Votre monde n'est pas le mien.
Moi, je mange les épines et piétine les fleurs, n'espère que les orages
régénérateurs et maudis ce que sottement vous appelez le "beau temps", cultive
et encourage le viril endurcissement du corps et de l'esprit tout en méprisant
les progrès de la douceur menant aux mollesses de la chair et de l'âme.
Mon confort à moi, c'est le froid, le dur, l'austère. Mes idéaux sont
âpres, rêches, tranchants, aussi beaux que terribles. Ils font peur aux hommes,
aux femmes, aux enfants.
Mais ravissent les loups de mon espèce, séduisent les rois, font rêver les
conquérants, les guerriers et les va-nu-pieds.
Pour vous, je suis un être invivable, impossible à côtoyer, insupportable à
écouter, ce qui à mes yeux est rassurant : cela confirme que je ne suis pas de
la race déchue de ceux qui plaisent aux petits, aux pions, aux frileux que tous
vous êtes à peu près...
Seuls les géants, les gueules dotées de crocs et les porteurs de crinières,
ainsi que les moribonds, savent apprécier mes coups d'épée, mes mots acerbes de
vérité crue et mes crachats d'azur en pleine face !
Les autres préfèrent fuir.
Dans vos salons je ne suis pas un invité facile. Désagréable avec votre
siècle, je ne cherche à plaire qu'à l'éternité.
Inflexible, intègre, inébranlable, je suis une pierre faite pour demeurer,
non pour s'effriter au contact de vos incertitudes et autres relativités de
toc.
Vous me reprochez ma flamme et ma glace, vous qui êtes tièdes et flasques !
Je vous laisse dire et penser, vous affaiblir et vous liquéfier...
Votre sang est pâle et fade, le mien a l'éclat du Soleil, la saveur de
l'océan, la vigueur du scorpion. Le miel est bien plus délectable lorsqu'il est
venimeux.
Je ne me nourris que d'essentiel et de salutaires rigueurs : la sève
véritable des jours, c'est une tranche de ciel entre deux écorces amères et non
vos rêveries indolores.
L'équité et la justice sociale n'existent pas et c'est tant mieux. Vivre,
c'est s'exposer à l'ortie qui pique et à la rose qui caresse, c'est goûter à la
ronce qui écorche et savourer l'amour qui console.
Il n'y a pas d'égalité entre les êtres, il n'y a que la vie avec ses
gloires et ses misères, ses aspérités et ses éblouissements, ses gagnants et ses
perdants, ses vivants et ses morts. Insensible à vos artifices, je monte, je
vole et dévore l'Univers pendant que vous comptez les miettes de vos bonheurs de
caniches...
Votre monde n'est pas le mien, vous dis-je.
Dans vos têtes il y a des cadres aux angles bien droits pour vos idées bien
courtes, dans mes bagages il y a l'infini.
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