C'est en descendant boire un peu d'eau, à trois heures du matin précises,
que je l'aperçus dans le miroir de la cuisine.
Ce n'était qu'un reflet, une réalité sans nulle matérialité. Juste une
image dans la glace.
Pâle, diffuse, vague, incolore. Et dégageant une immense mélancolie.
Le spectre me fixait dans la pénombre de son regard imprécis. Plein
d'effroi et d'étonnement, je me mis à le questionner.
"Qui êtes-vous ? Que faites-vous ici ? Que voulez-vous ?"
Pas de réponse.
Seulement un étrange sourire sur ses lèvres mortes. Je demeurai là,
pétrifié et fasciné par l'apparition, incrédule et cependant plein de
curiosité.
Puis, progressivement, le fantôme s'effaça comme une buée qui
s'évapore.
Je me recouchai en me disant que je venais de faire un rêve éveillé ou que
je fus victime d'une simple hallucination due à la fatigue ou à je ne sais
quelle suspecte ingestion alimentaire...
Mais le lendemain, alors que la pendule sonna trois coups, voulant en
avoir le coeur net, je descendis vérifier son éventuelle présence. Et là,
stupeur ! L'irréelle silhouette me faisait face, comme tapie dans les
profondeurs du rectangle réfléchissant, au rendez-vous ponctuel d'un mauvais
songe...
Je reposai les mêmes questions que la veille, l'intrus m'adressa le même
mutisme en retour, toujours avec cet air énigmatique, et l'impression qu'il
voulait me dire des choses essentielles mais sans passer par les mots.
Peut-être, me disais-je, pouvait-il se manifester visuellement mais pas se faire
entendre ?
Un esprit n'a pas de cordes vocales, comment dans ces conditions attendre
de cet "interlocuteur" d'ombre et d'éther un échange verbal ?
Mais bien vite le visage s'évanouit avant que je ne puisse achever le cours de mes pensées... Je me recouchai, perplexe.
Ce manège dura plusieurs semaines. Exténué par ces veilles nocturnes qui me
tenaient en haleine tout en exacerbant mes humeurs, dans un accès de colère je
brisai net l'objet de mes tourments qui se répandit à mes pieds en mille
morceaux.
Cette fois, l'hôte mystérieux de cette maudite "demeure de verre" allait
définitivement quitter les lieux, me dis-je, en
considérant avec soulagement les bris étalés par terre ! Ainsi éparpillé sur le carrelage à travers ces minuscules éclats, il aura compris le message et ne tentera pas de réapparaître sous une autre forme, pensai-je.
Sauf que dès la nuit suivante un visiteur inattendu vint frapper à ma
fenêtre. Au moment exact où la petite aiguille de l’horloge indiqua le chiffre
fatidique... Réveillé en sursaut, je m’approchai de la vitre, fébrile,
tremblant, m’attendant à revoir l’importun aux traits impénétrables... Ce que je
vis, en effet.
Un hibou !
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