Exilé chez les Yankees, j'ai parfois éprouvé un immense ennui dans la Babylone de béton.
En hiver, sous le coup d'une lancinante averse de neige fondue ou d'une ondée mollement déversée par une nue sans espoir, New York prend le visage morose et plombé des jours de deuil et d'ennui, qui est le lot universel des grandes métropoles sous les pluies de janvier.
Les avenues condamnées à demeurer dans une ombre éternelle semblent soupirer sous la glace qui se brise, sous les pas qui s'enlisent, et les vastes pans de murs qui s'élèvent de toutes parts pèsent comme des fantômes démesurés sur l'âme des passants.
Les faces humaines prennent alors le ton terne de la ville. Et les pierres comme les coeurs, définitivement, sont tristes.
Les têtes si hautes de la mégalopole, je veux parler des tours, soudain paraissent déshéritées, misérables. Leur majesté, leur gloire, leurs regards de géants, si fameux en plein soleil, s'effacent devant la grisaille immense qui s'étend, répercutée de bitume en dallages, de bouches d'égout en trottoirs, d'obscures flèches en sinistres gratte-ciel...
Des ailes sombres recouvrent ce monde qui est un univers entier depuis le Bronx jusqu'au fond de Brooklyn en passant par Manhattan et le Queens, et lorsque je longe l'imposante architecture de la rue ou j'habite, je me sens au bord d'une tombe sans limite.
La cité a des allures de morne agglomération de province sous les rigueurs de la saison brumale, et je sens tous ses hôtes prisonniers d'un interminable dimanche aux barreaux de béton gigantesques comme l'Empire State Building. Alors je vois un peuple encerclé de monstres de ciment, submergé par le froid, l'intempérie, la déprime. Les immeubles de cette Babel ne me font pas rêver.
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