Mars répandait ses averses sur la ville.
La vieille fille regardait la grêle s'abattre contre les carreaux dans des échos de tambour entrecoupés de silences. L'obscurité à quatorze heure faisait dans la pièce l'effet d'un tombeau. L'horloge dans l'ombre nommait consciencieusement chaque seconde, exaspérante. Chose inattendue, cette atmosphère déprimante n'enchantait plus la pauvre âme aigrie. Ces pluies mortelles lui rappelaient de vieux souvenirs dominicaux au goût haïssable de pot-au-feu.
Elle lâcha ses travaux de couture, ouvrit grand la fenêtre et, le visage fouetté par l'intempérie, défit son affreux chignon... Ses cheveux se délièrent. Ses traits ingrats s'effacèrent un instant sous l'onde qui faisait luire sa face.
Alors elle hurla longuement au ciel ses désirs immodestes et profonds de femme inassouvie.
Lorsqu'elle referma les deux battants secoués par le vent, haletante, fébrile, elle était presque belle avec ses mèches humides, son front ruisselant de haine. Dans sa tête, un bouleversement venait de se produire. Sa vie allait changer, à quarante-trois ans. Elle toisa l'auréole de la Sainte-Vierge suspendue au-dessus de la cheminée trop propre de sa demeure trop chaste, la rage à l'hymen. Et considéra avec dégoût le crucifix rapporté d'un pèlerinage crétinisant à Lourdes. Elle se surprit même à cracher sur son missel aux coins usés par des années de fausse piété.
Pour la première fois de son existence la bigote se mit à haïr de tout son coeur les bondieuseries qui lui avaient tenu compagnie depuis sa naissance.
Elle lâcha ses travaux de couture, ouvrit grand la fenêtre et, le visage fouetté par l'intempérie, défit son affreux chignon... Ses cheveux se délièrent. Ses traits ingrats s'effacèrent un instant sous l'onde qui faisait luire sa face.
Alors elle hurla longuement au ciel ses désirs immodestes et profonds de femme inassouvie.
Lorsqu'elle referma les deux battants secoués par le vent, haletante, fébrile, elle était presque belle avec ses mèches humides, son front ruisselant de haine. Dans sa tête, un bouleversement venait de se produire. Sa vie allait changer, à quarante-trois ans. Elle toisa l'auréole de la Sainte-Vierge suspendue au-dessus de la cheminée trop propre de sa demeure trop chaste, la rage à l'hymen. Et considéra avec dégoût le crucifix rapporté d'un pèlerinage crétinisant à Lourdes. Elle se surprit même à cracher sur son missel aux coins usés par des années de fausse piété.
Pour la première fois de son existence la bigote se mit à haïr de tout son coeur les bondieuseries qui lui avaient tenu compagnie depuis sa naissance.
Le lendemain de ce bouleversement intérieur, on la vit dans les rues de la cité subitement ensoleillée, arborant une toilette indécente, en quête d'ivresses lubriques. Bien qu'elle fût laide, elle se fit désirable avec des artifices coûteux, toute de dentelles et de furie libidineuse parée.
Cependant elle ne séduisit personne, pas même le Diable. Et se retrouva seule le soir derrière ses rideaux, dépitée, plus disgracieuse que jamais. Les flots mêlés de grêle étaient revenus. Ils redoublèrent. De nouveau les bruits de percussion contre les vitres, la nue sombre, la solitude... Le portrait de Marie la fixait, toujours clouée au mur. Alors une pâle lueur réapparut dans les ténèbres de son destin. La tendresse mielleuse qui se dégageait de ce regard en deux dimensions, de cette image parfaitement sulpicienne avait fini par reconquérir la dévoyée, décidément sensible aux éclats de pastel d'une religion faite pour les malheureuses de son espèce.
Touchée, définitivement convaincue, elle se résigna à reprendre le cours ordinaire de ses jours sans relief. Elle se remit à ses occupations de rapiéçages au rythme lancinant des tic-tac de l'antique pendule, son livre de messe à portée de main. Les pleurs de la saison martelaient de plus belle les carrés de verre.
Entre deux bourrasques la giboulée qui fondait sur le vitrage formait en s'écoulant de longues, lentes, silencieuses larmes de désespoir.
Cependant elle ne séduisit personne, pas même le Diable. Et se retrouva seule le soir derrière ses rideaux, dépitée, plus disgracieuse que jamais. Les flots mêlés de grêle étaient revenus. Ils redoublèrent. De nouveau les bruits de percussion contre les vitres, la nue sombre, la solitude... Le portrait de Marie la fixait, toujours clouée au mur. Alors une pâle lueur réapparut dans les ténèbres de son destin. La tendresse mielleuse qui se dégageait de ce regard en deux dimensions, de cette image parfaitement sulpicienne avait fini par reconquérir la dévoyée, décidément sensible aux éclats de pastel d'une religion faite pour les malheureuses de son espèce.
Touchée, définitivement convaincue, elle se résigna à reprendre le cours ordinaire de ses jours sans relief. Elle se remit à ses occupations de rapiéçages au rythme lancinant des tic-tac de l'antique pendule, son livre de messe à portée de main. Les pleurs de la saison martelaient de plus belle les carrés de verre.
Entre deux bourrasques la giboulée qui fondait sur le vitrage formait en s'écoulant de longues, lentes, silencieuses larmes de désespoir.
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