Elle était d'une parfaite probité. Au moins dans les apparences. Belle comme un poirier endimanché, pieuse comme une âme damnée, sotte comme une employée de mairie qu'elle était, aimable comme un pot de miel, on pouvait dire en la voyant que c'était un vrai trésor de la province, une grosse pierre bien ancrée dans la France profonde. Ajoutons qu'elle ne ratait jamais une messe en bonne célibataire qui se respecte.
Cependant la montagne de savon au lait avait un versant moins lisse. La nuit Madame la servante du Bon Dieu devenait grande prêtresse de la débauche. Elle pouvait déniaiser de force le fils du maire puis aller aussitôt porter plainte au Commissariat de la ville voisine pour outrages aux bonnes moeurs de la part du Maire lui-même. Affabulatrice, dépravée, calomnieuse et insatiable, cette vieille catin était tout cela à la fois. On l'aimait bien néanmoins dans le village. Connue pour ses vices cachés autant que pour son sourire dégoulinant de confiture, on la traitait à la fois comme la sainte protectrice des fraises en bocaux et comme une putain de seconde classe.
Même Monsieur le curé lui rendait visite dans sa chaumière. Pour conclure de douteuses affaires affirmaient les mauvaises langues... Monsieur le curé était de toute façon un impuissant notoire. En fait il venait lui revendre à vils prix des vieux mobiliers d'église qu'elle se chargeait d'écouler au prix fort dans des réseaux louches.
Je n'aimais pas cette femme presque belle et franchement corrompue. Elle me le rendit bien puisqu'un jour je reçus d'elle un énorme colis par la poste.
Rempli de pots de confitures.
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