Certains étaient faits pour les délicatesses de salon, d'autres pour la mécanique, d'autres encore pour faire pousser des patates dans leurs champs. Tous se sont retrouvés pataugeant dans la boue, trébuchant sur des cadavres dans des odeurs de poudre et de charogne. Ils ont fêté leurs 26 ans, leurs 30 ans, leurs 40 ans dans des trous à rats. Mais ils réalisaient quand même qu'ils vivaient là une drôle d'époque... Moustache sous le nez et baïonnette au fusil, ils embrochaient du "Boche" du matin au soir. A Verdun c'était la sinistre spécialité.
Pour le reste de leurs jours, les patriotes emmagasinaient des images comme au cinématographe. A la place de la lune de miel, il y eut les tranchées. Au lieu du repas de noces, on avait prévu de la viande de boucherie. Jusqu'à satiété. Le festin fut indigeste mais mémorable. Certains en deviendront fous pour la vie, sans avoir la moindre égratignure extérieure.
Des naïfs avaient cru pouvoir bientôt se marier, avoir des enfants, faire pousser des patates. Des idéalistes pensaient avoir une vie normale, ne souhaitant que se fondre dans la masse, mener une existence honnête et anonyme. Des optimistes prenaient la vie du bon côté, n'imaginant rien de pire que la pluie qui tombe, ne demandant rien d'autre que de couler des jours humbles et heureux. On leur a donné de la gueule cassée. Pour le restant de leurs jours, une grimace pour tout visage. A leur chair tendre et jeune, on a opposé l'acier des obus. C'était pour la France.
Quatre-vingts ans après, ils nous rebattent les oreilles avec leurs souvenirs de la "14". Ils ont aujourd'hui plus de cent ans, traînant leur gueule cassée depuis quatre fois vingt ans et radotent, intarissables sur les tranchées. La plupart se désolent d'avoir connu Verdun sous les obus. Il y en a quand même qui sont demeurés patriotes. Quelques-uns haïssent toujours les "Boches".
Une poignée d'irréductibles centenaires seraient même prêts à remettre ça : la guerre rend vraiment fou.
http://tranchees14.blogspot.fr/2015/04/9-un-verre-deau-verdun.html
Pour le reste de leurs jours, les patriotes emmagasinaient des images comme au cinématographe. A la place de la lune de miel, il y eut les tranchées. Au lieu du repas de noces, on avait prévu de la viande de boucherie. Jusqu'à satiété. Le festin fut indigeste mais mémorable. Certains en deviendront fous pour la vie, sans avoir la moindre égratignure extérieure.
Des naïfs avaient cru pouvoir bientôt se marier, avoir des enfants, faire pousser des patates. Des idéalistes pensaient avoir une vie normale, ne souhaitant que se fondre dans la masse, mener une existence honnête et anonyme. Des optimistes prenaient la vie du bon côté, n'imaginant rien de pire que la pluie qui tombe, ne demandant rien d'autre que de couler des jours humbles et heureux. On leur a donné de la gueule cassée. Pour le restant de leurs jours, une grimace pour tout visage. A leur chair tendre et jeune, on a opposé l'acier des obus. C'était pour la France.
Quatre-vingts ans après, ils nous rebattent les oreilles avec leurs souvenirs de la "14". Ils ont aujourd'hui plus de cent ans, traînant leur gueule cassée depuis quatre fois vingt ans et radotent, intarissables sur les tranchées. La plupart se désolent d'avoir connu Verdun sous les obus. Il y en a quand même qui sont demeurés patriotes. Quelques-uns haïssent toujours les "Boches".
Une poignée d'irréductibles centenaires seraient même prêts à remettre ça : la guerre rend vraiment fou.
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