L’Esprit se présenta à l’enfant tel l’astre qui se lève sur le monde. L’innocent plein d’étonnement interrogea la Lumière en ces termes :
- Je m’éveille sur cette Terre où tu m’as jeté et je ne sais si c’est le paradis ou l’enfer. Je vois des fleurs et des larmes, des étoiles et des ténèbres, des rires et des drames, des sommets et des gouffres... Toi qui es censé éclairer l’Univers de ton intelligence, de ta bonté, de ton amour, dis-moi pourquoi à peine né j’ouvre les yeux sur tant d’horreurs, de fureur et de malheurs sous ce ciel pourtant prometteur ?
La Présence suprême lui répondit :
- Petite âme, je suis venu enseigner la vérité à qui veut l’entendre. Chacun demeure libre de choisir son chemin, chaque voie est royale puisqu’elle est prise en pleine conscience. Qui préfère emprunter une route sinueuse plutôt que droite le fait à ses risques et périls, au prix qu’il faudra. Les injustices répandues par les uns font naître la souffrance. La droiture exercée par les autres produit de bons fruits. C’est pourquoi cette planète étrange sur laquelle tu viens d’émerger est un mélange incompréhensible de boue et d’azur. Ce qui vaut de l’or s’achète en échange de grands sacrifices, ce qui vaut de la merde se monnaye contre trois fois rien : la vertu pour les coeurs riches, le vice pour les êtres pourris. Les hommes reçoivent tôt ou tard le salaire de leur liberté. Qui sème la joie récoltera le bonheur et qui cultive le malheur devra porter un fardeau de ronces. Tous les actes se paient et à la fin les comptes seront faits et bien faits. Ne pleure pas car les méchants qui souillent la beauté de la Création font eux aussi partie du Cosmos, ce qui signifie qu’eux aussi sont voués à la perfection, après leur lente purification. Les mauvais deviendront bons et les bons meilleurs encore. Celui qui hier était un démon sera un ange demain. Telle est la loi de l’évolution. Ce que tu vois de sombre est destiné à devenir éclatant. C’est le sens des choses ici-bas. Ne sois pas trop sévère envers les loups, ne juge pas trop durement ceux qui mordent, toi l’agneau... Qui peut se mettre à la place de celui qui, selon sa nature, sa genèse, sa culture, grandit puis se corrompt au contact de l’ivraie ou bien au contraire se purifie ? Ce sont les épreuves qui forment et déforment nos pensées, forgent nos caractères, nous amollissent ou nous endurcissent, nous abaissent ou nous élèvent... Tu es chagriné par le triste sort des humains, mais sais-tu que tu peux faire beaucoup mieux que t’inquiéter et soupirer ? C’est un grand cadeau que je t’offre ici, une clé pour le reste de ta vie mon enfant : pour construire il faut aimer. Tu es venu ici non pour te désoler du mal mais pour diffuser l’allégresse, non pour éteindre l’espoir mais pour allumer la flamme, non pour maudire mais pour bénir.
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