce qui est à ma portée avec gratitude en considérant les
moindres miettes du monde comme autant de trésors : cailloux, crapauds, paille,
crachin, brins d'herbe, pain rassis ou fleurs parfumées. Je souris à tout, même à la grimace de la Camarde.
Et ne verse de larmes que pour mieux m'approcher de mes amis les crocodiles. J'apprécie les contrastes de l'incarnation, les férocités de l'intellect et les cruautés de l'imaginaire. Rien de ce qui constitue la réalité la plus crue ou la moins flagrante, même avec ses miroirs adoucis du romantisme le plus mièvre ou avec ses verres grossissants les plus grotesques, ne m'est indifférent.
L'être total ne se contente pas que de tapis de roses, il est aussi rempli d'humour au vitriol.
Je goûte à l'âpreté et au luxe avec le même appétit. La frugalité et
l'artifice me conviennent. Les champs de fumier et les fleuves d'amour sont pour moi de semblables sources
d'ivresses car les deux incarnent les richesses de la Terre.
J'aime ce qui est bon, vrai, juste. Autrement dit, ce qui est dur et beau. Le
reflet exact de la vie, avec ce sommet supplémentaire au-dessus des têtes et des pierres que l'on appelle "le sacré".
Ma journée, avec ses marécages et ses eaux claires, ses brumes et ses éclairs, ses molles routines et ses vagues fracassantes est un plein d'engrais spirituel, un flot d'air frais et de flammes vives, un lit de silex mêlés de mousse.
Et le soir venu je m'endors du sommeil de l'enfant pour apercevoir dans le flou des rêves l'auteur de ces
merveilles ayant fait lever le Soleil sur mes océans d'ombre et mis le feu à mes terres hivernales pour faire de moi un
astre palpitant.
Plus précisément, un néant qui s'éveille.
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