A dix ans je m'abreuvais de nuages en été et m'enivrais de givre en
hiver.
Je vivais à Warloy-Baillon, un modeste village qui à mes yeux représentait
un monde aussi vaste qu'une Babel champêtre. Entre plaine sans fin et chemins de
craie, vieux moulin et champs de pâquerettes, espaces semés d'herbes folles et
routes bordées de coquelicots.
Pour moi c'était la capitale mondiale des jours heureux.
Le centre de mon Univers d'enfant. Le lieu de toutes les légèretés, de
toutes les merveilles, le pouls haletant d'un éternel présent fait d'aventures
verdoyantes et de voyages bucoliques, de bains d'azur et de découvertes
sylvestres, de joies éoliennes et de frissons célestes !
Un bonheur figé dans une ruralité marquée.
Une forme d'éternité forgée par une campagne pleine de papillons, renforcée
par la brique sinistre des maisons, prolongée par les bois sombres au loin,
éclaircie par un horizon peuplé d'oiseaux...
Mais aussi un pays obscur, boueux, lourd, aux sillons rudes d'où sortent la
patate et la betterave à sucre. Une terre noire où les hommes cultivent une
langue fleurie : le picard.
J’avais deux lustres. Je sirotais l'eau qui débordait des gouttières en
automne et me grisais de la lumière des pissenlits au printemps.
A cet âge, je voyais clair.
Le Soleil parfumait le ciel de nuées blanches et mon âme toute bleue
brillait, là-bas à Warloy-Baillon.
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