(D'après un tableau du peintre Aldéhy)
Les hommes devenus fous à force de faiblesse, de peur et de bêtise avaient
fini par ordonner à Vénus de porter le voile.
Au nom de la nouvelle règle en vigueur.
Cela calmait leur phobie, ils se sentaient moins sots et plus forts en
recouvrant l’éclat de la divinité d’un carré de tissu.
Le masque universel venait de naître.
Tout ce qui pétillait devait disparaître sous la cagoule sanitaire :
sourires, intelligence, fraîcheur.
Avec cette feuille de vigne hygiénique infligée à tous de haut en bas de
l’échelle sociale et par delà les mille horizons du monde, les humains
s’apparentèrent à de parfaits robots bien réglés, bien conformés, bien à l’abri
des moindres heurts qui les entouraient. Préservés de la brise du printemps, des
postillons de leurs voisins, des paroles sages, des cris de joie de leurs
enfants, du parfum des fleurs et des baisers d’amour.
Derrière leurs protections faciales, ils n’étaient ni heureux ni malheureux
: ils s’estimaient simplement en sécurité dans leur bulle et pour eux tout
semblait normal. Avec ce rectangle rassurant collé contre leurs visages à
longueur de journées, ils respiraient enfin l’air de la prudence, de la
prévoyance, du risque zéro.
Leur liberté consistait à se priver de la pensée, à bannir les étreintes, à
se soumettre à des servitudes imaginaires, à s’enchaîner à des boulets stupides,
à se vider le cerveau en avalant les ondes anxiogènes de leurs écrans de
télévision...
Progressivement les habitants de la Terre se mirent à ressembler à de
véritables automates. Dociles, vides, froids.
Déshumanisés.
Tant et si bien qu’un beau jour ils se retrouvèrent changés en statues de
sel.
Alors la déesse issue des eaux, qu’ils avaient elle aussi muselée, face à
ce spectacle consternant ôta l’étoffe qu’on lui avait imposée et qui dissimulait ses
traits.
Et retira le haut, puis le bas.
Et devant cette flamme inouïe, tous les nécrosés du ciboulot et les
névrosés du bouclier buccal rouvrirent les yeux.
Et tous ces pétrifiés sortirent de leur sottise et s’animèrent :
leur coeur de bipèdes se remit à battre.
La lumière fut enfin revenue et brilla de nouveau sur l’Humanité.
La beauté dévoilée avait délivré les mortels de l'ordre mondial des imbéciles.
VOIR LA VIDEO :
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire