Sur le fameux marché des Jacobins du Mans je connais depuis assez longtemps une vendeuse de produits horticoles.
D'âge moyen, plutôt mince et bien faite, un peu vulgaire avec ses manières plébéiennes, d'une gentillesse naturelle qui n'est pas que commerciale, d'origine française ou kabyle -je ne saurais trop le dire-, le sourire facile et charmeur, la libellule tranche crûment avec la lourdeur, la trivialité de ses étals.
Ce qui, dans ce milieu rugueux peu enclin aux délicatesses cupidiques est plutôt inattendu...
En lorgnant d'un oeil critique et connaisseur ses cucurbitacées dodues, ses solanacées écarlates et autres oblongues et turgescentes productions potagères, en les tâtant et les soupesant consciencieusement, je flatte l'air de rien la détaillante sur les beaux calibres de ses comestibles, m'assurant par là-même de son attention toute professionnelle.
Lui acheter ses primeurs est pour moi un délicieux rituel dominical...
A vrai dire, dès mes premiers contacts avec ses courges, poires et aubergines, j'ai eu le béguin pour la fraîche maraîchère. Ce qui justifie en réalité mon subit intérêt pour ses marchandises...
Ho ! Ce n'était rien de méchant... Juste une toquade, une bagatelle. Une amourette. Rien du tout.
Du moins lors de mes premiers achats... Et puis je me suis aperçu, en effet, que de dimanche en dimanche j'allais de plus en plus me fournir chez elle en endives, avocats, bananes et tout le reste... Pas que pour la qualité des denrées (un peu chères), évidemment.
Aussi pour son regard, ses paroles, son sourire.
Toujours gratuits, quant à eux.
Je dois bien me rendre à l'évidence : aujourd'hui, je ne sais comment ni pourquoi, l'anodine fleurette du début est devenue un feu capital dans mon coeur d'esthète féroce.
Je devine bien que cette demi-foraine est d'une commune extraction et qu'elle restera insensible aux attraits austères de ma particule, aux séductions de ma poésie acerbe, aux crocs de mon machisme radical, certes. Les avances d'un sybarite de mon espèce laisseront froide cette bergère-épicière plus accoutumée aux caresses lénifiantes de l'eau tiède des gens de son rang qu'aux cruautés choisies de mes flammes d'envergure, je n'en doute pas.
Cependant, comme je brûle pour cette espèce de quincaillière ambulante !
Je la trouve magnétique, irrésistible, enchanteresse avec ses traits éclatants, son regard vif, son front sans malice, bien que par ailleurs elle ait des allures béotiennes.
Jamais je n'aurais imaginé que je puisse un jour m'enflammer pour une roturière !
En dépit de son peu de naissance et de son industrie grotesque, je l'avoue, je suis furieusement épris de cette belle gueuse. Qui jamais ne le saura, à moins que je n'aie l'extrême audace de lui faire lire directement ce texte...
Ce qui est toujours possible dans l'état d'incompréhensible folie amoureuse où elle m'a mis.
Du marché, elle est devenue à mes yeux le plus attirant de tous les légumes !
VOIR LA VIDEO :
https://youtu.be/aE7NCBGCIQQ
VOIR LA VIDEO :
https://youtu.be/aE7NCBGCIQQ
2 commentaires:
Si l'on comprend bien, la digne compagne qui apparaissait ici et là a pris ses claques et ses claques.
Merci de nous renseigner là-dessus.
Vous avez donc mal compris.
Raphaël Zacharie de IZARRA
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